La Marée des Ténèbres

Chapitre 6 : Retour de l'effroi

Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:36

La respiration, lente et mécanique, était le seul bruit dans la salle de réunion secrète. Les cinq autres personnes présentes ne pipaient mot, attendant que leur chef daigne bien commencer l'assemblée.
Mais à mesure qu'il les regardait, Sturm en avait de moins en moins envie. Un ramassis de sous-généraux... Pas étonnant que ce nouveau trio n'ai pas réussi à aider Von Bolt dans son projet stupide. Quitte à faire la guerre, autant la faire bien, et ne pas gâter stupidement la qualité de la terre qu'on était venu conquérir. Autrefois un de ses aides, Von Bolt reposait à présent là où il souhaitait qu'il soit.
Mais il n'était toujours pas satisfait. Comment voulez-vous conquérir le monde avec une bande comme celle-ci ? Et pourtant, il n'avait pas le choix.. Kat s'était évaporée, et bien entendu, il doutait que Maverick, porté mort, eut voulu se joindre de nouveau à lui. Peut-être parce qu'il avait tenté de l'assassiner.
Sturm couvrit momentanément ses senseurs oculaires de ses mains. Il se sentait las, très las, avant même d'avoir commencé à parler. Il doutait même que ses nouvelles inventions lui permette d'en faire quelque-chose de récupérable. Enfin ! Ils serviraient d'amuse-geule, pendant que lui se chargerait du vrai boulot.
Maintenant que bibi était de nouveau aux commandes, on passait aux choses vraiment intéressantes.

Après un dernier soupir métallique, il se décida à prendre la parole de sa voix qui ne souffrait pas la contradiction.
" Bon, premier point, pour que tout soit clair entre nous. J'enfonce le clou, mais j'en ai le besoin avec vous, Adder et Helmut : vous êtes des minables."
Les interpellés trouvèrent un intérêt soudain à la texture de la table grise. Candy et Zak plissèrent les lèvres, Jugger émit un bip qui se voulait ironique.
" Bon. Cela, c'est fait. Quant à vous trois..."
Le trio se raidit, attendant les éloges du seigneur noir.
"... Vous êtes aussi des minables. Même motif, même punition : pas fichus de remporter une seule bataille. Et en plus, je me retrouve avec des doublons à peine mieux. Mais quand j'y pense, vous êtes encore pire que les deux autres : en plus d'être des minables, vous êtes des traîtres.
- Mais, seigneur Sturm ! ne put se retenir Candy. Le traître, c'est Mave...
- Tais-toi. Je préférai avoir un seul Maverick acquis à ma cause, et loyal sans faille, plutôt que vous tous réunis. Compris ?
- Oui, seigneur Sturm... bredouilla-t-elle, penaude.
- Bien. Von Bolt aussi était un minable. Dans un sens, il l'était encore plus que vous tous. Pas besoin de redresser la tête, ce n'est pas un compliment. Maintenant que cette page de Black Hole est tournée, et avant de passer à mon plan pour Wars World, je vais vous raconter pourquoi nous sommes ici, tous les six; et comment j'en suis arrivé là."
Les cinq généraux rabaissés adoptèrent une mine prudemment attentive. Jugger, lui, ne put que régler à la sensibilité adéquate ses senseurs auditifs.
" Première chose, avant que l'un d'entre vous se mette dans la tête -idée stupide- que j'ai pu être faible à quelque moment que ce soit.
Maverick ne m'a pas tué. Gravement blessé, oui, je ne dis pas. Croyiez-vous réellement que le seigneur Sturm pouvait périr d'une si faible attaque ? "
Adder et Helmut dénièrent vigoureusement, alors même qu'ils avaient vu le rayon noir de Maverick déchirer de part en part Sturm et le laisser à l'état de coquille trop cuite.
" C'est évident. J'avoue que j'avais été poussé à bout, à utiliser mon dernier atout. Si Maverick n'avait pas joué les héros, tous ces minables d'Orange Star et compagnie seraient morts dans l'explosion, moi sain et sauf. Jamais je ne serai allé jusqu'au suicide pour vaincre mes ennemis. Ma vie est ce qui m'est de plus précieux... Vient ensuite la conquête de ce monde.
Après cela, j'ai laissé la situation tourner toute seule, pendant que je recouvrait mes forces dans ce repaire secret. J'avais déjà prévu cette possibilité. Je savais que Von Bolt, ce vieil arriviste, tenterait quelque chose dans ce genre-là- j'ignorais qu'il irait dans ce sens, et jusqu'à ce point. Son idiotie a été sa perte. Une faible parodie de ma puissance, sa foudre...
Vraiment minable. Mais je dois dire une chose en sa faveur : il a parfaitement rempli le rôle que je lui réservait sans qu'il le sache. Il a affaibli grandement le territoire d'Omégaland, et a forcé les autres nations à envoyer de grands renforts. En ce moment même, toutes les forces alliées sont au point de puissance le plus faible.
Cela a pris du temps, mais nous y sommes. Ils s'endorment tous sur leurs lauriers, tellement inconscients de la menace qui pèsent sur eux...
Il est temps de mettre en ?uvre mon plan final.
Il est temps de déclencher la quatrième guerre.
Et pour cela, j'ai (malheureusement) besoin de vous. Il faut frapper, vite, fort, en plusieurs endroits.
Mais pas encore tout de suite. Il faut préparer le terrain.
Et surtout... Vous rendre plus fort. Je ne peux pas m'occuper de tous les fronts à la fois (qu'est-ce que ce serait pratique de pouvoir me cloner !)."

Sturm fit une pause. Les cinq minables étaient pendus à ses paroles. Dès qu'on parlait de pouvoir...
" Adder, Helmut."
Ils se levèrent fièrement.
" Voilà ce que j'ai prévu pour vous. Adder, tu t'occuperas de la maintenance des conduits d'aérations. Cela te fera travailler avec la saleté, je sais que tu adores ça.
Helmut, tu servira de contremaître dans les usines 1 à 7.
Vous pouvez partir.
- Que que... Quoi ? Seigneur Sturm, pardonnez-moi, vous plaisantez sûrement...
- Tu as déjà reçu un micro-météore sur la tête, Adder ?
- Je, euh.. Non, Seigneur, mais...
- Alors tais-toi et met-toi au travail si tu ne veux pas faire cette expérience. Je n'ai pas besoin de vous pour le moment, les roues de secours. Votre tour viendra après."
Les deux généraux s'empressèrent de quitter les lieux pour rejoindre ces taches ingrates, avant que leur chef ne change d'avis.
" Vous trois, comment est-ce que vous trouvez mon plan ?
- Gé-nia-lli-ssimme, Seigneur ! dit Candy sur un ton flatteur. Personne n'aurait pu trouver aussi bien. Avec ça, les Nations alliées ne feront pas un pli face à nous... Surtout face à vous, bien sûr, Seigneur.
- Le niveau de brillance et la hauteur de ce projet belliqueux ne peuvent être égalées que par des créations célestes, ô seigneur des astres fusants.
- STURM = GÉNIE+FUTUR MAITRE DU MONDE.
- Bon, assez de flatteries. Candy, Jugger, fichez le camp."
Trouvant singulièrement dangereux de le contredire, la jeune femme aux lèvres surdimensionnées et l'inoxydable Jugger vidèrent les lieux. La porte se referma avec un chuintement discret.
" Que vous me choisissiez comme élu de votre préférence emplit mon c?ur d'une immense fierté, tel l'air chaud gonflant la montgolfière qui s'élève vers de plus hauts cieux.
- Cause toujours. Lève-toi, et viens face à moi."

Zak s'exécuta, et Sturm fit pivoter son fauteuil.
" Si je te choisis, c'est uniquement parce que tu vaux un peu mieux qu'Adder, et que tu sembles à priori plus malin. A priori. Et j'ai besoin de ta rapidité. Je vais amplifier tes pouvoirs, à un point que tu n'aurais jamais osé espérer... Même si cela ne sera pas mirifique. Ne bouge pas..."
Sturm prononça quelques mots dans une langue inconnue de Zak. Sous les pieds de ce dernier, un cercle kabbalistique qu'il n'avait pas remarqué se mit à luire, ses lignes se nimbant d'une couleur violette foncée. Un halo de lumière noire enveloppa Zak et s'infiltra progressivement dans chaque parcelle de son être.
Le processus atteignit son apex, et il se mit soudain à genoux en gémissant, la paume de sa main droite laissant échapper une fumée âcre.
" Ggh... Qu'est-ce que ce ?...
- Silence, ordonna Sturm. Ne regarde pas, et met ce gant. Personne ne dois voir ta main droite dorénavant, sauf moi, sinon tu perdrais tous tes pouvoirs. Et peut-être même plus...
Maintenant, relève-toi."
L'homme sibyllin reprit une position plus honorable, et enfila le gant que lui tendait le seigneur noir.
" Je ne sens pas grande différence...
- Tu verras en moment voulu. Prends encore ceci."
Sturm lui remit une enveloppe cachetée d'un sceau de cire noire.
" Ouvre-là dans sept heures, dans un endroit calme où tu ne seras vu de personne. Puis suis les instructions. Maintenant, retires-toi."
Zak s'inclina obséquieusement, et partit aussitôt, tenant la lettre comme un trophée sacré.
Lorsque la porte se referma, Sturm remit son fauteuil dans sa position initiale, puis joignit les mains.
" Es-tu là, Regnag ?
- Je ne suis jamais loin lorsque vous m'appelez, seigneur.
- Peut-être, mais je n'arrive jamais à sentir ta présence, c'est d'un agaçant !
- Quel intérêt pour un espion de ne pas savoir être discret, seigneur ?
- Tu es trop discret, Regnag.
- Je prendrai ça pour un compliment.
- Tu peux, si ça te fait plaisir. Celui que je peux réellement te faire, c'est te dire que tu le seul qui ne soit pas un minable, ici. A part moi, bien entendu.
- Vous comptez réellement les envoyer tous au suicide ?
- Quoi, moi ? Comme si j'avais à m'en soucier. Morts, ils ne me serviraient à rien. Doutes-tu des sceaux Esruc ? C'est pourtant toi qui me les as fourni.
- Ce n'est pas cela, seigneur. Je me demande simplement si ils seront à la hauteur de la tâche.
- S'ils ne le sont pas, ils mourront, effectivement, sans que je ne fasse rien. Peu importe. Tant que je réussis cette fois-ci... Et je réussirai.
- Assurément, seigneur. L'effet de surprise sera total. Du moins, presque total.
- Presque ? gronda Sturm. Il n'y a pas de presque qui tienne.
- Je voulais simplement dire qu'on colportait des rumeurs sur votre retour... Bien que j'ignore complètement comment la populace a pu nourrir de tels ragots.
- Bha, ce ne sont que des racontars, n'est-ce pas ? Ceux qui pourraient nous gêner n'y croiront pas. Pour peu qu'ils le sachent ! Ils partent tous se faire dorer la pilule, croyant que tout était fini... Ma première 'mort' n'était que le commencement. Et je serai là pour écrire l'épilogue de ce monde.
- Nul doute, nul doute. Si vous voulez bien m'excuser, seigneur Sturm, il faut que je parte. Il ne faut pas que mon absence soit remarquée. Très heureux d'avoir vu vos... Généraux, et assisté à l'élévation de l'un d'entre eux.
- Ne tarde pas pour me remettre ton prochain rapport, Regnag. Regnag ? "
Mais l'espion était déjà partit sans qu'il puisse en rien entendre.
Sturm poussa un soupir. Ce n'était pas encore gagné...
Désireux de se requinquer, il alla s'adonner à une de ses activités de détente préférées : un simulateur de guerre nommé "Advance Wars".


Durant le même intervalle temporel, à Blue Moon...


" Pourquoi est-ce que c'est toi qui t'arrêtes dans la neige, maintenant, bougre de bras droit ? Tu crois que je m'amusais à faire des anges dans la neige tout à l'heure ?
- Je ressens une présence qui se dirige droit vers nous, Maître.
- Hostile ?
- Impossible de le savoir.
- Bon, je vais préparer mes Black Firefinger (TM), juste au cas où.
- Maître, je vous soupçonne fortement de tirer avant même qu'ils n'aient commencé à parler.
- Cela me détendrait beaucoup, en effet. Je vais essayer de me montrer 'raisonnable'."
Ils n'eurent pas à attendre longtemps. A travers le manteau de neige qui tombait continuellement, ils virent deux étranges personnes s'avancer vers eux. La première était un cavalier en armure semi-complète, avec des genouillères en forme de têtes de mort argentées. Un fourreau démesuré pendait à ses côtés, claquant contre son cheval... Qui était un cheval-squelette, revêtu d'un quelconque blason en selle. Le cavalier lui-même était grand, d'aspect fort, le visage légèrement violet et les cheveux blancs. Et des yeux sans âme...
Son compagnon...Mais qu'est-ce que c'était que ça ? Une sorte d'énorme scarabée à grande corne, épines, et une véritable bouche de chair violette.
" Arrêtons-nous, Chevalier de la Mort. Il y a des gens, là.
- Enfin ! Je désespérais de trouver un signe d'activité. Mais qui sont-ils donc ? Ni serpents, ni morts-vivants."
Zagor et son suivant ne comprirent évidemment rien à ces répliques, puisqu'ils ne venaient pas du même monde. Remédiant rapidement à cela par un sortilège, qui mit les deux nouveaux sur la défensive, il s'éclaircit la voix.
" Qu'est-ce que donc que cette sorcellerie, humain ?
- Un sort de Traducteur Universel, répondit le nécromant.
- Traducteur universel ? Ne sais-tu donc point parler l'azérothien ?
- Azérothien ? Jamais entendu parler, étranger. Je ne sais pas où vous pensez vous trouver, mais...
- A Northrend, bien entendu ! clama le chevalier.
- Je suis vraiment navré, mais ce nom ne me dit rien non plus. Ce monde-ci s'appelle Wars World, je n'en sais pas plus.
- Qu'est-ce donc que ce nom étrange ? Essayeriez-vous de nous tromper ? Je vous préviens, encourir ma colère c'est...
- Ne vous emportez pas, Arthas. La créature qui accompagne le sorcier m'est totalement inconnue. Il doit dire vrai.
- Bien sûr que je dis vrai ! Je ne suis pas de ce monde, et je suis perdu, tout comme vous.
- Je vous avais bien dit de ne pas tourner à gauche après le camp Naga, Arthas.
- Peste de vos affabulations, Anub'arak ! Nous voilà maintenant perdu dans un autre monde ? Comment cela est-il possible ? Et nous n'avons pas un instant à perdre ! Le Roi Liche est danger, nous devons rallier Icecrown dans les plus brefs délais.
- Chevalier de la Mort ? Roi Liche ? fit Zagor en se frottant le menton. Je crois que nous sommes dans le même genre de business...
- Plaît-il ?"
Zagor s'expliqua assez longuement sur qui il était, satisfaisant ainsi son égo, puis écouta avec intérêt la propre histoire de cet étrange duo. Ils sympathisèrent très vite.
" Je ne peux pas raisonnablement laisser des caïds de la mort tel que vous sur le bord de la neige ! Je suis avec vous de tout coeur. Quelle belle chose ce serait ! Vous devez absolument arriver au trône de glace à temps. Je vais vous y aider.
- Et comment ? s'étonna Arthas. Posséderiez-vous le don de voyager entre les mondes ?
- Tout à fait ! se gorgea Zagor. Ne bougez pas. Je vais vous ramener à votre monde par un sort de transdélocalisation dimensionelle fractale à matrice convergente.
- Je ne comprend rien à ce salmigondis, mais c'est la providence qui vous envoie ! "
Et ainsi fut fait. Ils se saluèrent chaleureusement, puis le nécromant fit opérer sa sorcellerie.
Hegwalz, qui n'avait rien compris à la scène (ne bénéficiant pas des effets du sortilège), demanda :
" Que voulaient-ils ?
- Oh, ils s'étaient égarés. C'est fou ce qu'on se perd par ici. Des gens charmants, vraiment, comme j'aimerai en voir plus souvent. Dommage qu'ils aient eux-même un royaume à conquérir, sinon, je leur aurait bien demandé de rester avec nous.
Hardi, Hegwalz ! Nous sortirons bientôt de cet enfer blanc."
Et il repartit en sifflotant un de ses airs funèbres favoris.
L'ophidianoïde haussa les épaules, puis marcha à sa suite.

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