La Marée des Ténèbres

Chapitre 16 : Deux rois sombres pour deux trônes de glace

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:31




Loin de toutes les agitations extérieures, Zagor continue son grand rapt...

Et il jubilait, le Zagor. Jubilait comme seuls les esprits les tordus comme le sien savent le faire, d'une joie mauvaise qui fait frémir les mortels au cœur tendre, et qui révulserait les habitants de Blue Moon.
Tout marchait comme une luge glissant sur une plaque de sang frais. En une hajik, son armée de base comptait déjà plus de 30 000 zombies simples (des mâles décérébrés dont la forme de pensée la plus aboutie était de savoir quelle partie d'un être vivant ils allaient croquer en premier), 10 000 zombies de classe un peu plus élevée (goules, lurkers...), 5 000 de classe moyenne (abomination, horreurs...), toute une armada de squelettes, quelques centaines de spécialités, et un peu moins en termes de mort-vivants supérieurs (vampires, inferus...).
Pas de quoi partir en campagne pour semer la terreur dans le pays, mais déjà une petite force de frappe appréciable et totalement sous contrôle. Pas directement sous le sien, bien entendu, car la puissance d'un seul homme a sa limite, et il avait bâti dans la nécropole héritée d'Arthas une machine qui donnait une volonté unique aux mort-vivants inférieurs, ceux qui n'avaient pas d'âmes. Ou si ils la gardait encore sur eux, elle devenait bridée. Zagor n'était pas un demi-mort si cruel que ça et ne voyait pas d'avantage à faire souffrir des âmes en les laissant occuper des corps putréfiés.
Il sirota une coupe de vin chaud local. Il ne se contentait pas de prendre la vie de milliers de gens pour la donner en hommage à son dieu sombre, il profitait également de tous les autres avantages que pouvait apporter cette nation sur laquelle il avait fait descendre la tempête du siècle.
Il s'étira. La nuit avait été bonne, peuplée de rêves où il mettait enfin à mort ce Mister D. Une nuit courte, seulement trois heures, car, n'étant plus vivant à part entière depuis bien longtemps, ses besoins matériels étaient tout bonnement diminués de moitié. Il ne mangeait souvent que pour le plaisir du goût, et pouvait tenir bien plus longtemps que n'importe lequel de ces pauvres gens qu'il enrôlait dans son armée.

Il posa la coupe. Comme souvent ces matins où il se réveillait après avoir fait de tels rêves, il se demandait (ce qui lui faisait honte), s'il devait vraiment tuer le Gardien. Cela faisait des lustres qu'ils luttaient l'un contre l'autre, au cours d'affrontements épiques, où l'un et l'autre avaient souvent échappés à la destruction finale d'un cheveux. Quoi que...
Il était souvent sorti de sa tombe, car il avait la Mort pour alliée, où qu'elle soit, et lui, lui l'inénarrable Mister D, il doutait qu'il puisse mourir tant que les dieux continueraient à se servir de lui comme larbin à tout faire.
Et puis, que ferait-il, s'il mourait ? Ils étaient les meilleurs ennemis de l'univers. Aucun d'eux n'avançait une pièce sans se douter que l'autre, même si tous les signes montraient le contraire, allait se manifester pour lui barrer la route.
Il chassa ces pensées d'un revers de mains mental. Il ne pouvait pas se les accorder, car son meilleur rival était le Gardien, l'être qui lui bloquait la route depuis si longtemps, la route qui menait à la conquête d'Aznhurolys. Un jour, il réussirait...
S'il le tuait ici, il n'aurait plus qu'à retourner sur le Monde Scindé pour s'en emparer à l'aide d'un quelconque des plans qu'il gardait en réserve pour le moment où son féal ennemi mourrait, ou se retrouvait durablement affaibli et/ou enfermé.
Zagor se leva du trône de fortune qu'il avait fait installer pour répondre à son standing, et se rendit en sifflotant une marche funèbre vers le Convertisseur. Ou le Zombificateur de Masse, au choix. Il ne pouvait pas passer son temps à zombifier lui-même tous les humains ramenés à la nécropole, et il avait il y a longtemps résolu ce problème en inventant cet artéfact bien pratique, preuve supplémentaire de son génie nécromantique. Les premiers ouvriers mort-vivants lui ramenaient tous les matériaux qu'il lui fallait, plus spécialement les squelettes qui au contraire des zombies marchaient vite. Les zombies, eux, infatigables et puissants, assemblaient sans relâche et avec une productivité satisfaisante.
Vraiment, tout était pour le mieux.
Arrivé au lieu dit, il trouva Hegwalz, en train d'effectuer des vérifications avec des contremaîtres chargés de la répartition des nouvelles 'recrues'. Lorsqu'il aperçut son maître, le Nozelar s'inclina.

" Le bonjour à vous, Zagor.
- Le bonjour à toi, mon ami. Alors, comment ça se passe ? Le rythme continue d'augmenter ?
- Il dépasse même vos prévisions, Maître. Dans une hajik et quelques faulks, nous serons parfaitement dans le temps pour que votre projet soit réalisé. Conformément à votre demande, j'ai bloqué une salle pour la stabilisation de la Créature.
- Quoi, cette fantaisie ? Ce n’était pas la peine d'aller si loin pour un tapioca zombie géant rampant aromatisé au cumin. A part ça, tout est sécurisé ? Aucune perte à déplorer, aucune fuite de vivants ?
- Une seule fuite de vivants, Maître. Je n'ai pas trop compris, en fait. Ils étaient six- une magicienne aux cheveux roux, un ranger d'aspect plutôt minable, un barbare à l'air revêche, une elfe plantureuse, et une espèce de grosse créature difforme et puante, ainsi qu'un nain ronchon. Ils m'ont d'abord demandé si c'était un donjon ici, et comme je leur ai répondu que non, ils m'ont ensuite demandé le chemin de la forêt de Shlipack. Comme je ne la connaissais nullement, je leur ai aimablement indiqué la route vers la forêt la plus proche, avant de me ressaisir et et d'ordonner aux gardes de les capturer. La magicienne a produit une boule de feu qui a cramé les gardes, puis ils sont partis en courant.
- Une elfe, dis-tu ? Ils ne sont pas de ce monde, alors. Je crois que la zone concentre un peu trop de failles spatio-temporelles... Je me demande ce qui va nous tomber dessus la prochaine fois. Enfin, baste. Aucune incursion des autochtones dans les parages ?
- Pas la moindre, Maître. Ils ne se doutent de rien en ce qui concerne l'origine de toutes ces disparitions.
- C'est parfait. Quand j'en aurai terminé et que j'aurai pris mon quota, ils ne se douteront toujours de rien, d'ailleurs. Fais intensifier le pillage des réserves de ressources à la faveur de la nuit, il faut que l'implantation de nombreux avant-postes camouflés dotés de Zombificateur se fasse rapidement. La tempête ne pourra pas se maintenir éternellement, et nous devons récolter le maximum de troupes et de matériaux avant qu'ils ne réalisent les pertes qu'ils auront encaissées...
- Tout sera fait comme vous l'ordonnerez.
- Cela va de soi. Attend un peu !" s'exclama-t-il en apercevant une chevelure rousse au milieu de la file d'attente vers le Zombificateur.

Vous pensez que le corps humain n'a que cinq sens, n'est-ce pas ? Et c'est vrai. Cinq sens primaires. Mais de là où vient le nécromant, on en compte huit. Le sixième sens est le sens astral, qui permet de voyager sur les chemins de l'âme et de percevoir le monde des esprits, ce sens-là n'est pas donné à tout le monde. Le huitième sens est ce que vous appelez vous le sixième sens, qui permet notamment aux héros de film d'action de se retourner à la dernière seconde pour tuer le méchant vicelard qui voulait les abattre par derrière.
Et le septième sens, propre aux sorciers, leur permettait de ressentir les choses propres à la magie, comme les courants telluriques, et les auras particulières de certaines gens. Et cette fille rousse en possédait une, d'aura particulière.
" Hegwalz, combien de fois t'ai-je dit de prendre le moins de femmes possibles ? Tout d'abord parce que ce n'est pas le comportement d'un gentlenecromancer, et puis parce qu'elles ne sont efficaces que comme mort-vivants supérieurs, et je n'en veux point trop. Cette jeune femme-là n'a rien à faire ici. Amène-la moi."
Son sbire acquiesça, n'osant pas lui répliquer ce qui lui venait à l'esprit sur la difficulté de tirer autant de candidats obligés à la morte-vie, et fit signe à un des contremaîtres de la sortir de la file. La jeune femme fut escortée jusque devant le seigneur qui commandait aux morts, l'air absent. Elle tenait fermement contre elle une photographie. Zagor connaissait les photographies, même si chez lui, on ne réalisait pas des portraits de cette manière.
" Tu as peur, petite ? interrogea-t-il de sa voix bien timbrée, et douce pour l'occasion.
Elle leva vers lui deux yeux éteints en déniant.
Zagor caressa son bouc parfaitement lissé dont il n’était pas peu fier. Ce n'était pas un comportement normal pour quelqu'une qui avait été sur le point de perdre la vie pour acquérir la morte-vie. Tout le reste de la file se perdait en gémissements, en hurlement et en protestations futiles qui étaient pénibles à ses oreilles. Ils seraient tous transformés, de toute façon, la seule petite échappatoire était de se faire remarquer et de se voir accordé une forme de morte-vie plus élevée qui accordait la sauvegarde de l'esprit, dans une certaine mesure. Et celle de l'âme, accessoirement, bien qu'il ne soit pas toujours facile de dissocier les deux.

Mais elle, elle n'éprouvait rien, comme si on l'avait déjà zombifiée.
" Tu n'as vraiment pas du tout peur, petite ? Même pas de moi ?
- Pourquoi est-ce que j'aurai peur de vous ? fit-elle d'une voix monocorde. Vous avez des vêtements de bonne qualité et vous avez une allure soignée, pour le reste, vous êtes comme les autres.
- Oh non, rétorqua-t-il en souriant, il n'y a vraiment aucun point de comparaison entre MOI et ces... Mais pourquoi est-ce que je me met à argumenter avec une mortelle normale ? Hm, non, tu as quelque chose de spécial... Je ne sais pas encore quoi. Je trouverai bien. Qu'est-ce que ce cadre que tu tiens contre toi ?"
A la mention de l'objet, elle effectua un pas en arrière, le regard devenant farouche.
Il ricana gentiment.
" Allons, je ne veux pas te le voler. Je veux juste voir ce qu'il cèle."
La jeune femme tourna le cadre côté photo de mauvaise grâce.
" Est-ce ton fils ?"
Elle secoua la tête.
" C'est forcément quelqu'un d'important pour toi... Oh, je devine une bien mignonne histoire. Et pourtant, ce garçon, s'il semble innocent sur cette image... Je sens rien qu'à le voir quelque chose de sombre prêt à s'emparer de lui. Je suis expert pour repérer ces choses. Troublant..."
Il se tourna vers le Nozelar.
"Hegwalz, j'ai besoin de ton avis."
L'intéressé ne cacha pas son étonnement. Il arrivait ponctuellement qu'il ai à lui donner des conseils, mais il était très rare que ce soit Zagor qui le sollicite, même si c'était ce rôle qu'il devait normalement remplir en plus de celui de simple âme damnée.
" Oui, Maître ?
- Tu ne sens pas quelque chose de bizarre avec cette jeune fille ? Je veux dire, c'est trop anormal. Elle n'avait rien à faire dans cette file -bizarrerie numéro une-, je descends juste au moment où elle allait bientôt se faire transformer -coïncidence-, et en plus de cela elle présente une aura différent de la normale -comme c'est bizarre !-, et ce garçon en photo, je pressens que je vais le rencontrer, et qu'il m'aidera dans le futur. Il y a quelque chose qui cloche, Hegwalz, comme si quelqu'un nous regardait d'une autre dimension et avait planifié tout ceci pour faire avancer une histoire qu'il tramerait dans son petit coin. Qu'en penses-tu ?
- Au long de votre grande vie, Maître, je crois me souvenir qu'il est déjà arrivé de telles réunions de faits. Je crois que vous vous méfiez trop, c'est peut-être la volonté de Dma'llum, mais en fait, que craignez-vous ?
- N'est-ce pas évident ? Je suis Zagor, le plus puissant nécromant de l'ouest de cette galaxie. De l'est aussi, sûrement, et de toutes les autres directions pendant que j'y suis Je n'ai pas vérifié, bien entendu, s'il y a un autre prétendant au titre, je me chargerai de lui. Je n'aime pas qu'on me commande, même s'il s'agit d'un dieu, et encore moins qu'on puisse vouloir m'insérer sur un échiquier ou promener comme une marionnette. C'est moi qui dois tenir ce rôle, le cas échéant, pas le contraire. Et je te le dis, Hegwalz, il y a anguille sous roche avec cette fille.
- Vous pensez donc qu'il vaut mieux la laisser aller jusqu'au Zombificateur ? Je ne crois pas que cela change grand-chose, l'un dans l'autre."
Zagor tiraillait avec force son bouc et examina la femme rousse sous toutes les coutures, en se penchant sous divers angles, sur le côté, de haut en bas, devant, derrière, comme si elle avait en elle l'explication de son hésitation.
" Bha, ça ne sert à rien, pesta-t-il. Pourtant, mon sens de sorcier me trompe rarement. Que c'est rageant de n'avoir aucun indice ! Si elle acquiert la morte-vie, qu'est-ce que cela va changer ? Que va-t-il se passer si je la prends au contraire sous mon aile ?
- Maître, si elle devient zombie, vous pourrez difficilement retourner en arrière sans dommages pour elle. Si vous la gardez en vie sous votre observation, vous pourrez voir s'il se passe quelque chose de spécial dans cette situation, et la tuer si cela ne vous convient pas.
- Ah, ouvre bien tes oreilles, Hegwalz, je ne le dirai pas souvent : tu es la voix de la raison.
- Merci, maître.
- Revenons à toi, mon enfant. Quel est ton nom ?
- Lyly Mistalker."
Zagor regarda le ciel enneigé, paraissant retourner le nom encore et encore dans sa tête. Cela sentait définitivement le convenu à plein nez. Il en était conscient, mais d'une manière ou d'une autre, ne pouvait pas y échapper.
" Bien, miss Mistalker. Je prends le pari. Vous allez être ma protégée. Je vais vous apprendre des choses dont vous ne soupçonniez même pas l'existence, et vous, vous m'inculquerez tout ce que vous savez sur ce monde. J'ai négligé ce détail trop longtemps. La langue, déjà, j'en ais assez de porter ce médaillon que j'ai enchanté d'un charme permanent de traduction universelle. Oh, et rassurez-vous, je ne ferai pas d'indélicatesses à votre encontre. J'ai toutes sortes d'occupations actuellement. Mais vous êtes libre de refuser, bien entendu, dans ce cas, vous ferez une ravissante vampire."
Lyly ne répondit rien, présenta une moue qui n'exprimait aucun sentiment en particulier, et se rangea aux côtés de Zagor.
Hegwalz les regarda s'éloigner, se demandant vaguement quelles conséquences ce geste pourrait avoir dans l'immédiat... Ou bien, bien plus tard.



" Hey, Mister Freeze, tu vas rester encore longtemps comme ça à regarder la neige tomber en ruminant dans ta barbe ?"
Olaf se détourna de la fenêtre, le regard sombre.
" Tu me demandes d'être joyeux devant ce phénomène, Grit ?
- Je ne te demanderai pas d'aller jusqu'à danser la polka en claquettes, Patron, mais d'arrêter de t'enfermer dans cette mauvaise humeur qui ne mène à rien, oui. Ce n'est pas en restant ainsi que la tempête va se lever. On n'y peut rien.
- Comment est-ce que tu peux rester aussi calme ? C'est une catastrophe !
- On n'y peut quand même rien, contre ça. Même avec tes pouvoirs de généraux, tu n'as pas réussi à la mater.
- Grit, si moi qui suis le maître du froid je n'ai pas réussi, c'est ce que cette tempête n'est fichtrement pas naturelle !"
Grit fit une grimace ennuyée. Impossible de faire retomber la pression avec le patron, en ce moment.
" Tu ne vas pas te mettre à parler comme les vieux du pays ?
- Tu ne vas pas me dire que ça ne te fait aucun effet ?
- Si, beaucoup, même, admit-il.
- Ah, tout de même, triompha Olaf.
- Je n'arrive plus à dormir tranquillement avec toutes les urgences pour lesquelles on nous appelle, mon émission favorite ne passe plus à la télé et on va bientôt manquer de bananes pour faire des banana split. Vivement que ça se finisse !"
Olaf se carra dans son fauteuil, essayant de se remémorer pourquoi il avait engagé cet épouvantail paresseux il y a quelques années. Surtout qu'il avait bataillé pour le débaucher d'Orange Star...
" Relax, Patron, inutile de me lancer un regard noir. On fait tout notre possible pour que ça se passe bien tant que ça souffle. Les habitants de Blue Moon connaissent ça, non ? Le grand blizzard. Colin fait marcher l'entreprise de son père, la plus grande du pays, pour fournir équipement, ravitaillement et tout ce que la population peut nécessiter. Sacha utilise également ses contacts pour venir en aide à toutes les régions qui pourraient avoir des problèmes, et toi, Patron, tu coordonnes toute ce qu'il faut et tu fais bouger les choses. Nous avons de quoi tenir, les gens sont disciplinés, et ça fera une grande expérience à tout le monde en nous ramenant à l'époque ou l'informatique, la télé et la presse people n'avaient pas envahi nos vies.
- Oui, tu as peut-être raison... sembla concéder le chef de Blue Moon (tout en remarquant que Grit ne se laissait implicitement aucune tache). N'empêche que je ne suis pas tranquille. Même si nous avons tous les moyens nécessaires et que nos véhicules sont adaptés au grand froid, il ne faut pas que la situation s'éternise. Étrangement, on a pu remettre en marche de vieilles lignes télégraphiques qui fonctionnent alors que toutes communications modernes sont brouillées, mais il y a peu de monde qui connaisse encore le morse et il faut du temps pour recevoir les informations. On n'a presque aucune nouvelle des régions éloignées.
- Relax, ô Grand Barbu. De quoi as-tu peur ? Ce n'est pas la première fois qu'on endure une soufflante comme celle-ci. Elle ne fait même pas tellement de dégâts.
- Je le sais bien, rouspéta son vis-à-vis, c'est bien ça le plus dérangeant ! Elle semble juste assez violente pour paralyser Blue Moon, et nous laisser comme ça. L'électricité reste même établie presque partout où on peut communiquer par télégraphe. Je continue quand même à penser que ce n'est pas naturel. C'est comme si... Comme si quelqu'un avait juste voulu nous couper du monde, et paralyser l'intérieur.
- Ohlà, ta santé mentale commence à m'inquiéter, Olaf. Tu ne pourrais pas invoquer une telle tempête, qui le pourrait ?"
Olaf partit d'un rire doux-amer.
" Oui, tu dois avoir raison. Je me fais des idées... Néanmoins, je m'en veux. J'ai toujours senti le grand froid venir. Ou alors nos émérites météorologues nous prévenaient toujours à temps. Et là...
Personne n'a rien vu venir. On dirait qu'elle est sortie de nulle part, cette tempête.
- Si personne n'a rien vu venir, tu n'as donc pas à t'en vouloir, philosopha Grit. Cesse donc de machiner des idées sombres et détends-toi un peu. Tu travailles trop depuis le début de la tempête, ce n'est pas à toi de porter la gestion du cataclysme sur tes seules épaules.
- Je n'abandonnerai jamais mon peuple ! clama Olaf.
- Hm, bha, avec une étreinte aussi collante, Blue Moon a de quoi s'inquiéter, murmura le tireur d'élite.
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- Je disais que tu travaillais trop quand même et ce que ce serait mieux pour toi de pratiquer quelques activités déstressantes.
- Je n'ai pas de temps à perdre avec toutes ces niaiseries vidéoludiques... Hm, brhm... Comment ça s'appelle, le machin auquel tu joues ?
- Oh, ça ? Un petit jeu sympa. Advance Wars."

Et ainsi allait Blue Moon. Dans la totale incapacité de savoir, et encore moins de deviner la vérité qui dépassait en effroi tout ce que la contrée avait pu expérimenter auparavant, elle attendait, s'adaptant pour un temps à un mode de vie plus ancien. Les vieux du pays continuaient de sermonner les passants en commentant sombrement la situation dans leur barbe (" C'est une présage, pas d'erreur ! ").
Une semaine avait passée, et le calme régnait sur le pays, recouvert par tellement d'endroits d'un tapis de neige plus drue que d'ordinaire, et qui malgré sa blancheur virginale, n'avait absolument rien de pur.
Sans que personne ne puisse en faire le compte, des vols mystérieux se produisaient dans les zones les plus éloignées, et des hameaux et petits villages entiers, éloignés de tout, furent vidés de leurs habitants en une nuit, sans que personne ne puisse s'en rendre compte. Les vieillards étaient tués sur place, seuls les enfants trop jeunes ne faisaient pas partis du rapt, et mouraient bien souvent, à l'insu de tous, incapable de survivre bien longtemps dans cette situation sans être chapeauté par des adultes.
La panique ne survenait point encore- elle poindrait le bout de son museau méhaigné, sans aller bien loin, sûrement, car la menace s'en serait allée rejoindre les congères lointaines.
Zagor, depuis le trône de glace qu'il s'était érigé, inaccessible, gagnait une partie dont il était seul conscient d'en être un des joueurs. Tout autre joueur qui apprendrait la vérité devrait être éliminé...

Pendant ce temps, sur Azeroth...

Arthas porta le coup fatal à Illidan. Frostmourn, son épée runique, avait finalement eu raison de ce trouble-fête qui avait eu la prétention faramineuse de pouvoir mettre à bas Nerzhul, après avoir causé de grands dégâts parmi les elfes de la nuit.
Pas de chance pour le chasseur de démons devenu pareil à une des ses anciennes proies après avoir absorbé le pouvoir du crâne de Gul'Dan, Arthas avait rapidement recouvré tous ses pouvoirs au cours de la bataille finale. Et il n'était pas fâché que celle-ci soit terminée, car il en avait eu assez de cet ancien elfe de la nuit railleur qui réapparaissait toutes les deux minutes, comme s'il n'avait pas assez de se faire amener à la tombe si souvent.
Prendre le contrôle simultané des quatre points de pouvoirs avait été éprouvant, et s'il n'avait rasé le camp de Vashj et mis en cendres fumantes celui des elfes de sang, il aurait eu encore plus de peine à en venir à bout. Il avait du faire preuve de toute sa ruse et de toute sa force, couplée avec celle de l'ancien roi des Nubiens, pour remporter la victoire.
Mais le résultat était là, sous ses yeux : le cadavre frais et grotesque d'Illidan, reposant dans la neige de Northrend. Il piaffait de pouvoir le réanimer pour en faire son servant mort-vivant, mais le Roi Liche était une tache plus urgente. Il lança un dernier regard à la dépouille funeste, rengaina la fidèle épée qui lui avait soutirée son âme et rendu aussi bien des services, et pénétra par la porte maintenant descellée à l'intérieur d'IceCrown.

Et il gravit le long escalier intérieur. A chacun de ses pas, à chaque marche qu'il passait en route vers son maître, une voix du passé venait le hanter.
Il y avait Muradin, qui l'accusait d'avoir sacrifié les mercenaires qui les avait aidé à détruire les bateaux de l'alliance, en leur faisant porter le chapeau, obligeant ainsi les troupes de Lordaeron à rester ici pour aller tuer Malganis...
Muradin, quel dommage que tu sois mort, mais tu es mieux dans ta tombe...
Résonnait aussi la voix d'Uther lors de son refus de l'aider à massacrer les habitants ayant consommé du blé infesté...
Uther, comme tu es mort si facilement de ma main... Reste donc au paradis ou en enfer, je ne serais jamais dans l'un ou l'autre, et contemple de là la consécration de toute la peur des vivants...
Il entendit son père, après que la foule eut acclamé son retour, lui demander ce qu'il était en train de faire...
Pardonne-moi, mon bon père, il fallait que je te tue pour prendre la succession...
Et tant d'autres échos de ce qui n'était plus que souvenirs, qui tentaient de le retenir.
C'était inutile.
Arrivé au sommet, il brandit Frostmourn, et libéra le Roi Liche de sa prison glacée. Le casque-tête de son maître roula à terre, jusqu'à ses pieds. Il lâcha l'épée runique et le prit à la place.
Il sentit un flot incroyable de connaissances et de puissances entrer dans son être lorsqu'il le posa sur son crâne.
" Nous ne faisons plus qu'un !" proclama la voix altérée d'Arthas, Roi de Lordaeron, Seigneur des terres désolées de Northrend et Maître du Fléau.
Et cette pensée le ravissait. Lui qui était né dans la lumière, il venait de réaliser la victoire de l'ombre. Pour une fois, un peu de raison animait cette partie de l'univers, car ce fut le camp le plus puissant qui sortit victorieux, ce fut le Mal qui vainquit au lieu d'être terrassé comme cela arrive si souvent et de manières tellement exaspérantes par des 'gentils' armés comme des boy-scouts en comparaison.
Arthas s'assit sur le trône, prenant un repos bien mérité. Il n'y avait plus rien à craindre de la Légion Ardente. L'Alliance était brisée. Les orcs avaient fuit. Les elfes de la nuit étaient considérablement affaiblis par la blessure causée à l'Arbre-Monde, et les attaques d'Illidand. Les Nagas, vaincus, allaient s'en retourner dans leur demeure aquatique qu'ils n'auraient jamais du quitter.
Et le Fléau s'étendrait partout...

Pendant un moment il avait encore un peu craint le retour de la Légion Ardente, qui ne serait pas vraiment satisfaite de ses agissements. Mais Archimonde avait été tué en mutilant l'Arbre-Monde, et il ne restait plus beaucoup de seigneurs démons pour maintenir la Légion dans une forme assez cohérente. Il devait bien rester Kil'Jaeden, mais Arthas se sentait maintenant assez fort pour mater un tel adversaire si d'aventure il se présentait pour enrayer sa domination. Ceci n'arriverait pas.
Une pensée fit irruption dans l'esprit d'Arthas. Cette victoire, il la devait en partie au nécromancien qu'il avait rencontré lors de son échappée en-dehors d'Azeroth. Zagor lui avait confié un parchemin de voyage interr-planaire, avec les coordonnées ésotériques de Wars World.
Dès que tout serait en ordre à Northrend, il irait lui présenter ses remerciements en personne, et lui donner un coup de main pour son propre projet, après avoir vérifié que sa fid-le Liche avait tout mis en ordre à Lordaeron.
Quel que soit le nom que l'on donnait aux armées mortes-vivantes, d'où quelles viennent, elles méritaient toutes son soutien ! Et il pourrait peut-être aussi en profiter pour étendre l'influence du Fléau à travers les plans, dès qu'il se sentirait las d'Azéroth...

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