La Marée des Ténèbres

Chapitre 23 : Combattants de la liberté

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:03

 

Maverick fit un signe rapide en levant la main, et les deux gardes aux casques en forme de tête de lion dorés s'arrêtèrent. L'un d'eux aurait bien insisté pour continuer à l'accompagner jusqu'au bout, car il pouvait rester quelque piège à l'intérieur des lignes ennemis. A une seconde pensée, le général Maverick ne semblait pas avoir besoin outre-mesure d'une escorte, même s'il s'agissait d'eux, les Kandjars, l'élite de l'élite.

Le général de Black Sun chemina, impérial, passant entre les débris de la bataille et se focalisant vers le centre de commande en ruines. Tout autour de lui, ses recycleurs passaient, ramassant les reliefs des véhicules détruits et les restes des bâtiments endommagés. Cela n'avait rien d'une méthode réellement écologique, juste plutôt pour ne pas gaspiller des ressources qui pouvaient encore servir à moindre frais que de construire à neuf. Des buggys-ambulances circulaient également, emportant les blessés et les morts, de l'un et l'autre camp, pas de discrimination, sur ce point, Voïvode ne lui avait pas menti, l'armée de Black Sun prenait soin de la vie. En témoignait le nombre restreint de combattants humains, mis à part les bataillons d'élite de Kandjars. Les fantassins étaient le plus représentés par des droïdes de combat perfectionnés qui dépasseraient sûrement l'entendement des scientifiques de Purple Dragoon. Les véhicules, eux, étaient automatisés le plus possible pour réduire le nombre minimal de l'équipage humain nécessaire.

 

Il s'était fait la main dans le simulateur virtuel de Céréphyrym, et avait battu ce dernier à plates coutures après quelques coups d'essai. Ce baptême du feu, ou plutôt de la glace au vu de l'armement employé, s'était déroulé de manière royale. Il aurait difficilement pu en être autrement, car il avait tout soigneusement planifié. Étant donné qu'elle s'était endormie dans son cocon d'assurance, il lui avait été facile de tendre ce piège simple. En plus de la préparation, il avait misé sur l'effet de surprise, et ça n'avait pas raté. Quoi qu'elle ai pu prétendre, il n'avait pas eu besoin d'une caméra-espion près d'elle pour deviner qu'elle perdait son sang-froid devant l'assaut imprévisible de ce revenant qu'elle avait tant méprisé.

Ses mouvements furent désordonnés, malhabiles, gauches. La puissance des villes devenant presque virtuelle dans ce coin déserté, il avait pu pilonner efficacement ses positions tout en en subissant que peu de pertes de son côté. Elle se targuait certainement du nouvel arsenal de Black Hole...

Qui ne fit pas un pli face à celui de Black Sun. Les nouvelles armes cryogéniques, surtout, avaient produit leur petit effet. Artillerie à obus glaciaire, lance-missiles à ogives givrantes, bombardier blizzard...

Une petite touche de chaos chez l'ennemi qui ne s'était vraiment pas attendu à ça. Mécanismes gelés et baisse de mobilité avait facilité les choses, ses propres troupes ne craignaient en rien le froid et ces effets-là. Bien entendu, ce tour ne serait pas aussi efficace en surprise lorsqu'il serait découvert, mais avait pleinement joué son rôle.

 

Candy avait après quelques heures joué sa carte finale en déclenchant son pouvoir, qui, bien entendu, ne fit pas beaucoup de mal sur le champ de bataille. Quand ce fut au tour de Maverick de relâcher sa puissance obscure, par contre, il tint l'occasion de la clouer, et il la cloua. Les forces de Black Hole fuyaient en désordre par où elles étaient venues, rejoignant le cordon de renfort continu venant des territoires extérieurs. Il ne donna aucun ordre de poursuite; il voulait tout d'abord réaliser la jonction avec l'armée d'Orange Star qui était arrivée peu après le début des hostilités et avait harcelé Candy sur son flanc le plus faible. Il n'y avait pas de retour de flamme ennemi à craindre, telle était son assurance.

Jake et Rachel, revenus en catastrophe de leurs vacances bien méritées après avoir entendu parler de cette nouvelle violente incursion, avaient menés cette petite opération. Ils le rejoindrait dans quelques minutes pour le rencontrer et vérifier qu'il s'agissait bien de lui, il allait profiter d'un court intervalle pour un face à face avec Candy.

Conformément à ses supputations, il la trouva en plein milieu du centre de commande dévasté, assise sur un siège qui avait miraculeusement résisté aux bombardement, totalement seule. Les rats fuyaient vite lorsque la grande féline bien lustrée perdait le contrôle.

 

Elle avait le visage terne et les yeux éteints de celle qui s'est faite vidée par une perte incommensurable. Ou bien elle ne l'entendit pas arriver car malgré sa haute stature, il ne faisait que peu de bruit avec ses bottes, ou bien elle était plongée dans un désarroi tel que le monde extérieur ne devenait plus qu'échos lointains captés accidentellement par les organes sensoriels.

"Candy ?"

Elle ne réagit pas.

Il réitéra son appel en lui secouant l'épaule. Avec une lenteur infinie, elle tourna son visage vers lui, visage qui s'éclaira d'un tout petit sourire très pâle de ses lèvres pulpeuses. Sa voix frisait l'atone.

" Oh, c'est toi, Maverick... Je t'inviterai bien à prendre un siège, mais comme tu le vois, les ameublements laissent un peu à désirer, maintenant.

- Candy... Est-ce que tu comprends la signification profonde de tout ceci ? Je ne parle pas des dégâts matériels, ni même de ta propre défaite. Je parle simplement du glas de l'échec, et que tu sois absolument seule à l'écouter. Tu vois ce qu'était le Black Hole de Von Bolt ? C'est qu'est le Black Hole quatrième génération ?"

Un pétillement d'ironie anima le regard encore creux de la jeune femme aux cheveux rouges.

" Je ne sais pas comment tu as fait pour t'en sortir, Maverick, mais ça t'as changé, on dirait... Je n'ai jamais tellement eu envie de te connaître, pourtant je sais qu'avant tu n'aurais pas fait une remarque comme ça. Le grand Maverick qui ne supporte pas l'incompétence...

- A ta décharge, et à mon crédit, tu n'as pas fais preuve d'incompétence... Enfin, si, il faut bien le dire. Mais tu aurais pu faire largement pire, étant donné les circonstances. Et il y a différents degrés d'incompétence... Je ne pense pas que Sturm fasse la différence, malheureusement."

Candy acquiesça sombrement, et baissa la tête, se rentrant à nouveau dans un univers fermé. Maverick grimaça, il ne voulait pas la violenter pour la forcer à parler. D'un autre côté, si ses manières s'étaient adoucies depuis quelques temps, il manquait encore de tact et de sens social pour arriver à réconforter assez une femme dans la détresse. D'autant plus si les bons mots étaient destinés à une ennemie, qu'on ne souhaite normalement pas réconforter.

Ses paroles ne furent pas nécessaires, car c'est la voix de Candy qui se fit entendre, frêle, qu'on sentait sur le point de se retrouver embuée de larmes.

 

" Seule maintenant, seule avant, seule toujours... J'ai toujours été seule. Toujours. Dès le début de ma vie on m'a laissée seule. Ma mère est morte en accouchant de moi, alors que tout semblait bien se passer, elle a juste eut le temps de me donner ce nom. Je suis devenue l'objet de toutes les malédictions de mon père, qui passait sur moi ses colères et me passait pour responsable de la mort de Maman.

Quel avantage à naître dans une famille riche et huppée si c'est pour vous attirer la haine de vos proches ? Enfin, la haine de mon père, l'indifférence de mes sœurs. Au pire on me détestait pour cette mort à laquelle je ne pouvais rien, au mieux on faisait comme si je n'excitais pas. Personne ne s'intéressait à moi, personne, ma propre famille me traitait comme une étrangère. Ah...

Pourquoi m'en vouloir si je suis devenue comme je suis ? Il fallait bien que quelqu'un s'occupe de moi, et pour cela, il n'y avait que moi-même. Je me suis mise à détester ce monde qui m'avait vu naître. Je grandissais, je devenais une belle femme, mais personne ne voulait de moi. Ou plutôt, personne n'accordait d'intérêt à ce que j'étais réellement. Les hommes comme les femmes ne voyaient que mon argent, mon corps et le prestige de manger dans des restaurants de luxe ou d'aller dans d'autres endroits stylés. Au fond, ils se fichaient totalement de ce que j'étais, et, oh, j'étais sûre que dans mon dos, ils me conspuaient, ils me conspuaient...

Je pouvais bien inviter autant de gens que je voulais à un repas, au final, c'est comme si j'étais seule. En fait, plus y avait de monde autour de moi, plus je sentais la solitude qui fondait sur moi. Des amis ? Rien que des traîtres au final qui sont partis une fois qu'ils avaient eu ce qu'ils voulaient.

C'est... C'est pour ça que j'ai rejoint Black Hole. Je voulais prendre ma revanche sur ce monde, lui prouver que j'existais. Et me fixer un but dans la vie, car sans buts, qu'est-ce que nous serions, sinon des hommes et des femmes qui ne servent à rien, même à pas à construire leur propre vie ?

Ah, ah... Maintenant, tout est fini, je n'avais pas grand-chose, j'ai tout perdu..."

 

Et elle se mit à sangloter, ce que Maverick jugea très inconvenant. Son histoire résumée ne l'émouvait pas énormément. Il y avait des tas de remèdes psychologiques, il en était sûr, autre que de vouloir aider à conquérir un continent et le transformer en désert de sable en partie pour obtenir une vie rallongée. Ses larmes semblaient toutefois sincères, ce qui le mit devant un dilemme. Qu'était-il censé faire en pareille situation ? Si jamais elle lui jouait la comédie, peut-être allait-il lui tordre le cou, comme à cette femme des jardins de Perdide. Maverick avait un dégoût prononcé pour les mensonges larmoyants de personnes de ce genre.

Elle releva soudain la tête, et lui cria, les yeux pleins de larmes :

" Est-ce ma faute si je suis devenue une diva narcissique, Maverick ? Toi tu es bien devenu un tueur au cœur de glace ! Est-ce que nous avons choisis de naître ? Et comment naître ? Hein ? "

Maverick respira amplement, puis lui asséna une belle gifle, avant de lui relever le menton.

" Si je ne peux pas dénier la douleur que tu ressens, cela n'excuse que passablement ce que tu as commis à Omégaland, bien qu'au fond, je ne ressente pas vraiment d'empathie pour ce continent. Je peux te dire au moins une chose : si on ne choisit pas où l'on naît, on peut choisir ce que l'on fait. Et ce sont nos actes, qui ne sont en aucun cas dictés par une destin capricieux ou une divinité malicieuse, qui font ce que nous sommes. (Il secoua la tête).

Quel étrange hasard que ce soit moi qui doive te dire ce genre de choses... Ce n'est vraiment pas mon rôle. Oui, tu as raison, Candy, j'ai changé. Avant, en pareille scène, je me serai contenté de venir te faire avouer tout ce que tu savais qui pourrait m'être utile, et vu la loque que tu es maintenant, je t'aurai laissé partir, vidée de ton venin. Ou je t'aurai même peut-être tuée sans regrets, car tu étais un obstacle sur le chemin.

Aujourd'hui, tu as de la chance, je suis d'un autre tempérament. Candy, je pense qu'il est encore temps pour toi de te mettre, non pas sur le droit chemin car c'est une chose idiote, mais sur une meilleure voie. Si quelqu'un pouvais t'aider, tu changerais, toi aussi... Non, pas moi, imbécile. Tu penses bien que non. Je connais quelqu'un, enfin, connaître est un grand mot, qui me paraît être un amateur de femmes, et qui sera peut-être intéressé par toi."

 

Maverick avait dit ces mots en espérant, pour une fois, que le Voïvode était bien là à les écouter, comme il le suspectait. C'était bien plus plausible que cette thèse des 'laiktheurs' qu'avait suggéré Noïs. Comme si on pouvait regarder ce qu'il faisait depuis une autre dimension !

Il relâcha sa prise sur le menton de la générale de Black Hole, et se détourna d'elle.

" Les commandants d'Orange Star seront bientôt là. Même si je t'ai arrêté avant que tu ne fasses des dégâts encore plus majeurs, je ne pense pas qu'ils auront la même clémence que moi, bien qu'ils ne te tueraient pas, en tout cas. Ils ont le cœur trop tendre pour cela. Ils te feront capturer au minimum, et tu passeras beaucoup de temps dans une cellule avant d'avoir la chance de regagner la ville que tu aimes tant.

Alors va-t-en avant que je ne change d'avis; je viens de me rendre compte que tu ne dois rien savoir d'intéressant."

Et il croisa les mains dans son dos.

Candy sécha ses larmes, toujours pas tout à fait connectée à la réalité, hésita avant de déposer un remerciement sonore sur la joue de Maverick, recula d'un pas à cette idée absurde, et sans bien comprendre comment elle pourrait être aidée, elle s'enfuit. Elle pensait courir à sa perte quand même, car Sturm avait été clair là-dessus, et ne supporterait pas de la savoir battue en une seule courte bataille. Bien entendu, dans ces conditions, elle pouvait retourner à la nano-usine et prendre sa revanche.

Mais non... Il ne la laisserait pas filer si c'était le cas. De deux choses l'une : soit il la croyait sur la voix de la repentance et ne la craignait plus, soit il s'était déjà chargé de l'usine d'une manière ou d'une autre. Ou bien encore les deux, ma générale.

Maverick entendit le bruit des talons qui disparaissaient au loin. Avait-il fait une erreur ?

Non, sûrement pas.

 

Sur ces entrefaites arrivèrent Jack et Rachel, précédés d'une équipe des forces spéciales d'Orange Star. Ils se jaugèrent un moment, tous les trois, en silence. Rachel décida de briser la glace en tendant une main chaleureuse, qu'il ignora superbement.

" Je doute que nous ayons beaucoup de temps pour les salamalecs et autres mondanités d'usage. Candy est demeurée introuvable, et le gros de ses forces continue à ravager vos terres presque impunément.

- Vous nous avez manqué aussi, Maverick, fit Rachel en souriant. Je n'aurais jamais cru vous revoir vivant.

- Un sentiment réciproque, répliqua-t-il. Permet-moi de te féliciter une nouvelle fois pour avoir tiré sur le siège de Von Bolt, Jake. Je savais que tu avais le cran nécessaire pour faire ce qui devait être fait. Je me suis contenté de finir le travail.

- Nous te devons beaucoup, Maverick. Pas seulement pour avoir éliminé une seconde fois un chef de Black Hole, mais aussi pour cette bataille. Sans toi, nous n'aurions pas pu résister à l'attaque que Candy projetait. Je me demande comment ils ont pu développer autant de nouvelles armes en si peu de temps... Déjà que je trouvais rapide leur première offensive sur Omégaland...

- L'armement de vos troupes est aussi assez... Surprenant, dit Rachel. Elles sont noires, et pourtant vous n'appartenez clairement plus à Black Hole.

- Si fait, confirma Maverick. J'ai trouvé des alliés pour mettre un terme à l'existence de ce néo-Black Hole. Un terme, désolé pour la litote, que j'espère définitif.

- Vous m'aviez demandé pourquoi je combattais, Maverick, et je vous avais retourné la question. La réponse est toujours la même ?"

Le général de Black Sun leur adressa un sourire dur.

" Elle n'a pas varié, Jake, pas du tout. L'organisation change, les armes changent, mais mes raisons ne varient presque pas. Je combats avant tout pour moi-même, pour voir jusqu'à quel niveau de puissance je peux parvenir.

- 'Presque pas' ? releva Rachel.

- Disons que le seul petit détail de la variation est qu'au lieu de mesurer ma puissance en aidant à l'invasion de Wars World, je vais la jauger en participant à sa protection."

Rachel rit de bon cœur.

" Un petit détail qui fait toute la différence pour nous ! Mais comment êtes-vous parvenu à la tête de cette armée, Maverick ? Elle ne ressemble à rien de ce que nous connaissons.

- Si vous voulez ma coopération, vous devrez vous abstenir de demander ce genre de renseignements. Obligation syndicale, en quelque sorte. Vous aurez des réponse sen temps voulu.

- Ce n'est pas comme si nous ne t'étions pas reconnaissants, dit Jake, seulement tout cela paraît bien mystérieux... Tout comme la nouvelle résurrection de Black Hole, en fait.

- Oui, il y a beaucoup de résurrections en ce moment, fit-il songeusement. Je veillerai à ce qu'il n'y en ai plus d'autres. Que ce soit clair entre nous : je saurais m'arranger seul pour débarrasser Omégaland des troupes de Black Hole. A ce propos..."

Il leur parla de la nano-usine. Ils furent inquiet qu'une telle bâtisse fut construite sur leur sol, et firent part de leurs craintes quant à la difficulté de venir à bout d'un tel bâtiment. Il les rassura en leur indiquant que si ce n'était pas déjà le cas, elle allait bientôt être neutralisée par un(e) de ses collègues, spécialisé(e) dans l'infiltration et ce genre d'opérations qui nécessitaient plus de la réflexion qu'une masse de troupes armées jusqu'aux dents.

" Quand même, nous ne pouvons pas rester ici pendant qu'Omégaland souffre un peu partout, déclara Rachel. La précédente guerre nous a laissé sans beaucoup de force, et la plus forte partie se trouve à la capitale. Nous allons la déployer pour faire rebrousser chemin à Black Hole.

- Bien. Mais souvenez-vous... Même si cette méfiance vous honore, je suis de votre côté pour cette guerre. La seule chose que vous ayez à faire pour que tout se passe bien, c'est de profiter de mon aider sans vous posez de questions. Après tout, pourquoi chercher à savoir d'où vient la main qui vous aide ?

- Peut-être parce ta rédemption n'est pas tout à fait claire, Maverick, dit Jake. Mais pour moi ce champ de bataille est une preuve suffisante. Même si j'aimerai beaucoup connaître les détails, nous manquons de temps.

- Jake, tu oublies que c'est moi ta supérieure ? minauda Rachel en le couvant des yeux.

- Hé bien, je..."

Il se tut en voyant la main tendue de Maverick.

" Oublions le passé. Je ne laisserai pas Sturm faire plus longtemps le mal sur Wars World. Montrons à Black Hole quelle est la véritable puissance des combattants de la liberté.

- Combattants de la liberté... reprit Jake. Oui. Faisons-le."

Et ils se serrèrent la main en échangeant des regards francs.

Le théâtre de la défaite de Candy n'ayant bientôt plus rien à leur offrir, ils le quittèrent bientôt pour se rejoindre au centre de commandement provisoire de leurs forces jointes, afin de planifier leur campagne de libération. Avec Candy qui était hors-jeu, les troupes de Black Hole se défendraient beaucoup moins bien. Il ne faudrait pas plus d'une semaine ou de deux, en coordonnant bien les efforts, pour venir à bout des chancres qui s'étaient installés sur ces terres qui n'avaient connues le repos que depuis trop de temps.

Jake et Rachel tinrent leur parole et ne firent aucune inquisition verbale, les événements ayant précédé le retour de Maverick restant obscurs pour eux. Il semblait réellement engagé dans le conflit, quoi que, de façon assez paradoxale, d'une manière assez détachée. Un esprit perspicace aurait détecté chez lui l'attente de quelque chose de supérieur. Il n'allait pas se satisfaire de ces quelques escarmouches contre des soldats privés de commandant, et aspirait à viser plus haut.

Quant aux commandants d'Orange Star, s'il restait courtois et amical envers eux, il ne ne leur manifestait pas un intérêt particulier. Ils étaient des aides pour accomplir l'un de ses objectifs, pas besoin de voir beaucoup plus loin que cela. Rachel n'aima pas forcément l'ambiance en demi-teinte qui s'en dégageait, mais elle ne pouvait pas non plus refuser cette aide providentielle, car il était impossible de prendre contact avec le reste de Wars World, ce qui était légèrement inquiétant.

Mais elle avait sa patrie à sauver aux côtés de son subordonné maintenant aussi devenu son petit ami, et Maverick, toujours assez rude, en fin de compte. Cachait-il quelque chose d'amélioré derrière cette façade ?

Candy marchait à travers cette campagne qu'elle détestait tant, incertaine sur la conduite à tenir. Elle se sentait, si c'était possible, encore plus seule et démunie que pendant son enfance, et ne voyait aucune lumière au bout du tunnel, à part les paroles de Maverick, qui ne faisaient pas sens dans son esprit.

Elle s'arrêta un moment sur le rocher le plus agréable qui se présenta, la marche la fatiguait et ses chaussures ne convenaient pas à cette excursion pédestre. Un bruit de clochettes résonna derrière elle, et une jeune femme habillée en bouffonne rouge et noir lui fit face, la considérant d'un regard critique en se tenant les mains sur les hanches.

" Hm, oui, je pense que tu pourrais faire l'affaire.

- Faire l'affaire ? répéta Candy, désorientée par cette apparition soudaine.

- Oui, puisque je te le dis, ma mignonne. Bien sûr tu te demandes, 'faire l'affaire pour quoi', parce que tu ne peux pas voir plus loin que le bout de ton nez en pareille situation. Et c'est bien normal, nyah ah !

- ...

- Pas bavarde ? Bha, de toute façon je n'ai pas envie de répondre à tes questions pour le moment, et le temps joue contre nous. Le temps, toujours le temps, mais jamais celui pour faire un peu de lèche-vitrine dans le monde Extérieur ! Quel ennui !"

Elle secoua tristement la tête avec des gestes de contrition exagérés.

" Mais nous ne laissons pas distraire. Tu as perdu, soit, de toute façon, tu n'avais pas une chance, ma jolie. Pas contre notre nouvelle recrue. Oh, le méchant Maverick, il t’a éconduit, n'est-ce pas ? Ce n'est pas à proprement parler un galant homme. Je ne désespère pas de le faire changer encore, progressivement, et peut-être qu'il sera à moi ? Cela fait longtemps que je n'ai pas eu d'homme à moi, et plus ils sont inaccessibles, mieux c'est. Le défi n'en est que plus stimulant. Il y a bien ce K; là, mais je te préviens tout de suite, petite Candy, il cherchera certainement à t'utiliser, et je te conseille de ne pas déballer ta petite histoire méli-mélo comme tu l'as fait devant le colosse aux yeux gris. C'est un menteur plus que professionnel, gardes-toi-en. Mais je parle, je parle !

Voilà la proposition du jour, Candy : une seconde chance toute dorée et toute chaude à saisir maintenant ou jamais. Ton avenir est inexistant à Black Hole, et tu n'as pas beaucoup d'autres perspectives non plus ailleurs. Mon maître est un grand appréciateur de femmes, même s'il ne peut encore se manifester physiquement, il saura te prendre sous son aile. Attention, zéro autre information ! J'ai encore beaucoup de travail qui m'attend. C'est à prendre ou à laisser. Je te laisse dix secondes pour te décider."

 

Ayant dit, elle afficha ses paumes, doigts écartés, et replia un doigt pour chaque seconde écoulée.

Candy restait confuse devant cette diatribe décousue, mais cela semblait correspondre à ce qu'avait indiqué Maverick, et elle n'avait rien de mieux sous la main. La curiosité la dévorait également, et si cette drôle de fille était avec Maverick, ils allaient faire partie de la team gagnante, et elle voulait faire aussi partie de cette team. Elle se leva lorsque Noïs n'avait plus que deux doigts dépliés et lui signifia son accord.

" Oki doki ! fit joyeusement la bouffonne en claquant des mains. Tu ne le regrettera pas, ma mignonne, et si su trouves quant même à te plaindre, ce n'est pas à moi qu'il faudra s'adresser, ah ah !"

Et sans prévenir, elle pressa fermement Candy contre elle. La jeune femme aux cheveux rouges ne dit rien contre cette étreinte qui aurait pu lui plaire en d'autres circonstances.

" Tournicoti, tournicoton ! Un tour à gauche, un tour à droite, rentrons à la maison !" chantonna Noïs.

Un rectangle transparent les enveloppa, et ils disparurent en créant une petite vague dans l'air.

 

Pendant ce temps, à Blue Moon...

 

" Qu'y a-t-il, Hegwalz ? Tu sais très bien que j'ai horreur qu'on me dérange quand je me fais mes expériences. Je suis en train de concocter un poison foudroyant qui nous épargnera bien des pertes de temps. Un petit flacon dans les réservoirs d'eau, et hop ! Je te fais tomber comme des baldgruns malades tout un petit village.

- Je ne puis que m'incliner devant votre efficacité mortelle, Maître, mais je suis certain que vous accepterez d'être dérangé. Il s'agit de votre... Invitée très particulière.

- Tu veux parler de la douce Lyly ? Hé bien, parle, bon Nozelar, parle, que sa passe-t-il ? J'ai tout fait pour son confort.

- Je crois qu'il n'y a qu'une seule chose au monde qui pourrait lui redonner le sourire, Maître, c'est de voir l'homme qu'est devenu le garçon sur la photographie, c'est comme si elle était envoûtée. Elle la serre convulsivement en serinant une chanson aux douces harmoniques, pendant des heures de suite parfois, avant de replonger dans l'apathie la plus totale. A peine, dans ces moments, ne peut-elle articuler que plusieurs fois ce nom : 'Maverick'.

- Quel sens de la psychologie tu as, et quel dommage, se plaignit Zagor tout en continuant de manipuler des fioles aux contenus douteux. Tout allait si parfaitement, pourtant, une jeune demoiselle vraiment très bien. J'en ai appris beaucoup en peu de temps sur ce monde, Wars World, et sur le pays dont je serai le maître, ou à défaut le plus grand meurtrier, Blue Moon. Deux distinctions dont peu pourront se vanter.

Une langue qui manque de sophistication, et qui n'a pas le coulant du Commun Aznhurolyen, mais pas trop laide. Ainsi, il s'appelle Maverick ? Je ne suis pas d'une puissance telle qui me mettrait à même de pouvoir retrouver quelqu'un à la seule évocation de son nom. Quelque chose me dit que nous le rencontrerons, d'une façon ou d'une autre, tôt ou tard, car la rencontre avec mademoiselle Mistalker s'est déroulée de façon si convenue que ça ne peut être, malgré ton scepticisme, le fruit du hasard. Je suppose qu'elle ne se contentera pas d'une telle assurance, hé ?

- Non pas, Maître, confirma Hegwalz. Elle dépérit et décline à vue d'œil, refuse de s'alimenter. Ce manège est survenu de façon très soudaine, et je pense qu'elle va s'y enfoncer jusqu'à la mort si nous ne faisons rien.

- La mort n'est pas un problème, Hegwalz ! rit Zagor avec bonne humeur. C'est ce qui vient après qui peut se révéler délicat. Toutefois, néanmoins et cependant, cela me peinerait que notre petite protégée se laisse aller de cette façon. Tu trouveras dans cette petite armoire une potion étiquetée 'Gaudiumine', prends-là donc. Oui, c'est bien celle-là. Cherche maintenant dans ce placard, et saisis-toi de la fiole de cristal remplie d'un liquide rouge ambré.

- Celle-ci, maître ? Mais il s'agit de...

- Oui, tout à fait. Je ne me refuse rien pour elle, si nous devons en arriver à cette extrémité, autant le faire joliment. Je te laisse seul juge pour choisir laquelle des deux mixtures tu devras lui administrer. Je le ferai bien moi-même, mais je crois toucher au but avec ce nouveau poison.

- Maître, si je puis me permettre, si vous ajoutez encore une goutte de ce produit, vous allez..."

Boum ! L'alambic explosa tout près de la figure de Zagor, qui s'essuya le visage avec désinvolture et débarrassa la table des morceaux.

" Une petite erreur de dosage. Va, laisse-moi, il faut que je recommence quand je suis encore pris par la fièvre du découvreur. Occupes-toi de notre invitée.

- Comme il vous plaira."

 

Le Nozelar quitta la pièce, tenant dans une main les deux contenants renfermant les précieux liquides. Il allait tout d'abord essayer la gaudiumine en version diluée, et ne recourrait à l'autre élixir qu'en cas de désespoir, car s'il était le bras droit d'un des hommes, si on pouvait encore parler d'homme, les plus maléfiques du système et faubourgs, il possédait un tant soit peu plus de miséricorde que lui, et ne voulait pas voir cette jolie humaine réduite à un tel état si cela pouvait être évité.

Zagor, de son côté, expérimenta quelque chose qu'il avait toujours rêvé de faire, tout en gardant la surprise du résultat le plus longtemps possible. Il désirait se distraire maintenant, et attrapa un rat malchanceux dans une des cages, se fit saigner, et le força à boire son sang violacé.

Le rongeur, qui n'avait jamais demandé une telle horreur, ne mit pas plus de deux secondes pour se retrouver sur le dos, paralysé par une mort violente. Le nécromancien observa avec minutie la bête morte, et obtint le résultat espéré au bout de quelques minutes de patience : elle se relevait, les yeux vitreux, témoins de la morte-vie qui l'animait maintenant. Zagor s'octroya une petite danse de victoire.

Il le savait bien ! Toutes ces décennies de corruption avait finalement donné à son sang cette admirable double propriété, qui à la fois donnait la mort, puis obligeait la victime à quitter ce doux repos pour devenir un mort-vivant. Tout heureux, il chercha tout d'abord à cramer le rat qui ne lui servirait pas, mais il détala rapidement et s'enfuit par un quelconque trou au niveau du sol. Lui haussa les épaules, et tout heureux, se fit saigner assez pour remplir une petite bouteille de son sang maudit. Voilà le produit parfait qu'il ne pourrait jamais produire à partir ses expériences, toutefois, il en avait quand même besoin pour continuer à animer son corps, car il n'était que demi-mort, et il n'irait pas se faire saigner à blanc pour la beauté de la science nécromantique. Il réfléchit à quelques possibilités, dont beaucoup avaient trait à vérifier l'efficacité de son sang s'il était dilué dans certains liquides.

 

Il s'adonna avec bonhomie à cette tâche, sacrifiant quand il le fallait d'autres pauvres petites bêtes pour le bien de ses recherches. Il irait bientôt faire bombance pour accélérer la régénération de ses cellules sanguines qui n'obéissaient plus vraiment aux lois de la biologie. Il allait bon train, sifflotant quelque air funèbre tout en travaillant dans le calme de son laboratoire, lorsqu'il sentit une présence dans la pièce. Il fit mine de ne rien avoir détecté, et injecta un hamster qui perdit instantanément tous ses poils, pendant qu'il ressentait les pas souples qui se rapprochaient de lui. Puis, au moment adéquat, il se retourna pour faire face à l'intrus.

" Voilà un autre genre de rat, qui tombe à pic, dit calmement Zagor en dévisageant l'étranger aux cheveux bruns roux. Je vais pouvoir faire un test sur un cobaye plus intéressant.

- Rat... La seule vermine que je vois ici, c'est vous. Je n'ai même pas eu à vous repérer grâce au cahier de la mort qui porte votre nom. Je commence à prendre pleinement possession des mes nouveaux pouvoirs, et je n'ai eu qu'à suivre la piste de meurtres pour retomber jusqu'à vous. Puisque je dois tout faire directement pour le moment, autant que je juge des grosses pointures dans votre genre. Cela ne prendra pas longtemps...

- Quel impudent ! ricana Zagor. Tu viens me menacer en ma demeure, mortel ? Qui es-tu pour parler de jugement ? Sais-tu seulement à qui tu t'adresses, vermisseau ?

Je suis Zagor, l'archinécromant ! J'ai les yeux comme il faut pour voir que toi aussi tu es un meurtrier, et tu viens ici me menacer ?

- Là où vous faites le mal, et pourrissez le monde, j'agis moi pour son salut. Je sais que donner la mort est un crime impardonnable... Mais c'est la seule façon pour faire avancer les choses. Maintenant..."

 

K plongea sa main droite droit vers le cœur du nécromant, qui le regarda faire avec un sourire, cela le picotait un peu et lui donnait envie de rire comme si on le chatouillait sous la plante des pieds. Le japonais réalisa bien vite que quelque chose clochait avec ce nouveau procédé, ou plutôt, que c'est ce type qui posait problème.

Zagor saisit le poignet du jeune homme, et d'un simple mouvement le fit valser jusqu'à l'autre bout de la salle. Il se rapprocha ensuite de lui à pas réfléchis.

" Je ne sais pas ce que tu essayais de me faire, mais ça ne marchera pas contre moi. Oh, comme tu as l'air désappointé ! Je dois te féliciter pour m'avoir trouvé jusqu'ici, mais si tu connais l'emplacement de ma nécropole, il ne te faudra pas longtemps pour réaliser l'ampleur de ce que je prépare ici. Je suis fortement désolé, mais tu vas mourir ici après t'être prêté à mes expériences.

- Je suis aussi fortement désolé, mais je ne crains pas la mort... C'est le service le plus utile que m'ai rendu ce Nekroïous."

Zagor s'arrêta dans son mouvement, alors qu'il s'apprêtait à décocher une BlackFireball (TM) sur ce gandin. Il le saisit au collet et le maintint sans difficulté au-dessus du sol d'une seule main.

" Tu as bien dit Nekroïous ?" cracha-t-il.

K réprima un sourire victorieux. Il ne savait pas de quoi était capable au juste cet individu, mais il se savait protégé en partie et porteur d'informations qui lui donnerait l'avantage dans une probable négociation.

" C'est bien ce que j'ai dit.", confirma l'autre.

Zagor le reposa à terre avec un peu plus de douceur.

" Je crois que nous pourrions avoir une discussion très mutuellement enrichissante..."

Il ne laissa pas s'exprimer ostensiblement sa jubilation. Il y aurait de quoi, pourtant, parce qu'il y avait toutes les chances pour que cet inconnu vienne lui présenter sur un plateau d'argent la piste qui le mènerait droit vers son ennemi de toujours, Mister D...

Deshtar Xallum.

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