La Marée des Ténèbres

Chapitre 26 : La Chute de Yellow Comet

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:31

Hé hé hé...
C'était si facile. Presque ridiculement trop facile. Cela lui rappelait un peu Blue Moon, qu'il avait commencé à piller et à détruire comme s'il faisait une promenade de santé. Sauf qu'au contraire de cette ancienne campagne, il ne s'était pas fait stoppé par un Grit bien planqué à l'intérieur d'une chaîne de montagnes. Et il avait beaucoup mieux à offrir en matière de désolation aux habitants de Yellow Comet qu'une pauvre poignée de tanks M. Une technologie bien dépassée maintenant que ces pauvres tanks. Même les néotanks faisaient pâle figure face à leur nouvel arsenal. Quant au Mégatank, ils n'en avaient pas volé les plans aux alliés, car c'était une véritable farce et attrape : une forteresse roulante, oui, mais avec bien trop peu de munitions et une lenteur abominable !
Et lui n'aimait rien tant que la vitesse, surtout depuis que le sceau avait libéré ses nouveaux pouvoirs en lui. Il donnait une nouvelle signification au mot 'rapidité', et lui avait donné ce qui lui manquait pour marquer sa grandeur : du pouvoir. Bien oublié le temps où il fuyait comme un misérable en compagnie de l'autre homme-singe, et celui où il courbait l'échine devant Sturm !
Ainsi armé et garni de puissance, il avait fondu sur le théâtre de ses anciennes défaites. Il ne pouvait être que le meilleur pour l'invasion de cette île, puisqu'il avait été chargé de sa conversion lors de la deuxième guerre. Bis repetite, donc, sauf que cette fois-ci, le dénouement serait tout à fait différent, pas de Kanbeï allié à un Max pour aller démolir sa belle usine.

Il connaissait bien le terrain, et se faisait une joie de le conquérir sans tarder. Il avait entendu parler de la défaite de Zak, ce misérable duplicata de lui-même, et en avait été tout jouasse, il ne ferait pas les mêmes erreurs que lui. Au lieu d'isoler une région de Yellow Comet pour implanter sa nano-usine, il avait volé des bombes Nocta dans le stock pour plonger l'île entière dans ce brouillard noir dont il raffolait. Bien plus efficace. Green Earth ne pourrait pas apporter grand secours (merci Zak); il jugeait Omégaland trop loin sans même savoir qu'elle était en train d'être libérée, et pour ce qui concernait Orange Star, il avait envoyé Helmut pour les occuper. Quant à Blue Moon, on ne pouvait rêver mieux : la Nature elle-même se liguait contre cette nation pour les empêcher d'intervenir !
Il n'y aurait plus qu'à aller les cueillir une fois que la neige se serait arrêtée, elle recevrait l'insigne honneur d'être la dernière à se faire capturer. Lui, il avait le champ libre pour se délecter de la conquête de Yello Comet. Totalement prise dans cet étau gazeux et frappée par la surprise, une partie non-négligeable de son territoire avait été prise les trois premiers jours de son assaut. Avec un peu de chance, ils ne sauraient même pas pour la nano-usine, et continueraient à frapper dans tous les sens pour repousser les vagues de ses troupes, alors que lui pillerait le pays de fond en comble pour alimenter continuellement la matrice du nano-core. Il finirait par les écraser proprement sous sa botte, ces maudits jaunes.

Il ne pourrait pourtant pas s'attribuer tout le mérite, puis qu'il avait été obligé de faire la paire avec Jugger, dont la mission initiale était aussi l'invasion de Yellow Comet. Il était devenu moins sûr de lui en craignant qu'il ne rapporte l'affaire au seigneur Sturm, mais le robot n'en fit rien et se mit même, à l'agréable surprise d'Adder, placidement sous son service. Et quel allié ! Il ne pouvait que le reconnaître, depuis que cette sphère sur pattes avait reçu les dons d'un des sceaux, elle était devenue plus que performante. Un véritable ordinateur de combat avec lequel pas même cette sale gamine de Sonja ou Kat (si elle était encore vivante) ne pouvait rivaliser. Il avait conservé un phrasé un peu simple, sûrement un effet secondaire du gain de puissance, et semblait tomber parfois dans l'abîme de sa stupidité première, mais globalement, il était imbattable. Il calculait toutes les probabilités, ne dédaignait aucune possibilité, prévoyait tout les scénarios possibles, avait un plan et un contre-plan pour chaque situation. Leurs adversaires ne pouvaient faire de mouvement que Jugger n'avait pas mis en réserve dans sa base de données. Il avait toujours un coup d'avance sur les autres, et semblait sans faille, ayant toujours une réponse, parant à tout ce dont le pourcentage de probabilité était assez important. Et il commençait à prévoir dès 1% de risque, ce qui laissait une marge de hasard quasiment inexistante.
Pour essayer de le mettre en défaut, Adder lui suggéra la possibilité d'une trahison de Sturm envers eux, et il lui débita sans sourciller (ce qui aurait été assez difficile pour lui de toute façon) toute une panoplie de moyens pour s'en sortir. Aussi longtemps qu'il recevait un flux d'informations régulier, il ne craignait rien ni personne. Et c'est lui qui commandait à cet oracle mécanique !

Adder en était bien content, car leur duo mettait à feu et à sang Yellow Comet avec des pertes tout à fait acceptables, même quand l'Empereur lui-même voulait sauvegarder son peuple. Il était facile de leur causer de grands dilemmes, en les obligeant à choisir entre la sécurité de leur peuple et l'abandon de site stratégiques. Ils tombaient si souvent dans le piège... Mais cela l'angoissait quelque peu de voir cette mécanique, qui prévoyait tout tellement que ça en devenait presque de la divination, et il craignait une telle puissance à ses côtés, qui savait tout et avait réponse à tout. Il se trouvait bien obligé, même si Jugger se prétendait son aide de camp, de se soumettre à ses propositions, ce qui faisait cruellement souffrir son orgueil. Il ne pouvait même pas songer à se débarrasser de la boîte de conserve, elle devait au moins avoir mille plans pour le liquider avant qu'il ne fasse ne serait-ce qu'une action en ce sens.
Bha, l'important, c'est qu'ils gagnaient à plate couture. En plus d'avoir gonflé à bloc ses processeurs, Jugger avait modifié son corps, se faisant construire de vrais bras puissants et de vraies jambes bien costaudes. Il avait l'air beaucoup plus sérieux ainsi, et Adder se doutait qu'il avait du se faire installer bien d'autres améliorations.

Contrairement à ce qu'il faisait auparavant, Jugger ne pratiquait plus aucune dispersion des tirs dans ses assauts, au contraire, il faisait mouche à tout coup. Cela en devenait presque effrayant, mais encore une fois, Adder devait s'en accommoder, en espérant que la machine ne tramait pas déjà un plan pour mettre à bas Sturm et devenir le maître de Wars World; elle en était bien capable. Ou bien, elle pouvait le faire, tant que lui restait en vie, avec, disons, le tiers du monde à sa botte...
Pour commencer.
Il se sentait (vaguement) désolé pour Helmut, mais il ne pouvait pas l'inclure dans ses plans. Il se demandait comment cela marchait pour lui ? Le sceau avait eu sur l'homme fort de Black Hole un effet décuplant sa puissance sauvage, et il l'avait vite expédié à Orange Star en plaignant presque les habitants du pays pour ce qu'ils allaient subir. Si jamais il échouait dans sa tentative de tout bastonner, il terminerait le travail après lui.
Il espérait que Sturm, lui, approuverait son action et le féliciterait de sa grande ingéniosité, et lui pardonnerait d'avoir du faucher quelque matériel pour y réussir. Après tout, l'important était seulement de se rendre les maîtres de Wars World, non ? Les moyens pour y parvenir n'avaient pas vraiment d'importance tant que le résultat se trouvait être positif.

" ADDER = PENSIF ?
- Oh, c'est toi, Jugger ? Oui, oui, je me complaisais dans des pensées joyeuses. A ton avis, dans combien de temps aurons-nous vaincu l'armée impériale ? Nous avons bientôt la moitié de l'île; je pense que ce ne sera pas long. Je vais donner ses lettres de noblesse au mot 'rush' !
- CALCUL EN COURS... [...] ESTIMATION = VICTOIRE TOTALE DANS SIX JOURS.
- Voilà des mots qui me plaisent ! se réjouit Adder en frottant ses mains gantées. J'ai hâte de pouvoir enlever le brouillard pour qu'ils puissent mieux apprécier notre victoire magistrale. Je mettrai Senseï dans le pire hospice du pays, je ferai de Sonja ma servante particulière, Kanbeï s'occupera de ma roseraie (uniquement des roses noires, je déteste toutes les autres fleurs), et pour Grimm, hm... Je ne sais pas encore. Déjà, je vais le priver de yakitoris à vie, ça lui apprendre à faire son malin avec ses pouvoirs de suicidaire qui a provoqué un petit ralentissement de notre avancée. Qu'est-ce que tu en penses, Jugger ?
- PENSÉES D'ADDER = FUTILITÉS. ESTIMATION SEULEMENT BASÉE SUR CAS DE NON-INGÉRENCE.
- Bha, tu n'as pas à t'inquiéter de ça ! Oui, oui je sais, tu n'oublies jamais aucune possibilité. Mais franchement, qui pourrait bien encore nous tenir tête ? Personne ! Même si quelqu'un arrivait dans les six jours, le brouillard de la bombe Nocta nous protège si bien que nous n'aurons qu'à les écraser comme de vulgaires insectes. Kanbeï subira ce sort, ainsi que tous ceux qui continueront à se dresser devant la magnifique puissance de Black Hole, et devant moi, le Grand Adder !
- ADDER = UN TANTINET MÉGALO ?
- J'entretiens mon estime de moi-même, c'est tout différent, Jugger. Allons, allons, je n'oublie pas le rôle que tu tiens : tu m'est d'une grande aide. Toi aussi tu pourras faire ce que tu veux de ces généraux de Yellow Comet lorsque nous en aurons finis. Tiens, en passant, qu'est-ce qui te ferait plaisir de leur faire après notre victoire ?
- SOUHAIT JUGGER = DEVENIR HUMAIN.
- Allons, qu'est-ce que tu racontes ? s'étonna Adder avec une moue amusée. Un mécha devenir orga ? Pourquoi est-ce que tu voudrais une chose pareille ? Je pensais plutôt que tu étais fier d'être le plus intelligent robot du monde, après avoir été le plus stupide, et que tu méprisais peut-être les humains !
- HUMAINS = ÊTRES IMPARFAITS REMPLIS DE DÉFAUTS ATTACHANTS, MÊME SI PARFOIS VRAIMENT TRÈS STUPIDES. JUGGER NE CONNAIS PLUS L'ERREUR. JUGGER VOUDRAIS REDÉCOUVRIR CE QU'EST L'ERREUR. JUGGER VOUDRAIS APPRENDRE SENSATIONS HUMAINES, PERCEPTIONS HUMAINES. NOUVELLE ÉTAPE DANS L'ÉVOLUTION DE JUGGER. JUGGER ===> PAS SE SATISFAIRE ÉTERNELLEMENT D'UN ÉTAT MÉCANIQUE.
- Hé bien, si je m'étais attendu à ça ! Je ne sais pas comment tu vas te débrouiller pour faire ton compte, mais après tout, si c'est ton choix, personne ne t'en empêchera pas. Pourtant, tu es encore un ordinateur sur pattes, tu dois bien avoir prévu un moyen, sinon tu n'aurais pas une telle 'pensée'...
- ADDER ===> PAS BESOIN DE SAVOIR.
- Oh, quelle amabilité ! se renfrogna la narcissique. Gardes donc tes petits secrets. De toute façon, plus le temps pour les douces rêveries, nous voilà arrivés près de notre objectif. Ah, qu'il est bon de revoir cette forteresse, MA forteresse. Ils n'ont pas eu le temps de la démonter, les pauvres. Avec les conteneurs de nanobots que nous avons amené, nous allons pouvoir la remettre en marche très rapidement. Elle sera la clé de voûte pour finaliser notre conquête, nous serons virtuellement invincible, cette fois-ci, ils s'y casseront les dents. Que décides-tu, Jugger, tu viens avec moi ou tu préfères retourner à tes calculs ? Je peux m'en débrouiller seul.
- PROBABILITÉS DE PIÈGE ÉLEVÉES. JUGGER VIENT AVEC ADDER PAR MESURE DE PRÉCAUTION.
- Comme tu voudras. Ils ne comprendront pas ce qui va leur tomber dessus !"

Oh, ils le comprirent bien, mais cela n'empêcha pas Yellow Comet d'essuyer une nouvelle débâcle. Jugger se montrait d'une logique et d'une froideur implacable, qui arrivait à faire frissonner Adder, ce dernier n'étant pourtant pas d'une sensibilité extrême lorsque le sujet ne tournait pas autour de sa propre personne.
Comme pour les autres défaites des insulaires; ils faisaient face à un Black Hole trop bien organisé et qui bénéficiait de trop d'avantages : une duo dévastateur, un ordinateur infaillible, la coupure des communications, des renforts sur place de qualité, l'effet de surprise et l'impossibilité de recevoir une aide extérieure.
Ils étaient livrés à eux-même, avec pour seule compagne une angoisse croissante face à la montée en puissance de Black Hole.
Si Sonja arrivait à survivre aux pièges tendus par Jugger, elle ne pouvait pas déjouer celui de la machine-général, jamais efficacement, il ne se laissait pas duper. Kanbeï, malgré toute sa puissance, ne pouvait arriver à contenir cette incroyable puissance noire. Senseï ne pouvait submerger tout cela avec de simples parachutistes, et ses habilités dans le transport ne pouvaient renverser le cours d'une bataille. Quant à Grimm, s'il arrivait à faire des percées dommageables pour l'ennemi, elles étaient tout à fait prévues, et ses troupes à faible défense se faisaient ensuite éliminer sans pitié.
Un plan de la dernière chance se concoctait au quartier général de la capitale de Yellow Comet, mais la chute de l'île semblait de plus en plus inexorable et ne plus se compter qu'en quelques jours, comme l'estimait Jugger. Adder ne voyait rien de mal à ça, car enfin, n'était-ce pas formidable qu'à chaque fois au cours des trois dernières guerres, aucun général de Black Hole n'ai remporté une seule bataille ? Les Alliés pouvaient bien parader, Adder suspectait une force obscure à l'œuvre, et cette force devait les avoir quitté pour cette fois.
Ah, quel doux temps que celui de la revanche et de la vengeance !

Pendant ce temps, quelque part sur Wars World...


Sturm, bien calé dans son fauteuil qui tenait plus du trône, regardait avec plaisir le grand tableau électronique stratégique situé en face de lui. Tout allait selon son plan, cela marchait tellement bien que s'il avait été d'une autre trempe, il aurait été effrayé par une telle efficacité. La beauté de la chose était qu'un échec de l'un ou l'autre de ces minables ne signifiait rien, mais alors, absolument rien. Nullement comme auparavant, où de telles raclées lui avait fait penser à effectuer des réajustements. Réajustements qu'il n'avait pas pu effectuer alors, l'arrivée de Von Bolt, ce bouffon qui voulait la vie éternelle, lui donnant la plus belle occasion de terminer dans l'ombre la station. Personne ne s'occupa de lui, tout le monde le croyait mort : cela avait été parfait. Il avait pu tout peaufiner pendant que Wars World s'affaiblissait un peu plus dans une troisième guerre contre Black Hole, enfin, un Black Hole ridicule qui ne méritait presque pas ce nom qui devrait faire trembler la terre.
Terminé la rigolade. Zak était mort : très bien. Un minable phraseur de moins, il ne pouvait pas le supporter. Green Earth complètement hors-jeu, il n'aurait pas à craindre les unités aériennes d'Eagle avant qu'il ne soit trop tard. Il continuait à envoyer des troupes pour semer le chaos là-bas, alors qu'ils croyaient avoir remporté la victoire après avoir démoli la nano-usine. Dommage que cet Ash Twilight ai pu les convaincre de laisser leurs troupes stationnées, mais de toute façon, le résultat était le même.
Blue Moon : la tempête du siècle. Il se demandait bien comment cela était arrivé, mais cela ne faisait que servir ses desseins.
Orange Star : situation inconnue pour le moment. Il attendait des nouvelles de Regnag à ce sujet.
Omégaland : défaite de Candy. Rien d'étonnant, avec des lèvres pareilles, on ne peut que perdre. Et un style aussi minable. Nouvelle intéressante : la survie de Maverick avait été confirmée. Sturm avait ragé en apprenant cela, et il brûlait de se rendre lui-même là-bas pour enterrer ce traître sous une bonne grosse météorite de son cru. Mais il devait rester calme et ne pas quitter la station avant le moment opportun; ce genre de patience, il l'avait déjà éprouvée lors de sa seconde offensive.
Rien n'importait que la bataille finale, si bataille finale il y aurait, il comptait sur le fait que les Alliés se ratatinent comme une crêpe suzette asthmatique avant de même pouvoir songer l'attaquer. Si jamais ils arrivaient à deviner l'ampleur de ce qui les attendaient !
" Seigneur Sturm !"
Un soldat venait de pénétrer dans ses quartiers privés sans même s'annoncer ?
" Ne me regardez pas ainsi, Seigneur Sturm, c'est tout à fait urgent ! Cela vient de notre espion. Voici son dernier communiqué.
- Donne, et file."
Le soldat lui remit un court papier qu'il se mit à lire avec avidité.
" J'ai arrêté et empêché, avec approbation, la propagation d'une fuite.
La nouvelle d'une surprise s'est répandue, a, au moins été ouverte et installée.
Ne s'occuper du reste, en a plus. Je pense qu'à lier et emmener, le chat les auraient sûrement invités. Il faut se laver et purifier, car bientôt, les ouvertures des sinus...
Blanche-neige, belle femme, est une musicienne en herbe, belle vie.
Fera son travail, partie en vacation, du moins en voyage.
"
Si le visage de Sturm avait pu exprimer une quelconque émotion, cela aurait été la joie triomphante. Le petit code utilisé dénotait qu'il n'avait pas encore le contrôle entier de la situation, mais qu'il allait bientôt river le dernier clou au cercueil des Alliés. Une bonne chose de faite, le reste serait presque trop facile, comme d'exterminer une espèce déjà en voie de disparition, ou d'écraser une ligne de fourmis. Mais telle était son aspiration que de devenir le maître de Wars World, et ayant déjà suffisamment attendu pour cela, il ne rechignerait devant rien, et se passerait d'un combat loyal. Quelle idiotie, d'ailleurs !
La guerre était affaire de puissance et de ruse, l'honneur et le fair-play n'y avaient pas court. Ceux qui trépassaient étaient rejetés par le monde, ou bien étaient les pions nécessaires au grand échec et mat final qui scellerait le destin de Wars World.
Sturm eut soudain une légère interrogation, que ferait-il lorsqu'il en aurait terminé ici ?
Car en, fait, comme pour tout but, quelle que soit l'ampleur, on se sent bien tant qu'on concourt à sa réalisation, mais une fois concrétisé, n'y a-t-il jamais une pointe de lassitude, se sentiment de vacuité ?
La vie ne se satisfait pas en fait d'une réalisation terminée, il faut toujours aller en avant et se trouver de nouveaux buts, jusqu'à ce que vous ayez tout expérimenté ou bien que la mort vous surprenne. Sturm ne comptait absolument pas sur la seconde option, il décida alors qu'il se servirait de Wars World comme base planétaire d'opération pour partir à la conquête d'autres mondes, dans un cycle sans fin de destruction, jusqu'à ce que le cycle s'arrête, lorsqu'il n'y aura plus rien à s'arroger.
Jusqu'à ce moment-là...
Il ferait régner la terreur dans le système.
Si ses maîtres le lui permettait, néanmoins.

Au Palais du Crépuscule...


Candy se reposait dans le petit salon, sirotant un café tout en repensant aux merveilles de la vie. Qui aurait pu prédire que de petite fille désavouée par sa famille elle aurait pu en arriver jusque-là ?
Cet endroit était fantasque, mais ne manquait pas d'un certain charme qui lui plaisait beaucoup. Et puis, cela valait mille fois mieux que de se retrouver sur le champ de bataille à se faire poursuivre par l'implacable Maverick.
Maverick...
Avait-il eut vraiment l'intention de la sauver ? Elle n'avait pas vu clair dans son jeu. S'il semblait parler comme avant, elle avait remarqué un éclat différent dans ses yeux. Elle aurait été prête à parier n'importe quoi que s'il disait combattre pour lui-même, ce serait un gros mensonge. Et elle voulait ardemment connaître la personne qui avait pu changé un tel cœur de glace, car à cette personne, sans trop de doute, elle devait maintenant la vie. Une vie qui devrait lui réserver encore plein de surprises, car même si elle avait eu de quoi être étonnée par les prouesses de l'armée de Black Hole, ce Black Sun se mettait à un tout autre échelon. Il y avait un parfum enivrant de mystère dans tout cela, qui ne laissait pas de la faire s'interroger.
Des gens si étranges ! Là, ce garçon taciturne que cette bouffonne riante lui avait conseillé de se méfier. L'avertissement n'était pas superflu, car il possédait un charme certain, mais ne lui avait témoigné aucun intérêt. Une autre fois, un tel dédain envers sa beauté l'aurait piquée au vie, l'aura de meurtre qui l'entourait ne prêtait pas à éprouver une quelconque blessure à son orgueil féminin.
Il y avait aussi ce drôle de personnage masqué qui croquait (avec quelles dents ?) ces cookies infâmes, cette femme exotique qui avait une paire d'ailes dépareillées dans le dos, ce... Cette chose qui se baladait toujours encapuchonnée. Une véritable micro-société vivait dans cette forteresse située elle-ne-savait-pas-où, fourmillant d'activité. Elle ne savait pas encore quel genre de travail s'effectuait ici, mais cela demandait beaucoup de personnel.

Lorsque Noïs l'avait laissé ici, elle s'était senti perdue au début- avant de se faire prendre en main par Jeeves, le factotum du Palais. Un homme d'une politesse exquise et d'une prévenance folle, qui lui rappelait Alfred, le majordome de sa famille, le seul domestique qui lui avait manifesté de la sympathie. Elle plaçait un report de la même affection sur ce Jeeves, qui avec beaucoup de délicatesse lui avait ouvert les portes, en partie, de la compréhension de cet univers à part où elle séjournait dorénavant, si bien qu'elle se sentait presque avoir un foyer où elle était acceptée, même si pour le moment, on la laissait un peu de côté- sauf Jeeves, qui venait régulièrement voir si tout allait bien. Un type proprement formidable.
Tout cela était bien plaisant, mais elle ne pouvait pas rester indéfiniment ainsi. L'oisiveté et le luxe avaient du bon, elle pouvait obtenir tout ce qu'elle désirait ici, seulement, on ne l'avait pas amenée just for fun, elle n'était pas si naïve. Que pourrait-on donc bien lui demander ?
Elle en était à ce point de réflexion, lorsqu'un cône de lumière blanche, qui ne s'était pas fait connaître depuis quelques temps, la plaça dans un cercle lumineux.

" Alors, Candy, que dis-tu de cette nouvelle vie au Palais du Crépuscule ?"
Elle sursauta, reposa la tasse et chercha partout d'où pouvait venir cette voix aux accents envoûtants.
" Inutile de paniquer, Candy, indiqua la Voix, rassurante. Je suis partout... Et je suis nulle part. Un concept fort difficile à appréhender, moi-même, je ne suis pas sûr de bien le comprendre. Mais quoi ? Je suis ici pour le moment, c'est ce qui compte, non ?
- Qui êtes-vous ?
- Ah, ce sacré poncif. Je devrai songer à faire un petit enregistrement qui déclinerait mes nom, prénoms, adresse et autres éléments de civilité. Mais je crois que ce serait un peu inutile, car je ne possède rien de tout cela, sauf les noms. Je suis Voïvode.
-Voïvode ? Vous êtes donc un chef de guerre ?
- Oh ! fit la Voix, impressionnée. Je vois qu'en plus de posséder de beaux atours, tu as de la culture. Oui, c'est cela, je suis une sorte de chef de guerre, et bien plus encore; quant à Wars World, il s'agit de ma voïvodie. Mais je ne viens pas apporter la guerre, j'ai dans ma besace tous éléments pour la paix.
- La paix ? Sur Wars World ?
- Une idée étonnante, n'est-ce pas ? Il faut pourtant bien que quelqu'un vienne briser ce cycle infernal qui vous tient sur vos gardes depuis des siècles et des siècles, toujours prêt à vous entre-déchirer. Il serait long et fastidieux que d'introduire des organisations internationales, de bâtir un tout nouveau droit de la guerre pour la rendre humaine, de multiplier les organes de contrôle et de sanction... Cette voix pourrait être suivie par ce monde sans mon intervention, et vous seriez encore en train de vous mettre sur le nez dans deux siècles. Et dans deux siècles, l'extinction des conflits sera bien le dernier de vos soucis !
- Vous êtes capable de prédire l'avenir ?
- Oh, pas plus qu'un autre, ni moins, d’ailleurs. Je me fie à certaines sources. Mais toute cela nous éloigne du sujet principal : toi.
- Moi ? dit-elle en pointant un doigt vers son corps.
- Et oui ! C'est une bonne chose que Noïs t'ai amenée jusqu'à moi. Il aurait été dommage de perdre un élément... De ton calibre.
Ah, Candy ! Je connais tout de toi, sais-tu ? Ton passé, ton présent, rien ne m'est inconnu, et sûrement je façonnerais en partie ton avenir si tu décides de te joindre à moi. Tu as été bien seule, Candy, et je connais, oh oui ! Je connais la solitude également. Quelle impression désagréable de se dire parfois que l'on est son meilleur auditoire ! On se demande alors : est-ce nous qui avons un problème, ou alors est-ce le reste du monde ? Alors on se met à haïr ce monde qui nous est tellement hermétique, qui nous rejette ! Mais le monde ne peut pas arriver à nous changer, alors c'est à nous de le changer, lui. Ne crois-tu pas que j'ai raison, Candy ?
- Tout à fait ! s'écria-t-elle, subjuguée d'entendre des paroles qu'elle n'aurait jamais avoué à quiconque.
- Je savais que tu me comprendrais. Toi, et moi, nous avons cette souffrance en commun. Ce n'est pas un mauvais lien ! Car la sympathie ne signifie-t-elle pas, souffrir avec ? Les amis qui ne sont là que pour partager les bons moments, et te délaisser dans les périodes de peines, ne sont pas des amis. Ce ne sont que des profiteurs ! Je sais, Candy, que beaucoup ont vécu à tes dépends de cette manière, n'est-ce pas ?
- Oui ! fit-elle, se rappelant tous ces pauvres types qui tournaient autour d'elle comme des mouches (et certaines femmes, également).
- Bien sûr. Il y a toujours de mauvaises gens, dans tous les coins de l'Univers. Seulement, Candy, tu t'es mal orientée pour trouver ta place en ce monde. Ce n'est pas un blâme, tu n'avais pas réellement le choix. Le destin même, de sa main invisible, s'était ligué contre toi depuis ta naissance, et le libre-arbitre ne nous permet qu'une semi-liberté dans l'existence, car le destin occupe l'autre versant, et il est bien difficile de lui résister lorsque l'on est pas préparé. Mais ton destin est arrivé à un embranchement, belle Candy, et il est temps pour toi de faire un choix. Je peux te renvoyer sur l'heure sur Wars World : tu y mèneras la vie que tu voudras, demande, et tu obtiendras tous les dons matériels pour t'y accompagner.
Mais tu peux aussi rester ici, Candy, et travailler pour moi. Tu pourrais apprendre beaucoup, vaincre la solitude et changer ta vie. Ici, tu seras comme dans une famille, et le Palais du Crépuscule sera ta maison. Et moi... Pour moi, nous verrons. Cela dépendra de toi.
Veux-tu devenir une agente de l'Utopie, Candy ?"

Candy ne se le fit pas dire deux fois, elle se retrouvait charmée par cette Voix qui lui était plus que sympathique. De toute évidence elle était bien au QG de la team gagnante, et elle n'allait pas laisser passer l'occasion de la rejoindre. C'était follement excitant !
" Oui, je le veux... Voïvode.
- Parfait ! répondit ce dernier sans cacher son approbation. Une réponse rapide et qui vient du cœur. Je pensais bien que tu me ferais cette réponse. Tu ne le regrettera pas, Candy, crois-moi ! On peut m'imputer beaucoup de défauts, mais aux femmes, je suis tout ouïe, sauf à celles qui me défient trop ouvertement, sans me qualifier de féministe, rares sont les femmes qui ont eu à se plaindre de moi. Bien, maintenant, je suis désolé d'en passer par cette formalité administrative, mais il me faut prêter serment. Le voici..."
Il n'énonça, elle l'accepta sans rechigner. Un brûlure naquit au creux secret de ses seins, une petite fumée s'en échappa, sans qu'elle ressente pourtant une quelconque souffrance.
" Une gentillentité ne s'abaisse pas à faire mal à une dame, expliqua le Voïvode. A chaque fois que cela peut être évité, du moins...
Dorénavant, tu fais partie des nôtres, Candy Tsul. Fais honneur à cette distinction, tu œuvreras pour ce qui le mérite le plus d'être construit, je te l'assure. Au plaisir d'être à nouveau en ta charmante compagnie !"
Et la lumière disparut.

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