La Marée des Ténèbres

Chapitre 29 : Union sacrée

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:05

" Yo oh oh ! Higgins, préparez-vous à une virée à tribord ! Feu nourri sur tout ce qui bouge et qui n'est pas ami !
- Oui Monsieur !"
Et la galion amiral, sobrement anglicisé et nommé Skull Wrath, vira à droite pour faucher une nouvelle lignée d'ennemis qui essayaient tant bien que mal d'échapper aux boulets dévastateurs. Le galion fendait les sables à toute vitesse, semant la mort partout où il passait, tandis que Cortez ne cessait de pousser des exclamations joyeuses à chaque fois qu'ils réussissaient des beaux tirs.
Maverick était monté à bord de cette sorte de bateau fantôme, Cortez ne lui avait en fait pas trop laisser le choix et l'y avait embarqué d'office dès qu'il l'avait pu. Le général de Black Sun avait protesté pour la forme en disant que ses troupes allaient se retrouver perdues, ce à quoi le squelette géant avait répondu qu'il ne fallait guère de sens de l'orientation ou de stratégie pour faucher des rangs d'ennemis en fuite. Sa flotte continuait à harceler les forces adverses de toutes parts et ne lui laissait pas le temps de se ressaisir,de toute manière, aucun tir ne parvenait à percer le blindage en os de ces vaisseaux spectraux.
" Cortez ! appela Maverick à travers le vent qui continuait à hurler, charriant des lots de sable qui ne gênaient pas le moins du monde les équipages décharnés.
- En plein dans le mille ! Oh, Maverick; qu'est-ce qu'il y a ? Tu as envie de faire un peu de ball-trap toi aussi ?
- Une autre fois pour ce genre de loisirs ! Peux-tu faire une percée en-dehors des contingents de Black Hole ? Nous devons faire route aussi vite que possible vers l'obélisque avant qu'ils ne puissent faire venir des renforts.
- Ah, tu n'oublies jamais les détails pratiques, n'est-ce pas ? Moi qui commençait tout juste à m'amuser ! Ah, je vois bien que l'affaire est sérieuse, allons-y donc ! Higgins !
- Capitaine ?
- Dites aux hommes de donner tout ce qu'ils ont au générateur éthéré ! Nous devons atteindre ce gros machin qui se dresse à l'horizon à une vitesse endiablée ! Culbutez tout ce qui dressera sur notre chemin.
- Tout de suite, Capitaine !"
Dès que l'ordre fut relayé, Maverick sentit une véritable poussée leur faire faire un bond en avant et les propulser au beau milieu de l'armée ennemie en déroute. Le Skull Wrath traça ensuite sa route sans se soucier de toute les victimes qu'il fauchait. Cortez mit la barre droite, puis s'adossa à celle-ci.
" Voilà pour ton service, petit homme ! Nous y serons dans quelques minutes. J'espère que tu n'as pas peur de te charger de cette forteresse à toi tout seul ?
- Avec toi à mes côtés, je pense que ça ne posera pas de problèmes."
Cortez partit d'un grand rire. Maverick éprouvait une sensation bizarre en compagnie de ce mort-vivant hors du commun, sentiment qui pouvait se rapprocher de la sympathie, quoi qu'il lui réservât, comme à tous ceux qu'ils rencontraient, une part de méfiance, mais moins qu'à d'autres.
" Tu as bien raison ! approuva la créature démoniaque du sixième cercle. Tu as l'air encore plus costaud que la dernière fois, Maverick !
- Et moi, je me demande bien comment tu as pu me retrouver jusqu'ici... Pour arriver juste au bon moment.
- Toute une histoire ! Tu veux que je te la raconte ?"
Ne voyant rien de mieux à faire pour tuer le temps, Maverick lui donna son accord.
" Je ne suis pas un conteur formidable, tu m'excuseras !
Bon, tu te souviens que tu chutais après que nous nous soyons échappés de cette île maudite ? Oui, je vois bien. Que ces traîtres de vieux os continuent à y pourri pour l'éternité !

Je n'aime pas trop être dans l'air, mais il y avait de la bonne mer en-dessous, et j'ai le naviculaire marin. J'ai bien essayé de te rattraper, mais il y a une espèce de femme ailée qui a fondu sur toi pour te prendre dans ses bras, avant de te laisser glisser un peu plus bas, puis de te reprendre encore. Après, elle a filé plein est, et comme je ne suis pas un excellent bon nageur malgré tout, j'ai préféré rejoindre la terre la plus proche pour me mettre au sec.
Non pas que j'allais t'abandonner ! Mais bon, je devinais à quelque signe qu'elle allait bien s'occuper de toi, et de toute façon, j'avais définitivement perdu ta trace. Je me retrouvais tout seul, trempé, dans ce monde que je ne connaissais pas. Le seul que je connaisse, c'est Aznhurolys, et aucun panneau indicateur interdimensionnel lorsqu'on en a besoin. Je restais là à ruminer mes prochaines actions, assis sur un bout de rocher, quand je me suis rappelé que j'avais toujours en main ce joli miroir que j'avais fauché à Perdide. Comment ça, tu l'avais fracassé contre une colonne ? Moi, je l'ai trouvé intact, comme tu le vois bien. Je me demandais à haute voix " Que faire ?", et voilà pas que le miroir commence à me parler, et à me demander de se mirer en lui !
Bon, je suis habitué à ce genre de phénomènes, mais je croyais qu'il ne s'agissait que d'un attrape-gogos. Puis, j'ai pensé que j'étais déjà mort, et qu'il n'y avait pas grand risque à jeter un coup d'orbite dedans. Il montrait ce que je désirais le plus, et sur le moment, c'est toi dont j'avais besoin car je ne connaissais personne d'autre pur me guider sur ce monde !
Alors le miroir de l'Etidiva a montré ton image dans un drôle de château, sans m'indiquer comment je pourrais t'y retrouver. Il est assez capricieux, cet artéfact. Je ne pensais pas pour sûr que sa magie continuerait à fonctionner en-dehors de Perdide, mais en preuve en est, c'est que maille par maille il m'a conduit jusqu'à toi !
Le reste a été un peu long, mais pas bien compliqué. Ce machin au cadre doré a déterminé le moment où je pourrais te retrouver : exactement le moment que nous vivons. Pour te rejoindre, j'ai vu dans le glace que j'apprêtais une grande flotte, je savais ce qu'il me restait à faire. J'avais croqué pas mal de pirates, dans ma jeunesse, et c'était une nourriture plutôt rare, car en Aznhurolys il n'y a pas d'océan à proprement parler : juste un immense fleuve qui fait le tour entier de la planète et qui la sépare en deux supra-continents, lesquels ont des mers intérieurs plus ou moins grandes.
Mais ce nouveau contact avec l'eau avait ravivé en moi tous ces souvenirs de marins, et je pensais comme le miroir, ce serait la meilleure solution pour tuer le temps et te donner un coup de main. Ce qui est pratique, lorsque l'on est déjà mort, c'est que beaucoup de choses deviennent possible. J'ai dragué les mers à la recherche du beau chapeau que tu vois sur ma tête, il appartenait à l'un des plus sanguinaires corsaires de ce monde, je ne pouvais pas porter un couvre-chef moins honorifique que celui-là pour commander toute une armada. Pendant que j'étais au fond, je me sustentais en croquant quelques vieux squelettes qui avaient un bien mauvais goût salé, après tout ce temps passé sous l'eau. Puis je me mettais au travail, à renflouer des tas de bateaux grâce à ma magie, et à raviver l'âme des squelettes d'anciens pirates et hommes d'équipages qui ne pouvaient pas trouver le repos.
Il n'y en a pas un qui ne se trouva pas enthousiaste de servir sous mon commandement, car les quelques réfractaires, j'avais tôt fait de les gober pour leur montrer qui était le patron.
Une bien longue entreprise, que tous ces renflouements ! Mais comme tu vois, elle a payé. Ces fonds marins sont d'une richesse inouïe en terme de morts et d'épaves, j'imaginais sans peine tous les combats sanglants sur les océans, à toutes les époques. Une fois ma flotte prête, je me mettais à bien vérifier l'efficacité de mes vaisseaux, et je faisais dérouiller mes matelots engourdis par un repos sous-marin allant de quelques années à plusieurs siècles en coulant quelques mercenaires qui passaient par là.
Je surveillais de temps en temps où tu en étais grâce au miroir, et quand le moment fut venu, c'est à dire quand je savais que j'aurais exprès le bon timing pour apparaître théâtralement, car il faut soigner le style, j'ai fait cap vers ce désert. Eau, sable ou terre, il n'y a rien que les pirates de Cortez ne puissent traverser ! Enfin si, sauf l'air, je n'aime pas trop ça.
Tu ne peux pas savoir comment je suis heureux de te retrouver ! Sans mon petit Maverick pour me servir de guide, j'allais sûrement me perdre dans ce Wars World, là ! Mais toi, dis-moi donc, que t'es-t-il arrivé entre-temps ? Je n'ai pas compris toutes les images que me renvoyaient le miroir."
Maverick, ne voyant aucune raison de cacher la vérité à la créature démoniaque qui lui semblait totalement dévouée, lui narra brièvement où Miranda l'avait mené, le serment qu'il avait fait au Palais du Crépuscule et la mission que Voïvode lui avait confié, son entraînement, en essayant de lui expliquer aussi précisément que possible la menace que représentait Black Hole, car Cortez ne semblait pas bien situer pourquoi Maverick aidait à protéger le monde au lieu de faire le contraire comme avant.

" Pour sûr tu as changé, Maverick ! Bha, peu importe ce que tu choisis, je suis avec toi !"
Et Maverick de sourire en se disant que c'était bien mieux pour tout le monde que ce joyeux drille fut de son côté et non pas laissé en liberté. Aux commandes d'une telle flotte qui ne connaissait pas la peur ni la mort, il voyait facilement tous les dégâts qui auraient pu être occasionnés si Cortez était laissé sans contrôle...
" Repaire ennemi à portée de canons, Capitaine ! annonça Higgins, le second.
- Quoi ça ? pépia Cortez en se retournant. Par le Grand Ossuaire, nous papotons comme des femmes, et nous voilà déjà arrivés. C'est plutôt moche, comme repaire, dis-moi. Tu me dis que cette chose permet à ce Black Hole de transporter ses soldats un peu partout ? C'est que ça n'a pas l'air commode... Comment comptes-tu le détruire ?
- Inutile de tout détruire pour le moment, dit Maverick avec un geste temporisateur de la main (il ne voulait pas que Cortez aille tout casser dans un élan de bonne camaraderie). Nous pourrions nous servir de cette installation à notre propre avantage. D'après ce que je sais, ce sont dans les aires d'effet de ces pylônes que sont téléportées les troupes : il faut les neutraliser en premier lieu.
- Rien de plus facile ! fit Cortez avec un geste négligent de la main. Vous avez entendu, Higgins ? Feu à volonté sur ces drôles de pylônes, que dans le quart d'heure qui suit il n'y en a pas un qui soit intact !
- Bien, capitaine !" répondit le squelette avec zèle, avant de transmettre les ordres adéquats aux servants des couleuvrines, qui se mirent à charger les fûts.

Des défenses automatiques, principalement des tourelles de gros calibres, se mirent en marche et trouèrent le galion d'autant d'obus qui ne semblaient pas lui faire le moindre effet, les projectiles explosaient contre les barrières macabres sans provoquer le moindre dommage.
Un peu plus en arrière, voyant que ce vaisseau fantôme pouvait supporter le feu de leur forteresse sans broncher, comprenant par là qu'il devenait inutile de chercher refuge plus loin, les derniers survivants des traîtres de Purple Dragoon et des cohortes de Black Hole arrêtèrent leur fuite et se rendirent sans conditions. Les Alliés les mirent sans ménagement en tas après les avoir désarmés, réquisitionnèrent leurs véhicules et foncèrent vers l'obélisque, dans laquelle on s'activait avec fébrilité pour tenter de repousser l'assaut de cet unique navire qui défiait les lois de la physique, et bien d'autres lois dans d'autres domaines.
Lorsque les lance-missiles des Alliés furent à portée et commencèrent à pilonner l'entrée de l'obélisque pour la fracturer, ils surent que tout était perdu. Où étaient les renforts promis par Regnag ? Ils ne pouvaient pas attendre plus longtemps. L'ennemi allait bientôt investir la base.
Mc Stuggle, comme les autres, savait pertinemment que Sturm n'avait aucune considération pour les lâches, mais ils préféraient encore affronter sa colère en rentrant à la station plutôt que de se laisser capturer par les forces d'Orange Star, de Purple Dragoon et de Maverick qui était revenu d'entre les morts.
Oh ! Cruelle déception de voir que tous les accès étaient fermés ! Des vérifications angoissées eurent lieu, bien entendu, sans résultat. De piègeurs ils étaient devenus les piégés, car ils ne pouvaient s'attendre à aucun salut en quittant l'obélisque par une voie détournée, la tempête de sable qui allait s'affaiblissant leur interdisait toute retraite. Ils ne pourraient pas résister à une incursion dans le bâtiment, et beaucoup eurent l'estomac noué en pensant que ces squelettes pourraient bien décider de mettre pied à terre pour venir les embrocher avec leurs sabres rouillés et leurs baïonnettes vermoulues.
Ils entendirent et sentirent l'écho d'une explosion plus forte que les autres : la porte principale venait de céder. Les caméras de surveillance montrèrent qu'un homme aux cheveux blancs et un squelette encore plus grand et effrayant que les autres pénétraient à l'intérieur.

" Colonel Mc Struggle ! s'écria un caporal. Nous n'avons plus le choix. Il faut activer le système d'autodestruction avant que l'ennemi ne découvre des informations vitales.
- Les techniciens sont déjà en train d'effacer le maximum de fichiers sensibles, caporal. Vous voulez donc en prime nous faire sauter avec ? le railla-t-il.
- C'est notre devoir de soldat ! proclama l'autre avec ferveur. Nous devons mourir pour la sureté de Black Hole et du seigneur Sturm !"
Mc Struggle soupira audiblement.
" Vous êtes vraiment sûr de ce que vous dites ?
- Sans aucune hésitation possible !
- Hé bien, dans ce cas..."
Le colonel sortit son pistolet d'ordonnance et tira une seule balle dans le cœur du caporal, qui s'écroula, son visage exprimant la surprise et l'incompréhension. Un silence lourd tomba sur la salle d'opération, pendant que la fumée s'échappait du canon de l'arme, qui fut prestement rangée dans son holster.
" Est-ce que quelqu'un d'autre partage ses convictions ? demanda-t-il calmement à la cantonade. Si c'est le cas, mon chargeur est encore plein. Si d'autres veulent mourir, qu'ils le fassent donc eux-mêmes. Je tiens à ma vie, et je ne la sacrifierai pas pour Sturm. Libre à vous de faire ce que vous souhaitez. Il est clair que Regnag nous a abandonnés, moi, je ne vois pas comment nous pourrions rester fidèles à une organisation qui laisse tomber ses soldats comme ça. Nous allons désactiver les défenses intérieures et nous rendre sans discussion. A moins que quelqu'un soit contre cette idée ? Il n'aura alors qu'à aller directement au devant de ces deux... Messieurs... Qui viennent nous rendre visite."
Personne ne se porta volontaire, à sa grande satisfaction. Un seule fanatique stupide du genre de ce caporal suffisait. Mc Struggle regarda les écrans de surveillance, les intrus se dirigeaient fatalement vers eux. Lorsqu'ils furent tout prêts et avec l'accord général, il ouvrit les portes de la salle. Maverick entra l'arme au poing, Cortez le suivit, sans armes, mais il en était une lui-même, et des plus dangereuses.

Le colonel s'avança vers l'ancien général de Black Hole et le salua avec la rigueur militaire requise.
" Colonel Mc Struggle, pour vous servir, s'introduisit-il.
- Mc Struggle ? fit Maverick sans cesser de pointer son arme alentours. Oui, je me souviens de vous, maintenant.
- Content que ce soit le cas, général. Comme vous pouvez le voir, tous mes hommes ont déposés leurs armes à terre, le reste du personnel n'est pas armé. Je vous demande de bien vouloir accepter notre reddition pleine et entière et de laisser ces pauvres diables en vie.
- Pauvres diables ? dit le colosse aux yeux bleus en relâchant sa méfiance. Vous savez que la mort est souvent le tribut et la seule récompense d'un homme de l'armée, Mc Struggle. Cet uniforme sera le dernier que vous êtes censé porter. Mais je vous conseillerai maintenant de vous faire oublier et de vous reconvertir dans le civil... Je promet de tout faire pour que aucun d'entre vous ne soit maltraité, si seulement vous répondez à mes questions.
- Quelqu'un a-t-il un véto à faire entendre contre cette demande ? dit à voix haute le colonel. Non ? Bon, hé bien, marché conclu, général Maverick. J'ai bien peur que vous ne trouverez rien sur nos ordinateurs, mais je serai heureux de vous renseigner. Est-ce que vous pourriez seulement dire à ce...
- Cortez, veux-tu bien arrêter de les regarder comme ça ? Je ne peux pas te laisser les manger, j'ai besoin de savoir ce qu'ils peuvent m'apprendre.
- Tu as intérêt à m'acheter un gros panier de pommes au retour ! grogna le squelette en allant bouder dans un coin, tout en continuant de lorgner de temps à autre sur les humains de la pièce.
- Bien ! Pendant que j'y suis, colonel, vous ne comptez pas me faire perdre du temps ici en préparant un coup monté, bien entendu ? Du genre, exemple pris tout à fait fortuitement, d'un système d'auto-destruction ?
- Le dernier à avoir suggéré cette idée est dans cet état."
Il pointa le cadavre du caporal. Maverick considéra cela comme une preuve concluante et hocha la tête en rangeant son arme, sachant que Cortez pouvait s'assurer de sa sécurité à tout moment.
" C'est parfait. Ayez l'obligeance de dire tout d'abord d'où viennent toutes les troupes de Black Hole, et comment Sturm a pu en produire autant.
- Les troupes viennent que nous déployions grâce à l'obélisque viennent d'un unique endroit qu'ils appellent 'la station'. Toutefois, je n'ai pas été autorisé y pénétrer. Il n'y avait que le commandant Regnag qui pouvait traverser librement le portail qui y menait. Quant à la capacité de pro-
- Un portail ? le coupa Maverick. Peut-on encore l'ouvrir ?
- Malheureusement non, fit l'interrogé en déniant. Sinon, croyez bien que je ne me tiendrais plus ici à votre disposition. Tous les accès extérieurs ont été fermés.
- Je vois... Il ne prend vraiment aucun risque. Reprenez.
- Oui, général. Toutes les unités sont donc produites à la station grâce à la nano-technologie. J'ignore par contre où Sturm a trouvé les ressources nécessaires pour produire autant et en continu. Il semble évident que cette 'station' est une construction de longue date. Je sais aussi que l'arme suprême de Sturm s'y trouve, mais seul lui et Regnag savent de quoi il s'agit. Je vous le dis, il a voulu conserver le plus grand secret sur ses opérations. Nous n'étions que des intermédiaires chargés du bon transport des troupes sur les points-clés de Wars World, rien de plus.
- Vous devez bien savoir quelque chose sur cette mystérieuse technologie qui permet la téléportation ?"
Le colonel fit une moue négative.
" Nous n'en savons rien non plus. Des ingénieurs bizarres sont venus mettre en place le système, et venaient à chaque fois que des réparations s'imposaient.
- Bizarres ? releva Maverick. Dans quel sens ?
- Juste... Une impression, fit l'autre en frissonnant légèrement. C'est comme s'ils n'étaient pas vraiment... Humains. Je me suis souvent posé la question, comme on sait que Sturm lui-même vient d'ailleurs, si eux ne venaient pas aussi de cet ailleurs... Je suis désolé de ne pas pouvoir vous donner plus de précisions."

Maverick était déçu. Certes, ils avaient stoppés l'invasion générale, mais il devinait sans peine que Black Hole pourrait tout à loisir construire une nouvelle centrale de téléportation et d'autres de ces maudits pylônes. S'ils n'avaient pas déjà une seconde centrale de secours... Il posa la question, Mc Struggle, encore une fois, n'en avait pas la moindre idée. Maverick aurait admiré cette organisation si elle n'avait pas joué en leur grande défaveur.
" Impossible de remettre en marche l'obélisque avec du temps ?
- Nos techniciens sont mieux placés que moi pour vous répondre, mais nous ne pouvons voyager que jusqu'à un pylône, ou jusqu'à la station. Je doute qu'il en reste d'intacts, car il m'a semblé que leur implantation se faisait de plus en plus rare, comme si Sturm touchait au but et qu'il n'avait plus besoin d'envoyer des troupes."
Une idée atroce germa soudainement dans l'esprit de Maverick, déclenchée par ces paroles. Il la retint dans un coin de son esprit, il espérait grandement, pour la bien de Wars World, qu'elle ne s'avérerait pas exacte.
" Voilà une assertion plutôt préoccupante. Je vous crois quand vous me dites que vous n'êtes pas au courant des détails, mais y a-t-il quelque chose d'autre dont vous pourriez juger bon de m'informer ?"
Le colonel lissa son menton imberbe de sa main gauche en pensant à la chose.
" Oh, oui ! Je ne pense pas que vous m'auriez posé la question directement, et cela vient juste de faire ressurgir ce fait en mémoire. Une fois, j'ai surpris Regnag en train de soliloquer, il parlait de-
- A terre, Maverick ! " hurla Cortez de sa voix d'outre-tombe en l'enserrant dans ses côtes.
L'humain essaya de se dégager pour exiger des explications, mais Cortez fit surgir tout autour d'eux des remparts composés d'ossements pour les maintenir sous protection.
" Qu'est-ce que ?..."
Il faut bien l'avouer, 'qu'est-ce que?...' sont des mots assez moyens lorsqu'il s'agit des derniers que vous prononcez, et généralement, vous n'avez pas le droit à un second essai. Ce furent pourtant ceux de Mc Struggle avant que l'explosion ne l'emporte dans les bras de la mort, et de nombreux cahiers tombèrent dans la salle de Nekroïous avant de se ranger sagement dans les étagères soigneusement vernies.

" Youhou ? Maverick ? Combien j'ai de doigts, là ?
- Cinq.
- Voix froide, bonne réponse, tu es bien de retour parmi nous."
Maverick se sentait très faible et contusionné de partout, en un regard, il vit que ses vêtements étaient froissés et déchirés par endroit.
" Oh non, ne bouge donc pas, animal ! dit Cortez en le maintenant sur le brocard de fortune. Nous nous sommes donnés assez de mal pour te sortir de là !
- Nous ? fit-il en contenant des exclamations de douleur. (Il devait avoir quelques os fracturés).
- Oui, tu, et moi aussi en fait, devons une fière chandelle à ce jeune humain. Bon, il ne paye pas de mine, mais il nous a sauvés !"
Maverick tourna sa tête sur la droite et aperçut un jeune homme qui effectivement, ne payait pas de mine. Il frisait le mètre quatre-vingt, avait les cheveux blonds et fournis, un front haut, des cernes marquées sous des yeux bleus pur, un gros nez, des lèvres desséchées, des bras très maigres et avait un peu d'embonpoint; et ne devais même pas avoir vingt ans. Il était habillé d'une façon tout à fait inconvenante pour une traversée du désert, et lui souriait gentiment, n'ayant apparemment aucune peur du squelette géant. Il s'approcha de lui et déposa quelque chose dans sa main. Maverick le porta au niveau de ses yeux, il s'agissait du médaillon que Lyly lui avait donné.
" Merci, dit-il très sincèrement.
- Il n'y a pas de quoi, je sais ce que ça peut faire de perdre un objet auquel on tient beaucoup. Je l'ai trouvé près des décombres.
- Qu'est-ce qui s'est passé, Cortez ? Est-ce que le colonel nous a trahi ?
- J'pense pas, à moins que tu crois qu'il voulait vraiment se faire sauter avec nous. J'ai eu un de ces pressentiments qui vous font agir tout de suite sans poser de question au bon sens, tu sais ? C'est miracle que j'ai pu creuser assez pour nous ramener en-dehors, mais j'ai fini par me retrouver bloqué, et toi aussi par la même occasion (désolé pour les dégâts). Heureusement, il est arrivé près de nous, a entendu mes appels, crois-le ou pas, il n'a fait ni une ni deux en me voyant, a fait levier sur les blocs et nous a sorti de là. Il t'as ensuite prodigué les premiers soins et fait boire, parce que tu étais tout pâlichon. Puis j'ai bricolé un brancard, et nous t'avons transporté pendant quelques temps, tout en douceur, jusqu'à ce que tu te réveilles.
- Merci, répéta Maverick en s'adressant à leur sauveur. Vous m'avez aidé à survivre, et j'ai une dette envers vous."
Le blond haussa les épaules en toute modestie.
" C'est tout à fait normal. Je me suis perdu dans le désert, et quand j'ai entendu votre ami un peu maigre crier au secours, je n'ai fait que tout être humain devrait faire en pareille occasion.
- Beaucoup ne pensent pas comme vous ! fit le survivant avec un sourire cynique. Je crois qu'incidemment et en toute humilité, vous avez aidé tout Wars World.
- En toute humilité, mon orbite ! ricana Cortez. Tu prends la grosse tête avec toutes ces histoires, Maverick. Soit déjà heureux de pouvoir revoir le soleil avant de vouloir jouer les héros ! Mais au fait, autre petit homme, quel est votre nom ?
- Un nom ? s'étonna l'autre en haussant les sourcils. Oh, oui... Vous pouvez m'appeler Mattayu. Un drôle de nom qui ne me va pas trop, puisque cela signifie 'don de dieu'.
- Pour nous, vous en avez été un, Mattayu ! J'espère pouvoir vous rendre la pareille dès que nous en aurons fini avec Black Hole.
- Wars World ? Black Hole ? J'ai encore du marché trop loin, moins, je savais que je n'aurai pas du tourner à droite après le Leclerc... Vous m'aideriez bien si vous pouviez m'emmener à la ville la plus proche pour que je me repère.
- Je crois que ça ne va pas être trop difficile, dit Cortez en pointant un doigt. Voilà la cavalerie qui arrive."

En effet, les forces Alliées vinrent pour les rapatrier. Maverick tomba malgré lui dans l'inconscience, laissant seul Mattayu pour expliquer qu'il ne fallait pas s'effrayer outre-mesure de ce squelette géant. Ash établit le premier le contact avec cette autre bizarrerie, et après s'être assuré qu'il s'agissait bien d'un allié, ils embarquèrent tous, après avoir convaincu les autres qu'il ne fallait pas trop s'en étonner et saisir l'opportunité de gagner un nouvel allié dans la bataille contre Black Hole; ils ne purent rien tirer d'autre de Cortez que son nom et son amitié pour Maverick.
Cortez regagna le Skull Wrath, qui avait été soufflé par l'explosion mais qui demeurait intact, et mit tout de suite le cap vers Yellow Comet après avoir rassemblé toute son armada. Ses vaisseaux fileraient presque aussi vite que les transporteurs aériens de Purple Dragoon et ceux de Black Sun; un autre collègue mystérieux de Maverick, tout engoncé dans une robe noire à capuchon, avait placé sous leurs ordres toute une batterie de véhicules neufs et de troupes fraîches, précisant qu'elles provenaient de la nano-usine capturée de Candy et qu'elles leur étaient destinées. Sans avoir le loisir de l'interroger plus avant, il s'était défilé en leur souhaitant vaguement bonne chance.
Ash était de nouveau intervenu contre le scepticisme croissant en invoquant l'urgence de la situation à Yellow Comet. Fallait-il cracher contre ces renforts inattendus ? Puisque c'était pour le bien de Yellow Comet, Nell le soutint, et ils s'interrogeraient plus tard sur les pourquois des comments de tous ces événements. Dès que Maverick se réveillerait, ils en sauraient déjà plus.

"Dites... Nous ne nous serions-pas déjà rencontré quelque part ?"

Mattayu interrogea sa mémoire pendant quelques secondes, puis hocha évasivement la tête.

" C'est possible... Je ne suis pas un grand voyageur, pourtant, je me souviens bien des visages de ceux que je rencontrent, et vous en avez un assez reconnaissable."

Ash agréa en silence, n'insistant pas. Il avait posé cette question sur une impulsion, car ce drôle d'adolescent était tout à fait déplacé, et ne semblait pas du tout taillé pour la marche dans le désert ou tout autre exercice intense. Et puis, il lui faisait un drôle d'effet...

Bha, ça ne devait être qu'une impression.

" Sonja, ma fille, tu es certaine que ton plan va fonctionner ? Je ne met pas en doute tes capacités, même si ces lâches de Black Hole nous ont infligé de sévères défaites, mais...
- Ne t'inquiètes pas, père. Je contrôle de nouveau la situation. Cette astuce peut paraître fantaisiste, mais cela a marché, non ?
- Ta fille a raison, Kanbeï. C'était une chose bizarre que de mettre en marche toutes les machines qui pouvaient produire du vent, du sèche-cheveux aux grands ventilateurs industriels, mais nous n'avons plus une miette de brouillard sur le territoire qui est encore à nous !"
Et c'était vrai. Quelque chose de tout simple que le constructeur de la bombe Nocta n'avait pas du prendre en compte : il suffisait de souffler assez fort pour dissiper le brouillard noir. Il avait une masse très dense, mais lorsqu'on le réduisait en fragments séparés du corps principal, il disparaissait purement et simplement. Il avait suffi de mettre en place des filtres pour accélérer la décontamination, et la partie nord de Yellow Comet redevint pure en deux jours, refoulant même une partie du brouillard vers l'ennemi qui se trouvait confronté à une overdose de son propre poison.
" Ce n'est pas vraiment combattre selon la voie du samouraï, déplora Kanbeï. Nous ne faisons que repousser l'ennemi alors qu'il va bientôt se masser à nos portes.
- Ce n'est plus un problème, père. J'ai gardé la nouvelle pour maintenant car tu aurais pu avoir une vive réaction : Blue Moon s'est libéré de la tempête et fait route vers notre île. Ils seront là très bientôt, ainsi que l'armée d'Orange Star d'Omégaland, et celle d'une faction encore inconnue mais alliée, Purple Dragoon. En dégageant cette zone du brouillard noir, nous n'avons pas seulement redonné le moral à la population, nos alliés vont pouvoir accoster et atterrir sans risques d'embuscades ennemies. Black Hole semble avoir été défait rapidement partout ailleurs.
- C'est une excellente nouvelle ! J'avoue que même moi, Kanbeï, commençait à perdre espoir devant toute la traîtrise et les moyens fourbes déployés par Black Hole. Maintenant que tu me dis que nos amis vont venir, mon cœur se gonfle de joie. Il faut faire circuler la nouvelle parmi toute la population ! Yellow Comet sera bientôt purifiée du joug de l'oppresseur !"

" Jugger ?
- SI ADDER PARLE DU REFOULEMENT DU BROUILLARD, CELA N'A AUCUNE INCIDENCE TECHNIQUE. A MOINS QUE TU AIES PEUR DE COMBATTRE SANS LE COUVERT DU BROUILLARD ?
- Psss ! fit hautainement Adder. Ne dis donc pas de bêtises ! Je voulais juste te faire remarquer que malgré toutes tes belles prévisions, tu n'avais pas pris en compte cela !
- SI. CELA NE POSE AUCUN PROBLÈME. CE QUI EN POSE UN, C'EST L'ARRIVÉE IMMINENTE DE L'ARMÉE DE BLUE MOON.
- Qu'est-ce que tu dis ? suffoqua l'autre. Blue Moon ? Mais ils étaient censés...
- REGARDE LES ÉCRANS AU LIEU DE PARLER DANS LE VIDE. J'AI DEJA PREVU CE CAS DE FIGURE.
- Oh, très bien, dit Adder en épongeant son front. Alors, pourquoi disais-tu que cela pose un problème ? Si tu en avais prévu la possibilité...
- MON PLAN SE BASE SUR UN ÉLÉMENT POTENTIELLEMENT DÉFAILLANT.
- Lequel ?
- TOI.
- Comment oses-tu, espèce de !...
- TU AS UN COMMENTAIRE A FORMULER ?"
Cette dernière phrase avait été prononcée sur une inflexion mécanique si froide, et avec un 'regard' de son œil électronique si appuyé, qu'il rengorgea toutes les insultes qui lui avaient passé par la tête. Jugger lui faisait de plus en plus penser à Sturm, et il n'aimait pas ça.
" Euh, ce que je voulais dire, c'est que je n'appréciais pas tellement ta façon de dire ça...
- ADDER ===> BESOIN DE SE FAIRE RAPPELER SES ÉCHECS ?
- Mais je n'en ai aucun essuyé aucun ici ! protesta avec vigueur Adder. Et toi aussi, tu n'as pas-
- GRÂCE A MOI, UNIQUEMENT. SI TU VEUX VRAIMENT ÊTRE LE CONQUÉRANT DE YELLOW COMET, TU DEVRAS CONTINUER A SUIVRE MES CONSEILS. COMPRIS, MINABLE ?"
Le mot 'minable' avait déclenché dans l'esprit du général narcissique une action-réflexe.
" Oui, Seigneur ! assura-t-il en se mettant au garde-à-vous.
- BIEN. TU VAS PRENDRE LE COMMANDEMENT DE LA FLOTTE QUE J'AVAIS FAIT CONSTRUIRE POUR CE CAS DE FIGURE. JE VAIS ORIENTER LA PRODUCTION DE LA NANO-USINE EN CE SENS. PENDANT QUE TU EMPÊCHERAS BLUE MOON D'ENVOYER DES RENFORTS, JE CONTINUERAI L'ATTAQUE. TU POURRAS VENIR POUR LE BOUQUET FINAL. PARS, MAINTENANT."
Adder était proprement estomaqué par autant de suffisance et d'arrogance. Comment, ce robot, parce qu'il avait évolué, croyait qu'il pourrait mener le Grand Adder à la baguette et en faire son sous-fifre ? C'est la boîte de conserve qui devait suivre ses ordres, et non pas le contraire !
Jugger, ne le voyant pas partir, le fixa encore de ce regard sans vie, et en mettant son orgueil au fond de sa poche (pour le moment), il s'en fut avant que le robot ne considère qu'il était vraiment trop 'défaillant' et ne l'élimine séance tenante.
Jugger reporta son tube oculaire vers l'écran, assailli par ce qui ressemblait beaucoup à des pensées à l'évocation d'un nouvel élément dans l'équation. Il avait commencé à développer une sorte de proto-conscience de son existence en tant qu'être individuel doué de raison et pas comme simple ordinateur de combat doué de mobilité, et avec cela, une pulsion primitive : sauvegarder cette existence.
Et avec la froideur de la machine qui était encore sienne, il n'y avait potentiellement pas de limites aux actions pouvant être entreprises en dernier recours pour ce faire...
Et assurément aucune limite éthique.
Pendant ce temps, les deux armées alliées, et aussi la flotte fantôme de Cortez, qui ne s'étaient pas encore mises en rapports, continuaient à se rapprocher implacablement vers le dernier bastion connu de Black Hole sur Wars World, pour crever définitivement l'abcès.

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