Rien comme prévu
Chapitre 3 : Rien comme prévu - Chapitre 3
2681 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 10/11/2018 16:37
Bien que je ne dormis que très peu de temps, ma nuit fut extrêmement longue. Elle avait été pleine de cauchemars, tous plus affreux les uns que les autres. Au début, je revivais la scène. Et puis, les personnages ont fini par se transformer. Ils sont devenus plus communs pour moi. Je me retrouvais à la place de Nathaniel et son père devenait le mien. Et la violence était de plus en plus extrême. Et puis ma vie, mon passé est réapparu. Et je n'aimais pas ce que je voyais.
C'est pourquoi je me réveillais trempé, transpirant.
Après quelques instants à reprendre mes esprits assis dans mon lit, je me levais prendre une douche.
Je restais là, debout, avec mes vêtements, laissant les gouttes d'eau chaudes glisser sur mon corps et mes cheveux.
Je finis par ne plus rien sentir, perdant même la notion du temps.
Jusqu'à ce que j'entende mon téléphone sonner.
Je pris rapidement une serviette pour m'essorer les cheveux et sortis de la salle de bain.
Je décrochais.
- Castiel, enfin. Je commençais à m'inquiéter, je t'ai laissé de nombreux messages auxquels tu n'as pas répondu.
- Désolé, je dormais. Je viens juste de me lever pour prendre une douche, répondis-je en faisant attention à mon intonation.
- Oh... je vois. Je leur dis que tu ne vas pas encore beaucoup mieux ?
- Oui, merci.
Il me dit de me reposer et raccrocha.
Je restais immobile devant mon téléphone. Depuis hier soir, je ne savais plus quoi faire, ni quoi penser.
Cette scène m'avait énormément perturbé. Elle m'avait profondément choqué. Pourtant, j'avais déjà connu ça. Mais justement, elle avait fait remonter des souvenirs atroces. Et je lui en voulais presque. Je sais que je n'ai aucune raison, mais c'est comme ça.
Il y a des choses que l'on explique pas.
Et d'autre part, c'est à moi que j'en voulais le plus. Je m'en voulais surtout de ne pas avoir réagi alors qu'à sa place, j'aurais aimé et même supplié pour que quelqu'un me vienne en aide.
J'avoue que sur le moment, j'étais paralysé. Hypnotisé même.
Mais ce n'est pas une excuse. Je sais que j'aurais au moins pu aller le chercher dans sa chambre et l'éloigner de cet endroit dangereux.
Au lieu de ça, je m'étais enfui. Alors que c'est sûrement lui qui rêvait de s'enfuir. Mais il n'en avait sans aucun doute plus la force après ce qu'il s'était passé.
- Je ne suis qu'un putain de lâche.
Il n'est pourtant pas trop tard. Je peux encore faire quelque chose. Mais quoi ? Appeler les flics ? Pff... inutile et je le sais très bien malheureusement. Et puis, même si j'allais au lycée pour lui parler, je suis sûr qu'il nierait tout en bloc. Je crois bien avoir compris, d'après ce que j'ai vu que ce n'est pas la première fois que ça arrive. Bien que je ne pense pas non plus que ce soit hyper régulier. Mais c'est déjà trop.
Alors quoi ? En parler aux gens ? Ça servirait à quoi à part alimenter les rumeurs, voire apparaître dans le journal de Peggy ? Et puis, je doute que ça arrange vraiment les choses...
Peut-être que quelqu'un saurait ? Au moins quelqu'un à qui je pourrais en parler... Mais je ne vois pas. Même s'il a l'air de s'entendre plutôt bien avec la majorité des gens, il n'a pas véritablement d'ami sur qui il peut compter. Bon, y a toujours Mélody qui est à fond sur lui, mais je doute sincèrement que ce soit réciproque. Et puis, c'est pas vraiment le genre sur qui on peut se reposer.
Pt'être que sa sœur pourrait m'aider mais... Bordel, qu'est-ce que je raconte moi ?! Ambre, m'aider ? Putain... j'crois bien que c'est la seule solution. Après tout, c'est sa sœur, elle doit bien savoir des choses. Et puis, c'est la seule façon de m'approcher de lui. Enfin pas tant que ça non plus, puisqu'il me déteste. Ça va sûrement le faire enrager encore plus. Mais je m'en branle parce que moi non plus, je peux pas l'encadrer. ...mais alors pourquoi je veux faire tout ça ? C'est vrai quoi, on se hait. Pourquoi je ferais quoi que ce soit pour aider ce mec ?..
... quelle merde la culpabilité. Fait chier. Bon, maintenant que je suis lancé, je dois faire un choix et ne plus réfléchir. J'y vais, un point c'est tout. On verra bien où ça me mène.
Alors, qu'est-ce que je disais... ah oui ! Ambre. Bon, si je veux vraiment m’immiscer dans sa vie, il faudrait carrément que j'aille chez lui. Autant ne pas faire les choses à moitié. Mais bon, je me vois pas trop débarquer chez lui en mode «salut tout le monde, je viens voir Ambre, ma meilleure amie!». Forcément, ça va coincer quelque part. Surtout qu'elle va faire circuler le message et que tout le monde va finir par croire que je suis son petit... Oh putain. Merde, merde, merde ! Non mais c'est pas vrai ?! Pourquoi je ne pense toujours qu'à ce genre de plans foireux ? Le pire, c'est que je ne vois pas comment faire autrement. Être le petit copain de la blonde... si un jour on m'avait dit ça. Non, mais je peux pas ! Oui, je peux pas me la voir, mais quand même ! Jouer avec les sentiments. Je vais ressembler à cette connasse de Debrah. J'aime pas ça. J'le sens pas en plus. Mais je crois que je n'ai pas le choix. Si je veux faire quelque chose, c'est la solution qui s'impose.
N'étant pas des plus doué avec les filles, je cherche sur internet tous les sites qui peuvent m'aider. Ça finit par me soûler et je laisse tomber. S'il faut faire tous ces trucs pour se faire aimer d'une fille, autant devenir curé.
Je décide donc de prendre mon courage à deux mains et de me débrouiller seul, quitte à me chier. Au moins, j'aurais essayé et j'improviserai plus tard.
Je m'habille donc rapidement et endosse ma guitare avant de sortir de chez moi, en direction du lycée.
Sur le chemin, je stresse. Pourquoi ? Aucune idée, j'espère juste que ce n'est pas le fait de devoir draguer Ambre parce que sinon, ça craint. Je chasse donc toutes ces pensées de ma tête afin de me focaliser sur mon objectif.
Arrivé devant le lycée, je prends une grande inspiration avant de passer le portail, et prend soin de ne parler à personne, tout en essayant de garder mon air le plus naturel possible. Heureusement, j'ai l'habitude de mentir et donc reste impassible, et peu de gens font attention à moi, car je débarque souvent à n'importe quelle heure de la journée.
Ne voulant pas me faire trop remarquer pour l'instant, j'ai pris soin de remplir toute la paperasse nécessaire. Je me dirige donc vers la salle des délégués, profitant de cette heure où peu de gens ne sont pas en cours. Je frappe à la porte et entre.
Je me retrouve d'ailleurs comme un con, une feuille sur la tronche à cause d'un courant d'air qui fait s'envoler toutes les piles de papier de la pièce.
J'essaie d'en ramasser un maximum et de les reposer sur les bureaux en mettant des poids dessus quand quelqu'un entre.
- Oh, bonjour Castiel, commença Mélody. Je suis surprise de te voir ici.
- Je suis venu donner mon billet de retard, répondis-je. Quel bordel.
- O-oui... Euh, c'est que... j'ai oublié de fermer la fenêtre avec tout ce que j'avais à penser. Je suis un peu déborder quand Nathaniel n'est pas là.
- Nathaniel n'est pas là ?
Question stupide. Bien sûr qu'il n'est pas là. Il est sûrement allongé dans son son lit à se tordre de douleur au moindre mouvement.
- Bon, repris-je. Du coup, je t'affiche mon papier sur le tableau, comme ça, tu ne l'oublieras pas.
- Merci Castiel. Tu es quelqu'un de bien quand tu veux, ajouta-t-elle sans vraiment s'en rendre compte.
Je ne répliquai pas, parce que même si c'était un compliment, vu les circonstances, je ne savais pas trop comment le prendre.
Je passais le reste de la journée à suivre tranquillement mes cours. N'ayant pas exactement les mêmes options que Lysandre, il finissait plus tôt que moi, ce qui m'arrangeait.
- Tu es sûr que tu ne veux pas que je t'attende ?
- Certain. Je suis revenu pour me changer les idées, mais j'ai d'autres choses à faire de toutes façons après.
- Comme tu voudras. À demain alors.
Il partit donc à 16 heures.
Il ne me restait plus qu'un cours avant la fin de la journée. Normalement, c'est celui que je déteste le plus. Sauf que cette fois, il est question d'autre chose. Il faut que je mette mon plan à exécution. Ambre est assise en diagonale à moi, dans la rangée d'à côté. D'habitude, elle me lance toujours des regards et je les ignore.
Aujourd'hui, c'est différent. Je me surprend moi-même à la fixer avec insistance. Et c'connard de prof aussi.
- Castiel, suspendez votre fixation sur mademoiselle Ambre un instant et reconcentrez-vous.
Bien sûr, toute la classe s'est retournée. Ambre en particulier, qui devait être très surprise que je finisse par m'intéresser à elle.
Je détournais les yeux. Durant tout le cours, je fis en sorte de la regarder quand je sentais qu'elle allait se retourner pour ensuite faire genre l'air de rien, tout ça de façon à ce qu'elle croit que je ne voulais pas qu'elle me voit la regarder.
Stupide, vous me direz. Mais je ne savais pas trop par où commencer alors, j'ai improvisé. Et puis, c'est une première tentative d'approche et c'est plus logique que si je lui avais direct sauté dessus.
Bref, du coup, elle et ses copines gloussaient comme des pouffes et je voyais bien qu'elle était contente. C'était déjà ça.
Quand vint la fin du cours, je me dépêchai de sortir et me dirigeai vers la cage d'escalier. Généralement, elle restait dans le couloir pour dire au revoir à tous les mecs sur qui elle avait flashé. Je savais que j'avais un avantage (si on peut appelé ça comme ça) par rapport aux autres gars qui voudraient sortir avec elle, parce que tout le monde savait que j'étais tout en haut de sa liste de mecs.
Une vieille histoire quand on était gosses où je l'avais aidé face à son frère. C'est marrant de voir que de ce temps-là, nos rôles avec Nathaniel avaient été inversés.
En tous cas, les filles tombent vraiment amoureuses pour que dalle.
Comme je m'y attendais, une fois qu'elle et ses pouffiasses de potes avaient fini de faire leurs sourires à la con à tout le monde, elles restèrent un peu dans le couloir pour parler de ce qu'il s'était passé en classe.
- Non, mais attendez, lança Ambre, vous avez vu comment il m'a regardé ?!
- Il ne t'a pas regardé, il t'a dévoré !!! poursuivit Li.
Beurk. Quand j'y pense...
- Et il prenait son air innocent quand je me retournais, il était trop mignon !
- Au moins, cette fois, c'est clair : il éprouve quelque chose pour toi et il ne peut pas le nier. On était tous témoins, conclu Charlotte avec nettement moins d'enthousiasme que les deux autres (je crois qu'elle ne m'aime pas beaucoup). Bon, c'est bien beau tout ça, mais il faut vraiment que j'y aille. Tu nous tiens au courant.
Elle partit sans plus de salamalecs.
Ambre et Li vinrent chercher des affaires dans leurs casiers, qui se trouvaient être dans la cage d'escalier, justement.
Ambre les avaient demandé là pour pouvoir nous entendre jouer avec Lys.
Je me collais derrière la porte le temps qu'elles entrent puis me plaçais de façon à ce que seule Ambre puisse me voir. Je lui fis signe de ne rien dire, ce qui parut l'enchanter.
- Finalement, je crois que je vais rentrer toute seule pour ce soir, Li.
- Quoi, tu es sûre ? Mais nous avions dit que...
- Une autre fois, peut-être. J'ai oublié, mais j'avais d'autres trucs de prévu. Désolée. À demain.
Plutôt convaincante je dois dire.
Un peu déçue, Li la salua et partit. Ambre fit mine de faire de même puis fit demi-tour quand sa pote passa la porte du hall.
- Tu voulais me voir, Casti?
Elle avait ce sourire détestable qui me donnait envie de l'étrangler.
- Castiel, lâchais-je d'un ton froid.
Cela sembla la calmer. J'avais enfin l'impression d'avoir une personne normale face à moi. Ça m'aider un peu à me reprendre.
Je l'attrapai par le poignet et la forçai à me suivre au sous-sol.
Une fois arrivé, je lui avançai une chaise et elle s'assit dessus, un peu gênée. C'était plutôt cool de la voir comme ça. Sans tous ces styles qu'elle essayait de se donner.
Je pris ma guitare et m'assis à mon tour, un peu plus loin , face à elle.
D'après ce que j'avais pu entendre la veille sur son style de musique, elle aimait surtout les chansons commerciales, sans style vraiment défini, mais a une préférence pour celles qui parlent d'amour où qui mettent une fille à l'honneur. J'ai donc cherché sur internet pendant un cours, et bien que je n'aime pas cette chanson, je pense qu'elle l'appréciera.
Je mets mon téléphone devant moi et affiche les paroles et les accords de «Classic» de MKTO.
Je me lance. Finalement, avec ma guitare, je dois avouer que j'aime au moins le rythme, même si ce n'est pas mon genre habituel. Elle, en tout cas, a l'air ravie. Elle sourit gentiment, d'un sourire sincère pour une fois, ce qui me fait plaisir. Elle a presque complètement perdu son air superficielle et commence à bouger légèrement sur la musique.
- Tu as vraiment beaucoup de talent, lâcha-t-elle une fois que j'avais fini.
- Merci.
On reste là un instant sans rien dire.
- Je te raccompagne, demandai-je d'une voix qui se voulait timide.
- Avec plaisir.
Elle me fit un large sourire. Je ne savais pas trop comment réagir alors je restais moi-même espérant qu'elle ne le prendrait pas mal ou qu'elle ne trouverait pas ça suspect.
On marchait dans les couloirs vides du lycée, côte à côte, tout en me tenant à une distance correcte.
Je n'ai croisé personne, à mon grand soulagement, sauf Mélody et sa discrétion légendaire qui nous observait derrière le rideau de la salle des délégués.
Seulement, dehors, il restait encore quelques lycéens. Quand Ambre les vit, elle ne put s'empêcher de me tenir la main, ce qui me mit extrêmement mal à l'aise. J'aurais voulu la retirer mais, primo: elle avait une sacrée poigne, et deuzio: c'était une mauvaise idée si je voulais réussir mon plan. C'est donc à contre-cœur que je la laissais faire, en évitant tout de même soigneusement de croiser le regard de qui que ce soit.
Je détestais cette personne-là. Celle si attachée aux apparences. Cette fille si superficielle, pleine à craquer d'égocentrisme et de narcissisme. Alors qu'il y a quelques instants à peine, je commençais à l'apprécier, le naturel revenait au galop.
Et évidemment, elle se mit à me balancer toute sa vie dont je n'avais rien à foutre. Ça me semblait interminable. Jusqu'à ce que l'on arrive devant chez elle.
J'appréhendais un peu ce moment.
Quand elle ouvrit la porte, j'entendis sa mère retenir un hurlement.