Rien comme prévu

- Que se passe-t-il ?

Lysandre venait juste d'arriver et vint se placer à côté de moi.

- Oh, rien de spécial, je préférais être ici, c'est tout.

- Ça n'a rien à voir avec les rumeurs du jour ?

- Les rumeurs ?

- Oui. Comme quoi Ambre et toi, vous seriez venus au lycée ensemble ce matin. Ridicule, je sais. Mais, ça a l'air d'être pas mal alimenté. D'après ce que j'ai compris, un de nos professeurs t'aurait surpris à un peu trop fixer Ambre, hier.

- J'étais dans mes pensées.

- Je n'en doute pas, tu n'as pas besoin de te justifier. Les gens ont tendance à tirer des conclusions hâtives. Et chacun y va de son petit scoop. Certains prétendent même t'avoir vu la raccompagner hier soir, main dans la main. Ils ont vraiment beaucoup d'imagination. Un peu trop, peut-être. Il faut savoir rester réaliste s'ils veulent nous faire croire à leurs histoires.

- Oui...c'est sûr.

Il m'observa fixement un instant.

- Quelque chose me dit qu'ils n'avaient peut-être pas tant d'imagination que cela, finalement. Tu m'expliques ?

- Y a rien à expliquer.

- Alors tu veux faire la une du journal de Peggy ?

- Qu'est-ce que tu racontes ?

- Tu n'es pas naïf. Tu sais très bien ce qu'il va se passer si tout le monde en parle. À ta place, je ferais taire les rumeurs avant que cela n'aille trop loin.

- Et pourquoi je voudrais les faire taire, hein ?

Il resta immobile quelques secondes, les yeux écarquillés.

- Mais enfin Castiel... tu n'aimes pas Ambre.

- Et qu'est-ce que tu en sais d'abord ? Bon moi je m'en vais. Ça a sonné.

Je le laissais là, visiblement stupéfait de ma réponse.

Je n'étais pas encore prêt à tout lui dire. Je n'y arrivais pas. Et tout allait beaucoup trop vite pour moi. Je n'y étais pas préparé et je ne savais pas comment réagir.

En tout cas, une chose était sûre, je n'étais en aucun cas amoureux d'Ambre.

J'avais tenté d'éviter Lysandre toute la matinée, mais je ne pouvais pas lui échapper indéfiniment. On avait l'habitude de manger ensemble dans le jardin du lycée.

Ne tenant pas à perdre mon seul ami, je m'en tins à notre routine. J'emportais les rares trucs qui me tentaient à la cantine et me rendis à notre point de rendez-vous.

Sur le chemin, je croisais Ambre et ses copines. J'appréhendais vraiment, surtout lorsqu'elle s'approcha de moi et m'agrippa le bras avec son sourire superficiel.

- Tu ne comptais quand même pas te débarrasser de moi si vite ? On mange ensemble ?

- Oh, euh... Ne le prends pas mal, mais j'avais prévu de manger avec Lysandre ce midi. On a nos petites habitudes, et... elles me tiennent vraiment à cœur.

- Oh...

Elle lâcha peu à peu mon bras. L'avais-je vexée ? Si c'était le cas, j'avais sûrement mis tout mon plan à l'eau. Je tentais de me rattraper au plus vite.

- Je suis vraiment désolé, je pensais que tu comprendrais. Tu as besoin de tes amis, j'ai besoin des miens. Et puis, peut-être qu'un de ces jours tu pourras nous rejoindre.

- Oh, mais il n'y a pas de soucis, je comprends tout à fait ! Haha. Et puis, ce n'est pas comme si on sortait ensemble.

Son expression avait radicalement changé. J'avais vraiment l'impression d'avoir une fille tout ce qu'il y a de plus banal devant moi. Elle se comportait comme si on était deux super potes qui venaient de se rencontrer. C'était vraiment...bizarre. Et cool aussi.

- Allez, dépêches-toi, il risque de t'attendre. On se voit plus tard !

Wouaw. Décidément, elle ne cessera jamais de me surprendre.

J'arrivai donc au club de jardinage. Lysandre était déjà installé à notre place habituelle.

- Je suis étonné de te voir ici. Je pensais que tu ne voulais plus me voir.

- Lys', je suis vraiment désolé, je...

- Si tu ne tiens pas à m'en parler, je ne te forcerai pas.

- Merci.

On restait là un moment, silencieux.

- Tu sais, c'est pas que je veux rien te dire. Bien sûr que j'en ai envie. Mais pas tout de suite. Et surtout: pas ici.

- Je comprends. Puis-je seulement te poser une question ?

J'acquiesçai.

- Que penses-tu réellement d'Ambre ?

Je lui expliquais donc son changement de comportement, ainsi que mes impressions.

- Peut-être réagit-elle de cette manière dans le seul but de te séduire. Elle t'a observé durant très longtemps, elle a dû comprendre quel était le type de personne que tu appréciais. Et si tel est le cas, elle ne fait que jouer un rôle pour que tu sortes avec elle.

- Et bien ce rôle lui va très bien, m'exclamai-je. Et, entre nous, elle a l'air plus sincère que quand on la croise dans les couloirs. Je pourrais presque parier que tu apprécierais de parler avec elle si elle venait manger avec nous !

Il me fixa un instant, l'air sérieux, presque contrarié.

- Je n'en ai pas très envie...

- Haha, ça va, je rigole.

- Castiel ?

- Oui ?

- Ne joues pas avec les sentiments des autres. Qui qu'ils soient.

J'attendais derrière Ambre en attendant qu'elle trouve les clefs de chez elle, enfouies au fond de son sac.

Une fois à l'intérieur, elle me proposa à boire pendant que je sortais les cours pour Nathaniel.

- Voilà, je crois que c'est tout. Tu lui diras aussi qu'il faut qu'il remplisse cette fiche pour le prochain cours de spé, ajoutai-je en lui tendant la feuille en question.

- Ça marche. Je vais lui donner maintenant, ce sera fait.

- Qu'est-ce qu'il a exactement ?

- Je ne sais pas. Mon père dit que c'est une grosse fièvre. Il a dû attraper un virus.

Elle avait l'air de penser sincèrement ce qu'elle disait. Elle n'était donc visiblement pas au courant de ce qu'il se passait dans cette maison.

Elle monta à l'étage pendant que je rangeais mes affaires et finissais le soda qu'elle m'avait servi.

- Castiel ?

Je tournais rapidement la tête vers l'escalier à la recherche d'un visage.

J’aperçus la tête d'Ambre qui dépassait de la rambarde, l'air inquiet.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je...je suis vraiment désolée de te demander ça, mais... Il a dû vouloir se déplacer ou aller aux toilettes et... Je...je n'ai pas assez de force pour le soulever...

Comprenant rapidement la situation, je me levais d'un bond et montais les marches deux par deux en courant. Nathaniel était étalé par terre, en travers de la porte de sa chambre, apparemment assommé. Je me plaçais à ses côtés sous le regard anxieux de sa sœur, et positionnais mes bras sous son corps. Une fois prêt, je le soulevais doucement, non sans un peu de difficultés.

Bordel, il pèse son poids le gars !

Pour ne pas encore plus affoler sa sœur, je gardais une mine impassible et déposais délicatement Nathaniel sur son lit. Ambre le couvrit aussitôt et posa une main sur son front.

- Il est brûlant. Je vais lui chercher un gant d'eau froide.

Ce qu'elle fit.

Me sentant un peu de trop dans cette scène sentimentale, je préférais me tenir à l'écart et partis donc attendre qu'elle ait fini dans le couloir.

Elle me rejoignit quelques instants après.

- Tes parents ne sont pas là ?

- Pas ce soir, non. Un voyage d'affaire.

- Je vois.

- Castiel ?

- Hm ?

- Merci.

Elle me serra fort dans ses bras. Et étrangement, pour une fois, je n'avais pas envie de me dégager de son étreinte. Je comprenais parfaitement dans quel état elle pouvait être. Moi aussi j'étais encore un peu secoué par ce qu'il venait de se passer.

Je l'accompagnais au rez-de-chaussée et lui dis de s'installer dans le canapé. Je me dirigeais vers la cuisine et ouvrit le frigo. Je pris le premier truc qui me tombait sous la main et l'apportais dans le salon avec deux canettes. Ambre alluma la télé et on se mit à regarder une émission de divertissement. Elle semblait épuisée et ne tarda pas à somnoler. Je débarrassais un peu notre bordel et le mit dans l'évier puis vins chercher mon sac au pied du canapé.

Je sentis une main se poser sur mon avant-bras. Toujours à moitié en train de dormir, Ambre murmura quelques mots.

- Restes encore un peu s'il te plaît...

N'ayant de toutes façons rien d'autre à faire, je reposais mon sac à terre. Ambre s'allongea un peu plus sur le canapé et je me surpris à déposer une légère couverture sur elle.

Ne sachant pas trop quoi faire désormais, je me mis à faire la vaisselle le plus silencieusement possible.

On y voit que dalle en plus avec leurs lumières d'ambiance !

Mais je ne pouvais pas plus éclairer la pièce, cela réveillerait Ambre et je n'avais aucune envie d'avoir une quelconque discussion avec elle ce soir.

Après quelques instants, je pris mon courage à deux mains et me rendit à l'étage.

J'ouvrais tout doucement la porte pour vérifier s'il dormait. Comme c'était le cas, j'entrais tout aussi discrètement. Après une longue hésitation, je pris la chaise de son bureau et vins me placer à côté de sa tête. Assis dans le silence, je regardais le ciel à travers la fenêtre. Il faisait nuit maintenant et seule la lueur de la lune éclairait la pièce.

J'observais Nathaniel. Son souffle se faisait de plus en plus rapide, quelques gouttes de sueur perlaient sur son front et il commençait à s'agiter. Je lui découvris un peu le torse histoire qu'il ait moins chaud et partis remouiller le gant de tout à l'heure. Quand je le déposai sur son visage, il m'agrippa le bras et entrouvrit les yeux.

- Ca...Castiel ?..

- Non, t'es en train de rêver.

- Ah...d'accord...

Et il se rendormit aussitôt sans pour autant lâcher mon bras.