Le secret de Nathaniel [Amour sucré]

Cela faisait déjà une bonne heure que Lysandre, Kentin, Rosa, Violette, Iris et Inaya discutaient autour d'un bon repas italien. Inaya se sentit vite intégrée à ce groupe à la complicité très forte, et aux individus tous aussi différents les uns que les autres.

-Vous vous connaissez depuis longtemps? leur demanda-t-elle

-Oui, cela fait des années que je les supporte tous! s'exaspéra Kentin

-Dois-je rappeler que ce sont tes blagues que tout le monde doit supporter Kentin? posa Iris.

Kentin eut un air outré, et il tenta de se justifier mais on lui coupait sans cesse la parole.

-Ce n'est pas grave tu sais, dit Rosalya en posant une main compatissante sur son épaule. On arrive à t'accepter comme tu es maintenant.

-C'était dur au début... dit sérieusement Iris.

-Mais maintenant c'est à peu près acquis, compléta Rosalya.

Inaya se joignit au fou rire général. "Pauvre Kentin!" se dit-elle

-C'est un peu hors propos mais, vous voyez Castiel, il n'a jamais fait parti du groupe? demanda la nouvelle

-C'était le meilleur ami de Kentin, répondit Iris sans hésiter, ce qui ne fit qu'intensifier le rire de chacun

Isaya les regarda, un peu perdue, et dit:

-J'ai peur de ne pas saisir...

-On n'est pas obligée de l'expliquer celle-là, maugréa Kentin

-Oh, tu as donc peur de perdre tes chances avec Inaya si elle sait? demanda Rosa.

-Quoi?! s'exclama-t-il en gagnant dix degrés de rouge. C'est déplacé!

Il se cacha le visage de honte. Elle trouva cela très mignon, et ça la fit sourire.

Voyant que ça le gênait terriblement, Inaya se dit que ce serait sûrement préférable que ce mystère reste dans le cadre du private joke, pour l'instant.

-En tout cas ce Castiel est totalement désagréable, se permit-elle de dire. Et puis, j'ai trouvé le garçon blond assez sec avec moi... Je ne sais pas s'il est toujours comme ça, il avait l'air assez préoccupé.

-Pour Castiel je te suis totalement, dit Iris, mais le garçon blond, tu veux dire Nathaniel?

-Je ne sais pas comment il s'appelle, il devait m'aider pour mon dossier d'inscription.

-Ah bon? demanda Rosa, interloquée. Mais c'est un amour ce garçon. Très sérieux, c'est sûr, mais il est abordable et serviable, on l'a toujours connu ainsi. Il n'était peut être pas dans sa tasse ce matin.

-C'est aussi ce que je m'étais dit, précisa la fille aux cheveux noirs

-C'est peut être dû aux problèmes qu'il a avec ses parents.

Inaya tendit l'oreille en attendant la suite.

-Ils sont horriblement sévères avec lui, poursuivit-elle. Nathaniel se tue au travail pour pouvoir leur plaire, mais ce n'est jamais suffisant.

-C'est horrible...!, s'exclama la petite nouvelle. Mais il a des amis? Des personnes qui le soutiennent?

-Il s'entend bien avec tout le monde, mais il n'a pas réellement d'amis. Il est assez pris par son travail et ses différentes responsabilités. Peut être Melody, mais je n'ai pas l'impression qu'il l'apprécie réellement au fond. C'est plutôt elle qui s'intéresse un peu trop à lui.

Inaya sembla réfléchir. Elle s'en voulait de l'avoir mal jugé. Elle aimerait bien apprendre à mieux le connaître.

-Oh ça y est notre bébé qui n'est là que depuis quelques heures connait aussi bien les gens que nous! s'exclama Rosalya en se levant pour lui faire un câlin. Bienvenue dans la famille Inaya.

La jeune fille lui rendit son câlin chaleureusement.

-Je crois qu'on doit retourner en cours, dit Violette qui n'avait pas beaucoup parlé jusque-là.

Après avoir réglé l'addition, le petit groupe marcha en trainant un peu des pieds jusqu'à Sweet Amoris. Inaya n'arrêtait pas de penser à Castiel, Nathaniel, à ses nouveaux amis... Mais particulièrement à Nathaniel. Il lui semblait qu'ils devaient repartir sur de bonnes bases.

L'après-midi se déroula rapidement, dans une bonne ambiance. Après les cours, elle se dirigea à la bibliothèque pour travailler un peu. Inaya avait toujours été une élève passionnée, pour ne pas dire brillante, et elle souhaitait passer le concours général de lettres. Cela pourrait valoriser son dossier pour les classes préparatoires. Mais pour cela elle devait travailler dur, et elle s'y était préparée psychologiquement.

Elle entra dans la bibliothèque du lycée qui était plus grande que ce qu'elle avait pu imaginer. Il y avait de larges rayons sur toutes les disciplines, autant dans les arts que les sciences. L'ambiance était assez tamisée, appelait à la caresse des livres, au contact avec les œuvres. Le parquet d'un brun tendre s'alliait à merveille avec les rayons composés de livres aux tons mates.

Cependant, la bibliothèque était presque déserte, à une exception près... Dans l'une des tables du fond, près du rayon littérature, elle vit Nathaniel adossé à une chaise en train de lire. Elle prit son courage à deux mains et alla le rejoindre. Il avait l'air d'être moins occupé que dans la matinée. Et donc plus enclin à un dialogue.

Une fois qu'elle fit assez près de lui pour qu'il la voit, elle lui dit:

-Salut, je peux me mettre à côté de toi?

Nathaniel, surpris, répondit:

-Oui, bien sûr, je décale un peu mes affaires.

Il décala ses affaires et lui proposa une chaise à côté de lui. A la manière avec laquelle il la regardait, Inaya avait l'impression qu'il ne l'avait pas reconnue. Mais ça ne pouvait pas être possible, il avait bien vu qu'elle faisait partie de sa classe...

D'aussi près, elle vit la couleur ambrée de ses yeux. Ils étaient étrangement doux, rappelaient l'onctuosité du miel. Ils étaient sérieusement posés sur un ouvrage volumineux qu'il lisait plutôt tranquillement.

-Tu lis quoi? demanda Inaya, curieuse, brisant ainsi la concentration du jeune homme

-Oh, ça c'est juste de la documentation...du Barthes.

-Barthes! s'exclama-t-elle. J'aime particulièrement son Plaisir du texte, dit-elle en souriant. Mais en dehors des cours, est-ce que tu aimes lire?

Nathaniel, surpris de voir qu'elle connaissait l'auteur, commença à la regarder différemment. D'où sortait donc cette fille? C'était comme s'il découvrait ce visage pour la première fois. Comme si ce matin, ce premier contact n'avait été qu'un accident, qu'il se découvraient réellement maintenant, ici-même. Il sourit à sa question.

-C'est un moyen pour moi de m'évader je dirais. Quand je lis, je ne suis plus moi-même. Enfin, je veux dire que pendant un certain temps, je suis tellement occupé à vivre ce que les personnages vivent, que j'en oublie certains aspects de ma vie. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas actif dans la lecture, mais plutôt que je me laisse transporter par l'auteur. Lire, c'est se permettre d'oublier. Et donc je lis beaucoup...

Face à l'expression d'Inaya, il ajouta, pris de panique:

-Enfin, je ne sais pas si tu vois vraiment ce que je veux dire... Cela peut sembler ridicule...

Ses cheveux dorés cachaient ses joues qui rosissaient.

Sans même hésiter, Inaya prit la parole.

-Moi c'est l'écriture, affirma-t-elle. Quand j'écris, je ne suis plus là. Et cette absence me fait du bien. Et donc j'écris beaucoup...

Elle termina sa phrase en faisant écho à la sienne. 

-Mais ça, peu de monde le sait, compléta-t-elle en baissant les yeux timidement,

Tous les deux eurent le sentiment réconfortant d'être sur une même longueur d'onde, de ne pas avoir à beaucoup parler pour se comprendre.Cependant, aucun n'osa demander quels aspects de leur vies ils souhaitaient mettre de côté le temps d'une aventure littéraire. Un silence agréable s'installa, chacun replongeant dans les méandres de ses souvenirs les plus profonds, qui se confondaient avec les mondes qu'ils avaient découverts sur les pages teintées d'encre noir...Ils ne distinguaient plus le fictif du réel.

Inaya regardait le visage de Nathaniel, qui fronçait légèrement les sourcils. Ses lèvres s'entrouvrirent comme s'il s'apprêtait à dire quelque chose, mais elles se refermèrent aussitôt.

Il se leva brutalement en faisant grincer sa chaise sur le parquet de la bibliothèque. Ses muscles semblèrent tendus à l'extrême. Il ne la regardait pas. Il ne la regardait plus. Comme ce matin. Son attitude s'était métamorphosée en une fraction de seconde.

-Je dois y aller, murmura-t-il soudainement.

Ce murmure grave résonnait comme un cri dans cet espace immensément silencieux.

Inaya regarda l'heure. Il était encore assez tôt. Ce changement d'attitude subit la perturba. Avait-elle dit quelque chose de maladroit?

-Tu te sens bien? demanda-t-elle.

Il ne répondit pas.

-Tu veux que je te raccompagne chez toi? continua-t-elle, inquiète

-Non, non! s'exclama-t-il sèchement.

Inaya écarquilla les yeux face à tant de violence. Nathaniel agissait comme ce matin, comme s'il ne la connaissait pas, comme s'il était grave de lui donner qu'une once de considération. Celui-ci, se rendant compte qu'il avait sûrement surréagit, sortit un "Désolée" presque imperceptible, inaudible.

Il fit ses affaires et sortit de la bibliothèque sans même dire au revoir, laissant Inaya seule avec ses réflexions. Qu'avait-elle donc pu lui dire de si terrible?