Assassin's Creed Cilicia

Chapitre 11 : Chapitre 10 - Les flancs de Nicomède

7776 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/08/2017 13:20

 

Troisième partie

La Guerre des Assassins






Méfiez-vous de la guerre,

Avec le temps, elle se plaît à multiplier les hasards.

 

Thucydide, La Guerre du Péloponnèse





Chapitre X

Les flancs de Nicomède





 

Les drachmes et oboles affluèrent soudain dans nos caisses comme la pluie tombe sur les falaises. Mithridate donnait aux pirates tout ce dont ils avaient besoin pour devenir le cauchemar des Romains. Euboulè fit l’acquisition de six trières supplémentaires, et en prime, elle obtint les équipages nécessaires à leur bonne nage. De mon côté, informée par les Assassins et les espions pontiques, je voyais chacune de mes opérations couronnées de succès ; pas un latifundium qui m’échappât sur les rives asiatiques de la Mer Egée. Les informations transmises par les Assassins étaient d’une précision stupéfiante. Ma richesse en ressortie démultipliée sans même que je m’en rendisse compte. Euboulè gagna en puissance, car elle constitua, dans l’Antre d’Arsinoé, un « trésor public », dont seules elle et moi pouvions décider comment l’employer. Ce qui ne causa pas la moindre animosité chez nos matelots. A 170ème Olympiade[1], lorsque la concurrence entre Mithridate et Rome se mua en conflit ouvert, les pirates de Cilicie ne firent en effet aucune difficulté pour entrer en guerre contre les Romains. Au contraire, concentrèrent-ils toute leur attention sur elle. Toutes les races qui se côtoyaient dans les roches trachées avait ceci en commun qu’elles avaient été spoliées par l’Urbs, et qu’elles ne désiraient désormais plus que s’en venger. C’est donc dans un climat d’euphorie et de grand prospérité, que nous glissâmes notre main dans la gueule de la Louve, en nous imaginant que nous pourrions l’en retirer…

 

*

 

En Méditerranée, les archipirates, soutenus par des flottes régulières, désormais unis sous la bannière de la liberté et du pillage tranquille, étaient irrésistibles. Même les Rhodiens n’osaient plus s’en prendre à nous. Sur terre, il en allait tout autrement. C’était le deuxième mois du conflit. Nicomède de Bithynie venait de passer la frontière pontique avec toute son armée, et pour ne rien gâter, était soutenu par une légion romaine. Mithridate marchait sur lui en longeant la côte du Pont-Euxin, parfaitement conscient d’être en infériorité numérique et tactique. D’après les plis qu’il me fit parvenir, il faisait son affaire des Bithyniens et les Romains, mais si d’autres séides de la république se joignaient à la bataille, les choses risquaient de dégénérer.

Les Rhodiens se rappelèrent alors à notre bon souvenir. Ils avaient rassemblé une armada de cinquante navires, de toutes les tailles et de toutes les formes. Sachant qu’ils ne pourraient pas s’attaquer à nos repaires ou à nos flottes, ils décidèrent de les attacher à Nicomède, afin qu’ils soutinssent sa propre flotte. Si ces deux marines combinées débarquaient sur les arrières de Mithridate, ou pire, à Sinope, alors, la libération du monde grec s’interromprait avant même d’avoir commencé.

 

             La solution était toute trouvée : il fallait anéantir la flotte rhodienne avant qu’elle n’opère sa jonction avec la flotte bithynienne. Les navires pontiques, stationnés dans la Mer Euxin, sauraient s’occuper sans trop de difficultés de cette dernière. Mais le temps que nous prenions conscience de la menace, la première armada avait déjà quitté le Dodécanèse. Mithridate m’expédia donc une missive en urgence, exigeant de moi que je rassemblasse tous les vaisseaux pirates de Cilicie, pour rattraper la flotte rhodienne et la couler. Mais le temps nous manquait ; et je savais d’expérience que bien peu d’archipirates répondraient à l’appel, si les navires ciblés regorgeaient de soldats, et non de richesses. L’archipiratat d’Arsinoé allait devoir traiter cette menace seul. Et nous n’étions pas encore assez puissants pour nous opposer à une telle force en bataille rangée. Il fallait donc ruser.

 

*


 

             Prends la plus monstrueuse des galères, arme-la de scorpions, de balistes, cantonne-y des centaines de soldats, assure-toi de la fidélité de ses rameurs. Rien ne pourra t’atteindre ? Eh bien, cela dépend. Si ton navire est sur l’eau, peut-être, mais par intermittence, pour le nettoyer, le réparer, laisser souffler tes marins, il te faudra l’hâler sur le rivage. En-deçà du rang de quadrirème, toutes les galères doivent être chaque soir échouées sur le rivage. Et les Athéniens ont gardé un souvenir cuisant de ce qui arrive lorsque l’on aligne bien proprement ses flottes sur les plages sans songer à ce qui pourrait venir des eaux. Ainsi avaient-ils perdu une guerre de trente ans, surpris qu'ils furent par la flotte spartiate au moment où ils faisaient bombance ! Pour remporter la victoire, il fallait donc attaquer les galères rhodiennes le soir, après l’échouage, lorsqu’elles seraient incapables de mener la moindre riposte maritime.

 

Mais il ne s’agissait bien entendu pas d’attendre que les Rhodiens s’endormissent pour fondre sur eux et ainsi les défaire. Les leçons de la Guerre du Péloponnèse avaient été retenues par tous... Les Rhodiens ne répéteraient pas les erreurs d’autrefois ; mes discrètes reconnaissances démontrèrent en effet qu’ils mettaient en place de solides « tours de garde » chaque fois que leur flotte faisait halte. D’abord, des épibates étaient positionnés sur les hauteurs, afin de guetter toute arrivée impromptue depuis la mer ou la terre. Ensuite, des galères se relayaient pour patrouiller les alentours et intercepter tout adversaire éventuellement signalé par les guetteurs. Elles étaient peu nombreuses, mais pouvaient retenir les assaillants suffisamment longtemps pour permettre aux navires hâlés, le rostre prudemment tourné vers la mer, d’être remis à l’eau.

 

             Pour escompter se débarrasser de la flotte rhodienne, il était nécessaire de faire en sorte que les navires échoués soient immobilisés, le temps que nous nous occupions de ceux encore en mer. Cela exigeait une grande rapidité d’action, doublée d’une discrétion peu commune. Et pour ce faire, ce n’était pas compliqué ; Il nous suffisait de nous en prendre aux fédérés quand leurs navires seraient hors d’un port, abrités des intempéries par une crique, crique qui par son trait de côte les rendrait du même coup aveugle. Et ce genre de formation géographique n’étant guère courant entre Nicomédie et Héraclée, nous repérâmes bien vite la seule baie suffisamment large pour accueillir une cinquantaine de navires. Puis, nous doublâmes la flotte rhodienne au large de Samothrace, pour débarquer quelques jours plus tard au sortir du Bosphore sans nous faire repérer. A cet instant, nous tendîmes nos filets.  

             Je fis dissimuler quelques hémiolias sur les minuscules plages avoisinantes. Puis, mes navires les plus imposants se dispersèrent dans les îles et les grottes aux alentours, l’Hippocampe placé à moins d’un stade du lieu du piège.

 

             Il faut ici rendre hommage à mes matelots, qui acceptèrent de patienter deux nuits entières empilés les uns sur les autres dans leurs coques étriquées, prêts à fondre à tout moment sur une cible qui mit bien du temps à se présenter. Pendant ce temps, mes épibates et moi-même débarquions, pour prendre position aux alentours de la crique. Le plan était le suivant : nous nous débarrasserions des guetteurs placés sur les hauteurs, nous attaquerions les matelots éreintés par toute une journée de nage, et au premier de leurs navires enflammé par une flèche incendiaire, nos camarades, restés sur les navires, sauraient le temps venu de nous porter assistance.  

 

             Les Rhodiens agirent comme prévu. Ils s’installèrent dans cette vaste anse naturelle à la tombée de la nuit, méfiants mais épuisés. Toute leur attention était fixée sur la mer, nul ne songeait à tourner son regard vers les profondes garrigues et les reliefs escarpés qui bordaient la côte. De toutes manières, qu’auraient-ils pu y voir ? La végétation était si dense que mes hommes et moi pouvions presque nous tenir debout sans être repérés. Et ce, même si le ciel était entièrement dégagé, car la pluie était tombée deux jours auparavant. Cela ne nous était que plus profitable : nos vaisseaux pourraient être guidés sans mal jusqu’à leurs objectifs.

 

Les guetteurs rhodiens s’éloignèrent bientôt de leurs compatriotes, s’enfonçant sans rien soupçonner dans ces hautes-herbes qui recouvraient la côte comme autant de poils un tapis. Alors, prenant bien garde de rester à couvert, nous les abattîmes tous, méthodiquement, en moins d’une heure. Lorsque Phedreos, après avoir fait le tour de nos contingents, m’avertit du succès de la première phase de l’opération, je sus qu’il fallait agir au plus vite. Déjà, certains épiplous hélaient leurs soldats qu’ils avaient vu s’enfoncer dans les garrigues, sans pour autant reparaître. L’échouage des vaisseaux venait à peine de s’achever, les rameurs rhodiens s’affalant à même le sol, les bras en croix pour mieux pouvoir reprendre leur souffle. Nous n’aurions pas de meilleure occasion.


Je donnai l’ordre de monter à l’assaut, qui fut transmis dans un murmure, de bouche à oreille, sur toute la ligne d’horizon. Bientôt, les Rhodiens éberlués virent surgirent des coteaux buissonnants dix, vingt, trente, puis des centaines d’épibates en armures de guerre, qui culbutèrent leurs soldats les plus avancés, pour se précipiter à la rencontre de leurs marins, à moitié nus et sans défense. Je chargeai aux côtés de mes pirates, et ordonnai à l’un de nos rares archers de lancer une flèche enduite de naphte embrasé sur la première galère qu’il verrait. Il s’exécuta. J’espérais que cela suffirait pour alerter notre petite flotte. Et cela suffit en effet. Tandis que nous fixions les équipages des galères les plus lourdes sur le rivage, nos navires plus légers culbutèrent leurs embarcations encore à flot.  

 

             Mais pas assez vite. Nos navires étaient trop éloignés pour porter directement secours aux commandos qui luttaient sur les rives. Dans la féroce bataille qui fit rage, nous fûmes peu à peu noyés sous le nombre. Le sable épais qui composait la plage réduisait l’impact de nos attaques, tandis qu’il laissait assez de temps aux Rhodiens pour prendre conscience de l’ampleur des assauts, et pour se réorganiser. Leurs épibates survivants se réfugièrent sur les flancs de leurs navires, et lardèrent de javelots tous ceux qui, parmi les nôtres, osaient s’avancer jusqu’à eux. Il nous fallut bien vite retraiter sur les hauteurs.

             Le Sens, qui envahissait à présent chaque recoin de mon âme, me permettait de gagner chaque combat, me prévenait de l’approche de chaque trait, m’évitait toute blessure. En contrepartie, j’étais folle de rage, ivre de sang et de violence, comme certaine que rien ne me pouvait plus m’atteindre. Mes haches fendaient l’air, allaient se planter dans le thorax velu d’un marin, y creusait une déchirure écarlate, béante, laissant brisés des morceaux blanchâtres de cotes ou de vertèbres. Je serais à jamais restée sur cette plage, si Phedreos ne m’avait finalement pas bousculée, pour m’annoncer le danger qui nous guettait ; plus de la moitié des nôtres avait déjà goûté au sable de la crique. Nos forces se dispersaient déjà dans la campagne environnante. La bataille semblait perdue. M’extirpant de ma gangue frénétique, je fis alors sonner nos flûtes et nos cors, pour battre le rappel sur un piton rocheux, surélevé et isolé au-dessus des flots, d’où nous pourrions tenir nos positions, en attendant les renforts. J’espérais au moins éloigner les Rhodiens de leurs embarcations.

 

             Ainsi, nous courûmes jusqu’aux hauteurs, harcelés par les dizaines de projectiles que peltastes et frondeurs embarqués nous expédiaient. Phedreos fit de son mieux pour me couvrir de son bouclier, et lorsque nous fûmes réfugiés sur le piton, nous constatâmes avec soulagement que nos navires entraient dans la crique, sans que les Rhodiens, tout occupés qu’ils étaient à achever nos troupes embarquées, ne les eussent remarqués. La plupart de nos épibates adressèrent alors aux renforts de grands signes des bras, les invitant à se rapprocher de nous. C’était une erreur ; non seulement ils avertissaient l’ennemi de la présence des secours, mais en outre, comment Anaxis pourrait-il nous récupérer, alors que nous surplombions des hauts fonds aux arêtes tranchantes comme des rasoirs ?

-         On n’y arrivera pas, dis-je à Phedreos, paniquée, constatant que le mur de lance formé par nos épibates était sur le point de céder sous les assauts conjoints de l’infanterie et de l’archerie rhodienne. Il faut que les navires débarquent les renforts le plus près possible de notre position actuelle, et qu’ils prennent à revers les Rhodiens !

-         Il faudrait les prévenir, objecta mon proratès, et ils sont trop loin.

-         Je vais les rejoindre. Dis aux hommes de tenir bon. De leur courage dépendra leur survie.

Et comme les balles pleuvaient au-dessus de nos têtes, rebondissant sur les cuirasses et brisant les nuques, Phedreos ajouta :

-         Le courage, c’est bien, mais je crois que c’est plutôt la résistance des crânes sur laquelle il faudra compter. Et d’abord, comment comptes-tu…

 

             Sans laisser mon proratès achever sa tirade, je sautai par-dessus les falaises, et me rattrapait en contrebas sur des saillants aussi tranchants que ceux qu’effleuraient les eaux. Mes compétences d’Assassin retrouvaient ici toute leur utilité ; souple comme un félin, je pris suffisamment d’élan pour effectuer un ultime, large saut qui me permit de plonger à l’écart des hauts fonds. De là, je grimpai sur une hémolia rhodienne qui croisait ma route, fuyant l’approche de notre flotte, leurs marins gagnant la plage pour avertir les leurs du danger qui guettait. Je me débarrassai sans peine des six épibates qui, en tout et pour tout, étaient présents à son bord, et prit en otage leur capitaine. Mes haches sous sa gorge, je lui ordonnai de virer de bord. Les esclaves qui suffoquaient sur les bancs de nage ne se firent pas prier pour changer d’allégeance, et les quelques insulaires qui restaient sur la petite galère s’empressèrent de se jeter à l’eau sans plus se soucier de leur chef.

             

Monté sur le rostre de l'Hippocampe, Anaxis, que plus rien ne surprenait, ne fit pas le moindre commentaire quand il s’aperçut que je revenais vers lui sans le moindre de nos soldats, mais à bord d’une galère ennemie. Je lui lançai quelques ordres sur un ton hystérique, et aussitôt, toutes nos galères obliquèrent vers le point le plus occidental de la crique, où de violents combats faisaient toujours rage.

 

             Alors, la bataille fut jouée. Nous nous échouâmes dans un désordre complet, nos galères s’emboutissant parfois les unes les autres, mais permettant à tous de mettre un pied sur la rive. Nos centaines de rameurs, parfois armés d’un simple coutelas, se précipitèrent sur les gens de trait restés en arrière des épibates. Nous les dispersâmes en quelques instants, ou du moins est-ce le souvenir qui m’en reste, car j’avais perdu toute notion du temps. Phedreos et ses hommes avaient tenu, malgré les pertes. Nous pûmes prendre à revers ce qui restait des équipages ennemis, qui s’enfuirent à leur tour à travers champs.

 

*

 

             Et ce n’était là que le début du conflit ! La victoire, malgré sa valeur stratégique, laissait un goût plutôt amer : j’y avais perdu plus du tiers de mes hommes, et juste après avoir ramassé les armes de nos ennemis afin de bâtir le trophée de la victoire, une collecte d’un autre genre nous attendait : celle de tous nos soldats dispersés dans l’arrière-pays, croyant la partie perdue. Nous avions endommagé beaucoup de nos vaisseaux dans notre échouage anarchique. Il fallut cannibaliser les navires rhodiens, pour remettre les nôtres en état. Nos blessés étaient nombreux, heureusement, les morts l’étaient beaucoup moins. Dans le noir, la plupart des combattants avaient eu bien des difficultés à frapper pour tuer. Encore fallait-il soigner, si cela était possible, ceux qui avaient été couchés durant la bataille. Cela nous prit plusieurs jours, et bien sûr, malgré mes ordres, beaucoup de mes matelots indemnes profitèrent de ce laps de temps pour piller les fermes alentours. A dire vrai, ce n’était guère une question de principe, cette fois, qui me poussait à m’opposer aux ravages de la flibuste : je redoutai surtout les appels à l’aide que pouvaient lancer les populations effarées. Nous étions au beau milieu d’un territoire ennemi, et je n’avais aucune envie de voir, à l’horizon, se profiler les phalanges de l’armée bithynienne. Heureusement, tandis que nous nous apprêtions à rembarquer, deux Assassins, montés sur deux grands alezans nerveux, sans même se donner la peine d’une approche discrète, vinrent m’annoncer que nos ennemis avaient alors d’autres préoccupations que ma flotte.

 

Comme tous mes « confrères » venus de Sinope, ils portaient le manteau noir, sans toutefois les broderies et les galons propres à Mithridate. Sans doute avaient-ils eu vent de ma victoire, et m’apportaient-ils les nouvelles directives de ce dernier. Ils me saluèrent d’apprentis à apprentie, et, sans se répandre en d’inutiles paroles de courtoisie ou de réconfort, ils confirmèrent mes impressions en m’indiquant être porteurs d’un message.

Ils glosèrent en vitesse ; le roi Assassin me félicitait pour ma victoire, et il allait donc bientôt engager, à plusieurs centaines de stades de là, sa grande explication avec Nicomède. Mithridate avait bien tenté de ce souverain rival, mais sans succès. C’était donc sur le champ de bataille qu’allait se régler cette querelle de prince. Et il me voulait à ses côtés pour défaire un ennemi si bien équipé. Ces deux Assassins étaient ainsi chargés de m’emmener jusqu’à lui.

             Et pour me démontrer à quel point toute discussion était superflue, ceux-ci s’empressèrent de me mettre la main à la bride d’un troisième destrier, qu’ils avaient apporté, le tenant par la bride. Je levai les yeux au ciel, ayant assez nourri la terre du sang des autres. Je me devais aussi d’aider les miens à regagner sans encombre la Cilicie. Mais je me résolue finalement à obéir aux ordres de la confrérie : si Mithridate était vaincu, jamais je ne me serai pardonnée de ne pas avoir pu agir quand j’en avais l’occasion.

 

*

 

             Hélas, notre trio ne put rallier l’armée pontique à temps pour participer à la sanglante entrevue des grands de ce monde. Une fois parvenus sur les lieux, la bataille était déjà terminée depuis plusieurs heures. Cependant, elle avait laissé d’hideuses scarifications sur le sol où elle s’était déroulée.

 

Mithridate et Nicomède s’étaient affrontés à la fois sur une plaine, et sur une colline au dénivelé très aigu. Les Pontiques s’étaient emparés des hauteurs, leurs phalanges repoussant Bithyniens et Romains qui ne pouvaient user de leur légendaire manœuvrabilité, et la discipline des fédérés ne leur avait nullement servi face aux chars à faux qui les avaient pris à revers. Le moral de nos ennemis étant au même moment au plus bas, ils s’étaient débandés après plusieurs heures de luttes, et, comme dans toute bataille, c’est là que le carnage avait véritablement débuté. Au moment de rejoindre le roi Assassin, les armées de Nicomède en déroute tout comme celles des Rhodiens, et la légion romaine avait été anéantie. Jamais la confrérie n’avait remporté une telle victoire. Et pourtant l’ambiance était bien morne.

 

             Ainsi, lorsque je foulai enfin cette terre de pandémonium, j’y trouvai une relative tranquillité, à peine troublée par les hommes qui s’activaient à étouffer sous terre une puanteur nauséeuse, dégagée par des centaines de cadavres. A chacun de mes pas, je sentais craquer le manche d’une pique ou d’une lance sous mes pieds. Lorsque ce n’était pas des os brisés. C’est bien simple, on ne savait plus où mettre les pieds. Cela n’avait rien à voir avec la quasi-escarmouche livrée l’antépénultième journée, où la majeure partie de nos adversaires s’était dispersée, nous abandonnant leurs vaisseaux, et donc la victoire. Ici, le massacre avait été généralisé. Chaque belligérant semblait s’être accroché bec et ongles à cette terre brune et torturée. Et pour la première fois, je jugeai la mort comme un véritable gâchis.

 

             Ne devaient pas penser ainsi les innombrables montagnards, paysans et mendiants, venus faire les poches des cadavres. Les soldats pontiques chargés de rassembler les morts ne leurs prêtaient absolument aucune attention, et ce n’est pas moi qui allait les empêchait de profaner les corps sans vie ; j’avais retenu de la flibuste que la richesse des autres est toujours bonne à prendre, et qu’il s’agit quasiment d’un acte de vertu si ceux-ci ne peuvent plus s’en plaindre.

 

             Des archers nous signalèrent la position de Mithridate en même temps que ses activités du moment : perché sur le plateau duquel il avait contemplé sa victoire, il faisait le décompte de ses pertes, réorganisait son armée… Et statuait sur le sort des prisonniers.

Plus mes deux camarades Assassins et moi-même sentions la pente s’accentuer, plus les corps encombraient les contreforts des montagnes. Ils s’entassaient les uns sur les autres, formant parfois une ligne impeccable, tombée comme une masse face aux piques pontiques. D’autres avaient chuté dans les étroites crevasses aux marges des collines, lorsqu’ils avaient voulu fuir la charge des chars. Ils empestaient plus encore que ceux tombés plus bas. Dans cette montée aux enfers, une seule chose vint me réconforter : la vue d’un homme qui comptait parmi les rares à ne m’avoir jamais méprisée. Et pourtant, lui non plus n’était pas en bel état.

 

-         Scia ! Où étais-tu ? Que t’est-il arrivé ?

Il n’y avait aucun reproche dans la voix d’Archélaos, tout au plus de l’inquiétude. Sans même songer à son rang ni au mien au sein de la confrérie, il me serra la main, et fut le premier, en cette journée, à me demander de mes nouvelles.

-         J’ai éliminé la menace rhodienne, comme l’avait ordonné ton roi, débutai-je sans même me soucier de le rassurer. Mais j’y ai laissé près de la moitié de ma propre flotte. Tes deux camarades, derrière-moi, m’ont demandé de venir vous prêter main-forte, mais je constate que nous sommes arrivés trop tard.

Archélaos, sanglé dans une armure toute entière recouverte de poussière et les traits tirés, eut une moue d’approbation.

-         Oui, nous l’avons largement emporté, se réjouit simplement le Compagnon en promenant son regard sur le champ de bataille. Mais je préfère autant que tu ne t’y fus pas trouvée.

-         Pourquoi ?

-         Ce fut un massacre.

-         Je m’y connais en massacres.

-         Enfin, surtout pour nos ennemis, mais… Le roi nous avait préparé à affronter des Romains, et aujourd’hui, ce sont surtout des Grecs qui sont tombés… Dans les deux camps.

-         Et… La légion romaine ?

-         Elle n’est plus une menace. Seul son légat et quelques-uns de ses prétoriens ont pu s’échapper.  

J’oubliai aussitôt le dégoût que m’inspirait le gigantesque cimetière à ciel ouvert qui nous environnait.

-         Alors, tu vois, Archéalos, tout n’est pas forcément négatif dans le bilan de cette journée.

De fait, en prononçant ces mots, je repensais avec plaisir aux deux publicains bouffis de suffisance qui entendaient régner par la force de l’or ou celle de glaive. A présent, ces deux martingales des succès politiques romains étant brisées, il suffisait de s’engouffrer dans la brèche de l’espoir.

Mais cela dut résonner autrement dans le cœur d’Archélaos car il préféra changer de sujet de conversation.

-         J’imagine que tu es venue voir le roi ?

-         N’est-ce pas lui qui m’a convoquée ?

-         Viens, je vais te conduire à lui.

 

             Sur les rocs d’altitude d’où les Pontiques avaient dominé toute la bataille, s’était temporairement installé l’état-major des vainqueurs, dans une ribambelle d’enclos, d’échoppes installés par les marchands qui suivaient, pas à pas, l’armée, et de tentes pour abriter cette dernière. Tous ces morceaux de toiles et d’auvents semblaient grimper les uns sur les autres, leurs agencements rendus biscornus par les étroits sentiers anatoliens. Archélaos me mena à la plus vaste des tentes, solidement gardée et frappée du symbole de la confrérie. Son accès était dégagé par une large place, sur laquelle se déroula une scène des plus insolites.

Ils étaient des dizaines. Tous les officiers romains et bithyniens – surtout bithyniens- faits prisonniers, les mains liées dans le dos, agenouillés face à l’éphémère édifice, attendaient que l’on décidât ce qu’il allait advenir d’eux, et de tous les soldats d’un rang inférieur égaleme,t capturés.

-         Oh, se confondit Archélaos, je crois que nous sommes arrivés au mauvais moment… Peut-être vaudrait-il mieux redescendre et revenir plus…

-         Non. Répliquai-je sans détour. Je tiens à savoir si je peux vraiment faire confiance à Mithridate.

Archélaos poussa un profond soupir.

-         Tu sais, Scia, parfois j’ai l’impression que tu te méfies de nous, les Assassins, comme si nous étions tes ennemis. Tu agis comme n’importe lequel d’entre-nous le ferait, et pourtant, tu te refuses à nos enseignements et à notre hiérarchie… Et maintenant, ceci ! Le roi t’accorde sa confiance, ne peux-tu lui accorder la tienne ? Nous avons tout fait pour…

-         Il a déclenché une guerre en me promettant de respecter la vie d’autrui et de libérer des esclaves, répliquai-je, m’obstinant à chasser l’image d’Homây et Lugos de mes pensées. Je me demande comment il traitera ces gens-là…

-         Eux ? S’étonna le stratège en tendant la main vers les officiers prisonniers. Ne confondons pas tout, veux-tu ? Depuis la nuit des temps, les prisonniers sont soient exécutés, soit réduits en esclavage !

-         Mais depuis la nuit des temps, on n’a jamais vu un Assassin devenir roi, n’est-ce pas ?

 

             Archélaos sembla passablement inquiété par mon ultime remarque. Mais nous ne pûmes disserter plus longtemps sur le sujet, car Mithridate se dévoila alors, imposant le silence sur son passage.

Non, il ne se dévoila pas ; en fait… Il bouscula tous ceux sur son passage, déboulant aux commandes de l’un de ses fameux chars, dont les essieux avaient été heureusement préalablement délestés de leurs faux.

             La moitié des prisonniers reculèrent, quand bien même furent-ils à genoux. Le roi du Pont était voyait ses bras percés de nombreuses déchirures, telles des lacérations, et tout comme Archélaos, il n’avait pas encore cru bon se délester de la sombre couche de crasse qui lui recouvrait le visage et l’armure. Sans doute tenait-il à faire savoir à tous qu’il avait combattu en première ligne.

 

Puis, le roi Assassin stoppa sa machine à l’entrée de sa tente, ses roues dérapant au passage, pour mieux asperger les captifs de terre. Avec la plus grande énergie, le souverain mit pied à terre, et marcha négligemment vers l’officier italien le plus proche, le regard tourné vers ses soldats.

-         Dis-moi, tribun, lui demanda-t-il lorsque ses genoux furent prêts à embrasser son front, où se trouve ton légat ? Et l’usurpateur Nicomède ? Où se rendent-ils ?

Le Romain était apeuré, qui ne l’eut pas été ? Mais il le cachait bien, et rien dans sa réponse ne laissa manifester la moindre once d’inquiétude.

-         Ils se sont enfuis, Majesté. Ils t’ont échappé. Et tu n’es pas prêt de les rattraper.

-         Je m’en doute. Les lâches sont ceux qui courent le plus vite. A ce rythme, ils pourront même traverser le Bosphore à pied.

Eclats de rires chez tous les Pontiques alentours. Vite étouffés lorsque Mithridate reprit son discours.  

-         C’est terminé, tribun, ta légion en Asie a été écrasée, et la fuite de l’usurpateur  décrédibilise totalement sa pseudo-légitimité. L’heure du départ a sonné pour les Romains.

Aussitôt, le souverain dégaina son glaive, le brandit férocement… Et trancha les liens qui entravaient l’officier supérieur.

Ce dernier, qui n’avait même pas baissé la tête au moment où le coup allait s’abattre, avait vu la lame lui passer juste sous le nez, et en resta comme un merlan mit à sécher. Quant aux officiers pontiques, ils n’eurent pas l’air de comprendre l’attitude de leur chef. Mais aussitôt, tous les chalcaspides qui constituaient la garde rapprochée de Mithdirate surgirent d’entre les tentes, et entreprirent de libérer tous les prisonniers de leurs entraves.

-         Romains, conclut Mithridate d’une voix forte, je n’ai pas voulu cette guerre, je n’ai rien contre votre peuple ! Pourquoi vous tuerais-je à présent que vous êtes à ma merci ? Rassemblez vos hommes, et quittez ces terres, à tout jamais ! Bithyniens, rentrez chez vous, ou combattez à mes côtés ! Vous êtes des Grecs ! Rien ne vous oblige à suivre les ordres odieux de vos oppresseurs ! Dans le monde qui vient, vous serez tous de nouveaux libres !

Les Romains et les Bithyniens se gardèrent bien de prononcer la moindre parole de gratitude. Ils se contentèrent de reculer en silence, jusqu’à disparaître de notre vue. Les seconds étaient sans aucun doute soulagés de l’issue de cette confrontation, mais comme les premiers devaient se sentir humiliés !

             Pour ma part, j’étais stupéfaite que les choses se soient passées ainsi. J’imaginais Mithridate se montrant aussi terrible avec les légionnaires qu’il l’avait été avec les publicains. A l’époque, j’ignorais encore le savant calcul qui animait alors son esprit : la clémence allait sans aucun doute être le meilleur des béliers pour enfoncer les portes des cités récalcitrantes. Toutes se tourneraient vers le roi du Pont, car on le savait bon pour pardonner.

                                      

Le temps que je revienne de ma surprise, Archélaos m’avait conduite jusqu’au généreux vainqueur du jour. Il daignait enfin se débarbouiller la figure, plongeant ses mains et son visage dans une grande bassine que lui avait apporté l’un de ses serviteurs.

-         Ah, Scia, dit-il entre deux ablutions, il me semblait bien avoir perçu ta présence. Tu es en retard, jeune fille.

Mon âme était toujours marquée au fer rouge par la tromperie qu’il m’avait imposée en tant que « Polybios ». Et ses remarques condescendantes piquaient ma fierté au vif. Je remontai sur mes grands chevaux.

-         Et je devrais être désolée ? J’ai éliminé tout une flotte rhodienne à six-cent stades d’ici ! J’ai chevauché nuit et jour pour obéir à tes ordres ! C’est toi qui as engagé le combat trop tôt !

-         Du calme, Scia, du calme, je ne te faisais aucun reproche. Au contraire. Bien qu’il fût navrant que tes intercessions auprès des archipirates de Cilicie n’aient pas abouti, tu as su prendre des initiatives et gérer une situation difficile. Tu as agi en parfaite Assassin.

-         Je ne suis pas… grognai-je, écarlate… Peu importe, je me réjouis de ta victoire et de la manière dont tu en profites. Cependant, tu m’as fait perdre un temps précieux ; je n’ai plus qu’à faire demi-tour pour rentrer en Cilicie.

-         Tu ne penses tout de même pas, Scia, que je t’ai fait venir jusqu’ici uniquement pour te voir guerroyer ? Tu vaux mieux que cela. J’ai une nouvelle mission à te confier…

-         Libérer les esclaves des Latifundia reste ma priorité, quoi que tu me proposes. Et tes plans de guerre ont déjà trop retardé cette besogne.

-         Justement… Allons parler sous ma tente, où je pourrais plus amplement me décrasser. Je n’ai moi non plus pas de temps à perdre, tu sais. Archélaos ?

-         Oui, Majesté ?

-         Veille à rassembler l’armée. Nous partons demain pour Nicomédie[2]. Pharnace nous y aura déjà précédés, tel que je l’imagine. Pour rien au monde il ne voudrait retarder sa prise de fonctions…

Et sur ce, Mithridate me précéda dans la tente royale.

 

*

 

             Les quartiers de campagne de Mithridate semblaient tout sauf improvisés. Sans la toile pour me rappeler la précarité des structures de l’habitat, je me serais crue de retour dans le palais de Sinope, tant le mobilier, même pliant, était imposant.

Dès qu’il eut repris possession de ses pénates, le roi Assassin fut déshabillé par toute une cohorte d’esclaves, qui entreprirent de le nettoyer au strigile. Absolument imperturbable, Mithridate levait les bras et les jambes tel un automate, dès qu’il s’agissait de récurer un endroit particulier de son corps. Et comme je patientai dans son dos, il se lança dans une série d’objurgations qui m’étaient destinées.

-         Scia, mon amie, tu as toute ma gratitude pour ce que tu as fait aux Rhodiens. Il me semble cependant que si tu te révèles bonne tacticienne, tu n’aies guère de don pour la pensée stratégique. Lorsqu’on mène une guerre, il faut se montrer méthodique. Explique-moi donc pourquoi tu as fait écumer tous les latifundia de ma liste en Asie, et aucun dans le Péloponnèse ou en Macédoine ?

-         J’ai pensé qu’il valait mieux s’attaquer d’abord aux cibles qui seraient directement menacées par tes armées. Sans quoi les maîtres auraient retiré leurs esclaves, se débarrassant des plus faibles et dispersant les autres dans les recoins les plus improbables de la région, brouillant ainsi nos pistes.

-         Et voilà : erreur stratégique. Vois-tu, Scia, c’est la panique, en Asie. Tous les… « Maîtres » sont déjà repartis pour l’Italie, où ils ont des propriétés bien plus conséquentes qu’en province. Ils se moquent de ce qu’il peut advenir de ceux qu’ils sont censés protégés.

-         Et alors ? Tous ces esclaves sont désormais libres, non ? N’est-ce pas tout ce qui compte ?

Le roi Assassin se retourna brutalement vers moi, écartant d’un geste brusque tous les esclaves, qui firent quelques pas en arrière, cassés en deux par le respect. Mithridate ceignit une serviette autour de ses reins, puis vint me dire en face ;

-         Ce qui compte, Scia, ce ne sont pas ceux qui sont libres, mais ceux qui ne le sont pas encore ! Ta réputation t’a précédée à l’Ouest du Bosphore ! Le gouverneur de l’Asie n’est qu’un imbécile s’aplatissant devant ses publicains, mais celui de Macédoine est d’une autre trempe ! Tu as donc bien fait un faux pas. Tu aurais dû commencer par attaquer le Ponant. A présent, les Romains ont pris leurs dispositions dans toutes ces provinces…

-         Quels que soient leurs barrages, je les forcerai, affirmai-je avec confiance. Après tout, ne suis-je pas, selon toi, une Assassin ?  

Mithridate, qui venait de compléter sa tenue par un large pallium, arqua alors les sourcils, et trempa de nouveau ses lèvres dans son outre personnelle. Puis, après que sa suite se soit retirée, il siffla à niveau, l’œil sévère et d’une voix presque inaudible :  

-         Je ne te parle pas de « barrages », ma sœur. Je te parle « d’actions préventives ». Compte tenu de l’avancée de mes troupes et du bouche à oreille concernant tes exploits, certaines îles de l’autre côté de l’Egée se sont déjà révoltées contre les Romains. Notamment celle de Sciathos. Les hommes libres y ont spontanément libéré leurs esclaves plutôt que d’encourir ta colère, et ils se sont déclarés soumis à mon autorité.

-         Cela n’a pas l’air de te faire plaisir, « Majesté ».

-         Le gouverneur n’a pas apprécié. Il a envoyé son plus féroce légat sur l’île avec cinq cohortes. J’ai expédié des navires à la rescousse des habitants, mais je ne sais ni quand ils seront sur place, ni même s’ils peuvent l’emporter face aux défenses côtières qui gardent les ports.

-         « A la rescousse des habitants », dis-tu? Ils sont en si grands dangers que cela ?

-         Sais-tu seulement ce que font les Romains à ceux qui leurs désobéissent ? Au mieux, les hommes libres seront réduits en esclavages et leurs anciens serviteurs les rejoindront. Au pire… Mais il n’est point temps de procrastiner. Si le légat meurt, les Romains perdront de leur cohésion, et donc le contrôle de l’île.

-         Et tu ne t’es jamais demandé si j’avais besoin de dormir ? Me lamentai-je sous un air sardonique.

-         Je sais qu’aucun Assassin n’a plus de raison que toi de réussir cette mission, Scia. C’est pourquoi je te demande de te rendre à Sciathos pour éliminer celui qui mène les troupes d’occupation. Et, pour t’y aider… Voici une petite invention de l’un des aïeux d’Homây.

Le souverain me remit alors une besace pleine de petits amas d’herbes réunies en bouquets.

-         De quoi s’agit-il ? L’interrogeai-je, en me doutant de sa réponsue.

-         D’un ensemble de plantes orientales. Dès qu’on y boute le feu, elles dégagent une épaisse fumée brune et agressent les yeux de ceux qui sont pris dans son nuage. Cela pourrait t’être utile.

Je me souvins qu’au col d’Attalos, ces petits objets avaient fait merveille. Mais pourquoi le spectre d’Homây devait-il toujours se rappeler à mon bon souvenir ? S’il m’avait laissée un peu plus de liberté, peut-être eut-il survécu, lui aussi. Il n’avait qu’à s’en prendre à lui-même de m’avoir tant tyrannisée !

-         Je vais voir ce que je peux en faire, fis-je avec remord, en me saisissant des herbes. Et… Comment se nomme ma cible ? Ce légat apparemment si terrible ?

-         Sura. Quintus Bruttius Sura.

-         Tiens donc… J’ai déjà entendu ce nom-là quelque part…







[1] 89-88 av.J.C.

[2] La capitale de la Bithynie.




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