Aventures : La Fanfiction - Saison 1
Épisode 10 : Une menace éthérée
Par Myfanwi
Un bras géant se dressa de l'eau, de facilement dix mètres de haut, puis un début de tête. Théo leva la tête vers la créature, un sourire bêta collé au visage, alors qu'une corde lui tombait le long de l'épaule. Il resta un moment planté sur place, puis revint à lui. Il lança un regard à Bob et lui tendit la corde.
— Euh… Monte ! Monte, monte, monte !
Le mage ne se fit pas prier, il lui arracha presque l'ustensile des mains, grimpant même sur Théo, effrayé, déjà parti en tête. La créature choisit ce moment pour immerger totalement de l'eau. Bob lui lança un regard effrayé. Il est courant de dire que la peur donne des ailes. Grunlek, qui était penché au-dessus du précipice, put voir un Bob monter très rapidement, comme s'il n'avait jamais eu besoin de cette corde.
Théo, toujours en bas, prononça un « Il est à moi » avant de sortir son épée de l'eau, pour faire face à ce titan imprévu. Il était prêt au combat, bien que l'immense créature ne semblait pour le moment pas montrer de signes d'agression. Sur la rive, Grunlek, Shin et Bob purent voir alors apparaître le sommet de la tête du monstre, pour les deux premiers, ce fut l'occasion de se rendre compte de l'étendue du danger. Le nain garda son sang froid, et se pencha vers le ravin.
— Théo, dépêche-toi ! Je peux t'aider, je peux tirer la corde pendant que tu montes !
Le paladin ne bougea pas d'un pouce, préférant attendre que le géant ait fini de naître, puis, calmement, il se saisit de la corde, et décida de grimper, comme si le monstre derrière lui n'était pas là.
— Bonjour monsieur, dit-il calmement, ce qui n'échappa pas à Bob, en haut, qui se mit à rire.
— Oh l'autre ! Le seul moment où il dit bonjour c'est quand le monsieur fait cent cinquante mètres de haut ! Sinon tout le reste du monde, le garde, sa femme, le chien, la boulangère, c'est « Je suis l'Inquisition. Servez-moi. » Le mec.
Shin, qui était lui resté silencieux, plissa légèrement les yeux. Cette créature lui était clairement familière. Il tendit les mains devant lui, ferma les yeux et une connexion magique, élémentaire s'établit presque immédiatement avec le géant. Il comprit alors que le titan possédait la même provenance magique que lui. Le monstre ne semblait pas agressif, mais plutôt essayait de communiquer avec lui. En effet, étant élémentaire, la créature n'avait pas les mêmes moyens de communiquer que les hommes. Shin hésita quelques secondes, puis décida d'ouvrir son esprit, pour entrer en symbiose avec elle.
Grunlek, qui l'observait faire, ne put s'empêcher de sourire.
— Moi j'ai récupéré un loup, toi tu peux récupérer un titan de deux cent cinquante mètres.
— C'est cool comme familier, lui répondit Shin, tout en se concentrant.
— Mais c'est pas ultra discret, intervint Bob, surtout pour un rôdeur qui essaye de cacher ses pas en forêt ou autre.
Shin lista dans son esprit toutes les utilités que ce golem pourrait avoir. Faire la vaisselle dans son estomac, tremper ses mains dans ses fesses pour se rafraîchir le matin. Il pensa également à Théo, qui allait probablement finir par lui sauter dans le ventre pour essayer de le désintégrer. Il devait agir, et vite. La connexion entre l'élémentaire d'eau et le demi-élémentaire finit par s'établir, alors que, de l'autre côté, Grunlek continuait d'aider Théo à grimper la paroi. Shin sentit son esprit disparaître, ou tout du moins se substituer à quelque chose d'autre, quelque chose de nouveau.
Sous le regard de ses compagnons, Shin s'éleva doucement dans les airs, et se mit à parler avec une voix d'outre-tombe.
— Depuis les temps immémoriaux où les grands héros ont conquis la terre, les mers et les panthéons, les Dieux et les Diables fuirent leur monde et celui des mortels. Des années durant, les Divins se mêlèrent aux hommes rependant une progéniture sacrée comme autant de maladies. Ils commencèrent ainsi à comprendre la nature profonde des mortels et les millénaires qui suivirent firent germer dans leurs cœurs… Des sentiments. Les Divinités comprirent la mort, la vie, mais aussi l'amour et la haine. Malheureusement, ils se mirent aussi à nourrir de noires ambitions… Contemplez donc les premiers signes du chaos ! Nous, Élémentaires, quittons ces terres tandis que l'histoire des Hommes doit s'écrire à nouveau. Vous, né humain, demi-diable, nain et demi-élémentaire : choisissez l'avenir de votre monde. Choisissez de rejoindre les Dieux, les Diables ou les Mortels. Rétablissez l'équilibre avant que tout ne cesse d'exister.
Des images étranges apparurent aux yeux de Shin, alors que du côté de Théo…
— QUOI ?
— J'ai compris la moitié de ce qu'il a raconté, dit rapidement Bob, alors que Théo partait dans un monologue avec lui-même.
— Choisissez, choisissez la forme de votre destructeur !
— Donc… reprit Grunlek. On doit choisir entre les Dieux, les Diables et les Mortels ?
— Non, non, intervint Bob. On ne doit pas choisir. On doit faire un équilibre.
Shin retomba au sol, puis revint à lui. Le pyromage était déjà en train de réfléchir aux mots du demi-élémentaire pour sa part.
— Okay. Okay, okay. Donc l'équilibre entre les Dieux, les Démons et les… Hommes. Et les Élémentaires qui se cassent parce que c'est plus leur pays à cause des Dieux et des Diables qui ont déposé leurs semences un peu partout, histoire qu'ils aient plein de descendances, des sentiments, mais aussi les côtés bons et les côtés négatifs. On est tous dans cette équipe, par un plus grand des hasards, tous représentatifs d'un aspect ou d'une partie des gens qu'il va falloir réformer, ou du moins apporter sur un pied d'égalité, et rétablir l'équilibre. Mais l'équilibre entre quoi et quoi ? Entre toutes ces factions à la con, parce que ça risque d'être un sacré boulot ça, les enfants.
Alors que Théo finissait de grimper sur la berge, que Shin reprenait ses esprits, un peu perdu, et que Bob réfléchissait à voix haute, l'Élémentaire semblait se déplacer. Théo, toujours perplexe, se tourna vers Bob.
— Qu'est-ce qu'il a dit ?
— C'est ce que j'étais en train d'expliquer, réplique le demi-diable, exaspéré. En gros, toi avoir contact avec les grands dieux, moi avoir contact avec les démons, Grunlek être le contact avec les peuples de la Terre, humains, et Shin avoir contact avec tous les élémentaires. Nous devoir rétablir équilibre pour éviter fin monde. C'est bon ? Ça mouline ou… ?
— Il y a quand même l'Élémentaire qui vient de disparaître style on a rien vu quand même, le coupa le Nain, en pointant l'emplacement vide où se tenait auparavant le Titan.
Alors que le géant ne reformait plus qu'un avec l'eau, cette dernière se mit à grossir étrangement, grignotant la berge, la faisant s'effriter. Les aventuriers comprirent alors que la cause de l'effondrement de la muraille par le dessous n'était autre que le résultat de la fuite des Élémentaires, quittant ce monde par cet endroit, pour des endroits plus vastes, comme la mer, faisant s'effondrer par certains endroits le monde à la surface. Théo garda néanmoins le sens des priorités.
— Bon, on peut y aller ? Parce que je suis toujours empoisonné ! D'abord on sauve mon cul, ensuite on sauve le monde, okay ?
— Mais les deux sont sans doute liés, ma biche, tu sais, déclara calmement Bob. T'as pas entendu la méga-prophétie que les Élémentaires viennent de faire ?
— J'ai rien compris, geignit l'Inquisiteur.
Bob laissa ses bras retomber le long de son corps. Oui, il en était certain maintenant. Théo de Silverberg était un cas perdu.
— Il faut avouer que son texte était un peu long, enchérit Grunlek. Il aurait pu résumer en deux, trois phrases.
— Mais… Mais non, tenta désespérément Bob. Il fallait juste écouter ! Il a expliqué, en bref, qu'il était plus vieux que le temps lui-même, que c'était un Élémentaire qui en avait vu des belles et des pas mûres dans sa vie, et qu'il avait vu l'apogée et la venue des Dieux et des Démons dans ce monde, et du peuple mortel de ce monde. Et un jour il s'est dit, ah tiens, ils se sont frités grave, grave, grave et se sont réduits et dispersés dans la population mortelle, qui ont niqué pleins de gonzesses de partout pour laisser des fils de Dieux et des fils de Démons un peu partout, ce qui m'a donné moi, par exemple, bonjour Bibi qui est juste là, et sans doute Théo, qui est un paladin capable d'invoquer de la putain de foudre et lui aussi, dit-il en pointant Shin. Mais toi t'es un Élémentaire, t'es pas un Dieu/Démon, t'es directement lié.
— Ouais, je suis un bâtard, intervint Shin d'une voix grave.
— Oui, on est tous des bâtards !
— Je suis un fils de Dieu moi ? demanda Théo, d'une voix pleine d'admiration.
— Ouais, ouais, intervint Grunlek. Il faut pas exagérer quand même. Ne dis pas ça, on est foutus sinon.
Bob pointa Théo du doigt, imperturbable.
— Tu dois forcément avoir une goutte de ça quelque part, sinon tu serais pas capable de faire appel à de la magie divine aussi facilement que tu le fais. Du côté de Grunlek c'est différent, il ne fait pas partie des peuples humains, c'est un Nain, par définition, c'est une créature magique, sans offense. De ce fait, on a tous les quatre un aspect représentatif d'un des aspects de la vie de ce monde, l'élémentaire, le démoniaque, le divin et la créature mortelle magique, comme euh… Comme les licornes. Pas d'offense encore une fois. Basiquement, les Élémentaires se sauvent parce qu'ils savent que ça va se friter tellement fort pour le pouvoir que ça va déclencher une fin des mondes si on n’arrive pas à mettre un terme à tout ce bordel.
— Donc, tenta Grunlek, il faut qu'on arrive à combiner nos pouvoirs ?
— C'est ce que j'ai compris.
Le groupe décida de se remettre en route, pour quitter cet endroit. L'esprit de Bob était toujours préoccupé par cette prophétie annonciatrice de mauvaises nouvelles, celui de Théo était plus concentré par son sort futur, cette mort certaine pesant sur ses épaules, Grunlek pensait aux mots de Bob, à des responsabilités qu'il pourrait être amené à reprendre, alors qu'il les avaient reniées, et Shin, enfin, resta songeur, toujours en connexion avec son élément. Quoiqu'il en soit, ils se sentirent grandis de cette aventure. Mais… Au sens littéral, comme si le destin avait finalement décidé de leur donner un coup de pouce, comme s'ils étaient devenus… Plus forts.