Aventures : La Fanfiction - Saison 1
Épisode 20 : Comme des rats
Par Myfanwi
Les yeux de Shinddha Kory étaient clos. Il était en plein rêve, revivant des événements qui se sont produits récemment, à cette symbiose avec l'élémentaire de l'eau. Puis les songes changèrent, le rêve se transforma en cauchemar. Des morts. Leur mort, celle de ses amis. Étaient-ils morts ? Était-ce seulement un rêve ?
Une nausée le prit, quelque chose n’allait pas. Il sentait ses propres cheveux sur ses joues, et, quand il se décida finalement à ouvrir les yeux, gêné par sa masse capillaire, il découvrit horrifié… Qu'il se trouvait à l'envers, les bras écartés et bloqués par des chaînes. Sa première pensée fut « Est-ce que je suis nu ? », puis soulagé, il se rendit compte que non.
— Celui-là est réveillé.
La voix venait du dessus. Shin secoua un peu la tête, pour se réveiller un peu plus, réalisant progressivement la gravité de la situation. Il était pendu par les pieds, bras attachés, au-dessus d'un puits sans fond, et il faisait très sombre.
Grunlek, à son tour, revint à lui. Il était d'une part en colère, de l'autre fatigué. Couché contre un mur froid, le bruit métallique des chaînes emprisonnant ses bras l'avait réveillé. Il essayait de tirer un peu, remarquant alors qu'il était également attaché par le cou, comme un vulgaire animal. Il chercha un point de repère, mais la seule chose que ses yeux trouvèrent fut une porte close, devant lui, avec des barreaux. Il s'inquiéta immédiatement pour ses amis. En tournant la tête, il vit Théo, à sa droite, se réveillant lui aussi difficilement. Il n'avait pas son armure, et était lui aussi attaché au mur. En face de lui, à travers les barreaux, il voyait aussi, étendu sur une table, la tête de Bob, dépassant d'un paravent.
Grunlek secoua un peu la tête, reprenant ses esprits. Il jeta un coup d'œil à son bras métallique, espérant pouvoir s'en servir pour briser les chaînes. Il ne se sentait pas encore en état pour ça, mais remarqua néanmoins quelques griffures, entre son épaule et le début du métal. Quelqu'un avait sans aucun doute essayé de désosser son bras. Inquiet pour ses amis, il tira un peu sur ses chaînes pour observer les personnes entourant Bob.
Théo, de l'autre côté de la cellule, constatant qu'il n'avait ni épée ni bouclier, décida de laisser les autres se débrouiller et de dormir. Les émotions fortes, tout ça. Il sentait déjà les reproches de ses compagnons. Et puis, de toute façon, il n'avait aucune preuve qu'elle était morte, donc ils n'avaient rien à lui dire. Il en était convaincu. Et puis c'était de la faute de Bob, s'il avait foutu le feu à la maison comme il lui avait dit de le faire, cette gamine ne serait pas dans l'état où elle était actuellement. Au lieu de pleurer sur son sort, il décida de rentrer en transe et de méditer, pour récupérer un peu de magie et leur prouver à ces hérésies ambulantes qu'il était utile au groupe.
Bob, qui était lui en plein rêve érotique d'un autre temps, peuplé de scènes sordides et étranges impliquant d'être attaché, finit à son tour par ouvrir les yeux, enchaîné à une table en bois. Quelqu'un se trouvait au-dessus de lui, sifflotant, un scalpel à la main. Il resta silencieux, en plein questionnement sur sa condition, alors que ce qui avait tout l'air d'être un scientifique lui déchirait le reste de sa robe. C'était quoi ce bordel ? Où est-ce qu'il était ? C'était qui ces glandus autour de lui ? Qu'est-ce qu'il faisait et comptait faire l'autre avec son scalpel ? Son cerveau était en ébullition, d'autant plus qu'il avait connaissance de diverses pratiques de dissection peu enthousiasmantes et qu'il n'avait pas envie de les expérimenter. Il entrouvrit les yeux, assez pour ne pas être remarqué. Il put distinguer à sa gauche un plateau, sur le sol, rempli d'instruments peu encourageants.
La voix d'une vieille dame lui parvint distinctement aux oreilles. Elle lui tournait le dos et parlait à voix basse à deux hommes, qui hochaient la tête à ses propos.
— Quand vous aurez fini ça, vous savez… vous savez ce que vous avez à faire. Vous verrez ensuite ce qu'il y a à l'intérieur. Dépêchez-vous, on a pas toute la nuit quand même.
D’accord, il était dans la merde. Il se mit à chercher diverses solutions, certaines consistant à laisser sa place à son démon. Mais le risque était trop grand, ce n'était pas forcément une bonne idée.
— Eh, madame, je crois qu'il est revenu à lui.
Grillé, pensa amèrement Balthazar.
Pendant ce temps, coincé dans son puits, Shin, la tête à l'envers, cherchait lui aussi une solution pour se sortir de cette position pour le moins… Embarrassante. En se balançant un peu, il repéra du mouvement au-dessus de lui, une ombre. Quelqu'un l'observait depuis le haut. Il se contorsionna pour avoir un meilleur angle de vue, et finit par distinguer un homme en blouse blanche, calepin à la main, en train de noter des choses, probablement sur lui. Il prit sur lui et décida de lui adresser la parole.
— Eh ! Vous là-haut, qu'est-ce qui se passe ? On… On est pas des sujets de laboratoire messieurs-dames.
— Ne vous inquiétez pas, lui répondit le scientifique. Quand on en aura fini avec vous, on vous libérera.
— Écoute mon petit bonhomme, on va faire un petit pari. Dans trente secondes, je me libère de mes liens et je te plante un truc dans la jugulaire.
— Moi ce que je vous propose c'est que dans vingt-cinq secondes, je vous lâche et vous tombez dans le fond de je ne sais pas où.
— Pari tenu.
L'homme en blanc fit un pas en arrière, et se mit à compter, pour le provoquer ouvertement. Shin banda sa volonté, en essayant de glacer ses chaînes, mais ça ne se passa pas comme prévu. Se rendant compte de son erreur, il jeta un regard paniqué au-dessus du puits.
— Nan, mais je déconnais ! Reviens ! Reviens !
— Quatre… Trois… Deux… Un…
Un clac retentit au dessus de lui, ses pieds se libérèrent d'un coup. Point positif, il était de nouveau dans le bon sens. Pour le négatif, il avait l'impression que ses épaules avaient fait un tour complet sur elles-mêmes et il était maintenant uniquement retenu par les mains, au-dessus du vide. Et pour bien l'énerver davantage, le scientifique continua de le narguer.
— Euh… Je suis pas encore mort, hein. C'était prévu ?
— Ouais, ouais… C'était pas trente secondes, mais… Laissez-moi du temps !
Il agita les pieds, légèrement énervé. La vieille dame qui se trouvait près de Bob courut dans la direction du scientifique, visiblement paniquée.
— Pauvre sot ! Que faites-vous ? Si vous le libérez, nous ne pourrons pas récupérer les gemmes.
— Nan, mais c'est lui, répondit l'homme. Il m'a menacé de mort, je ne pouvais pas le laisser passer quand même…
— Mais taisez-vous bon sang ! Vous savez bien que le maître vous sanctionnera si vous continuez sur ce ton. Je vous rappelle que vous n'êtes pas décisionnaire ici.
En relevant la tête, Shin put voir sa « proie » se décomposer, visiblement agacé. Ça lui arracha même un sourire. La tête de la vieille dame apparut au-dessus du puits. Shin se crispa.
— Ça… Ça va aller ? lui demande-t-elle d'une voix complètement hypocrite.
— Écoute-moi la vieille, dans trente secondes… Alors attention hein ! C'est pas un petit puits de rien du tout qui… Voilà hein ! Et qu'est-ce que vous voulez de nous bordel de… Bordel ! Qu'est-ce que vous attendez de moi ? Qu'est-ce que vous attendez de nous ?!
— Votre tour viendra, répondit-elle simplement. On s'occupe d'abord de votre ami sur la table.
— … Mon ami ? Quel ami ? De qui vous parlez ?
— En attendant, n'essayez pas de causer des ennuis. Ça m'embêterait de vous lâcher au fond du puits.
Dans sa cellule, profitant de l'absence de la vieille, Grunlek commença à tirer sur ses chaînes, pour essayer de les briser. Il était en train de se dire que s'il arrivait à déployer son bouclier magique à l'endroit de la chaîne, il pourrait la faire céder. Mais ça prendrait un peu de temps, en avait-il seulement ? La voix de Théo l'interpella, il se tourna vers lui.
— Tu peux faire un truc ? demanda-t-il à voix basse au nain.
— Je suis en train d'essayer, répondit-il sur le même ton.
— C'est pas moi qui ai tué la fille au fait. Je suis innocent. N'empêche que si vous aviez écouté mon plan… Parce que si l'autre était mort par le feu et bah on en serait pas là !
— C'est pas grave, lui répondit Grunlek, sarcastiquement. Si elle était vraiment innocente, elle est partie au paradis…
Grunlek se tut en voyant un des sbires autour de Bob tourner la tête dans sa direction. Le mage, par ailleurs, était toujours en train de bouillonner, mourant d'envie d'engager la conversation. Il avait envie de hurler qu'il était le grand et magnifique Balthazar Octavius Barnabé, pyromancien de la Tour Rouge, qu'il voulait être libéré et qu'il allait leur défoncer la gueule, mais la seule chose qui parvint à sortir de ses lèvres fut :
— J'suis… J'suis Balthazar ! Pyromancien de la Tour Rouge. Sans déconner, j'vais vous pourrir vos mères.
Ce qui en soit était plutôt pitoyable. Il lui restait deux solutions pour regagner un peu d'honneur. Soit ouvrir une connexion télépathique avec les autres, soit tenter d'imposer sa volonté à l'un des gardes, mais sa faiblesse magique le poussa à choisir la première solution. Un point stratégie, c'était bien un truc dont ils avaient besoin là tout de suite. Il banda sa volonté, et projeta son esprit dans celui de ses trois autres compagnons avec brio. Néanmoins, la vieille dame l'interrompit avant qu'il ne commence à hurler son désarroi dans la tête de ses amis.
— Sûrement pas, vous n'allez sûrement pas nous atteindre avec quoi que ce soit mage. Voyez-vous, deux des pieds de la table sont bien plus fragiles qu'ils en ont l'air. S'il s'agite trop, dit-elle à l'un des sbires, si vous n'arrivez pas à récupérer les gemmes, faites basculer la table.
— … Gné ? Quelles gemmes ? lâcha faiblement le mage.
— Celles de votre engeance, demi-diable.
Un des sbires appuya légèrement sur le bas de la table, avec un sourire sadique. Bob jugea judicieux de se taire, et commença à parler aux autres, par télépathie.
— Messieurs, je suis attaché à une table, il y a deux soldats et une vieille qui veulent m'ouvrir en deux pour des cailloux, que se passe-t-il ?
— J'entends pas des bruits de fillette de puis tout à l'heure ? demanda Shin.
— Non, ça, c'est la culpabilité de Théo qui résonne dans la connexion, lança Bob sur un ton plein de reproches.
— Eh ! Je me sens pas du tout coupable d'abord, grogna le paladin.
— Je les entends parler de gemmes depuis tout à l'heure, reprit Grunlek, pour redevenir sérieux. Je pense qu'ils veulent puiser dans notre essence pour en créer de nouvelles.
Grunlek lança un regard sombre aux sbires occupés près de Bob. Sa théorie était tout à fait plausible, il en était certain, d'où l'urgence de sortir le mage de là. La question des gemmes de pouvoir n'était pas revenue sur le tapis depuis quelques années, mais il en avait entendu parler un peu néanmoins, et ça ne lui plaisait guère. Utiliser les gemmes de pouvoirs, les extirper de Bob, pour former d'autres technologies semblables à celle animant son bras mécanique lui semblait complètement possible.
— Mais ils veulent faire quoi exactement ? demanda l'esprit de Théo dans sa tête. Nous transformer en gemmes ?
— Non, puiser notre essence vitale, répondit sombrement Grunlek. C'est un principe alchimique, j'imagine…
— Non, non, l'interrompit Bob. S'ils veulent m'ouvrir en deux et qu'ils fouillent les vêtements, c'est que c'est pas les principes alchimiques qui les intéressent. Ils pensent que nous les avons physiquement sur ou dans nous, pour les cacher.
— Mais ils auraient pu nous fouiller quand on était tous inconscients, répliqua Shin.
— Mais c'est précisément ce qu'ils sont en train de faire, ils sont en train de fouiller mon cul pour voir si j'en fais pas passer.
Bob entrouvrit un œil, pour s'assurer que ses bourreaux n'avaient pas encore commencé le travail.
— Bon, outre les gemmes et tout ça, reprit Bob. Je sais que vous aimez pas quand je vous donne des ordres.
— Bon, accouche, c'est quoi ton idée ? lâcha Théo.
— Le seul moyen qu'on a de s'en sortir, c'est pas par une échappatoire individuelle. Sitôt qu'ils vont entendre un peu de bordel, ils vont rappliquer et faire chier. Le seul moyen qu'on a de s'en sortir, c'est que tout le monde fasse une tentative en même temps, en espérant qu'au moins trois de nous quatre réussissent.
— Mais on est attachés, tu veux qu'on fasse quoi ?
— Oui, et moi je vais me faire éventrer. Donc j'aimerais que la fuite soit relativement instantanée pour le coup… On a l'avantage de pouvoir faire une action concertée parce qu'on est en communication.
Théo leva les yeux au ciel, en jetant un regard à Grunlek et à ses bras attachés.
— À part secouer nos chaînes comme des débiles, tu veux qu'on fasse quoi ?
— Je vais me libérer d'ici peu de temps, intervint Grunlek.
— Et après, tu vas faire quoi ? Tu vas forcer les barreaux ?
— Non, quand je me libère, j'appelle les gardes, et au moment où il s'approche, je passe à l'action et j'attrape les clés. Il faut que je fasse ouvrir la porte à un garde.
— Dis-lui que les gemmes sont planquées dans ton bras et que t'es prêt à négocier ! tenta Bob.
— Non, répliqua Théo. Moi je vais l'attirer, toi tu fais le mort et tu l'attaques ensuite quand il rentre.
Après quelques débats, le plan sembla finalement se mettre en place. Théo attirerait les gardes pendant que Grunlek fera le mort. Pendant ce temps, Shin se libérerait et générerait une brume, et Bob éteindrait les lumières et lancerait des flammes partout pour faire diversion. Le plan était complètement foireux, mais c'était de toute évidence le seul qu'ils avaient.
Les mécanismes du bras de Grunlek s'activèrent, tous étaient prêts pour mettre en place la stratégie qu'ils viennent d'établir. Les dés étaient désormais dans leur camp (ou pas en fait).
Les yeux de Shinddha Kory étaient clos. Il était en plein rêve, revivant des événements qui se sont produits récemment, à cette symbiose avec l'élémentaire de l'eau. Puis les songes changèrent, le rêve se transforma en cauchemar. Des morts. Leur mort, celle de ses amis. Étaient-ils morts ? Était-ce seulement un rêve ?