Particuliers

Chapitre 15 : Exfiltrations

1890 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/10/2025 10:04

Bras et jambes attachés, Balthazar se sentait en danger. Les gardes l'avaient largué contre un mur et enchaîné. Le demi-diable s'était débattu dans un premier temps, avant de se calmer pour mieux analyser son environnement. Des cages l'encerclaient. Leur contenu était masqué par de grands paravents, mais il percevait du mouvement.


— Il y a quelqu'un ? cria-t-il, plein d'espoir. Il faut que je sorte d'ici ! S'il vous plaît !


— Ça sert à rien de t'acharner, le nouveau, grogna une voix inconnue. Tu vas crever comme tous ceux qui sont passés dans l'arrière-salle. Ferme ta gueule maintenant, il y en a qui dorment.


— Non, non, écoutez-moi ! J'ai des amis dehors. Ils vont… Ils vont venir nous chercher !


— Laissez-moi deviner. Ce sont vos « amis » qui vous ont amené ici ?


— Oui, mais…


— Les miens aussi. Vous avez été trahi, désolé de vous l'apprendre.


Le mage secoua la tête, refusant l'idée.


— Ils ne sont pas comme ça. Ils vont venir.


— Quel crétin...


— Walter, intervint une voix familière. Laisse-le tranquille.


Balthazar se redressa subitement.


— Aldo ? Aldo ! C'est moi, c'est B.O.B ! S'il te plaît, tu dois me faire confiance. Je me suis infiltré avec la sœur de Théo. On est venus libérer Shin et le camp. On a besoin d'aide.


Aldo Azur, leur ami ménestrel, se trouvait effectivement de l'autre côté de la barrière. Cependant, le mage l'avait connu beaucoup plus enthousiaste. Son ton froid et déprimé ne faisait que contribuer à son stress. L'immortel se racla la gorge, hésitant de toute évidence à lui répondre. Le demi-diable tira sur ses liens, pour essayer de se rapprocher de lui.


— Je suis désolé, Balthazar, soupira le chanteur. Je ne peux rien pour toi. Ni pour Shin. Vous n'auriez jamais dû venir ici…


— Et quoi ?! rugit l'érudit. J'aurais dû le laisser crever peut-être ?! Tu es un immortel, bouge-toi le cul !


— J'ai plus mes pouvoirs ! D'accord ?! Je suis aussi vulnérable que toi, je suis enchaîné et je ne peux rien faire.


Le mage grogna de rage et de frustration. Il s'acharna sur ses liens pendant de longues minutes. Il ne voulait pas l'aider ? Très bien. Il se débrouillerait sans lui. Cependant, la fatigue prit rapidement le dessus, ça ne servait à rien. Dépité, épuisé, il finit par se recroqueviller sur le sol et attendit.


Théo viendrait. Il le savait. Ils ne l'abandonneraient pas.


**********


Un peu plus loin dans le camp, dans une petite cabane, les heures paraissaient tout aussi interminables pour Shinddha Kory. Après avoir dormi quelques heures, bien méritées, il s'était mis à faire plusieurs fois le tour de sa nouvelle prison, en attendant Mani. La bonne nouvelle, c'est qu'il reprenait doucement le contrôle de ses pouvoirs.


Dès qu'il l'avait pu, il avait invoqué Icy. La petite créature pataugeait gaiement dans les déjections humaines sous le regard de son créateur, légèrement dégoûté. Sa présence le réconfortait un peu, il avait un peu moins l'impression de se parler à lui-même. En revanche, pour les flèches de glace, il était encore trop tôt. Il avait beau se concentrer, seules des plaques de glaces anormalement grandes sortaient de ses mains. Son côté élémentaire avait du mal à récupérer.


Au moins, il n'avait plus mal et avait retrouvé le sourire. Il voulait vite quitter les lieux pour retrouver ses amis. Ils devaient être morts d'inquiétude. Tout du moins, il l'espérait. Perdu dans ses pensées, il fut alerté par des bruits de pas et des voix menaçantes.


— Il est forcément dans le coin ! L'Église de l'Eau attend, vous avez intérêt à me le retrouver !


— Mais, Patron…


— Démerdez-vous ! Je ne peux pas perdre ce contrat, c'est ma réputation qui est en jeu. Je suis sûr que c'est cette saleté d'elfe qui l'a planqué. J'aurais dû l'exécuter dès que j'en avais l'occasion ! Toi, là ! Retrouve l'elfe et tue-le, il doit travailler dans les champs à cette heure-ci.


Shin sentit les battements de son cœur accélérer brutalement. Il attrapa Icy et se colla sous l'une des fenêtres, dans la fange. Mani disait que personne ne penserait à fouiller ici. Lui n'en était pas certain. De plus, la pièce ne contenait qu'une seule issue. S'ils le retrouvaient, il aurait difficilement l'avantage sur eux. Les pas se rapprochaient et les habitations des esclaves vidées une à une.


Quand l'inévitable se produisit. Il entendit clairement une des esclaves donner sa position aux autorités, qui devaient la brutaliser à en juger ses cris de détresse entre deux informations. Il n'avait plus le choix. Il se plaça derrière la porte et cristallisa une dague de glace, qui ressemblait davantage à une stalactite qu'à une arme, ce serait suffisant.


La porte s'ouvrit brutalement, Shin planta l'arme dans la gorge du premier garde et traça à l'extérieur, sans se retourner. Icy s'accrocha comme elle le put sur son épaule, il ne ralentit pas l'allure. Les pas n'étaient pas loin derrière. Alors qu'il tournait au coin d'une rue, il heurta presque Mani, paniqué.


— Ils sont après toi ! cria l'elfe.


— Je sais ! Ils sont après toi aussi !


— Suis-moi !


L'elfe lui attrapa le bras et le guida vers les barrières du camp. Les gardes, toujours sur leurs talons, commençaient à avoir du mal à rivaliser avec les pointes fines qu'ils étaient. Mani bifurqua soudainement sur la droite et se jeta au sol. Il rampa sous une épaisse barrière de bois, sous laquelle un passage étroit avait été creusé. Shin lui poussa les jambes, pour l'aider à passer, avant de se glisser à son tour dans le tunnel improvisé à la hâte, quelques minutes seulement que les événements deviennent trop compliqués.


Ils s'enfoncèrent droit devant eux, dans la forêt, sans demander leur reste, sous une pluie de flèches et d'insultes des gardes coincés de l'autre côté de la grille.


**********


Dans la forêt, Théo et Victoria se préparaient au départ des deux paladins. Penchés sur une carte, les frangins discutaient à voix basse, à l'écart.


Le nain, soucieux, ne paraissait toujours pas emballé par le plan de leur ami, bien trop risqué. Théo l'avait mis à l'écart, agacé par ses multiples avertissements. Il patientait quelques mètres plus loin, la tête d'Eden sur un genou, celle de Feuille sur l'autre. La fillette avait pris son pied au camp. Elle l'aidait à la cuisine et s'était prise d'affection pour le Golem. Il fallait dire que la louve avait forcé le contact. Le canidé traitait la petite comme un de ses louveteaux et ne la quittait pas d'une semelle. Grunlek poussa un soupir et posa son bras mécanique sur la tête de sa meilleure amie, qui le couvait du regard.


— Comment tu t'es fait ça ? demanda Feuille.


Il se retourna vers elle. La demi-diablesse, curieuse, pointait bien sûr son bras métallique du bras. Fascinée par le métal, elle posa une main et toucha un peu la surface de ce membre si particulier. Grunlek lui sourit, attendri.


— Je suis né sans mon bras, expliqua-t-il posément. Je n'avais pas mal, tout du moins pas comme lorsque tu tombes et que tu te cognes quelque part. Non, j'avais mal dans ma tête, parce que des méchants pensaient que je n'étais pas comme eux, que j'étais un monstre qui ne ressentait rien.


— Ils t'ont fait pleurer ?


— Oui, répondit-il, sincère. Beaucoup, beaucoup de fois. Un jour, leurs insultes m'ont fait plus mal que d'habitude. Je me suis enfui de chez moi et j'ai trouvé quelqu'un qui m'a dit que je n'étais pas rien. Que j'étais particulier et que j'avais du potentiel. C'est lui qui m'a construit ce bras en métal, pour que plus jamais quelqu'un ne me fasse du mal, ou fasse du mal à quelqu'un d'autre.


Feuille, front plissé, releva les yeux vers lui, déterminée.


— Moi, je vais leur dire que je t'aime bien et après, ils s'en voudront.


Le nain passa une main dans ses cheveux, cachant difficilement les larmes qui perlaient au coin de ses yeux. Cette gamine venait de le réconforter en quelques secondes. Il jeta un regard vers Eden. Avec un peu d'imagination, il aurait pu croire que sa louve souriait. Se pouvait-il qu'elle sache qu'il avait besoin de ça et qu'elle l'avait fait ? Il l'ignorait. Eden était remplie de surprise.


Renard et Ours, qui étaient partis se promener un peu dans les environs, pour discuter, s'installèrent près du feu avec le nain. Les adolescents dévisagèrent un peu le nain, avant que le rescapé du camp ne prenne la parole.


— Tout va bien, maître nain ? Vous paraissez… Songeur.


— Je ne sais pas, avoua-t-il. J'ai peur pour Balthazar et Shin, j'ai peur que le piège se referme sur Théo et Victoria, j'ai peur qu'on aggrave la situation de ces pauvres personnes à l'intérieur…


— Mais si personne ne tente rien, la situation ne bougera pas, soupira Renard. J'y ai pensé moi aussi. Shin et Mani m'ont aidé à partir, mais… J'ai peur que ça leur soit retombé dessus après. Je ne veux pas être responsable si jamais…


— Tu ne l'es pas, trancha net Grunlek. Tu n'es pas coupable, tu n'as rien fait. Les seuls coupables, ce sont les personnes qui vous ont enlevé et torturé à l'intérieur de ces murs. Tu n'as rien à te reprocher. Ne te rends pas complice de crimes que tu n'as pas commis. Jamais. Tu es encore jeune, tu n'as pas à avoir ça sur tes épaules, crois-moi.


Renard lui sourit timidement et poussa un soupir. Au même moment, Théo et Victoria se rapprochaient de leur position.


— On a fini, grogna le paladin. Plus qu'à y aller. Les gosses, faites pas les cons, vous ne bougez pas d'ici, c'est clair ?


— Très clair, approuva Ours, peu rassuré.


— Grun'… Tu sais quoi faire si ça tourne au vinaigre.


Il tourna les talons et fit mine de partir. Le nain le rattrapa.


— Non, je ne le sais pas ! cria-t-il. C'est une mauvaise idée, ne rentre pas là dedans, s'il te plaît. On trouvera un autre moyen.


— C'est toi qui as dit qu'on doit sauver Bob.


— Tu n'as pas forcément à y aller !


— Tu sais très bien que si. Mais tout va bien se passer, ne t'inquiète pas. Je vais ramener les deux glandus par la peau du cul et personne m'en empêchera. Fais gaffe à toi.


Il se dégagea de son emprise et se dirigea d'un pas nonchalant vers son cheval.


— Théo, s'il te plaît, supplia l'ingénieur. N'y va pas. Je ne veux pas te perdre toi aussi.


Le paladin leva les yeux au ciel.


— Tout se passera bien, tu verras. Fais-moi confiance.


Il donna un petit coup sur les cuisses de Lumière et les deux paladins disparurent bientôt à l'horizon. Le nain secoua la tête, pris d'un mauvais sentiment. Il y avait bien une chose dont il était certain : faire confiance à Théo, ce n'était jamais une bonne idée.

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