Particuliers
Chapitre 20 : Un seul cœur pour la victoire
2268 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 07/11/2025 10:20
Théo courait vers la sortie, en tête du groupe de prisonniers. Le sort d'Aldo tenait bon, même si les premiers signes de faiblesse apparaissaient peu à peu. Il commençait à craindre de ne pas prendre assez de distance quand une tâche bleue, dans le coin de son œil, attira son attention. Plus loin dans le camp, Shinddha et Grunlek se battaient contre un garde. Le sort d'Aldo les avait figés dans le temps, eux aussi.
Le paladin grogna et accéléra la cadence vers la sortie. Ils auraient besoin de son aide rapidement, il devait en terminer rapidement avec les enfants. La plupart d'entre eux peinaient à suivre le rythme, les plus grands en portaient jusqu'à trois en même temps. Lui-même avait deux gamines accrochées à son cou, tant bien que mal.
Lorsqu'ils franchirent la porte en bois, le sort lâcha. Les gardes postés à la porte clignèrent quelques instants d’yeux, perdus, avant de réaliser ce qu'il se passait sous leur nez. L'alarme fut immédiatement déclenchée. Théo poussa les enfants vers la forêt. Il intercepta Saphir et la tira vers lui.
— Toi, t'as pas l'air trop bête. Il y a un camp dans la forêt, près des grosses collines. Conduis les gosses là-bas, ils seront en sécurité.
— Vous ne venez pas ?
— Non, je vais retenir les gardes aussi longtemps que je le peux. Ne vous dispersez pas.
Elle hocha la tête et s'enfonça dans la forêt. Théo fit volte-face, épée à la main, face aux quatre gardes qui s'avançaient vers lui. Il tourna la tête, les derniers enfants disparaissaient dans les buissons. Sa mission était accomplie.
— Doucement, guerrier, chantonna l'un d'eux. T'es content, t'as lâché une bande de petites putes dans la nature ? Mais on les retrouvera, ne t'en fais pas.
— Je ne m'en fais pas, répondit Théo, tout sourire. Puisque je vais vous enfoncer tellement fort mon épée dans le cul que vous ne pourrez plus jamais baiser de votre vie.
Le paladin poussa un cri de rage et se jeta sur un assaillant, transperçant sans difficulté son armure de cuir de part en part. Un deuxième garde chercha à le prendre à revers, mais Théo lui donna un coup de pied dans l'entrejambe d'une puissance inouïe, le mettant à terre. Dans le mouvement, il arracha son épée du corps de sa précédente victime et tourna sur lui-même, la plantant dans la carotide du troisième assaillant qui levait son épée. Profitant de la diversion, le quatrième réussit à lui planter une dague dans l'épaule.
Théo poussa un grognement de douleur avant de se retourner, menaçant. Le garde tenta de lui asséner un coup d'épée, que le guerrier para avant de faire voler son épée quelques mètres plus loin. Désarmé, son adversaire se mit à reculer, de moins en moins assuré.
— Ma menace tient toujours, lâcha Théo d'une voix sombre.
— Mais vous êtes qui, putain ?!
— Un inquisiteur de la lumière.
Il l'attrapa par le cou, le retourna brusquement et lui planta l'épée dans les fesses. L'homme poussa un hurlement de détresse avant de rendre l'âme. Théo renifla et récupéra son bien, couvert de sang. Il se tourna vers l'intérieur du camp. Ses amis avaient besoin de lui, il n'y avait pas une seconde à perdre.
D'un pas rapide, il s'élança dans le camp pour leur venir en aide.
********
Aldo s'effondra au sol, épuisé par son sort. Derrière lui, la porte s'ouvrait déjà et des gardes menaçaient d'arriver. Sans tarder, il se redressa. Il attrapa Balthazar sous les bras et le traîna vers un placard ouvert. Il le redressa et s'enferma à l'intérieur avec lui. Les pas de course des gardes passèrent peu de temps après devant eux.
Le ménestrel poussa un soupir et se laissa retomber au sol, fatigué. Sa psyché peinait à se remettre de cette trop grosse utilisation. En essuyant la sueur qui coulait de son front, il remarqua une luminosité anormale dans le petit espace. Il se redressa, pour faire face au demi-diable.
Rien n'avait changé sur lui. Rien hormis cette lueur rouge qui sortait de ses yeux grand ouverts et les bosses étranges qui se créaient sous sa peau. Aldo passa une main sur l'une d'elles, méfiant. Bien que la peau restait uniforme, il sentit clairement qu'une écaille s'était formée sous celle-ci.
— Balthazar ? appela-t-il à mi-voix.
Il ne répondit pas, bien entendu, mais les cloques grossissaient. C'était comme si le démon et la cloison temporelle rentraient en collision. Aldo se mit à réfléchir intensément. Le scientifique avait conçu le produit qui paralysait à partir de son sang et de son pouvoir. Peut-être pourrait-il parvenir à inverser le processus ?
Lentement, il ouvrit la porte du placard. Aucun bruit ne lui parvint, si ce n'est celui d'une immense bagarre à l'extérieur. Il espéra vraiment la réussite de ses amis. Sans tarder plus, il saisit le demi-diable sous les bras et le traîna vers le laboratoire. Il le hissa sur la table d'opération, avant de se diriger vers les placards, pour trouver le sérum.
— Accrochez-vous, maître mage. Je vais vous sortir de là.
**********
Mani menait le groupe vers l'armurerie, un peu plus loin dans le camp. Les esclaves nouvellement libérés suivaient le rythme en silence, à la file indienne derrière lui. Leur objectif était un minuscule abri, gardé par trois mercenaires qui discutaient tranquillement en polissant des épées. Victoria et Shinddha assuraient les arrières du groupe, Grunlek, lui, se rapprocha de l'elfe.
— Si on réussit à les attirer un à un, ce sera plus pratique. Tu peux utiliser ta télékinésie ?
Mani baissa immédiatement la tête, visiblement mal à l'aise.
— Non. Comme mes pouvoirs revenaient sans cesse, ils m'ont implanté un truc dans le cou qui bloque mes pouvoirs. Je n'ai pas eu le temps d'en parler. Le problème, c'est que leur chef, dit-il en pointant un des gardes, a un boîtier qui peut activer ce truc. Ils s'en servent quand ils veulent me punir.
— Et tu ne pouvais pas le dire avant ?!
— C'était pas important avant !
Le nain poussa un soupir. Il fit signe à Shin de venir. Le demi-élémentaire s'approcha, Grunlek lui posa un caillou dans la main. L'archer blêmit immédiatement en comprenant ce qu'il voulait qu'il fasse.
— T'es sûr, Grun' ? La dernière fois, dans la fosse aux araignées, ça n'avait pas très, très bien fonctionné…
— Quelle fosse ? demanda Mani.
— Devant la Cité des Merveilles, là où Théo est mort. J'ai alerté plus de cinquante araignées en voulant faire diversion. Le caillou a rebondi d'araignée en araignée, je te jure, on aurait dit que le destin s'acharnait sur moi.
— Arrête de te plaindre et lance-le, ordonna Grunlek.
L'archer visa et lança le rocher. Contre toute attente, il frappa la tête d'un garde, qui, surpris, trébucha. Sa tête cogna lourdement au sol et il mourut sur le coup, la nuque brisée. Les aventuriers, comme les collègues du pauvre homme, se turent un long moment, choqués. Les deux survivants se tournèrent immédiatement dans leur direction.
Le premier n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche. Grunlek, emporté par la vitesse de son poing métallique, le heurta de plein fouet. Shin l'acheva avec une dague de glace. Le deuxième garde, celui que Mani redoutait, avait déjà pris la fuite.
— On n'a plus beaucoup de temps ! hurla Grunlek. Prenez des armes, vite !
Les esclaves se ruèrent vers l'armurerie. Shinddha se dégota rapidement un arc, Mani eut lui la bonne surprise de retrouver ses précieuses machettes, qu'il accrocha à sa ceinture. Dans le fond du camp, une alarme se mit à rugir. La guerre était déclarée. Shinddha attrapa le bras de Renard. Il lui mit dans les mains deux dagues fines.
En fouillant pour aider les survivants à s'équiper, le pied de Grunlek frappa contre de petits couteaux. Sur le manche, des « BL » avaient été finement taillés.
— Bob… murmura le nain, d'une voix triste.
Il rangea les armes à sa ceinture. Victoria força les aventuriers à s'équiper au moins d'une cotte de mailles. Au loin, des soldats arrivaient, clairement agressifs. Alors que le groupe s'apprêtait à se jeter dans le combat, une forme torse nue se détacha du décor, l'épée levée au-dessus de lui comme une vulgaire masse d'arme.
— Théo ! crièrent Shin et Grunlek en même temps, heureux.
Le paladin se jeta dans la mêlée de soldats, par leur côté. Victoria donna la charge et tout le groupe se jeta sur les gardes. Surpris par leur nombre, il ne fallut pas longtemps à la troupe des aventuriers pour les mettre en déroute. Ceux qui ne tombèrent pas se replièrent vers la demeure du Collectionneur, à l'entrée du camp. D'un commun accord, les aventuriers décidèrent de stopper le combat pour le moment. Le Collectionneur était cerné, il ne servait à rien de se précipiter.
Théo, essoufflé, le corps couvert de sang ennemi, se rapprocha de ses amis. Victoria lui sauta immédiatement au cou.
— Je suis tellement désolée…
— C'est pas grave, grogna le paladin, un demi-sourire aux lèvres. Je leur ai botté le cul.
Shinddha sentit le regard du guerrier se braquer sur lui. Lentement, il recula pour se placer derrière Grunlek, des fois qu'il ne veuille le tuer.
— Putain, mais tu peux pas arrêter de te foutre dans la merde ? lâcha élégamment le paladin. La prochaine fois, je te jure que c'est moi qui t'étrangle et Bob pourra plus ramener ton petit cul à la vie cette fois.
— Message compris, répondit Shinddha d'une petite voix.
Il y eut un moment de flottement avant que Grunlek ne relève la tête vers le paladin.
— Où est Balthazar ?
Le regard de Théo s'assombrit soudainement. Il baissa la tête, avant de pointer un endroit plus loin.
— On a libéré les gosses qui étaient dans la maison close, avec Aldo Azur.
— Vous avez trouvé Saphir et Rivière ? demanda immédiatement Renard, la voix pleine d'espoir.
— Ouais, elle a manqué de me tuer, ta Saphir.
Renard poussa un grand soupir de soulagement, Shinddha lui sourit et passa une main dans ses cheveux.
— Mais Balthazar ? insista Grunlek, inquiet.
— J'en sais rien. Il avait l'air mort. Je l'ai laissé avec Aldo.
— Quoi ? Tu l'as juste laissé avec…
— ET TU VOULAIS QUE JE FASSE QUOI ?! hurla le guerrier, blessé, d'une voix cassée à moitié dissimulée. Il est mort, putain. Ce connard l'a figé dans le temps, Aldo a dit qu'il n'avait vu personne en réchapper. Je suis pas magicien, je sais pas quoi en faire.
Victoria baissa les yeux.
— Tout ça, c'est de ma faute…
— Ouais, c'est de ta faute, cracha Théo. Mais de toute façon, comme tu le dis, c'était qu'un demi-démon trop âgé, c'est pas une grande perte.
Il cracha au sol et tourna les talons. Il s'installa sur une tour de guet et leur tourna le dos. Grunlek secoua la tête, les larmes aux yeux. Il refusait d'y croire. Shinddha ne disait rien non plus, mais ses poings fermés et son visage crispés témoignaient de ses pensées intérieures. Quant à Mani, les bras croisés, il paraissait réfléchir.
— La dernière fois que je suis allé dans la galerie, une gamine avait été figée dans le temps, une demi-diablesse. Sauf que son démon s'est réveillé, et il y a commencé à avoir des cloques sur sa peau, si bien qu'ils ont dû la débloquer temporellement. Elle va très bien aujourd'hui, on l'a croisée tout à l'heure. Je pense même savoir comment ça marche. Mais pour ça, on doit trouver Aldo Azur. Le sérum qui les paralyse est fait avec son sang.
Grunlek, Shinddha et Victoria relevèrent le regard vers lui. L'espoir venait de renaître.
*********
Balthazar évita une nouvelle attaque de son démon, en se collant dans un coin de sa conscience. Il savait qu'il ne tiendrait plus longtemps et que le monstre finirait par prendre le dessus tôt ou tard. Mais il avait entendu Aldo. Il voulait y croire. S'il parvenait à tenir encore un peu, peut-être que l'enveloppe mentale dans laquelle se trouvait le monstre reprendrait son apparence habituelle.
— Tu crois que je vais te laisser cette opportunité ? Vraiment ? chantonna la voix du démon. Au cas où tu l'as oublié, je suis aussi dans ta tête et j'entends ce que tu penses.
Des ailes se déployèrent du dos du démon. Il poussa un cri perçant et se jeta sur lui. Balthazar ne réussit pas à l'esquiver et se retrouva propulsé au sol. Le démon planta ses griffes dans sa poitrine, Balthazar hurla de douleur.
— Je t'ai eu.
— Bravo. Si tu ne me lâches pas tout de suite, j'arrête de respirer jusqu'à ce qu'on meurt, répondit Balthazar, en souriant.
— Je ne te crois pas.
— C'est ce qu'on va voir.
L'obscurité se fit plus intense dans la petite salle.