Particuliers

Chapitre 24 : Situation sous contrôle

1919 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/11/2025 15:32

Théo et Shinddha progressaient dans le souterrain depuis plusieurs minutes maintenant, sans réellement savoir quelle était la destination. L'armure du paladin luisait dans l'obscurité, apportant un peu de luminosité à l'endroit lugubre. Leur cible n'avait pas beaucoup d'avance sur eux et les indices de sa présence se multipliaient. Ils trouvèrent un gant en soie, puis quelques papiers, qui indiquaient que le Collectionneur commençait à paniquer et faisait de moins en moins attention.


Le demi-élémentaire couvrait les arrières, l'arc prêt à tirer si des mercenaires avaient l'idée de les prendre à revers. Ce ne serait pas une très bonne nouvelle pour eux, d'ailleurs. Le couloir étant très étroit, une embuscade signerait probablement leur arrêt de mort. C'était le risque du métier.


— Tu as entendu ça ? lâcha soudain le paladin, en stoppant net tout mouvement. Je crois avoir entendu des voix.


Shin tendit l'oreille et repéra effectivement des murmures, tout près de leur position. Les deux aventuriers pressèrent le pas dans leur direction, prêts à en découdre une bonne fois pour toutes. Ils prirent au dépourvu un groupe de cinq mercenaires, derrière lesquels le Collectionneur se cachait. Théo chargea en hurlant et réussit à en embrocher un premier avant qu'il ne puisse réagir. Les quatre autres gardes se mirent en position de combat.


Théo retira son épée du corps de sa victime et fit face aux assaillants, bouclier devant lui. Leur nombre était problématique, mais il avait déjà connu pire. Leur cible, en revanche, paraissait beaucoup moins assurée. Le Collectionneur reculait peu à peu dans l'obscurité. Il finit par tourner les talons et prendre la fuite, abandonnant ses hommes à leur sort.


L'archer tira dans la jambe d'un garde qui s'approchait trop près, son ami profita de la diversion pour se jeter dans la mêlée. Il donna un grand coup de bouclier dans le crâne d'un des guerriers qui le chargeait. Il s'effondra, assommé. Ou mort, nul ne le savait. Deux soldats ripostèrent et encerclèrent le paladin.


Le dernier se rapprocha dangereusement de Shinddha. Le demi-élémentaire puisa dans ses dernières réserves de psyché pour créer un poignard de glace. Encore affaibli par ses traitements des derniers jours, il savait qu'il ne pourrait pas aider plus en utilisant sa magie. Juste quand il l'attaqua, l'archer recula vivement, plus agile, et réussit à toucher le mercenaire à l'épaule. L'homme poussa un grognement de rage et se jeta sur lui, l'épée portée comme une massue. Son poids déséquilibra l'archer, qui tomba sur le dos. Il évita le coup fatal d'une roulade, gratifiant au passage le guerrier d'un féroce coup de pied dans les testicules.


Tout aussi en difficulté, Théo commençait à se fatiguer et ses parades devenaient de moins en moins précises. Il réussit par chance à toucher l'un des hommes en armure de cuir à la jambe, mais cela ne suffit pas à l'arrêter. Dès qu'il parvenait à en toucher un, le deuxième le prenait à revers, l'obligeant à interrompre son action pour ne pas se faire poignarder. Néanmoins, son entraînement réussit à lui faire remarquer que l'un d'eux ne surveillait jamais son côté gauche. Théo prit le risque de l'attaquer de manière imprévisible, il fit mouche et planta la lame profondément dans la poitrine du mercenaire. Cependant, le deuxième profita de cette prise de risque pour en faire tout autant. L'épée en fer traversa les interstices de son armure de plates et se planta dans son épaule. Il poussa un cri de douleur avant de se retourner, s'arrachant à la morsure de l'acier. Aveuglé par le mal, il frappa au hasard et atteignit par chance son adversaire à la tête. Il s'effondra au sol et une mare de sang se répandit autour de lui.


Shin eut du mal à se débarrasser de son assaillant, mais une bête erreur le fit trébucher et il se planta de lui-même sur le poignard. L'archer l'acheva en lui tranchant la gorge et le laissa retomber au sol, alors qu'il s'étranglait dans des glougloutements peu appétissants.


— Tu vas bien ? demanda-t-il à son complice, qui peinait à se relever.


— Ouais, c'est juste une égratignure, mentit-il. Je tiendrais le coup.


Malgré ses protestations, le demi-élémentaire arracha son épaulette pour mieux détailler la blessure. Elle saignait abondamment et une large fissure indiquait que la lame l'avait traversé de part en part. Théo grogna et le repoussa. Il posa sa main sur la blessure et lança un sort de soin. L'hémorragie se rétracta, mais la marque resta. Shinddha lui lança un regard réprobateur, mais n'insista pas. Il ne servait à rien de parler avec lui, cette tête de mule n'écoutait que lui-même.


— On repart, déclara froidement le paladin. L'autre connard n'a pas pu aller bien loin.


Il reprit sa progression dans le couloir sans un regard pour l'archer qui le suivit en silence. Le Collectionneur se trouvait au bout du couloir, devant un amas de cailloux. Il creusait et cherchait à se frayer un passage de l'autre côté, mais il avait sous-estimé la taille de l'éboulement, provoqué par Mani un peu plus tôt. Quand il aperçut les aventuriers, du coin de l'œil, ses gestes se firent plus pressés et il redoubla d'efforts pour libérer un passage. Théo l'attrapa violemment par l'épaule et le jeta contre le mur.


— Tiens, tiens, comme on se retrouve ! cria-t-il, victorieux.


— Ne me faites pas de mal, s'il vous plaît, supplia le Collectionneur, pitoyablement.


— Pourquoi ? le provoqua Shinddha, amer. Vous avez un problème avec la douleur, maintenant ? Vous voulez que je vous rappelle ce que vous m'avez fait subir ?


— Allons, allons… Vous n'en êtes pas encore mort, nul besoin d'en faire une affaire d'État.


Théo fronça soudainement les sourcils. Il baissa les yeux sur son bouclier, qui brillait de plus en plus. De la psyché émergeait peu à peu de l'individu, alors qu'une aura de plus en plus étrange apparaissait autour de lui. Le Collectionneur se releva, Théo tira Shin derrière lui.


— Allons. Vous croyez que ce serait aussi simple ?


L'homme ouvrit la bouche et poussa un cri strident, proche de l'ultrason, qui propulsa les aventuriers en arrière. Ils se jetèrent à terre et se bouchèrent les oreilles. Le son pulsait de plus en plus fort dans leurs têtes. Shin fut surpris de voir un liquide couler à ses pieds. Du sang. Il saignait par le nez et les oreilles. Il jeta un coup d'œil à Théo. Le paladin se trouvait dans le même état que lui, mais inconscient. Le cri cessa brutalement.


Shin, tétanisé, n'osait plus bouger. Il avait l'impression que le bruit continuait. Le Collectionneur s'arrêta devant lui. Il plaça une main sous sa gorge et le souleva du sol avec une facilité déconcertante. Son visage s'était métamorphosé, vieilli de presque cent ans. Son nez s'était retroussé pour laisser la place à une bouche démesurément grande, où deux canines dépassaient. Il n'avait jamais vu cette créature, mais il se douta bien qu'elle n'était pas là pour le câliner.


La poigne se resserra au niveau de son cou. Shin chercha à repousser la main en comprenant ce qu'il s'apprêtait à faire. Mais le bras, presque d'acier, ne bougea pas. Il sentit la pression s'accentuer sur sa gorge et sa nuque alors que l'air commençait à lui manquer sérieusement.


********


Grunlek tournait en rond devant la cage de Balthazar, de plus en plus nerveux. Le mage montrait de plus en plus de signes de réveil imminent. L'heure de décider ce qu'il adviendrait bientôt de lui approchait à grands pas. Il ne souhaitait toujours pas faire ce choix et la simple idée de devoir le tuer le rendait malade. Renard le regardait aller et venir, silencieux. Même s'il comprenait le choix du demi-diable, il s'inquiétait pour le nain.


Balthazar poussa un grognement et se redressa. Il regarda autour de lui, un peu perdu, avant de poser une main sur son crâne. Ce geste anodin ressuscita l'espoir de l'ingénieur. Le pyromage tourna la tête vers lui et cligna plusieurs fois des yeux, cherchant à se rappeler un détail important.


— Grun ? Qu'est-ce que… Pourquoi je suis enfermé ?


— Tu ne t'en souviens pas ?


La voix du nain trahissait une certaine émotion. Même s'il était amnésique, le démon ne paraissait pas refaire surface dans l'immédiat, peut-être avait-il réussi à reformer ses barrières mentales ? Il hésita néanmoins à ouvrir la cage, toujours méfiant.


— Je me… Je me souviens qu'on voulait m'empailler, dit-il d'une voix sombre. Et après, c'est le trou noir. J'ai mal au crâne…


— Tu nous as fait une grosse frayeur, lâcha Grunlek. Tu as perdu le contrôle pendant quelques heures. Tu m'as demandé de t'assommer pour calmer ton démon le temps que tes barrières mentales se remettent en place.


Balthazar réfléchit à toute vitesse, avant de relever les yeux vers le nain.


— Mes barrières mentales sont affaiblies, en effet. Mais elles sont en place. Pas de magie pour moi pendant quelques jours.


Grunlek ouvrit la cage. Balthazar se redressa. Il fit quelques pas avant de s'effondrer sur lui-même, rattrapé de justesse par le nain, qui le força à s'asseoir.


— Doucement. Tu n'as rien mangé ni bu depuis plusieurs jours. Il faut que tu manges quelque chose. Ils t'ont vraiment empaillé, tu sais. Théo t'a presque cru mort.


— Quel dommage, je suis toujours là pour piquer ses réserves de bonbons. Il va m'en vouloir. D'ailleurs, où sont les autres ?


— Shin, Théo et Mani sont partis affronter le Collectionneur, et Victoria est devant le manoir, pour ne pas que cette enflure s'en aille.


Balthazar fronça les sourcils.


— On a retrouvé Shin ? Quand ça ? Et Mani sort d'où ? On a pris le camp ? J'ai dormi pendant cent ans, ou quoi ? Comment vous avez pu faire tellement de choses en aussi peu de temps ? On peut les aider ?


— Calme-toi, l'apaisa Grunlek. Mani a aidé Shin à sortir du camp pendant que tu t'infiltrais. Tu t'es fait avoir, on a envoyé Théo en infiltration après pour te récupérer, mais Victoria a été trahie et il s'est fait avoir à son tour. Mani nous a guidés à une sortie dérobée pour qu'on libère un maximum d'esclaves, pendant ce temps, Théo et Aldo Azur libéraient la maison close. Le camp est à nous. Les derniers mercenaires et le Collectionneur sont retranchés dans le manoir qui est en train d'être pris d'assaut.


Le mage parut réfléchir.


— Aldo… Je me souviens… Il a tenté de m'aider.


— Oui. Ton démon prenait le contrôle, j'ai sacrifié une gemme de l'abîme pour que tu puisses récupérer de la psyché.


— Oui, je m'en souviens maintenant.


Il baissa la tête.


— Dé… Désolé de t'avoir fait peur.


— Tout va bien maintenant.


Balthazar baissa les yeux sur ses mains. Des griffes étaient en train d'y apparaître de manière incontrôlée. Il les cacha dans sa robe, inquiet.


— Oui, répéta-t-il. Tout va bien…


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