Aventures : La Fanfiction - Saison 2
Épisode 5 : Dialogue de sourds
Par Azarith
L'agitation déjà palpable dans l'église des Murmures ne fit que s'intensifier lorsque les héros entendirent des bruits de pas venir du côté droit de ce lieu saint. Avant même de se retourner, Bob et Shinddha surent au son cadencé que produisaient ses pas et son armure que le nouveau venu était un soldat tout armuré. Aussi furent-ils surpris de découvrir que le guerrier en question était en fait une guerrière. Munie d'une lance, une femme au visage totalement hermétique et à la longue chevelure châtain clair guidait un des gardiens de l'église déjà rencontrés auparavant.
— Est-ce que quelqu'un peut m'enlever ça ? fit alors la voix presque sarcastique de Victor, dont la moitié du corps était encore ensevelie sous la main de l'imposante gargouille que Maëda avait, malencontreusement ou pas, mal attachée.
Le maître des châtiments s'avança de toute son imposante stature pour soulever, avec difficulté et force d'afflux sanguins, le bras de pierre de la créature, le tout sous le sourire humble de Maëda qui recula de quelques pas. Victor émit un remerciement qui sentait, à des lieux à la ronde, l'obligation polie qu'il s'était imposée dans cette église, ce à quoi la prêtresse répondit un « C'est la moindre des choses » qui agaça passablement le magister, quoique celui-ci répondit comme si l'incident était bénin :
— Bien sûr… On est bien, tout va bien !
Tout de suite après, Balthazar pointa vivement une nonne qui s'était à moitié cachée dans l'ombre d'un des piliers qui soutenait l'arche de la pièce et lui invectiva d'un air mauvais :
— Toi, là-bas ! Des soins pour mes deux amis ! Ils ont intérêt à être encore en vie…
La servante jeta un regard à la fois paniqué et douteux à Maëda, mais celle-ci acquiesça de la tête et sa bonne s'écarta pour aller chercher le matériel nécessaire aux soins en question. Shinddha, pendant ce temps-là, se retourna vers les deux soldats qui étaient entrés dans l'église et les interpella comme suit :
— Oh là ! Qui va là ?
— Je suis Arcana, se présenta la guerrière en s'arrêtant. Je viens à votre rencontre, car je vous cherchais.
— Oui ! Je vous avais promis de vous aider à trouver l'intendant Bragg, fit Maëda, faisant résonner sa voix à travers la nef de l'église. Cette personne sait exactement où se trouve l'intendant Bragg et, comme vous étiez venus ici pour glaner cette information, vous l'avez. Je vous l'offre maintenant !
— Merci… grinça Victor, sentant tout à fait que Maëda n'avait absolument pas prévu l'arrivée de la guerrière.
— C'est très gentil de votre part, dit le pyromage en s'avançant, et ça rembourse une partie du marché, mais ce n'est pas équitable. Une gargouille… Deux de mes amis ont été blessés et l'on n’en a pas encore retrouvé un. Pour ne pas faire ombrage à l'académie des mages, continua-t-il en tapant l'esclave attaché devant lui du bout de son bâton, cet esclave ; ce chien : Il est à moi !
Le conteur avait déjà glissé de tout son long et tenait l'extrémité basse de la robe ignifugée de Bob en l'implorant du regard.
— Pitié, s'il vous plaît, faites quelque chose…
— De toute façon, vous vous apprêtiez à l'exécuter, mais ne vous en faites pas, il sera puni.
— L'exécuter ? toussota la prêtresse. Mais non, pas l'exécuter. Juste lui retirer ce que la nature a fait de plus beau : le don de la parole. Il ne le mérite pas. Je vous l'offre, aucun problème ! Mais…
— C'est très généreux, coupa Bob, mais lui retirer le don de la parole le rendrait inutile en temps qu'esclave, donc il nous le faut en état.
— Très cher mage… grogna Maëda. Avec tout le respect que j'ai pour votre académie, votre science et vos pairs, ma réponse est tout simplement : non.
Durant ce temps, la servante était revenue et avait commencé à prendre en charge les soins de Victor, quoique horrifiée par les gerbes de sang qui s'étaient écoulées sur son torse et son armure. Oppenheimer tenta de la rassurer en disant « C'est que du sang et de la glace tout va bien », mais c'eut plutôt l'effet inverse que celui désiré. Malgré cela, la nonne pansa avec brio les plaies du magister. Saisissant au vol le dialogue que son ami demi-démon et la prêtresse des murmures avaient, Victor imposa sa parole vers les deux interlocuteurs :
— Est-ce que vous me le donneriez à moi ? Après tout, je ne suis qu'un vieillard de l'Église de la Lumière.
— Là, par contre, vous ne géreriez plus rien avec l'académie des mages, mais avec l'Église de la Lumière, réagit Bob en reculant de deux pas.
— Et après, que va-t-il se passer, cher mage ? demanda Maëda. Nous allons avoir votre ami demi-élémentaire, au nom de l'eau, qui va réclamer le conteur ? Ou alors, vous avez un ami infirme, peut-être que votre ami nain est encore vivant et qu'il va venir réclamer ça au nom des nains ? Vous avez… Vous avez une armée derrière qui va venir réclamer le conteur ? Écoutez, il est la propriété de l'Église des Murmures, n'abusez pas trop de notre patience, s'il vous plaît.
— Vous pouvez bien vous moquer de l'académie des mages, vous moquer des nains ou des demi-élémentaires, signala Bob, à votre bon loisir ! Mais je serais vous…
— Je ne me moque pas, l'arrêta Maëda. Mais je vous fais comprendre, très cher invité, que vous êtes sous mon humble demeure, mage.
— Je serais quand même vous, continua Bob sans tenir compte de l'intervention de la prêtresse, je ne me moquerais pas d'un inquisiteur de la Lumière. Surtout un qui a été blessé chez vous.
— Eh bien, répliqua la prêtresse, ce sera un devoir pour les miens de le soigner. Il est notre invité ici, c'est la moindre des choses de lui ouvrir les portes de l'église.
Victor fit un geste à l'intention de Bob, lui indiquant qu'il serait inutile de débattre plus à ce sujet. Tant pis pour le conteur, il resterait assigné à son cruel destin. Bob s'accorda le droit de laisser le pauvre au sort que l'Église des Murmures lui préparait, bien que le condamné lui tirât la robe de surcroît, en continuant à baragouiner ses supplications. Le pyromage et Shinddha se retirèrent à regret, sous le regard larmoyant du pauvre homme, et Victor prit la suite de ses compagnons.
Enfin, dans un fracas de tonnerre, Grunlek refit irruption dans la paroisse et s'écria entre deux respirations rauques et essoufflées « Elle est où la gargouille ? ». Shinddha lui expliqua rapidement la situation, non sans lancer deux trois piques taquines à son ami de petite taille, puis le groupe réuni entreprit de quitter le lieu sacré. En revanche, à l'évocation du conteur, Grunlek se retourna vers Maëda.
— Avant qu'on sorte, j'aimerais que ce conteur vienne avec nous, fit-il d'un ton impartial.
— Oh… C'est bien comme je l'ai dit, marmonna la prêtresse en levant les yeux au ciel. Vous avez pas des amis dehors qui attendent, au cas où je répète la même réponse ?
— Euh… J'étais pas là donc… fit mine de s'excuser Grunlek, haussant les épaules.
— Eh bien… Entama lentement, mais fortement la prêtresse. Non. Ce criminel va rester ici et il aura ce qu'il mérite.
— Moi, les seuls criminels que je vois ici, c'est vous, défia Grunlek, tandis que Balthazar se passait la main sur le visage, désespéré. Vous nous avez envoyé délibérément cette gargouille, vous avez mis en danger la vie de mes compagnons…
— C'est faux ! coupa Maëda. C'est complètement faux ! Vous m'accusez de quoi là ?
— J'ai bien vu votre regard pendant qu'on combattait, vous l'avez fait exprès. Donc non, je ne partirais pas sans cet homme. Il est innocent, il a juste dit du mal sur votre Église et ce que j'ai envie de dire sur votre Église est probablement pire que ce qu'il a dit : Vous ne méritez pas d'enlever la parole, de faire un châtiment à cet homme, ce n'est pas possible.
— Venez avec moi, Maëda, nous allons à l'extérieur, tenta Viktor.
— Vous nous avez attaqués délibérément, je ne suis pas d'accord pour sortir sans cet homme, continua le nain tandis que le paladin lui tapotait l'épaule.
— Il est fou, il est fou, assura le vieux Magister. On y va.
— Tout ce que vous avez prouvé pour l'instant, c'est que nous sommes ennemis, pas alliés.
Pour calmer le jeu, Viktor fit mine de faire un malaise, mais le maître des châtiments de Maëda le récupéra dans sa chute. Maëda lui ordonna d'accompagner le magister à l'extérieur, tandis qu'elle-même continuerait de débattre avec le nain.
— Écoutez… dit-elle alors. Mon cher ami nain…
— Nous ne sommes pas amis.
— C'était une formule de courtoisie. Je vous prie maintenant de sortir de l'église. J'ai rempli ma part du contrat, je vous ai fourni l'information pour laquelle vous étiez venus en échange de presque rien. Nous avons combattu ensemble…
— En échange d'avoir mis nos vies en danger ? coupa une nouvelle fois Grunlek.
— Vos vies n'étaient pas en danger, s'exclama Maëda, lassée du débat. À moins que vous ne vous sous-estimiez, à ce moment-là, je n'y peux rien.
— Encore une fois, je trouve que le contrat n'est pas du tout équitable.
Maëda ricana sèchement et entama une phrase, mais Grunlek ne la laissa pas parler.
— Cet homme est-il si important pour vous ? Je n'aime pas vos méthodes.
— Mais je ne vous ai pas demandé d'apprécier mes méthodes, fit la prêtresse désabusée.
— Et moi, je n'ai pas signé de contrat ou quoi que ce soit. Tout ce que je vois c'est que, pour le moment, vous allez à l'encontre de nos principes et ça ne me plaît pas.
Derrière le nain, la jeune femme qui était entrée dans l'église quelques minutes plus tôt toussa bruyamment pour attirer l'attention sur elle.
— Je… J'aimerais me concerter avec vous si possible, fit-elle presque timidement. C'est au sujet de l'intendant Bragg. J'ai une mission et… Je comprends que les égos soient froissés, mais j'ai moi aussi une mission à accomplir donc euh…
— Oui, mais nous aussi, ponctua Viktor.
Bob décida de laisser les débats courant dans la nef de l'église et d'accompagner la nouvelle venue. La jeune femme, qui se présenta sous le nom d'Arcana, suivit le mage vers l'extérieur. Une fois ceci fait, un des gardes de l'église des murmures s'éclaira lui aussi la gorge avant de signaler :
— La dame a dit qu'il fallait partir maintenant.
— Si je puis appuyer le discours de mon ami nain, dit tout de même Shinddha pendant que Viktor s'écartait, j'aimerais vous dire, madame Maëda, je me suis entretenu avec cet homme et, apparemment, il détiendrait des informations sur l'intendant Bragg. Donc euh… S'il s'avère que ce sont des mensonges, nous le lui ferions payer, mais, si ce sont des informations utiles, ce serait très bien de l'avoir à nos côtés…
— Très cher archer… fit Maëda. J'ai fourni de quoi avoir des informations au sujet de votre intendant Bragg. Vous commencer à… Elle se racla la gorge. À accaparer mon temps précieux.
— Si j'avais pas mis fin à la vie de cette malheureuse gargouille, on aurait pu tous succomber dans cette église, donc je serais vous je…
— Nan, nan, finit par dire Viktor, au dessus de la voix de son ami. Venez, on sort, Bob, fais monter la température.
Trois des quatre aventuriers quittèrent alors l'église tandis que Grunlek, qui se sentait en territoire ennemi, ne comprenait pas pourquoi chacun de ses amis était aussi calme. Il se retint difficilement de flanquer un grand coup de poing dans le sol, mais finit par lui aussi faire volte-face et se diriger vers la sortie.
Lorsqu'ils émergèrent de la bâtisse, Eden attendait tranquillement le groupe, un lapin entre les dents. Viktor et Balthazar, qui discutaient seuls dans leur coin depuis quelques minutes, émettaient des idées pour brûler l'église. Tandis que Viktor énumérait tout ce qui pourrait facilement prendre feu : La paille, les tentures, la charpente en bois, Balthazar, lui, repérait une charrette garée non loi de la porte de l'église à laquelle il pourrait probablement accrocher Brasier. Shinddha s'approcha du groupe à ce moment-là et Grunlek fut assez ravi de leur comportement. Cependant, Shinddha émit une théorie qui plut bien trop à Balthazar et qui impliquait de remplir la charrette enflammée de ses gemmes de pouvoir, ce qu'après quelques parlementions, le nain refusa catégoriquement.
Balthazar saisit donc la charrette et la tira vers Brasier, tandis qu'un garde de l'église tenta de les interrompre dans leur démarche.
— Sœur Maëda nous a autorisés à prendre cette charrette, se justifia Viktor, donc on la prend…
— Non, non, non. Écoutez… Non, fit le garde, visiblement à court de répartie. Je vous prie de reculer.
Viktor regarda chacun de ses compagnons, cherchant de l'aide ou un quelconque soutien, et ce fut en son ami nain qu'il le trouva. Celui-ci s'approcha du gardien et lui tendit une pièce en or, en lui disant qu'il ne l'aurait que s'il laissait Balthazar et Viktor utiliser la charrette.
— Déjà, répondit le jeune homme, j'apprécie moyennement que vous me mentiez.
— Mais je ne vous ai pas menti ! fit Viktor, faisant preuve d'un jeu d'acteur digne d'un poireau.
— Nan, mais ne faites pas attention à lui, fit Grunlek, attirant de nouveau l'attention du garçon sur lui. Ce qui est important, c'est cette pièce d'or là, regardez-la, regardez-la et OH ELLE SE DÉDOUBLE ! IL Y A DEUX PIÈCES D'OR ! DEUX PIÈCES D'OR !
— Bon… Fit le garçon. Très bien, mais prenez en soin.
— Bien sûr, assura Viktor d'un air malsain. On vous la rendra flambant neuve.