L'Oracle de Gotham - tome 1
Chapitre 14 : Quand l'un tombe, l'autre s'élève
5262 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 12/08/2025 00:01
Ce furent les bruits étranges qui résonnaient tout autour de Julia qui la réveillèrent. Des cris stridents et épars de petits animaux se répercutaient en écho, accompagnés de battements d’ailes ici et là, ainsi que le fracas lointain d’une chute d’eau. Plus proche, c’étaient le martèlement de gouttes d’eau qui tombaient à un rythme régulier sur une surface humide et qui résonnaient jusque dans sa tête. Elle ouvrit enfin les yeux ; elle aperçut le plafond d’une grotte naturelle où nichaient des chauves-souris, faiblement éclairées par des spots lumineux accrochés aux murs rocheux. La jeune femme se releva, ses membres étaient douloureux, ainsi que sa cuisse droite dont on avait retiré l’éclat de verre et qui avait été soigneusement pansée.
Lorsqu’elle tourna la tête pour mieux examiner l’endroit où elle se trouvait, Elle l’aperçut qui veillait sur elle. Elle voulut se lever, mais il s’approcha pour la retenir, glissa sa main gantée sur sa nuque et l’allongea à nouveau.
— Vous avez été empoisonnée, lui expliqua-t-il de sa voix rauque et profonde.
— Je m’en souviens, répondit-elle d’une voix éraillée. Mais comment avez-vous réussi…
— La fois où j’ai été moi-même intoxiqué par cette drogue, j’ai pu développer un antidote qui nous immunise également, l’interrompit-il en anticipant sa question.
Le Batman lui montra deux autres fioles posées sur une table juste derrière lui.
— Vous vous êtes mise en danger inutilement, la gronda-t-il alors d’une voix plus autoritaire.
— Je devais absolument voir Krane, se défendit Julia.
— Pourquoi ?
Julia allait répondre, sa colère montait en elle, mais elle se retint.
— Si nous voulons que notre travail aboutisse, nous allons devoir nous faire confiance l’un l’autre, reprit le Batman. Arrêtez d’agir seule de votre côté.
Julia garda un instant le silence. Sa colère bouillait en elle, mais une colère tournée contre elle-même, car elle savait qu’il avait raison sur ce point. Elle avait agi sans réfléchir, et cela aurait pu lui coûter la vie. Elle se releva, s’assit sur le rebord de la table où elle était allongée et prit une grande inspiration afin d’apaiser son esprit.
— Je suis venue dans cette ville pour retrouver ma sœur, Adeline Devaux, qui a disparu il y a de cela plus d’un an, raconta alors Julia d’une voix où l’émotion et la résilience s’entremêlaient. Les dernières traces que j’avais d’elle remontaient ici, à Gotham City. Afin de mener ma mission à bien, je me suis mise en disponibilité auprès de mon employeur actuel, la CIA, dont mes plus proches collaborateurs ont refusé de m’aider à la retrouver. Tout le monde pensait qu’il fallait que je fasse mon deuil, et c’est tout. Mais je connais ma sœur, et les dernières nouvelles que j’ai pu en avoir ne collaient pas avec son caractère, ni ses habitudes. Hier soir, alors que je remettais mon programme en route, j’ai pu accéder au réseau informatique de l’asile d’Arkham. J’y ai trouvé un dossier la concernant qui annonçait qu’elle s’était… suicidée.
Julia s’interrompit, les larmes lui coulaient à nouveau le long des joues.
— Je me suis d’abord dit que ce n’était pas possible, reprit-elle la voix tremblante d’émotion. Ou alors, même si cela devait s’avérer vrai, j’avais besoin de savoir pourquoi… Mon contact sur place m’a demandé une extraction. J’ai tout de suite filé pour l’asile. Vous connaissez la suite.
Le Chevalier noir lui laissa le temps de se calmer, jusqu’à ce qu’elle puisse reprendre la parole :
— J’ai de gros doutes sur le fait qu’elle se soit donnée la mort. Dans tous les cas, j’ai besoin de comprendre ce qu’il s’est passé, car pour moi, elle est toujours portée disparue.
Elle poussa un long soupir d’apaisement. Finalement, révéler la vérité lui avait fait un certain bien.
— Bien, maintenant à vous, je vous écoute, lança-t-elle à l’adresse de l’homme chauve-souris.
— Je n’ai pas pu obtenir beaucoup d’informations de Krane, dévoila-t-il alors. Il dit travailler pour Ra’s Al Ghul, sauf que la personne qu’il nomme est censée être morte. Je l’ai vu de mes yeux.
— Qui est ce Ra’s… ? demanda Julia en fronçant les sourcils.
— C’était le chef de la ligue des Ombres, auprès de qui j’ai appris à devenir… ce que je suis.
— Donc, vous travaillez pour cette ligue ? l’interrogea-t-elle encore.
— Non, répondit-il avec fermeté. Je n’adhérais pas à leurs moyens de justice. J’ai déclenché un incendie, j’ai mis la ligue hors d’état de nuire et je suis parti.
— Mais le docteur Krane dit travailler pour le chef de cette ligue… êtes-vous sûr qu’il est mort ?
Le Batman resta silencieux.
— D’accord, on va rester sur le doute de cette mort, reprit Julia. Il vaut mieux imaginer le pire scénario. S’il est toujours vivant, quel est son but ?
— Eradiquer la racine du mal et de la criminalité, résuma-t-il brièvement.
— Si je comprends bien, il veut… détruire l’ensemble de la ville ?
— Oui.
— C’est en effet un principe assez radical, murmura Julia. Maintenant, il faut se poser la question de comment il s’y prendrait pour le faire. J’imagine que c’est ici que le psychotrope entre en jeu.
Julia se leva tout à fait, oubliant sa blessure à la cuisse. Elle eut un grognement de douleur, mais c’était supportable. Elle marcha quelques pas pour réfléchir.
— Ce dont je me souviens, c’est qu’ils déversaient la drogue modifiée dans les canalisations d’eau de la ville, dit-elle tout haut. Mais si l’on réfléchit, cela faisait longtemps que Falcone faisait passer cette substance dans Gotham. Il devait le faire à la demande de Krane, sinon, pourquoi ce dernier l’aurait-il empoisonné avec une dose aussi forte, si ce n’est pour le faire taire ?
— S’ils la déversent depuis plusieurs mois dans les eaux, cela aurait dû affecter l’ensemble de la population depuis, fit remarquer le Batman.
— En effet, cela signifie que la substance n’est active que sous forme d’aérosol, si elle est inhalée, renchérit Julia qui continuait à faire les cent pas tout en observant autour d’elle.
La jeune femme effleurait des doigts les divers objets posés sur les tables, une part d’elle était fascinée de découvrir l’antre de l’homme chauve-souris dont la presse parlait de plus en plus, interrogeant son rôle de « gentil » ou de « méchant ».
— Mais comment veulent-ils la diffuser si elle se trouve sous forme liquide ? demanda-t-il, formulant à voix haute ce que Julia tentait de résoudre.
— Le 247e container, murmura-t-elle.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Jim Gordon m’a dit que le procureur avait disparu alors qu’il faisait une perquisition aux docks pour un container qui n’était pas censé se trouver là, se souvint alors Julia. Ce container avait bien évidemment disparu juste après. Selon moi, il contient une machine que l’un des anciens membres du conseil d’administration de la Wayne Enterprise a malencontreusement « égaré ».
— Comment cela ?
Sa voix se faisait plus sombre à mesure que Julia lui exposait ses réflexions.
— J’ai surpris une conversation où il était question de l’attaque d’un cargo de la compagnie et dont le chargement aurait été subtilisé, expliqua en détails la jeune femme. Ils parlaient d’un appareil « A.M.E. », mais je ne sais pas ce que cela signifie.
Pendant qu’elle parlait, Julia s’était approchée du véhicule tout terrain. Elle s’arrêta et observa l’engin, impressionnée.
— Ce modèle me dit quelque chose, marmonna-t-elle. Cela n’avait-il pas été créé pour sauter des ponts ? lança-t-elle à l’adresse du Batman en désignant le véhicule peint d’un noir mat. C’est un modèle militaire, ça…
— Il faudrait que j’essaie, répondit-il simplement en rejoignant la jeune femme devant l’engin.
— Il a un GPS ? demanda-t-elle soudainement.
— Oui.
Le regard de Julia s’illumina. Elle retourna rapidement vers les tables qu’elle avait observées distraitement et y récupéra les composants d’une oreillette avec antenne réseau. Elle revint vers le véhicule en trafiquant les composants, puis sortit sa propre oreillette restée dans son oreille gauche.
— Je peux ? demanda-t-elle sans autre explication.
Le Chevalier noir lui fit un signe de la main, puis déverrouilla l’ouverture. La jeune femme se glissa à l’intérieur tandis qu’il vint observer ses bidouillages. Il ne lui fallut pas plus de deux minutes pour entrer dans le système de pilotage de la voiture, se créant un accès pour l’ajouter à son programme.
— Vous aviez un système de pilotage automatique, dit-elle d’un ton naturel. Maintenant, vous avez aussi un système de pilotage à distance, rudimentaire, mais cela peut s’avérer utile. Je pourrai également communiquer directement par cette interface.
La jeune femme ressortit du véhicule.
— Dernière question, lui demanda le Batman. Pourquoi vous êtes-vous volontairement blessée à la cuisse ?
— Pour ralentir les effets du poison, expliqua Julia. De ce que j’avais pu observer sur Falcone, cette drogue fait monter le taux d’adrénaline ou de cortisol dans le sang, qui sont aussi identifiés comme les hormones du stress et de l’angoisse. Cela va donc fonctionner comme inducteur du centre de la peur. Pour faire redescendre ce taux rapidement, il n’y a pas mieux que l’endorphine, que notre corps produit naturellement dans certaines situations comme une douleur fulgurante, du sport intensif ou pendant un orgasme. Comme les deux autres étaient difficiles à mettre en place… je me suis provoquée une douleur fulgurante.
Elle se tourna enfin pour lui faire face :
— Par contre, j’ai été honnête avec vous. Il faudra aussi qu’un jour, à votre tour, vous soyez honnête envers moi.
— Je vais vous ramener chez vous, dit-il pour toute réponse en sortant un objet que la jeune femme avait aperçu également sur l’une des tables.
Elle fronça les sourcils lorsqu’elle reconnut une seringue unidose. Elle commença une phrase de protestation, mais l’homme chauve-souris fut plus rapide. Il la saisit dans ses bras, lui injecta la dose, et Julia s’endormit en moins d’une minute sous l’effet du sédatif.
Lorsqu’elle se réveilla, elle était allongée dans le lit de son nouveau loft, toute habillée. Le soir approchait, le soleil était bas dans l’horizon. La jeune femme regarda son réveil sur la table de nuit et aperçut les deux doses d’antidote au poison. Elle les prit rapidement, puis téléphona à monsieur Fox qui décrocha en quelques secondes :
— Bonjour mademoiselle Thorne, tout va bien ? lui demanda-t-il avec bienveillance.
— Ça va, répondit-elle encore un peu vaseuse suite au sédatif. J’ai une question qui va vous paraître un peu étrange.
— Allez-y toujours, l’autorisa-t-il.
— Possédez-vous le matériel pour dupliquer un antidote à un poison ?
Monsieur Fox resta quelques instants silencieux, ce qui permit à Julia d’entendre qu’il se trouvait à une réception.
— Je suis navrée de vous déranger, reprit-elle à nouveau. Mais j’ai besoin de savoir si vous avez la capacité de dupliquer en masse un antidote pour l’ensemble de la population.
— Le processus prendrait des semaines, commenta Lucius décontenancé. Mais faites-le-moi parvenir et je pourrais voir ce que je peux faire.
— Très bien, je vous remercie, répondit Julia.
Mais avant que Lucius ne raccroche, la jeune femme l’interpella encore :
— Au fait, qu’est-ce qu’un « A.M.E. » ?
— Comment connaissez-vous cet acronyme ? l’interrogea Lucius de plus en plus méfiant.
— S’il vous plaît, répondez-moi, le pressa-t-elle. « Moins vous en saurez, mieux vous vous en porterez », lui rappela-t-elle alors.
Un court silence s’ensuivit.
— C’est un prototype de la Wayne Enterprise qui avait été fabriqué pour une utilisation militaire, expliqua-t-il rapidement. C’est un émetteur à micro-onde destiné à disperser les réserves d’eau de l’ennemi. Mais vous n’êtes pas censée avoir connaissance de ce genre d’engin.
Julia comprit immédiatement comment le poison allait être diffusé. Son cœur se mit à palpiter dans sa poitrine. Elle raccrocha rapidement après avoir remercié Lucius, puis composa le numéro de Jim Gordon.
— Jim, lui lança-t-elle une fois qu’il eut décroché. Il faut qu’on se voie !
— Julia ! Vous allez bien, s’exclama l’inspecteur au bout du fil. Où êtes-vous ?
— Je suis dans mon nouvel appartement, dans la tour de l’horloge.
— Très bien, je vous y rejoins tout de suite, lui confirma-t-il avant de raccrocher.
Le soleil se couchait lentement, disparaissant derrière l’horizon. En attendant que l’inspecteur Gordon arrive, Julia décida d’appeler Bruce Wayne. Il ne répondit d’abord pas, puis décrocha lors de sa deuxième tentative.
— Allô, Bruce ? Tout va bien ? s’inquiéta la jeune femme.
Celui-ci répondit d’une manière étrange, comme s’il hésitait.
— Ça va, ça va, répondit-il.
— Tu n’as pas l’air bien, veux-tu que je vienne ? lui demanda Julia de plus en plus inquiète.
— Non, ne viens pas, répondit-il brusquement.
Puis elle l’entendit parler à des invités, il devait être à une réception. Soudain, Julia regarda la date sur son téléphone et se rendit compte que c’était le jour de l’anniversaire de son ami. Il avait organisé une grande réception chez lui et l’y avait invitée, mais elle n’était pas venue. Toutefois, elle l’entendit parler à la foule comme une personne qui serait ivre : il congédiait l’ensemble de ses invités qu’il traitait de pique-assiettes, puis ce fut une marre de murmure qui lui parvint dans le téléphone.
— Bruce, l’appela-t-elle. Je suis vraiment désolée pour ce soir. Je peux venir tout de suite si tu veux…
— Ne viens pas, je t’ai dit, la rabroua-t-il sèchement.
— Tu es ivre, lui reprocha Julia, choquée par son ton de voix.
— Je ne veux pas te voir, c’est bien compris ? répéta Bruce dont la voix s’éteignit.
Il avait raccroché. Julia ne sut qu’en penser. Quelque chose clochait ; tout au long de leur cohabitation, elle ne l’avait jamais vu saoul, ni même pompette. Il buvait modérément et faisait toujours en sorte de garder le contrôle de lui-même. Cette mascarade, il la réservait en général à la presse. Elle ne sut pas comment réagir à cela. Pourquoi jouait-il la comédie avec elle ? Était-ce vraiment de la comédie ?
L’interphone sonna. Grâce à une caméra connectée, elle put voir que c’était Jim Gordon qui arrivait. Elle débloqua l’ascenseur qui put monter jusque chez elle.
— Julia ! Je suis si content de vous voir saine et sauve ! s’exclama Jim lorsqu’il sortit de l’ascenseur. On a eu si peur pour vous.
— Je vous remercie pour votre aide, lui répondit-elle rapidement. Mais je vous ai fait venir pour vous donner ceci.
Elle lui confia l’une des deux doses d’antidote.
— Cela vous protégera, lui expliqua-t-elle.
— Le docteur Krane n’a rien dit de ce qu’il voulait faire du poison, je n’ai rien pu en tirer, se lamenta-t-il.
— Selon le Batman, il travaillerait pour quelqu’un de bien pire qui a l’intention de détruire l’ensemble de la ville en rendant ses habitants fous, lui raconta-t-elle. Vous devez mobiliser un maximum de renforts et il faut surveiller les canalisations d’eau.
— D’accord, mais… c’est trop vaste ! s’inquiéta Jim.
Soudain, la radio de l’inspecteur s’activa : « Appel à toutes les unités, tous les patients de l’asile d’Arkham ont été libérés. Je répète : à toutes les unités, rendez-vous dans les Narrows. Terminé. » Jim prit congé de la jeune femme et se dépêcha de se rendre dans le quartier des Narrows. Quant à Julia, elle monta dans les combles et s’assit à son bureau. Elle alluma l’ensemble des écrans et enfila son micro-casque.
— Oracle est opérationnel, murmura-elle en ajustant son micro.
Elle fit d’abord apparaître sur l’un des quatre grands écrans le réseau entier des canalisations d’eau de la ville. Pour l’instant, rien n’était à signaler. Ensuite, elle afficha les caméras de surveillance du quartier des Narrows où se trouvait l’asile sur un tiers de ses petits écrans, localisé autour d’un autre grand écran. On y voyait en effet, la fuite de l’ensemble des patients de l’asile qui investirent le quartier et cherchèrent à passer les ponts, retenus par les forces de l’ordre, policiers et SWAT confondus qui occupaient la zone.
Tout d’un coup, une fenêtre s’ouvrit sur un troisième grand écran : Julia s’était connectée aux appareils de diffusion de la presse. Là, un flash spécial montra une immense demeure qui avait pris feu. Julia se concentra sur l’image prise en vue hélicoptère, et reconnut tout à coup le manoir Wayne. Elle lança immédiatement un appel vers le téléphone de Bruce qui ne répondit pas. Ensuite, elle le localisa et vit qu’il se trouvait en plein dans l’aile Est du manoir, au milieu des flammes. Son cœur faillit s’arrêter.
— Batman, ici Oracle, le manoir de Wayne est en feu, j’ai localisé le portable de son propriétaire, il se trouve en plein milieu !
La voix de Julia était tremblante d’angoisse.
— Il est en sécurité, répondit enfin le Chevalier noir.
— Vous en êtes sûr ? le pressa-t-elle.
— Oui.
— D’accord, d’accord, souffla-t-elle en essayant de reprendre son sang-froid, car elle avait décidé de lui faire confiance.
Certainement que son téléphone portable avait dû tomber dans la fuite et qu’il était resté sur place tandis qu’il s’était sauvé. C’était plausible.
— Je sais comment ils vont diffuser le poison, reprit-elle plus posément.
Julia lui expliqua ce qu’elle avait découvert grâce à Lucius Fox.
— Ra’s Al Ghul est en vie, lui apprit alors le Chevalier noir. Il est extrêmement dangereux, et c’est lui qui possède la machine.
— Dirigez-vous dans les Narrows alors, lui indiqua Julia. L’ensemble de la police y a été envoyée. Ils sont en train de remonter l’ensemble des ponts d’accès à l’île. Ça sent le guet-apens.
— Compris, répondit-il.
Soudain, une alerte se déclencha du côté des canalisations d’eau. Julia analysa la situation : la pression était montée d’un coup sur l’île d’Arkham, faisant les faisant exploser.
— Ils viennent de mettre en route l’ « A.M.E. » ! avertit la jeune femme. Dans les Narrows, ils ont piégé l’ensemble de la police de la ville.
— Qu’en est-il de Gordon ? lui demanda-t-il.
— Je lui ai donné un antidote, l’informa-t-elle. Il doit être sur place aussi.
— Bien.
Julia prit une grande inspiration. Elle devait se calmer afin de réfléchir et d’anticiper les actions de leurs adversaires. Elle vérifia alors le réseau de distribution d’eau et le compara aux autres réseaux : l’ensemble des lignes de métro, d’eau et d’électricité de la ville suivaient le même schéma, et tous étaient centralisés sous la tour Wayne. Julia en déduisit que s’ils voulaient diffuser le poison à l’ensemble de la ville, ils devaient placer l’émetteur à micro-onde sous la tour Wayne.
La jeune femme observa ensuite les caméras de surveillance du quartier des Narrows. La vapeur qui sortait des canalisations qui avaient rompu sous la pression envahissait les rues. Le chaos commençait à régner, tous les habitants, les policiers et les patients relâchés s’attaquaient mutuellement de peur.
— Si Ra’s veut contaminer l’ensemble de la ville, il va emmener l’engin sous la tour Wayne où se trouve l’ensemble du réseau de distribution d’eau, indiqua Julia avec sang-froid. Le plus logique, c’est qu’il emprunte la ligne de métro aérien : les deux réseaux empruntent le même chemin.
— Compris, confirma le Batman.
Elle l’entendit se battre au travers de l’oreillette. Elle parcourut les vidéos surveillance, puis distingua sa silhouette dans la brume empoisonnée. Il se tenait en face d’un autre homme qui portait un masque à gaz, lui-même entouré d’acolytes masqués. Ils se trouvaient juste en dessous de la ligne de métro en question. L’homme à qui le Batman faisait face devait être le dénommé Ra’s Al Ghul. Julia put voir que l’engin était déjà chargé dans une rame et qu’il était en état de fonctionnement. Elle chercha alors un moyen de déconnecter du réseau les rails du métro, mais la rame avait l’air d’être alimentée grâce à une génératrice indépendante à laquelle elle n’avait pas accès.
— Je ne vais pas pouvoir stopper la rame d’ici, indiqua-t-elle à l’homme chauve-souris.
Julia chercha une autre solution, même si elle vit sur les caméras qu’il s’était débarrassé des hommes de Ra’s et qu’il s’était accroché grâce à son grapin à la rame qui avait démarré. Soudain, elle aperçut Jim Gordon, sur un écran, ainsi que le véhicule blindé de l’homme chauve-souris sur une autre. Elle se connecta à la radio de l’inspecteur :
— Jim, prenez direction nord-nord-est, vous tomberez sur le véhicule du Batman.
— Julia ? comment vous…
— Nord-nord-est, répéta Julia avec fermeté.
Elle aperçut l’inspecteur Gordon prendre la direction indiquée, puis il trouva le véhicule. Grâce à la manipulation qu’elle avait pu effectuer, elle déverrouilla le véhicule, et ordonna à Jim de prendre le volant.
— Il faut à tout prix éviter que la rame de métro n’atteigne la tour Wayne, c’est compris ? lui dit-elle avec autorité.
— C’est compris, répondit Jim, hésitant.
Julia démarra à distance le véhicule et calcula l’itinéraire le plus court pour l’inspecteur afin d’atteindre la tour Wayne avant la rame de métro. Plusieurs alertes se mirent à clignoter sur l’écran des canalisations. La rame prenait de la vitesse, et comme l’émetteur à micro-onde était toujours enclenché, il évaporait les eaux des canalisations qui environnaient la ligne. Elle décida de prendre les choses en mains : elle verrouilla certaines vannes, coupant des arrivées d’eau, puis détourna l’eau présente dans les canalisations du côté de l’incendie du manoir. Les hautes pressions qu’elle produisit firent éclater les tuyaux sous le manoir qui se consumait dans les flammes, éteignant en partie l’incendie. Grâce à ce détournement, elle réussit à diminuer la pression à l’intérieur des tuyaux du centre-ville, même si l’évaporation continuait de progresser et d’augmenter la pression.
Julia se tourna de nouveau du côté des vidéos surveillance qu’elle focalisa sur la ligne aérienne. La rame filait à toute vitesse, elle arrivait à peine à distinguer les deux hommes qui se battaient à l’intérieur du wagon de tête. Puis elle repéra la position de Gordon toujours dans le véhicule du Batman. Il arrivait à la destination qu’elle lui avait déterminée.
— Postez-vous face aux piliers de la ligne et activez l’armement, lui ordonna-t-elle.
Elle observa la manœuvre un peu maladroite de l’inspecteur. Elle vit les canons avant se profiler sous le châssis.
— Visez, deux tirs devraient suffire, lui indiqua Julia.
— D’accord, répondit Jim un peu tremblant.
Un premier tir détruisit une partie de la base bétonnée, puis un deuxième vint frapper le cœur du pilier. Celui-ci se mit à s’effondrer sur lui-même. Julia prit les commandes du véhicule à distance et le fit reculer à l’abri des rails qui rompirent et tombèrent lourdement au sol. Elle observa via les caméras de surveillance le wagon de tête se détacher du reste de la rame qui ralentit. Elle vit alors une immense forme noire s’envoler du wagon qui vint s’écraser au sol. Avec la vitesse, le wagon percuta les autres piliers de la ligne, puis l’émetteur à micro-onde, explosa grâce aux chocs répétés. Julia vérifia les canaux de distribution d’eau : la pression avait cessé d’augmenter, et baissait même à un niveau normal, voire bas à cause du détournement qu’elle avait effectué.
— Wouhou ! s’écria-t-elle, laissant déborder sa joie et son soulagement. On a réussi !
La jeune femme s’enfonça dans son fauteuil, exténuée, puis se redressa rapidement :
— Gordon, vous allez bien ? demanda-t-elle.
— Oui, ça va, répondit-il avec soulagement. Grâce à vous.
Julia le fit sortir du véhicule.
— Batman, tout va bien ? demanda-t-elle ensuite.
Il y eut un moment de silence.
— Je vais bien. C’était du bon travail, Oracle.
— Je vous retourne le compliment, répondit-elle en souriant. On s’en est bien sorti.
La jeune femme déconnecta les communications. Elle regarda l’heure sur son téléphone portable : il était trois heures du matin. Il n’y avait aucun message de la part de Bruce. Elle eut un pincement au cœur, ses dernières paroles résonnèrent dans son esprit : « Je ne veux pas te voir ! ».
Julia emporta la deuxième dose d’antidote pour le porter tout de suite à monsieur Fox. Elle l’appela sur son portable, ils se donnèrent rendez-vous près de la tour Wayne. Lorsqu’elle arriva près de leur point de rendez-vous, elle put voir de ses yeux les dégâts. C’était différent de le vivre du haut de sa tour, et d’y être immergée. Les journalistes avaient commencé à affluer. Des hélicoptères de la police et de la presse survolaient toute la zone des Narrows ainsi que celle du centre-ville.
Monsieur Fox l’interpella lorsqu’il l’aperçut dans la foule. Ils s’éloignèrent de la cohue et Julia lui confia la fiole. Lucius eut un temps d’arrêt tandis qu’il examinait la fiole entre ses doigts.
— Je crois que nous avons un autre ami en commun, dit-il alors, un sourire se dessinant au coin de ses lèvres.
La jeune femme sourit à son tour. Tous deux restèrent silencieux, car ils se comprenaient mutuellement. Lucius ne s’interrogeait plus sur l’aménagement de l’appartement de la jeune femme. Julia ne s’interrogeait plus sur la provenance du matériel du Batman.
— Avez-vous des nouvelles de Bruce ? lui demanda soudainement Julia avec inquiétude.
— Ne vous inquiétez pas pour lui, il va bien, dit-il pour la tranquilliser.
Julia lui sourit, mais n’en fut pas rassurée pour autant. Ils se serrèrent la main et se quittèrent, Lucius entrant directement dans la tour Wayne où il devait lancer la production des antidotes.
Julia retourna dans son appartement où elle se retrouva toute seule. Elle gardait son téléphone dans la main au cas où Bruce la contacterait, mais elle ne reçut rien. Elle finit par prendre une douche et alla s’allonger dans son lit. Elle consulta une dernière fois l’écran de son téléphone, puis décida de lui envoyer un unique message : « Dis-moi seulement que tu vas bien. » Elle attendit une réponse, puis sombra dans le sommeil, la fatigue l’emportant.