Chapeau melon et bottes de cuir

Chapitre 5 : Perle de méditerranée

2274 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 22:32

Si au moment de son kidnapping, on lui avait dit que deux semaines plus tard elle ferait ami-ami avec son kidnappeur, Daphnée aurait frappé son interlocuteur. Mais il fallait tout de même se rendre à l’évidence : passées l’arrogance aussi imposante qu’un mammouth, les manies bizarres et les sautes d’humeur, Nygma était un type plutôt intéressant. Assise en tailleur sur le divan, elle s’amusait tester sa culture générale sans limite en lui posant toutes les questions qui lui venaient à l’esprit, le tout en mangeant son poulet coréen.

« Pourquoi le ciel est-il bleu ?

Il déglutit et lui répondit aussitôt.

-Enfantin ! Le bleu du ciel est le résultat de la diffusion de la lumière solaire par l’atmosphère : comme les molécules d’air ont la bonne dimension pour diffuser les plus courtes longueurs d’ondes de la lumière telles que les violets, indigo et bleus, le ciel parait bleu.

Elle fronça les sourcils.

- Plus dur : le nombre d’épisodes de la série Star Trek.

- Soixante dix neuf épisodes pour la série originelle, cent soixante dix huit pour la nouvelle génération et avant que tu ne me questionne dessus, sache que je les ai tous regardés.

Elle lui lança un sourire moqueur mais se passa de commentaires. Le Sphinx, criminel maléfique de nuit et trekkie de jour. Elle chercha une question insolite, puis finit par trouver en regardant les pictogrammes inscrits sur sa boite de nouilles, qui lui rappelèrent un voyage d’affaires à Saigon.

- Le goût des sauterelles frites ?

Il lui jeta un regard dégoûté et jeta ses baguettes dans sa boite avant de la lui tendre.

- Diner d’affaires avec Lady Shiva.

Daphnée éclata de rire en la prenant.

- D’accord je me rends, vous savez tout.

Il gonfla légèrement son torse, toujours aussi ravi d’avoir une audience admirative. Lorsque la dite audience eut finit son repas il frappa dans ses mains, excité.

- Bien ! Puisque j’ai prouvé la supériorité de mon intelligence, il est grand temps que je teste la tienne. Je n’ai pas envie que tes petites cellules grises meurent d’ennui après tout.

Les épaules de Daphnée chutèrent d’un cran. Ah. Les énigmes. Habituellement, si elle répondait juste il disait qu’elles étaient du niveau d’un enfant de maternelle et si elle avait faux il l’insultait. Puis il parlait de Batman, se mettait dans une colère noire, ils râlaient ensemble contre le soi disant justicier et la population aveugle, et Daphnée revenait dans ses bonnes grâces.

- Qu’est-ce qui peut être clair ou obscur, humide ou sec, ouvert ou fermé, noir ou rose?

Elle mit sa tête entre ses mains et se frotta les tempes du bout des doigts. Elle avait beau chercher elle ne trouvait rien qui ne puisse correspondre.

- Allons Daphnée, ne me dis pas que c’est trop compliqué pour toi ? Aurais-tu besoin d’un indice ?

Elle secoua négativement la tête, puis elle repensa à sa question « enfantine ».

- Le ciel !

Il hocha la tête et la pointa du doigt comme si elle était une vilaine petite fille.

- C’était incroyablement simple ! Tu aurais dû répondre plus rapidement. Une autre ! Qu’est ce qui est jaune dans un arbre ?

Elle haussa un sourcil. Il y avait probablement un piège, mais elle se jeta dedans tête baissée.

-… un oiseau ?

- Le facteur qui a raté son virage.

Elle le regarda un instant avant d’éclater de rire, un peu à cause du soulagement, et un peu parce que c’était drôle. Cruel et morbide, mais plutôt distrayant. Dans un sens, ça la rassurait qu’il ait un sens de l’humour, parce que ça le rendait plus humain. Elle s’allongea sur le canapé et ils tombèrent dans un silence confortable. Puis elle sentit son regard sur elle. Elle leva les yeux et vit son air bizarre.

- Les tenues de mes employées te vont bien.

Elle haussa les épaules et referma les yeux.

- Si vous le dites. Pour être  honnête je ne sais pas comment elles font pour se battre dans des trucs pareils. C’est inconfortable et indécent.

- Ces uniformes sont parfaits !

Elle sourit ironiquement et passa ses mains sous sa tête.

-Ouais, d’un point de vue masculin.

Vu sa réaction, c’était lui qui avait conçu le design des tenues. A sa décharge, quel homme relativement (peu) sain, jeune et hétérosexuel ne voudrait pas être entouré de beautés à moitié nues ?

- Ai-je toute ton attention Daphnée ?

Elle se retint de soupirer. Narcissisme quand tu nous tiens…

- Toujours.

- Bien, parce que je voudrais que tu deviennes ma nouvelle partenaire.

Elle ouvrit aussitôt les yeux et se tourna vers lui. Quand il disait « partenaire » est-ce qu’il parlait des filles jolies, plantureuses, dénudées et un peu connes qu’il trainait avec lui lors de ses opérations ?

-Moi. Votre partenaire.

Il haussa un sourcil, visiblement ennuyé.

-C’est ce que je viens de dire, je te croyais capable de comprendre des phrases simples.

- Vous m’avez torturée ! C’est vrai que vous êtes un génie et que vous pouvez être plutôt sympa, mais vous m’avez torturée et en plus je suis votre captive.

Il pointa sa cane vers elle, accusateur.

- Je t’ai torturée parce que tu as tenté de me castrer.

- J’ai tenté de vous castrer parce que vous m’avez kidnappée, puis affamée et épuisée pendant quatre jours !

Il se trouva à court de mots. Bon, il l’avait peu être un peu cherché. Mais à sa décharge il pensait qu’elle n’avait pas de cerveau à ce moment là. Il balaya les accusations d’un revers de la main.

- C’est de l’histoire ancienne.

- Je suis toujours captive donc pour moi c’est encore assez actu…

Il arrêta la pointe de sa cane à quelques centimètres de sa bouche pour la faire taire.

- Avant de refuser en bloc, je voudrais que tu écoutes ma proposition attentivement. Il est vrai que nous avons quelques … différents.

Elle croisa les bras en lui jetant un regard sceptique. Et le prix pour l’euphémisme de l’année revient à…

-  Néanmoins tu es suffisamment intelligente pour les mettre de côté et je dois avouer que j’apprécie ta compagnie. Au-delà de ça, certaines de tes qualités pourrait m’être très utiles. Tu as de l’expérience dans le secteur financier, tu peux être diplomate, tu as montré que tu es capable de tuer huit personnes sans en éprouver le moindre remords et tu es une archère de niveau olympique. Le fait que tu sois ma captive est un plus, avec les mots adéquats tu pourras aisément faire croire aux psychiatres que tu es atteinte du syndrome de Stockholm, et j’aurais donc une alliée dans Arkham.

Elle haussa un sourcil. Ca c’était plutôt les bons points de son côté à lui.

- Tout ça c’est bien mais j’y gagne quoi moi ?

Il lui fit un grand sourire qui ne la rassura pas le moins du monde.

- De la distraction.

Elle le regarda sans comprendre, mais avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit il reprit son discours.

- Essaie d’être honnête avec toi-même Daphnée, depuis combien de temps ne t’es tu pas autant amusée qu’en te cachant dans la foule la semaine dernière ? Pourquoi est-ce que ça ne te dérange pas d’avoir un bracelet électrifié ?

Elle se frotta le poignet et se détourna de lui, soudainement mal à l’aise. Il posa ses mains gantées sur ses épaules et la rapprocha suffisamment pour qu’elle sente son souffle contre l’arrière de son crane.

- Pourquoi as-tu choisi un emploi de bureau alors que tu es une femme d’action ? Cette vie n’est pas pour toi. Tu t’ennuie. Tu t’es plongée dans l’archerie corps et âme parce que tu avais soif d’aventure. Quand tu m’as remercié dans la salle de torture, au début je n’avais pas compris, mais j’ai résolu l’énigme.

Elle sursauta quand il chuchota à son oreille.

- Je t’ai redonné envie de vivre.

Elle se dégagea brusquement et mit quelques mètres entre eux. Elle était dos au mur, dans tous les sens du terme. Tout ce qu’il avait dit était totalement juste, mais d’un autre côté, est-ce qu’elle avait vraiment envie d’être poursuivie par un taré dans un costume de Chauve souris, de vivre avec un grand malade, de risquer sa vie toute les nuits ? … Oui.

- Où je signe ? Demanda-t-elle en soupirant

Son sourire s’étendit encore et il lui tendit la main.

- Bienvenue à bord Query.

Elle lui jeta un regard sceptique. Bon, elle allait devoir mettre deux ou trois trucs au point.

- Non, pas Query. Ni Echo, ni Quelle ni Question et je refuse de mettre le maillot violet. Si je dois me balader avec un nom et un costume débile j’aimerais au moins avoir mon mot à dire.

Il haussa les épaules et croisa les bras.

- Donne-moi tes idées. Je te préviens je ne les écouterais pas obligatoirement.

Déjà pour l’uniforme, il lui faudrait quelque chose qui soit compatible à l’archerie, et sans talons merci. Elle doutait fortement qu’il tente de lui faire mettre quelque chose de décolleté, parce qu’elle n’avait pas  grand-chose à mettre dedans après avoir passé toute son adolescence avec des bandes de contention. Elle lui fit une liste détaillée du matériel dont elle aurait besoin, et quels étaient les meilleurs fabricants, mais à part ça elle lui laissa carte blanche pour le costume. Ils eurent plus de problèmes pour le nom. Déjà, ils se mirent d’accord sur le fait que son nom devait avoir quelque chose de mythologique. Ca irait bien avec le Sphinx, sa mère lui avait transmis sa passion pour les mythologies bizarres et ça ferait chier Maxie Zeus. Artémis était hors de question. Tout comme Selene et Trivia, entités trop positives selon Nygma. Au bout d’une heure, Daphnée finit heureusement par trouver.

- Pourquoi pas Seshat, l’avatar égyptien ? C’est l’assistante du dieu de la sagesse  et son symbole est un arc renversé. Ca pourrait le faire vous croyez ?

Il fronça les sourcils pendant quelques instants avant de hocher la tête.

- Je vais voir ce que je peux faire.

Elle le vit prendre son manteau et lui fit de grands signes pour montrer le bracelet électrifié. Il l’ignora royalement, le sourire aux lèvres et ferma la porte à clé derrière lui.

Daphnée se demanda si elle avait bien fait d’accepter.

Laisser un commentaire ?