Chapeau melon et bottes de cuir

Tout compte fait, sa famille n’avait pas trop mal pris la situation. Au début ça avait été assez compliqué de tout expliquer à sa mère quand le Sphinx lui mettait des bâtons dans les roues. Heureusement son petit demi-frère de douze ans, Alexander, issu du huitième divorce de sa mère était arrivé et avait réglé le problème. Il avait surgi comme un diable sortant de sa boite dès qu’il avait reconnu la voix de Nygma et l’avait occupé toute la soirée, lui montrant le mur de sa chambre dédié à ses exploits, demandant un récit détaillé de ses méfaits… Et tel le narcissique qu’il était, il avait été extrêmement flatté et Daphnée et sa mère avaient pu parler en paix.

Au final, sa mère avait conclu qu’elle pouvait survivre en sachant que sa fille était une criminelle du moment qu’elle ne ramenait pas son travail à  la maison et Nygma avait gagné un fan inconditionnel.

Il lui avait avoué qu’à l’origine, il était venu pour voir sa mère la mettre à la porte et ramasser les morceaux. Basiquement, il avait tenu à venir pour l’épauler. Daphnée avait trouvé cela très sympathique de sa part, bien qu’un peu maladroit. C’était assez amusant de voir qu’un type aussi spécialisé dans l’art de faire souffrir les autres ait autant de mal à exprimer des sentiments positifs.

Elle avait donc pu passer Thanksgiving et Noël avec son frère et sa mère, courtoisie de Nygma, mais pour le diner du Nouvel An il avait expressément tenu à ce qu’elle l’accompagne. Parce que le diner du Nouvel An était une des rares occasions où toute la Galerie des Vilains de Gotham se réunissait pour faire la fête. Alors en sachant que cette année le diner était tenu chez le Joker en personne, il risquait effectivement d’avoir besoin d’aide. Evidemment, ils y allaient tous en tenue normale, pas de costume ce soir là. Mais comme ils étaient parfaitement incapables s’amuser sans faire exploser quoi que ce soit, tout le monde emportait un sac avec son matériel et une tenue de rechange.

Daphnée fronça une dernière fois les sourcils devant ses cheveux en rébellion et mit une robe courte imitant une peau de léopard des neige par-dessus des collants noirs en laine et, exceptionnellement, mit une paire de bottes à talons. Après plusieurs tentatives infructueuses de mettre de l’ordre dans sa crinière elle décida d’abandonner et se fit simplement une queue de cheval avant d’aller retrouver Nygma. En chemin, elle failli marcher sur la bestiole reptilienne de son employeur, encore une fois échappée de son vivarium. S’il ne le récompensait pas à chaque fois qu’il parvenait à sortir aussi…  Elle leva les yeux au ciel et frappa à la porte de la diva.

« Eddie, tu es prêt ?

Il sorti cinq minutes plus tard, dans un somptueux costume vert bouteille et elle ne put s’empêcher de faire une remarque.

- Pourquoi est-ce que tu te fais une manucure si tu gardes toujours des gants ?

Il fit un sourire en coin et agita sa cane, ornée de petites émeraudes, sous son nez.

- Pourquoi mets-tu des talons en sachant que c’est de mauvais goût sur une femme de ta taille ? »

Elle leva les yeux au ciel. Il disait juste ça parce qu’elle était plus grande que lui avec des talons. Ils pressèrent le pas jusqu’à la petite voiture de collection de Nygma, que Daphné avait surnommée en riant la « RiddleMobile ». Bon, la petite Mini verte émeraude aurait eu beaucoup de mal à égaler la légendaire Batmobile, mais elle avait une plaque minéralogique avec des points d’interrogations dessus. Ca devait compter pour quelque chose.

Le Sphinx les guida à travers les quartiers les plus dangereux de Gotham avec aisance, ayant probablement emprunté ce chemin là un million de fois auparavant. Ils finirent par se garer derrière une usine de jouets aux cotés d’autres voitures assez … particulières. Il était facile d’attribuer une voiture à chaque propriétaire. Nygma lui présenta son bras à la manière d’un gentleman et elle le prit en souriant.

« Voudrais-tu un dernier conseil avant d’entrer dans le colisée ?

Elle haussa les épaules alors qu’ils arrivaient devant la porte.

-Oui, pourquoi pas.

- Ne parle pas de Batman.

Elle allait répliquer qu’elle ne l’aurait pas fait de toute façon, quand la porte s’ouvrit sur une jeune femme blonde portant une robe rouge et du maquillage de Clown. Elle se jeta sur Nygma pour lui faire un câlin.

-Eddie ! C’est troooop génial que t’aies pu venir ! Presque toute la famille est là ! Ohhhh ! Et t’as ramené la nouvelle aussi !

Elle les tira à l’intérieur avec une force que Daphnée n’aurait pas soupçonné et claqua la porte avant de la regarder dans tous les sens. Elle tenta d’appeler Edward à l’aide, mais celui-ci s’était promptement éclipsé en lui faisant un clin d’œil. Lâcheur.

-Tu t’appelles comment toi ? Demanda-t-elle avec l’énergie d’un chiot hyperactif.

- Em, Seshat.

Elle secoua sa main, comme pour chasser une mouche.

- Ca on sait, je parle de ton VRAI nom. Moi c’est Harley !

Elle fut un peu surprise, mais répondit tout de même pendant qu’Harley la traînait vers la salle. Pour la petite amie psychotique du prince clown du crime elle était très sympathique.

- Daphnée, ravie de te…

-Comme la rousse dans Scooby-Doo ?

Elle éclata de rire et hocha la tête. C’était plutôt à cause de la chasseresse changée en laurier mais elle n’allait pas chipoter. Harley lui fourra un verre de punch dans la main et se mit à lui pointer du doigt tous les invités tout en mangeant des chips.

-… et cha ch’est Harvey, là ch’est le Professeur Crane qui arrive -Coucou Doc !- il est touchours en retard. Oh et là ch’est Pammie ! Viens il faut que che vous préchente !

-Hoa !

Harley ne lui laissa pas le temps de poser son verre, qui tomba sur le sol, et la traina à sa suite vers une rousse plantureuse à la peau verte, nonchalamment appuyée contre un mur. Son regard se posa sur Harley et sa grimace de dégout se transforma en demi-sourire. Harley se jeta sur elle pour lui faire un câlin avant de pousser Daphnée devant elle.

- Ca c’est Daphnée ! Comme la fille dans Scooby Doo ! C’est la nouvelle copine d’Eddie !

Elle lui jeta un regard gêné, ne sachant pas dans quel sens elle comprenait « copine ». Poison Ivy lui lança un regard dédaigneux.

-Ah oui, les informations ont rapporté votre …ah … idylle.

De quoi ?

- Ouiiii ! Comme moi et Monsieur J ! Oh je m’en souviens comme…

- WOW ! Temps mort !

Elle se tourna vers Poison Ivy, un peu paniquée.

- Quelle idylle ?

La biologiste haussa un sourcil, visiblement surprise.

- Les médias ont rapporté qu’il t’avait kidnappée lors d’un hold up, que tu étais tombée amoureuse de lui et que c’est pour cela que tu l’aide désormais.

Elle lui jeta un regard horrifié. Tout Gotham pensait ça ?

- Mais c’est n’importe quoi ! Je me suis engagée pour le fun !

- Vraiment ? Fit Harley, déçue. T’es pas amoureuse d’Eddie ?

-Non !

- Mais c’est un type bien ! Vous allez bien ensemble !

- Non, non, non, crois moi je vis avec et il peut être très chiant. Et il passe plus de temps que moi dans la salle de bain !

Elle passa la prochaine heure à défendre ses arguments comme quoi elle préférait largement rester célibataire et que non, vraiment, elle ne voulait pas sortir avec Nygma. S’il avait « besoin d’amour » il y avait plein de femmes payées pour ça. Puis lorsque vint le décompte de la nouvelle année, Harley alla se jeter sur le Joker, mais pas avant de l’avoir mise juste à côté de Nygma. Elle le regarda de haut en bas, le visage un peu rouge à cause de tout le punch qu’il avait bu… et préféra se pencher pour faire la bise au Chapelier Fou. Il accepta gracieusement et lui fit un baisemain en retour, l’appelant « Votre Majesté ». Elle fut un peu surprise mais haussa les épaules et prit un autre verre. Du moment qu’il ne l’appelait pas Alice.

………..

Une autre explosion retentit, accompagnée du rire psychotique du joker. Elle leva les yeux au ciel en se disant qu’elle avait bien fait de ne pas trop boire. A peu près le moment où Harley était devenue complètement ivre, le Joker et Scarface avaient déclaré qu’il ne pouvait pas y avoir un nouvel an sans une bonne dose de feu d’artifices. Raison pour laquelle ils étaient désormais en tenue sur le toit d’un gratte ciel, admirant les explosions causées par les hommes de mains des deux compétiteurs. Cobblepot avait réussi à s’éclipser, tout comme l’épouvantail, le chapelier fou et Killer croc, tandis qu’Harley avait voulu suivre son « poussin » soutenue par une Poison Ivy faisant la gueule, Double Face et, au grand malheur de Seshat, Eddie. Ledit vilain était actuellement plus ivre qu’une barrique et divaguait à propos de chats, de boites, de photons et d’une bouteille de ketchup. Néanmoins, il refusait catégoriquement de rentrer.

« Il a l’air fin l’homme le plus brillant de Gotham » elle râla en flanchant sous son poids.

Poison Ivy lui jeta un regard compatissant en empêchant Harley de tomber par-dessus la rambarde. Le genre de regard signifiant « Je comprends ta douleur ma sœur ». Elle sursauta et gifla sèchement la main qui s’était aventurée vers son derrière. La prochaine fois, elle ne lui demanderait pas son avis et le trainerait jusqu’à la cachette. Elle attendit encore plusieurs minutes, comptant encore et encore jusqu’à dix pour se calmer. Ce qui était plutôt dur quand, dans un effort joint, le Joker et Scarface faisaient exploser la tour Wayne et  que Nygma semblait très déterminé à la tripoter en l’appelant « Query ». Perdant patience, elle le tira à sa suite vers la porte menant aux escaliers de secours. Il pouvait râler autant qu’il le voulait, cette fois elle en avait assez vu. Elle venait de poser sa main sur la poignée lorsqu’une grosse voix caverneuse retentit derrière eux.

« La fête est finie »

Imposant, menaçant et actuellement terrifiant Seshat, Batman se tenait désormais au milieu du toit. Il fallut moins d’une seconde aux vilains pour réagir. Le Joker lui fourra Harley entre les pattes, Double-Face jeta sa pièce en l’air, Wesker déclencha son fusil automatique et Seshat… Seshat  jeta une grenade dans le tas, finit d’ouvrir la porte et s’enfuit en traînant Eddie. Pour sa défense, Daphnée était une jeune femme se pensant relativement saine et n’appréciait pas DU TOUT devoir affronter un homme plus fort, plus expérimenté et plus intelligent qui allait à coup sur la réduire en miettes.  Elle courut comme une dératée à travers les escaliers, portant son employeur comme un sac de pommes de terre. Elle arriva à la mini à bout de souffle, ne croyant pas sa chance. Elle jeta le Sphinx à l’arrière et démarra sur les chapeaux de roue. Au bout de quelques virages serrés, l’homme en costume vert fini par reprendre ses esprits.

« Ohhh… Ca s’est fini avec Batman ?

Elle lui jeta un regard noir. Il hocha la tête avant de la mettre entre ses mains. Daphnée en profita pour râler.

- C’est quand même épatant ! Tu savais que quelque chose allait se passer, qu’on allait avoir des problèmes plein de cul et qu’est-ce que tu fais ? Tu te torches la gueule ! Non vraiment MERDE !

Alors qu’elle s’était retourné l’espace d’un instant pour enfoncer le clou, la batmobile était apparue en face d’eux. Les chances de survie de la toute petite voiture face au tank noir en cas de collision étant trop basses pour être considérées, Daphnée dut projeter la voiture à droite, en plein dans un immeuble. Elle sortit à toute vitesse du véhicule et commença à bander son arc, encore groggy. Lorsqu’elle reconnut la silhouette du chevalier noir, elle commença à tirer, n’utilisant rien de moins puissant que les flèches explosives. Elle évita un batarang de peu, mais quand elle entendit un bruit sourd au niveau de sa cuisse, elle se rendit compte qu’il n’avait pas raté sa cible. Il avait brisé toutes ses flèches. Elle haussa les épaules.

- Autre temps, autres mœurs !

Elle sortit ses deux pistolets et appuya sur les gâchettes, mais à son grand malheur, si Batman n’avait pas l’habitude d’éviter des flèches, il avait beaucoup d’expérience pour ce qui était d’éviter les balles. Lorsque ses dernières munitions approchèrent, elle dut faire une décision rapide en évitant un batarang. Elle pria, ou négocia c’est selon, pour que son plan marche puis tira une balle sur une bouche d’incendie abimée par la voiture, une autre sur un câble électrique et commença à courir.

Lorsqu’elle entendit le bruit typique d’une électrocution derrière elle, elle se dit que le temps qu’il s’en remette, elle aurait pas mal d’avance.

Faux.

Il atterrit juste devant elle, encore grésillant. Si être électrocuté ne le ralentissait même pas, alors oui, elle pouvait paniquer.

- Mais t’es increvable !

Sans répondre, il décocha un coup de pied vers sa tête. Elle se plia en deux et, après avoir posé ses mains sur le sol, envoya ses deux pieds dans la figure du héros. Puis, sachant que son avantage ne durerait pas, elle sauta sur le mur pour se propulser et lui mit un violent crochet du droit dans la mâchoire. Alors qu’elle se rétablissait, il l’attrapa par le chignon et encastra sa tête dans le mur. Puis, quand elle était encore dans les vapes, il lui fit une clé de bras et sortit ses menottes.

- Me touche pas sale con ! »

Seshat, poussée par l’adrénaline, se débattit furieusement, tant et si bien qu’elle enfonça son talon dans son genou, se déboita l’épaule et se retourna pour lui mordre la joue. Probablement habitué, il se contenta de lui donner un bon coup de doigt à la base du cou.

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« Ooouchh…

Elle avait l’impression d’être un bleu géant, que certains points de son corps s’étaient transformés en îlots de douleur intense. Elle tenta d’ouvrir les yeux, mais un seul obéit.  Elle se releva de quelques centimètres, mais eut  la nausée et dut reposer sa tête… où elle était avant. Elle cligna des yeux une dizaine de fois avant de pouvoir comprendre où elle était. Elle se trouvait dans un fourgon de police, entourée de Poison Ivy, Harley Quinn et Double-Face, tous menottés, assommés et couverts de bleu. Par élimination elle détermina qu’elle devait être sur son employeur. Elle qui espérait qu’il la ferait échapper.

- Eddie ?

- Oui ?

Elle fut un peu surprise par sa voix. On aurait dit le râle d’une tortue de mer en train de cramer sur la plage. Elle se tourna précautionneusement pour le voir. Il avait une marque de main rouge sur son cou, une bosse de la taille d’un œuf sur la tête, était complètement trempé et frissonnait. Lentement, elle se lova contre lui pour qu’ils partagent leur chaleur, parce qu’elle était gelée elle aussi. Il passa ses bras menottés au dessus de sa tête et la serra contre son torse. Ils restèrent silencieux quelques minutes, économisant leurs forces. Puis, n’y tenant plus, Daphnée lui demanda :

- On va à Arkham ?

Il hocha la tête contre son épaule et l’angoisse tordit l’estomac de la jeune femme.