Chapeau melon et bottes de cuir
Daphnée s’étira lentement, profondément, jusqu’à faire craquer ses os, puis se rallongea sur le sable chaud pour se prélasser au soleil.
Oh ça c’était la belle vie.
Elle vit du coin de l’œil son employeur sourire en complétant une énième grille de mots croisés. Bon, ça serait la belle vie si elle n’avait pas eu à l’emmener. Mais c’était lui qui payait alors elle ne pouvait pas râler.
Qu’est-ce qu’ils faisaient au soleil en plein mois de février ? Simple, le Sphinx avait décidé qu’il faisait trop froid à Gotham pour lui et qu’ils reprendraient du poil de la bête en Australie. Il leur avait trouvé un hôtel immense avec plage privée et lui avait même fait plaisir en prenant des chambres séparées. Un instant elle avait cru qu’il avait prit le serpent avec eux, mais apparemment le climat était trop sec pour la limace. Cela ne faisait que cinq jours qu’ils étaient là et pourtant l’Australie commençait vraiment à être son pays préféré. Il faisait chaud, l’océan était à excellente température, personne n’avait jamais entendu parler du Sphinx ou de Seshat ici, le topless était autorisé.
Et il n’y avait pas le MOINDRE super héro à l’horizon. Comme si le phénomène métahumain avait totalement épargné l’Australie. Ou alors tous les métahumains qui faisaient du grabuge était envoyés aux Etats Unis ? Ca expliquerait beaucoup de choses.
Pas très subtilement, le Sphinx épiait une femme doté d’une poitrine impressionnante par-dessus son livre.
« Tu devrais faire des trous pour les yeux dans ton livre ça serait encore plus discret.
Il se retourna vers elle et sourit avant de relever un peu son chapeau de mafieux. Avec sa chemise et son bermuda il était la personne la plus habillée de la plage. Selon Daphnée, c’était pour cacher les tatouages qu’il s’était fait pour accompagner les points d’interrogation sur ses doigts. Elle était curieuse de voir ce que ces tatouages pouvaient bien être pour qu’il ait tant envie de les cacher.
Sa théorie ? Le Joker l’avait fait se tatouer « I love Bruce Wayne » quelque part dans un moment d’ivresse.
- Jalouse ?
Elle leva les yeux au ciel.
- Non j’essaie juste de t’éviter de te prendre une main dans la figure. Tu sais comme avec Sélina, Harley, Paméla …
Il posa son livre à côté de lui avant le déverser de l’écran total froid dans le bas de son dos. La différence de température la fit couiner.
- C’est sur ta tête que ça se met tu sais ?
Il haussa les épaules avec un sourire en coin.
- J’essaie juste de t’éviter de prendre une insolation pour accompagner ton problème de gangrène.
Elle grogna qu’elle n’avait pas la gangrène mais des tâches de rousseur en essayant d’étaler l’écran total avec le dos de sa main. Elle se demandait tout de même pourquoi il était venu en Australie. Il ne se mettait pas au soleil, n’allait pas se baigner, quand elle l’avait traîné en discothèque il avait passé la soirée à faire des mots croisés en enchaînant les verres. Ca encore ça avait été plutôt drôle, surtout quand elle l’avait rejoint et qu’ils avaient rempli les cases en mettant n’importe quoi après une bouteille et demie. Le barman avait du leur appeler un taxi vers quatre heures du matin, parce que sinon Seshat ne voyait pas trop comment ils auraient pu rentrer.
Mais tout de même elle commençait à avoir des doutes sur ses raisons pour prendre des vacances. Parce qu’à part mater il n’avait pas fait grand-chose de spécial.
Elle s’assit en tailleurs et le fixa. Au bout de dix minutes, comme il ne craquait toujours pas pour lui demander d’arrêter, elle se laissa tomber sur son livre. Il sursauta avant de hausser un sourcil.
- As-tu une raison particulière pour vouloir m’empêcher de faire mes mots croisés ?
- Pourquoi on est là ?
Il se tapota le menton une seconde.
-Hmm, il me semble que nous sommes ici en vacances.
Elle se redressa et croisa les bras.
- Alors pourquoi t’es toujours aussi…
Elle chercha désespérément un terme pour exprimer ça. « Coincé » pourrait marcher, « anal » aussi mais aucun des deux n’était diplomatique. C’était même plutôt insultant. Et insulter un malade mental avec des tendances sociopathes n’était jamais une bonne idée. Alors que son cerveau commençait à fumer, Nygma soupira.
- A la fin de la semaine nous irons voler un livre à la bibliothèque de Southport.
Elle pencha la tête sur le côté. Pourquoi voler un livre ? Habituellement ils ne volaient que les objets dont les propriétaires refusaient de se séparer. S’il voulait un livre il lui suffisait de l’acheter.
- Quoi comme livre ?
Il s’allongea et rabattit son chapeau sur ses yeux pour les protéger du soleil.
- Je ne sais pas encore. Il a été offert à la ville par un magicien et personne n’a pu l’ouvrir depuis. Oh j’ai quelques soupçons bien sur, mais rien que je ne puisse concrétiser pour le moment.
Elle réfléchit un instant pour essayer de se souvenir de quelques noms de magiciens mais à part Houdini, David Coppperfield et Zatanna aucun nom ne lui vint à l’esprit.
Elle s’allongea à côté de lui et le poussa un peu.
- Il était à quel magicien ce livre ?
- Je ne sais pas. C’est très difficile de savoir avec les sorts de dissimulation, ceux qui peuvent sauter d’une dimension à l’autre à loisir et je ne te parle même pas de Merlin.
-Pourquoi qu’est-ce qu’il a de spécial ? En fin à part que…
- A part que c’est un demi démon légendaire qui a vécu à travers toute l’histoire et que chaque sorcier s’est fait passer pour lui à un moment de sa carrière ?
Elle se frotta l’arrière de la tête, un peu gênée. Bon d’accord c’était idiot comme question.
- Je ne pensais pas que tu croirais à ces trucs là.
- Daphnée je suis le plus grand expert en arts occultes de toute la côte Est.
Elle fronça les sourcils.
- Mais t’as pas de pouvoirs magiques. Si ?
Il se releva, très sérieux, puis sortit une carte de son chapeau et la lui tendit. Mais qu’est-ce qu’il pouvait bien faire avec un as dans son chapeau ? Elle la prit néanmoins, puis la lui rendit. D’un mouvement élégant il révéla un paquet de cartes entier. Il en fit apparaître un autre dans sa main droite à partir de rien. Puis il frappa les deux paquets l’un contre l’autre et Daphnée sursauta quand des étincelles en sortirent. Il les frappa l’un contre l’autre une dernière fois et ils explosèrent en un nuage de fumée. Elle applaudit, fascinée.
- T’es pas censé faire réapparaître la carte ?
Il claqua des doigts comme s’il avait oublié, posa son pouce et son index contre les lèvres de Daphnée et fit mine d’en sortir l’as de pique. Elle prit la carte, puis ses mains et les examina avant de lui faire un sourire.
- Ce sont tes tatouages c’est ça ? Il y a des trucs dedans ?
Il haussa les épaules en s’allongeant.
- Je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler. »
Donc oui. Satisfaite d’avoir résolu le mystère elle partit s’occuper. Au bout de quelques heures, l’ennui la rattrapa de nouveau. La bande de volleyeurs était partie faire la fête, il n’y avait plus personne sur la plage, elle était trop vielle pour faire des châteaux de sable et elle préférait rester éloignée de l’eau après avoir fait connaissance avec un banc de méduses. Elle avait suffisamment de tâches sur le corps sans avoir besoin d’aller dire coucou aux bestioles encore en plus. Elle alla voir son employeur pour l’embêter pendant qu’il faisait ses mots croisés, mais il était endormit sur le ventre.
Elle le regarda fixement.
Alors qu’elle était encore sa captive, Daphnée s’était jurée de se venger, bien qu’à l’époque elle ne savait ni quand ni comment elle allait se débrouiller. Mais là de suite, elle avait une bonne idée. Prenant un seau en plastique, elle partit en quête. Elle revint dix minutes plus tard, un sourire beaucoup trop maléfique pour être sain aux lèvres. Silencieusement elle s’assit à côté de lui, souleva sa chemise…
… Et déversa un seau rempli de crabes sur son dos.
Sa réaction fut encore plus magnifique qu’elle ne l’aurait espéré. Il se releva en sursaut, jeta sa chemise à terre et gesticula dans tous les sens pour déloger les crustacés sous les rires de Daphnée. Une fois le dernier à terre il la regarda furieusement.
Ah, il était peut être temps de bouger.
Il se jeta sur elle mais elle l’esquiva agilement, le laissant s’écraser par terre avant de s’enfuir, jetant un dernier crabe sur lui pour la route. Il la poursuivit pendant une bonne demi-heure mais malheureusement pour lui il ne possédait ni la force, ni l’endurance, ni la vitesse de Seshat et finit par s’arrêter, le souffle court. Quand elle s’approcha pour voir s’il avait finalement abandonné, elle manqua de se prendre un poing dans la figure. Elle attrapa son bras et utilisa son élan pour l’envoyer manger le sable. Encore.
Interprétant son manque de mouvements comme un signe d’abandon elle s’assit à côté de lui. Puis elle vit le fameux tatouage, qui finalement n’avait rien à voir avec Bruce Wayne, c’était juste des points d’interrogation autour de son nombril. Quelle déception. Elle les pointa du doigt.
« Sympa les tatouages. C’est pour cacher le mou ?
Tapote, tapote.
- Mon ventre n’est pas mou.
Il poussa la main de Daphnée mais elle utilisa l’autre.
- Ah si, il y a du mou là.
Tapote, tapote, tapote.
- Daphnée cesse de te conduire comme une enfant ! »
Elle l’ignora et continua de tapoter son ventre. Quand elle vit son air résigné, elle abandonna et s’appuya contre lui, sa main toujours sur son ventre. A l’instant, elle se sentait attirée par lui. C’était probablement le dépaysement, ou le fait qu’elle n’ait pas eut une relation stable depuis longtemps, mais le fait était là. Soudainement mal à l’aise, elle regarda autour d’eux. Voyant une bouteille à moitié pleine délaissée par ses amis les volleyeurs elle partit la chercher. Nygma la regarda étrangement.
« Qu’est-ce que c’est que ça ?
Elle hésita un instant avant de s’allonger à moitié sur lui. Bizarrement ça ne sembla pas le surprendre le moins du monde, ou alors il cachait bien son jeu.
- Aucune idée, l’étiquette est illisible. On se lance dans le bizarre ?
Par précaution il la laissa prendre la première gorgée, puis en pris une à son tour. Il pinça ses lèvres et fronça les sourcils en passant un bras autour d’elle.
- Il y a de la betterave.
Elle prit une autre gorgée. Allons bon, sur quoi ils étaient encore tombés ?
- De la pomme aussi. Et de la vodka. Ou du désinfectant ?
Dégoûté, il laissa la bouteille de côté et passa son deuxième bras autour son acolyte. Consciente que ça n’était pas la meilleure idée qu’elle ai jamais eu, elle déplaça ses jambes pour être allongée sur lui et embrassa doucement le long de sa mâchoire pour l’inciter à répondre. Il descendit une de ses mains pour caresser la cuisse de Daphnée, un air d’intense réflexion sur le visage.
- Est-ce que tu voudrais avoir des rapports sexuels avec moi Daphnée ?
Elle leva les yeux au ciel à cause de son langage. Bonne question tout de même. Elle passa un doigt le long de son cou en se demandant ce qui pouvait bien l’attirer chez lui. Il n’était pas du tout le genre d’homme qui lui plaisait d’ordinaire, il était même leur opposé. Peut être que c’était ça ? Mais ça ne serait pas très malin de sa part. Pas malin du tout même. A la réflexion, elle se dit qu’après toutes les bêtises qu’elle avait faite ces derniers mois, une de plus ne compterai pas tant que ça. Balançant la sagesse par la fenêtre, elle plaça ses jambes de chaque côté des hanches de Nygma et prit une dernière gorgée de la boisson mystère.
- Maintenant oui.
Au pire, elle blâmerait l’alcool.