Chapeau melon et bottes de cuir

Chapitre 10 : La croisée des chemins

2934 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:33

Elle avait blâmé l’alcool.

Enfin jusqu’à ce qu’il lui fasse remarquer qu’elle n’était pas ivre et qu’elle avait été parfaitement consciente de ce qu’elle faisait que ce soit sur la plage , de retour à l’hôtel ou sous la douche. Tout particulièrement le moment où elle avait gémi son nom en enfonçant ses ongles dans son dos. Il en avait gardé une marque. Néanmoins ils- enfin surtout elle- s’étaient mis d’accord sur le fait que ça ne devait pas se reproduire. Parce que déjà qu’ils vivaient et travaillaient ensemble, s’ils commençaient à coucher ensemble ça allait mal se finir. C’était probablement la première fois qu’elle avait été catégorique sur quelque chose et ça n’avait pas mis Nygma de bonne humeur. Le fait que le livre qu’ils devaient voler renfermait en fait des recettes de fromages n’avait rien arrangé.

Cela faisait maintenant deux mois qu’ils étaient de retour à Gotham, et les choses étaient enfin rentrées dans l’ordre si ce n’est pour la proposition ou remarque occasionnelle. Parce qu’évidemment il n’avait pas pu s’empêcher de parler de ses compétences au lit devant sa mère. Mais bon, du moment qu’il ne disait rien devant Alexander, elle pouvait faire avec.

Le premier avril au soir, alors qu’elle s’entraînait et qu’Eddie était encore Dieu-sait-où elle reçu un appel de Poison Ivy. Elle lui avait demandé si elle sortait avec Nygma, puis l’avait invitée chez elle pour remonter le moral de Harley quand elle avait répondu par la négative. Apparemment le Joker l’avait mise à la porte pour avoir oublié de mettre du pudding dans un haut de forme.

Elle ne chercha pas à comprendre.

De toute façon elle avait besoin de prendre l’air, ça faisait pratiquement un an maintenant qu’elle n’était allée nul part pour se détendre. Elle se changea en tenue normale tout en gardant son costume et son matériel avec elle, passa prendre de la bière et partit à la planque d’Ivy. Elle n’avait pas trop su à quoi s’attendre en y allant mais au final, c’était un peu comme quand elle remontait le moral de sa colocataire à la faculté. Elles regardaient des films romantiques en insultant les personnages, se gavaient de glace… A quelques différences près. Harley alternait entre traiter le Joker de tous les noms et essayer de l’appeler pour le supplier de la reprendre, le poste de télévision avait été assassiné au bout d’un film et demi et Poison Ivy proposait des plans pour mettre fin aux excentricités du Clown. Définitivement.

Mais ça n’était pas plus bizarre que son quotidien avec Nygma alors Seshat se sentit comme un poisson dans l’eau. Au point qu’elle fit à Harley une démonstration de ses dons d’otarie en posant des cacahuètes sur son nez avant de les attraper avec ses dents. Comme quoi les réflexes, ça peut servir à beaucoup de choses. Poison Ivy prit un air pensif.

« C’est assez étonnant, tu m’avais semblé plus sérieuse que ça pour le nouvel an.

Elle se contenta de hausser les épaules.

- J’étais juste plus intimidée. Je m’attendais à passer un genre de bizutage comme je suis plutôt nouvelle à ça.

Ivy fit un sourire en coin.

- Pas si nouvelle que ça. Si je ne me trompe pas tu as été la première partenaire.

-Moi j’avais parié que tu reviendrais !

Elle fronça les sourcils avant de comprendre. Oh. Maxie Zeus. C’est vrai que dans un sens elle avait été sa partenaire pendant un mois quand elle avait dix huit ans. Bon, c’était uniquement parce que le diadème fabriqué par le Chapelier fou l’empêchait de contrôler ses mouvements, mais elle avait tout de même eut un uniforme et un nom de scène. En quelque sorte. Et elle en était sortie traumatisée. Elle secoua la tête.

-J’allais pas retourner avec Maxie Zeus, je veux lui faire la peau. Pourquoi je voudrais rester avec un malade mental ?

Elles éclatèrent de rire. Ce qui est assez triste c’est que Daphnée ne se rendit pas immédiatement compte de l’énormité de ce qu’elle venait de dire. Parce que venant d’elle, qui avait mordu la moitié du staff d’Arkham et qui portait une muselière à l’asile, c’était vraiment l’hôpital qui se fout de la charité.

- Mais c’est diff…

-Ohhh Daffy, faudrait vraiment que tu viennes plus souvent ! »

Ca encore elle pouvait faire.

Elle ne retourna au QG de Nygma que le lendemain, ayant passé toute la nuit à rire avec Harley et Paméla. Ca ne lui était pas arrivé depuis un certain temps de pouvoir se lâcher à ce point, ça l’avait beaucoup détendue. Si elle faisait le coup de l’otarie devant Eddie, il y avait neuf chances sur dix qu’il finisse par s’interroger sur son intelligence. Et comme Daphnée aimait bien sa tête là où elle était, il valait mieux que Nygma ne se pose pas de questions à ce sujet là.

Elle ouvrit la porte tranquillement, la referma, fit quelques pas pour s’étaler sur le divan comme un cachalot. Elle cru avoir entendu un raclement de gorge, mais mit ça sur le compte de la fatigue. Le raclement de gorge revint. Elle releva la tête pour regarder autour d’elle, et vit Nygma bras croisés, sourcils froncés … Bref, arborant l’expression universelle du « C’est-à-cette-heure-ci-que-tu-rentre ? » que chaque adolescent a reçu au moins une fois dans sa vie. Daphnée le regarda bizarrement. 

« Salut ?

 Voyant son regard passer de « C’est-à-cette-heure-ci-que-tu-rentre ? » à « c’est-tout-ce-que-tu-as-à-dire ?» elle comprit qu’elle aurait peut être du trouver autre chose. A sa décharge, elle n’avait pas dit « euh ».

- Je suis foudroyé par tant d’éloquence Seshat, qu’as-tu donc fais pour que ton Q.I. descende de celui d’une mangouste à celui d’un bigorneau ?

Ah, de retour aux mollusques, elle qui pensait avoir fait tellement de chemin.

- Je suis sortie.

Elle n’avait pas spécialement envie de lui faire un compte rendu de la soirée, elle n’avait pas quinze ans et il avait déjà dit que tant qu’ils n’avaient rien de prévu ce qu’elle pouvait bien faire ne le concernait pas. Son regard noir s’intensifia encore d’un cran.

- Je ne suis pas un primate, je n’ai pas besoin que tu m’énonce de telles évidences et je t’ordonne de me répondre.

Elle s’assit correctement et croisa les bras à son tour. Le truc avec Seshat, ce que plus il lui ordonnait de faire des choses, moins elle avait envie d’obéir.

- Je croyais que tant qu’on n’avait pas de vol de prévu je pouvais faire ce que je veux ? En plus si tu voulais vraiment me contacter j’avais gardé mon portable exprès.

Ses doigts commencèrent à danser sur son coude. Mauvais signe.

- Je constate que ton cerveau n’est pas assez développé pour retenir ne serait-ce qu’un ersatz de tes activités nocturnes. Après tout tu ne serais pas suffisamment téméraire pour refuser de me répondre.

En deux phrases il avait insulté son intelligence, sa mémoire, son courage et ses mœurs. Nouveau record. Mais qu’est-ce qu’il avait au juste ?

- Mais pourquoi tu veux savoir ça ?

La réponse lui fut crachée au visage avec plus de venin qu’elle ne l’aurait imaginé.

- Je suis ton employeur petite idiote, tu dois me répondre quand je te pose une question, qu’elle que soit cette question.

- Eh ! Je suis ton employée, pas ta chienne j’ai le droit…

- Au contraire Seshat tu es ma chienne. Je t’ai donné un nom, je te donne un toit et à manger, quand je te donne un ordre tu l’exécute. Cependant ce soir tu t’es montrée particulièrement désobéissante, doit-on en revenir au collier électrifié ? »

 Elle le fixa, interdite. En sept mois il ne s’était jamais montré aussi mesquin et aussi furieux envers elle. Un instant, elle considéra lui dire où elle était passée. Mais repassant cette pensée et toutes leurs interactions dans sa tête elle se rendit compte avec horreur que ce qu’il disait était vrai. Un goût acide lui monta à la gorge et elle se rendit compte que c’était de la bile. Elle était devenue totalement dépendante de Nygma, c’est vrai. Elle obéissait à tous ses ordres sans grande résistance aussi. Bon elle râlait parfois mais elle finissait toujours par le faire.

Du coin de l’œil, elle vit son serpent pointer le bout de son nez. Ca lui faisait mal d’admettre qu’il lui donnait autant, voir moins à l’instant, de considération qu’on en donnerait à un animal de compagnie. Mais qu’est-ce qu’elle avait imaginé ? C’était le Sphinx ! Edward Nygma ! Taré extraordinaire et résident quasi permanent de l’asile d’Arkham, la seule personne qui lui était digne de respect c’était son reflet dans le miroir. Encore une fois, elle maudit l’horrible erreur de jugement qui l’avait conduite à coucher avec lui. Brûlante de honte, elle prit une inspiration longue et tremblante pour se calmer et se leva.

De son côté Nygma semblait prendre une satisfaction malsaine à voir qu’il avait fait mouche. C’est en le voyant sourire que Daphnée décida de se secouer les puces.

«  Tu sais, si tu es si intelligent que tu dis l’être, ça ne te dérangerais pas de répondre à une simple question ?

Son sourire s’élargit.

- Incapable de penser sans moi ?

Elle sourit à son tour, sans joie et amère, et se rapprocha de lui jusqu'à  sentir son souffle sur son visage et murmura moqueusement.

-Pourquoi personne ne veut de toi ? »

Le coup de poing qu’elle reçu la surpris tellement qu’elle ne pensa pas à l’éviter. Elle ne pensait pas que Nygma irait jusqu’à la frapper, il ne l’avait jamais fait. Non pas que ça lui avait fait extrêmement mal, mais elle perdit l’équilibre et du faire quelques pas en arrière. Sans vraiment être sûre pourquoi, elle sentit un creux se former au niveau de son abdomen en voyant le Sphinx passer ses mains tremblantes sur son visage. Il prit une longue inspiration à son tour avant de se relaxer. Il se détourna et partit vers son bureau.

« Va dans ta chambre, je t’y rejoindrais d’ici quelques minutes. »

Elle repensa à ce qu’il avait dit sur le collier électrifié.

Merci mais… non merci.

 Elle se rendit d’un pas vif dans sa chambre et ferma la porte à clé. Elle avait déjà rapporté son sac avec son matériel sous le bras, alors elle se contenta de sauter par la fenêtre. Elle n’avait rien qu’elle ne puisse regretter de perdre ici.

Dix minutes plus tard alors qu’elle était dans sa voiture, plus précisément celle qui était devenu sienne après un petit tour de magie, elle entendit son portable sonner et jura. C’est vrai qu’il pouvait la tracer comme ça. Elle fit une queue de poisson impressionnante pour s’arrêter près d’un sans abri, coupa le moteur et sortit de la voiture avant de répondre. Par précaution elle n’avait pas gardé le portable directement contre son oreille. En entendant le volume et les atrocités qui sortirent de l’engin, elle se dit qu’elle avait bien fait. Néanmoins elle parvint à comprendre que sa fuite l’avait mis de très mauvaise humeur, qu’il voulait qu’elle revienne et que ça allait être saignant quand elle reviendrait. Encore une fois : Non Merci. Elle lui coupa la parole en plein milieu de sa tirade sur son insubordination et imita sa mère.

« Désolé chéri, mais toi et moi c’est fini. Je garde mon matos, tu gardes le reste, bye bye !

Elle raccrocha avant qu’il ne puisse répondre et tendit le téléphone au sans abri avec un billet de vingt dollars.

- Le code pin c’est quatre, quatre, cinq, six. Bon vent. »

 Il la remercia alors qu’elle démarrait son moteur. S’il avait su qu’elle le lui avait donné parce qu’elle était certaine d’avoir un criminel fou furieux au fesses il n’aurait pas dit la même chose. Les deux premières heures, elle se contenta de mettre le plus de distance possible entre elle et Nygma. Ensuite elle commença à s’insulter. Puis vinrent les regrets, qui furent violement chassés. Au final, elle se retrouva devant chez Ivy avec une grimace piteuse sur le visage. La rousse fut assez surprise de la voir sur son pallié de porte, mais parut extatique quand elle lui dit qu’elle était partie de chez Le Sphinx, dans l’intention de ne jamais y retourner.

« Vraiment ? Plus de Nygma ? Plus d’énigmes idiotes ? Tu va travailler seule maintenant ?

Elle soupira. L’idée ne lui faisait pas plus plaisir que cela mais elle n’allait pas pouvoir faire autrement.

- Va bien falloir. J’y retournerais pas Ivy, pas après ça.

Elle pointa le bleu sur sa mâchoire, fatiguée. Pendant un instant, elle cru qu’Ivy allait faire la danse de la joie. Bien sur Harley essaya de lui faire comprendre que ça ce n’était rien, que quand elle se faisait jeter par la fenêtre c’était de sa faute pour ne pas avoir compris la blague, mais plus elle parlait et plus Daphnée se disait qu’elle avait prit la bonne décision.

 

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