Vasto Lorde

Chapitre 11 : La soupe

5121 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:48

            Plus je m'approche du volcan, plus je sens l'excitation monter en moi. Au départ, je n'avais pas compris ce qu'Herb voulait me dire. Il s'était contenté de regarder la position des deux lunes qui éclairent le ciel de ce monde creux avant de me dire que la soupe serait bientôt prête. Pourquoi m'a-t'il parlé de soupe alors qu'il est évident que je ne risque pas de trouver une cuisine dans cet éternel désert ? Je n'en ai aucune idée. Herb s'est limité à ces mystérieuses paroles, me disant que j'allais bientôt les comprendre, avant de m'indiquer une direction à prendre. Il a néanmoins pris soin de me dire que, pour trouver mon chemin, il me suffirait de suivre les autres hollows.

            Et il avait raison : je les ai senti se désintéresser les uns après les autres des points d'eau pour suivre une seule et même voie. Bien que ma transformation m'ait rendu plus sensible au magnétisme de ce monde ainsi qu'à différentes autres choses que les animaux peuvent sentir mais pas les humains, je suis toujours dans l'incapacité à expliquer cette migration et étudier les hollows ne m'apprend pas grand chose. Ces derniers semblent avoir en effet cessé de se battre entre eux le temps d'accomplir ce voyage même s’il y a toujours quelques déviants qui continuent de s'en prendre aux autres sans que personne n'interviennent.

            Lorsqu'Herb m'a dit vers où je devais partir, j'en ai profité pour tester ma force. Ma capacité de régénération guérissait lentement mes blessures et l'air chargé du Hueco Mundo me redonnait de l'énergie. Néanmoins, j'en voulais plus et vite. Mon voyage m'a finalement conduit vers un groupe composé de trois hollows ressemblants à des chiens sauvages. Leur force, ainsi que leur intelligence, était inférieur à la mienne. J'ai senti leur puissance de très loin et pour ce qui est de leur bêtise, je l'ai réalisé lorsqu'ils m'ont attaqué au lieu de fuir.

            La meute dévorait une charogne quand je suis discrètement arrivé. J'ai d’abord tiré une bala qu'un des individus s'est prise en pleine tête, mourant sur le coup. Les deux autres ont alors regardé d'où cela provenait. Je suis alors sorti de ma cachette comme pour me présenter à eux, les hollows m'ont attaqué et je les ai massacrés. Mes pouvoirs sont devenus extraordinaires : j'arrivais à durcir ma peau pour empêcher les crocs de la pénétrer et j'avais suffisamment de forces pour leurs briser les os à chaque coups. J'ai ainsi pu me prouver à moi-même que je n'occupai plus du tout la même place dans la chaîne alimentaire que celle que j'avais lors de ma naissance.

            Mais revenons à la soupe. Je monte en haut d'une dune et vois alors un immense cratère au milieu duquel se trouve un volcan géant dans lequel des milliers de hollows entrent grâce à des galeries. Soudain, alors que je m'approche prudemment, j'aperçois à ma droite un groupe de hollows en train de discuter avec parmi eux... Devinez-qui ? Criquet ! Ce dernier s'adresse à un hollow ressemblant à un gros taureau.

- Sérieux, Illforte ? Tu feras ça ?

- T'as bien entendu, Criquet ! Dès que je serais devenu un Gillian, j'arracherais ma robe ! T'es pas de cet avis Tesla ?

            Ses paroles étaient adressées à un hollow ressemblant à un énorme phacochère. Ce dernier, plus introverti que son partenaire, ne répondit rien. Content de retrouver mon camarade, je m'approchai d'eux.

- Ah ! Mais pourquoi est-ce que je continue de te parler ? Toi et l'ambition, ça fait deux. T'es juste un faible qui se contente de suivre le plus fort. Hein ? Mais... C'est qui celui-là ?

            Criquet ne m'a pas remarqué parce que je suis dans son dos. Ses potes, face à moi, me sont inférieurs en taille et en puissance, ce qui fait qu’ils reculent en me voyant. Je me penche alors vers le petit hollow que je voulais aborder et ce dernier se pétrifie en me voyant.

- Bonjour Criquet.

- B-bab-bonjour...

- Tu ne te souviens pas de moi ?

- Euh non... Mais tu sais, c'est pas contre toi. Je vois tellement de gens que...

- Et tu aurais oublié quelqu'un qui aurait ma taille et mon physique ?

- Ah euh... Oui. Excuse-moi. Mais si on repartait à zéro ? On se représente et...

- Il faut dire que j'ai pas mal changé depuis que nous nous sommes aventurés sur le territoire de Yammy.

- Sur le... Non... C'est toi ?!

- Oui.

            Criquet m'a enfin reconnu. Il semble ravi.

- Mais c'est trop génial ! Hey, les gars ! Ce mec c'est mon...

            Ils sont déjà partis.

- Oh, les poules mouillées...

- Criquet, c'est la première fois que je viens ici. Tu m'accompagnes ?

- Encore un voyage dans les galeries ? Mon dieu, mais c'est que ça commence à devenir une habitude !

            Mon ami insecte bondit sur mon épaule. Je le trouvais déjà petit avant, quand je ne mesurais que trois mètres, mais maintenant que j'en mesure quinze, mon pote me parait vraiment minuscule.

- J'ai regardé ton escapade par le point d'eau où tu m'as laissé. Par contre je me suis arrêté quand Ograne était acculé, ce qui fait que je ne t'ai pas vu évoluer.

- Je comprends.

            Je m'approche du volcan, me frayant lentement un passage dans la foule, et vois que même si la plupart des hollows veulent entrer, il y en a quelques uns qui ne tentent pas leur chance et se résolvent à rester à l'extérieur. D'autres font carrément demi-tour.

- Ca, mon pote, c'est la preuve qu'il y en a qui ont compris que la soupe, c'était pas pour la piétaille mais pour les plus forts, aussi bien physiquement que mentalement.

            Je lui réponds en riant.

- Yammy serait devenu aussi grand en buvant trop de soupe ?

- Tu ris mais c'est vraiment la rumeur qui circule à son sujet.

- Ah ?

            Il aura fallu que je meure une première fois pour apprendre d'où venait l'insulte "gros plein de soupe".

- D'ailleurs maintenant qu'on en parle, j'ai une nouvelle qui devrait te faire tomber : Yammy est porté disparu !

- Quoi ?!

            Je le regarde, incrédule. Yammy, le hollow géant dont le nom faisait trembler tout le Hueco Mundo était porté disparu.

- Tu me fais marcher ?

- Non, je suis sérieux : Il ne reste plus rien de Yammy si ce n'est une gigantesque trace de sang.

- Il s'est fait bouffer ?

- Non. Consommer sa carcasse aurait pris une éternité. Yammy a disparu du jour au lendemain sans laisser d'indice.

- Et il n'aurait pas pu sortir ?

- Non, il aurait détruit le tunnel. Hors, il était intacte !

- Mon dieu... Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer ?

            Les hollows qui me remarquent s'écartent pour me laisser passer. Ils me respectent ! Les Huge Hollows comme moi sont bien plus rares que les hollows de basses extractions comme eux. J'entre finalement dans l'une des galeries (ces dernières se révèlent être de véritables labyrinthes) où ma grande taille complique les croisements avec les autres hollows, et sens une intense excitation me gagner et croitre à chacun de mes pas. Je me mets à baver de manière frénétique et me sens dans le besoin d'aller plus vite mais me retiens car Criquet se cramponne à mes cheveux.

- Même si je viens à chaque fois, l'excitation que provoque cet évènement manque toujours de m'écraser.

            Pour une fois, la petite taille de mon acolyte n'est pas un avantage. Quant à moi, je suis à deux doigts de perdre la tête. J'arrive au bout de la galerie et trouve une espèce de canyon. Le volcan est comme un stade avec des gradins étaler sur de nombreux étages et où un public composé de hollows fait la fête avec, à l’endroit où est censée se trouver la pelouse, un immense bassin contenant une eau verdâtre produisant des geysers et dont on sent la chaleur de là où je suis (et je suis au douzième "étage").

- C'est...

- Oui, c'est la soupe. Mais elle n'est pas encore tout à fait prête. Profite de la fête !

            En effet : je suis en transe ! Je sens toute cette énergie et toute cette excitation en moi et ai à tout prix besoin de l'évacuer. Je me déplace et fait comme les autres hollows : je saute, cris, tape le sol et les murs... Oui, c'est une fête et cela fait très longtemps que je ne suis pas retourné à une fête ! Je vois des hollows à l'apparence plus féminine danser sur des rochers et profiter des jets de vapeurs provoquées par la soupe ou évacuées à travers les failles dans la roche. Les hollows crient de joie et laissent exploser leur côté animal. Je ne fais pas exception à la règle.

            Il y a aussi des instruments : des restes de peaux et de squelettes font de parfaits instruments de musiques pour les plus intelligents. Quelques côtes et deux os font un excellent xylophone. Une peau tendu entre deux os et on obtient un tam-tam ou du moins quelque chose qui s'en approche. Néanmoins, il n'y a pas vraiment de musique. Les hollows se contentent de faire un maximum de bruit en tentant de trouver une forme de rythme.

            Je participe à la fête et sens ma conscience s’endormir : je suis comme connecté à tous les autres. Un immense craquement provoque soudain un moment de silence, accompagné d'un gargouillis provenant du bassin. C'est alors qu'une explosion a lieu au "rez-de-chaussée" et un énorme hollow, probablement un adjuchas, fait une entrée fracassante. Il ressemble à un immense sorcier, du genre ceux des tribus des premiers hommes, c’est-à-dire couvert de peintures et vêtu d'une cape à capuche en fourrure. A peine est-il apparu qu'il est déjà acclamé avec joie et admiration par la foule de hollows se trouvant dans les gradins. C'est alors qu'il sourit de toutes ses (très) nombreuses dents et s'adresse à son public.

- Alors, bande de gros sacs à merde, vous vous amusez-bien ?!

            Un hurlement commun de plaisir lui sert de réponse. Criquet m'informe que ce hollow, qui est bien un adjuchas, se nomme Moghur et que c'est lui le "grand manitou" (le roi de la fête, quoi). Ce dernier reprend son discours.

- La soupe sera bientôt prête...

            Il découpa sa phrase suivante en trois partie qu'il accompagna de gestes : il fit un bond vers sa gauche et rasa lentement l'horizon avec sa main droite, un bond vers l’autre côté et rasa l'horizon avec son autre main puis un bond pour revenir au milieu et, les paumes tournées l'une vers l'autre, les leva doucement vers le haut.

- Vous deviendrez plus gros, vous deviendrez plus grands, vous deviendrez plus fort !

            Acclamations de la foule.

- Ce soir vous assistez à la naissance des dieux ! Voulez-vous devenir des dieux ?

            Hurlements bestiaux de la part du public.

- Parfait ! Mais rappelez-vous : qu'aucun d'entre vous, bande d'animaux dégénérés, ne se lance sans oublier que sur bon nombre d'entre vous, un seul survivra !

            Moghur prit un bol, le plongea dans la soupe et le porta lentement à son visage en entonnant un chant. La foule se mit à répéter en cœur : « Bois la soupe, bois la soupe, bois ! Bois ! Bois la soupe, bois la soupe, bois ! Bois ! ». L’espèce de shaman huma la mixture et tourna sa main dans la fumée mais le breuvage ne toucha pas ses lèvres. Se calmant, il cria alors et tout le monde se tut.

- Taisez-vous !... C’est pour bientôt !... Joignez-vous à moi, maintenant.

            L’adjuchas se tint droit et, les yeux fermés et la tête levée vers le ciel, se mit à prier.

- Que les lunes s'alignent et nous montrent la voie. Que les nôtres s'unissent pour que cent hollows n'en fassent plus qu'un.

            Les hollows, les uns après les autres, se mirent à l'imiter. Je fus parmi les derniers à prier. Les prières n'étaient pas synchros mais cela n'avait pas d'importance. D'un coup d'œil, je vis que les lunes étaient sur le point d'être en parfait alignement. Criquet regardait aussi. Lorsque ce fut le cas, Moghur ouvrit ses yeux, qui brillaient à présent comme les lunes, et dit :

- La soupe est prête.

            Il se produisit alors plusieurs éruptions par-ci par-là dans le bassin mais la soupe semblait vraiment prête. Je m'exclamai :

- Super ! On va pouvoir la boire !

            C'est alors que Criquet me regarda avec un drôle d'air.

- Qu'est-ce qui te fait croire qu'on doit la boire ? Quand on disait à Moghur de le faire, c’était juste pour déconner.

- Mais alors qu’est-ce qu’on est censé faire sinon ?

            Moghur hurla :

- PLONGEZ !!!

            A ces mots, un hollow bondit de sa plateforme et sauta dans la soupe.

- Mais... Mais il est malade ! Pourquoi il...

- Plongez !

            Les autres hollows se mirent à leur tour à crier incessamment "Plonge ! Plonge ! Plonge ! Plonge ! Plonge ! Plonge !" et sautèrent les uns après les autres dans le bassin, ce que je trouvais très inquiétant parce que tous les hollows qui se jetaient dans la soupe coulaient et ne remontaient pas. La soupe était probablement plus brulante que jamais et trop opaque pour que l'on puisse voir au travers. Un hollow qui pénétrait la surface de la soupe disparaissait instantanément.

- C'est la première vague.

- Mon dieu, Criquet... Tu as vu ça ? Tous ces hollows qui se jettent d'eux même dans le bassin... Qu'est-ce qu'il advient d'eux ? Pourquoi est-ce que le premier n'est toujours pas remonté ?

- "Pourquoi est-ce qu'il n'est toujours pas remonté" ? Tu ne croyais tout de même pas qu'un seul hollow suffisait à créer un gillian ?

- Quoi ?

            De plus en plus de hollows se jetaient dans la soupe pendant que cette dernière commençait à lentement tourbillonner. Finalement, nous sentîmes tous quand la première vague fut achevée et eurent pour réflexe de reculer pour nous mettre à l'abri. La soupe s'était mise à changer de couleur et donnait l'impression d’être sur le point d’exploser. Finalement, lorsque nous fûmes tous écartés, la soupe provoqua une brève éruption et le calme retomba. Alors, les hollows se ruèrent vers le bord des plates formes pour regarder le bassin, ce que je fis aussi mais avec plus de retenue. La soupe semblait plus "calme" mais il y avait une ombre en dessous. Puis une deuxième, une troisième et enfin... Une main blanche géante en sortit et s'agrippa à la paroi du volcan, bientôt suivi de l'affreuse tête à laquelle elle appartenait. Je poussai un cri d'horreur.

- Quelle est cette chose monstrueuse ?!

- ça, mon pote, c'est un gillian. Et il y en a pleins d'autres qui arrivent.

            Criquet avait raison : de nombreux autres gillians sortirent progressivement du bassin en étant acclamés comme des dieux. Ces derniers avaient tous la même apparence : ils étaient minces, grands comme des tours, avaient la peau blanche et étaient vêtus de longues robes noires. Leurs doigts se terminaient par des ongles pointus et leurs masques blancs se limitaient à une bouche, une paire d'yeux et un long nez pointu. Tandis que les gillians escaladaient la paroi pour sortir du volcan par le cratère, les autres hollows exprimèrent leur joie. Ils criaient "Woho ! Woho !" en levant et abaissant les bras. Soudain, un des gillians ouvrit la bouche, en sortit une langue de crapaud (comme celle d'Herb) et embrocha un paquet de hollow qu'il emporta dans sa bouche et dévora devant tout le monde.

- Ah oui, ça arrive souvent.

            Je fus frappé par les apparences identiques des gillians. Très peu avaient des masques différents. Lorsque les derniers furent sortis, Moghur appela pour la seconde vague.

- Criquet... Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Un gillian est un hollow géant né de la fusion et de l'amalgame de centaines d'autres hollows. Il faut mélanger au moins cent hollows pour avoir un gillian. Néanmoins, ces créatures étant issues d'une importante fusion, ces dernières sont totalement dépourvues d'individualité. Par conséquent, les gillians ne possèdent pas la moindre intelligence et ne vivent animés que par leurs instincts les plus primaires. Ils sont néanmoins considérés comme des dieux grâce à leur taille qui leur fait pratiquement atteindre le ciel et par leur puissance largement supérieur à celle des autres hollows.

- D'accord.

- Néanmoins il se peut que lors de la fusion, un hollow plus fort ou plus intelligent se démarque et absorbe alors toute cette puissance, devenant ainsi le gillian créé et non un de ses ingrédients.

            Je me penche vers la soupe.

- Un de ses ingrédients ? Tu veux dire que...

- Oui : lorsque tu choisis de plonger, tu acceptes de mettre ton existence en jeu et après soit tu évolues, soit tu disparais.

- Alors ça veut dire que ce bassin a une autre signification... Ce n'est pas un aliment.

- Et non bizut. La vraie signification, c'est que lorsque tu as décidé de plonger... Tu n'es plus qu'un ingrédient dans la soupe !

            Je prends quelques minutes le temps de regarder d'autres hollows plonger.

- Je vois... Criquet ! Combien y a-t'il de vagues ?

- Trois. La dernière est la plus importante.

            Il est vrai que je sens maintenant plus d'intensité que pour la première vague.

- Ok. Et le cycle de la soupe se produit régulièrement ?

- Oui mais ça ne veut pas dire qu'il se produit souvent, bien au contraire.

- D'accord.

            Je reste spectateur pour la deuxième vague puis, finalement, lorsqu'arrive la fin de la troisième vague...

- Criquet… Je vais plonger.

- Houlà ! Alors je descends de ton épaule.

            Mon acolyte et moi nous séparons encore une fois.

- Te laisses pas impressionner, mon pote ! T'es un Huge Hollow ! Tu vaux dix hollows standards à toi tout seul !

            Je n'ai pas l'intention de reculer. Je veux devenir un Vasto Lorde et je passerais haut la main toutes les épreuves qui se trouveront sur ma route !

- Criquet ?

- Oui ?

- Tu sais comment on devient un adjuchas, après ?

- Un gillian doit arracher sa robe ou dévorer d'autres gillians jusqu'à ce qu'il évolue.

- Dans ce cas je me limiterais aux gillians sans individualité. Chacun mérite d'avoir sa chance.

            Puis je saute, poussé par les frénétiques "Plonge ! Plonge ! Plonge !" de la foule. Je fais une chute qui dure plusieurs secondes puis finis dans le bassin bouillant. Chose surprenante, une fois dans la soupe, je ne sens plus rien si ce n'est la chaleur. Mes doigts, mes pieds... C'est comme s'ils n'étaient plus là. C'est alors que je commence à entendre des voix : "tu n'es qu'un bon à rien !"; "Nous allons être parents !"; "Madame, je vous garanti que votre argent sera entre de bonnes mains !"; "Maman, papa, je peux aller jouer dehors ?"...

            C'est alors que je comprends : je me suis dissous ! Il ne reste plus que ma conscience et elle est en train de se mélanger avec celles des autres ! Je tente de rester concentré, mais je commence à me sentir pris dans un immense tourbillon, comme lors de ma naissance.

            "Je ne dois surtout pas me laisser submerger ! Il ne faut pas que je devienne une bête part d'une espèce de cadavre ambulant ! Je dois vivre ! Je VEUX vivre !"

            Je pousse un hurlement muet et me raccroche activement à mes souvenirs. Je me souviens de l'université, de moi regardant la ville à travers la fenêtre du monorail quand il passait à travers la jungle. Du jour où mon fils a ramené un chien à la maison. De celui où j'ai intégré un couvent. De... Bon sang ! Mais... Ce ne sont pas mes souvenirs ! Mes souvenirs et ceux des autres sont en train de se mélanger! Je ne parviens plus à distinguer mon identité de celle des autres ! La fatigue, la panique et ce milieu aussi étouffant qu'écrasant m'empêchent de retrouver l'équilibre. Je suis sur le point d'être submergé, comme écrasé, renversé par une vague d'une puissance inouïe ! Je me noie !

            Les souvenirs continuent d'affluer sans que je ne puisse les reconnaitre : ce terrible accident de charrette, le mec qui m'a tranché la gorge sous un pont, l'épidémie de la peste, le hollow mutilé au pelage blanc qui reste allongé sur son rocher... Eh mais ce souvenir, je le reconnais ! C'est Herb !

            Je m'accroche à ce souvenir. L'existence d'Herb et la protection qu'il m'a accordé, c'est quelque chose dont je suis sûr. Je dois vivre pour Herb ! Je dois retourner le voir et lui montrer que j'ai évolué ! Je veux qu'il me voie devenir un Vasto Lorde !

            Je me cramponne à ces souvenirs pendant de longues minutes puis finalement, je ne suis plus balloté mais sens un immense mal de tête. Soudain, j’ai l’impression de bruler ! Je tente de reprendre ma respiration, mais il n'y a que de l'eau ! Je me noie ! Il faut que je sorte d'ici !

            Je sors ma main hors du bassin, m'agrippe à quelque chose et sors en hurlant.

- Aaaaaah ! Haa... Haa...

- Le premier sorti a réussi !

            C'est une acclamation de Moghur. Les autres hollows crient à leur tour et m'acclament. Je m'accroche aux parois et commence à escalader. Il faut à tout prix que je sorte ! Il me faut respirer. M'éloigner d'ici et reprendre mon calme. D'autres Gillians sortent de l'eau, accompagnés des exclamations de Moghur.

- C'était la dernière vague mes amis ! Entamons la marche des gillians !

            Moghur donne l'exemple. Les hollows se raidissent, lèvent les bras, doigts écartés, paumes vers le bas et marchent en rythmes en faisant des grands pas. Ils vont à droite, puis à gauche, un pas à droite, un pas à gauche, puis ils recommencent. Moi, je monte et sors finalement du volcan par son cratère. Fatigué, j'avance lentement, rattrapé par les autres gillians. Ensemble, nous parcourons un bout de chemin, suivants les traces laissées par les précédents géants, puis je finis par quitter la troupe

            Qu'ils aillent au diable ! Moi, je dois d'abord passer ailleurs.

            Je vais montrer à mon vieux maître que j'ai réussi.

            Je vais voir celui à qui je dois la vie.

            Je vais voir Herb.

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