Vasto Lorde

Chapitre 16 : Le secret des vastos lordes

5827 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:15

   Cela m’aura pris du temps et obligé à faire un bel aller-retour aux Terres Brillantes mais je peux enfin retourner voir Hallibel et c’est à présent prudent mais déterminé que je pénètre sur son territoire. La zone est calme. Ce n’est qu’une simple aire de sable avec des rochers éparpillés un peu partout et, hormis Hallibel est ses trois filles qui dorment paisiblement dans leur nid, il n’y a aucun hollow à des kilomètres à la ronde.

   Criquet n’est pas avec moi. Je me suis rendu aux Terres Brillantes pour récupérer de quoi faire une offrande à Hallibel afin d’éviter toute violence inutile et Criquet m’a accompagné dans mon voyage. Néanmoins, souhaitant ne plus jamais avoir affaire à cette vasto lorde, il a préféré se réfugier dans un abri un peu plus loin d’ici et y attendre mon retour.

   J’avance calmement sans me faire repérer et me sers de mon sixième sens pour me guider. Je détecte ma cible grâce à cette forme de radar et trouve un énorme rocher creux par lequel il est possible d’entrer grâce à différents trous. Hallibel et les siennes sont installées dans cette sorte de maison et personne ne monte la garde. Préférant éviter une confrontation inutile, je m’assois en tailleur devant un des trous de sortie et dégage alors un petit peu plus d’énergie spirituelle.

   Retenir son énergie spirituelle est très utile lorsque l’on cherche à éviter de se faire repérer mais dans mon cas, c’est le contraire. Je veux qu’Hallibel se réveille et sorte s’entretenir avec moi. Je dégage donc un petit peu d’énergie afin qu’elle perçoive le changement et sorte vérifier car si j’en venais à trop en dégager, sa meute toute entière se réveillerait paniquée, mon intrusion serait considérée comme hostile et il me serait alors beaucoup plus difficile de dialoguer.

   Je continue de libérer mon énergie afin que la vasto lorde perçoive ma force tout en grognant pour la tirer de son sommeil. Je perçois finalement du mouvement et attends tranquillement que ma cible sorte de sa tanière. Une fois à l’extérieur, c’est avec un plaisir non partagé que je retrouve le hollow qui m’a poussé dans mes derniers retranchements.

- Bonjour Hallibel. Contente de me revoir ?

   Silence

- C’est une chaleureuse demeure que tu sembles tenir.

- Ne tourne pas autour du pot. Que me veux-tu ? Es-tu ici pour finir ce que nous avons commencé ?

- Non. Je ne suis pas venu pour me battre.

- Intéressant. Aurais-tu compris l’écart qui nous sépare, toi et moi ?

- J’ai juste compris que je manquais de préparation. Donc, je serais toi, j’éviterais de me provoquer car j’ai plus que jamais l’intention de me faire un collier avec tes tripes avant de t’arracher la tête et de m’en servir comme pendentif !

- Charmant projet.

- Néanmoins, je ne suis pas là pour ça. Du moins pas aujourd’hui. Je suis venu car je souhaiterais m’entretenir avec toi et, en gage de bonne foi, je t’offre ceci.

   J’ouvre mon poing et étale sur le sol des pierres lumineuses, brillants d’un magnifique éclat bleu clair.

- J’ai vite compris que la nourriture ne t’intéressait pas et ai laissé tomber l’idée de t’apporter une proie. J’ai donc opté pour un cadeau plus original, quelque chose qui puisse te plaire et, bien que cela m’ait contraint à parcourir une longue distance, je suis allé te chercher des pierres provenant des Terres Brillantes.

   Hallibel descend du rocher, s’approche des pierres, en saisit une et l’examine, émerveillée.

- Je dois reconnaître que ces pierres me plaisent beaucoup. Très bien, j’accepte ton cadeau. Pose-moi toutes les questions que tu souhaites, j’y répondrais.

- Dans ce cas, il y a quelque chose que je veux savoir. Hallibel, tu as atteint le niveau d’évolution ultime et c’est quelque chose que moi aussi, je souhaite accomplir. Malheureusement, le temps passe et j’ai beau chasser, mon corps refuse d’évoluer. Je veux savoir quel est le secret pour pouvoir moi-même devenir un vasto lorde.

   En entendant ma question, Hallibel ouvre de grands yeux écarquillés. Elle s’assoit alors en tailleur, comme moi, et me fixe droit dans les yeux.

- Tu souhaites évoluer en vasto lorde ?

- Exactement !

- Pourquoi ?

- Je te demande pardon ?

- Tu me demande comment évoluer. Je veux d’abord savoir pourquoi.

- Parce que c’est mon destin !

- Non, c’est quelque chose que tu as décidé.

- Oui mais c’est ce que je désir par-dessus tout ! Je souhaite devenir un vasto lorde depuis aussi longtemps que je me souvienne !

- Pourquoi ?

- Parce que les vasto lorde sont invincibles et légendaires et c’est ce que je veux !

- Pourquoi ? Qu’est-ce que cette évolution t’apportera de plus ?

- Je ne serais plus soumis à la loi du plus fort ! Je serais craint et respecté par tous ! Ma puissance et ma condition me mettront à l’abri de tout danger !

- Et après ?

- Et après quoi ?

- Qu’est-ce que tu feras une fois que tu auras évolué ?

- Je commencerais par aller me venger de Byakuya Kuchiki, le shinigami qui m’a autrefois fait mordre la poussière. Je lui ferais payer l’humiliation qu’il m’a infligé et lui rendrais ses coups au centuple !

- Et après ?

- J’irais trouver Barragan, le roi du Hueco Mundo, et lui prendrais son trône !

- Et après ?

- Et après quoi ? J’aurais tout ! Je serais invincible et il n’y aura plus rien que je ne puisse pas détruire !

- Lève-toi s’il te plait et regarde autour de toi.

- Qu’est-ce que tu racontes ?

- Fais-le.

   Obéissant à Hallibel, je me lève et fais lentement un tour sur moi-même en scrutant l’horizon avant de me rasseoir.

- Bon. Et alors ?

- Qu’y a-t-il à détruire ?

   Sa question me laissa sans voix.

- Barragan est aujourd’hui porté disparu. Son armée n’est plus et du temps où je l’ai connu, c’était un roi triste qui s’ennuyait, seul et doté d’une puissance aussi inutile qu’excessive. Il était malheureux et sa vie n’était qu’un éternel creux.

- Je ne te demande pas ton avis ! Dis-moi par quel moyen tu as fini par évoluer !

- Mais je n’ai jamais voulu évoluer.

- Pardon ?!

- J’étais autrefois une sorte de requin nageant sous le sable et surprenant ses proies. J’ai vécu une vie creuse pendant longtemps puis ai finalement évoluée sans savoir pourquoi. Je ne chassais pas plus que les autres et n’ai même jamais cherché à évoluer.

   Sa réponse me met hors de moi. Dégageant toute mon énergie spirituelle, je m’agenouille devant elle en hurlant. Hallibel reste dans un calme serein.

- Sale pétasse ! Tu crois que tu peux te payer ma tête ?! Comment as-tu évolué ?! Parle !

- Je te l’ai dit : mon évolution s’est faite de manière tout à fait spontanée.

- Tu mens ! TU MENS !!!

- Je n’ai rien à cacher. Je ne te dis que la stricte vérité.

- Ta gueule ! Tu ne m’auras pas avec tes sornettes !

   Je me lève et tends la main vers sa demeure en générant un celo.

- C’est ta dernière chance, Hallibel ! Dis-moi comment évoluer en vasto lorde autrement je détruis ta maison et tout ce qui s’y trouve.

- Il n’y a aucun secret. Cette évolution n’est pas quelque chose que l’on contrôle ou que l’on prévoit.

   Je refuse de la croire mais lorsque mon attaque est prête et qu’Hallibel ne bouge toujours pas, je comprends alors qu’elle n’est probablement pas en train de me mentir. J’annule donc mon celo, pose le genou à terre et retrouve mon calme.

- Hallibel, as-tu dévoré un capitaine shinigami ?

- Non.

- As-tu pris un bain trop long dans la soupe ?

- Non.

- Et combien de proies as-tu dévoré ?

- Peu.

- Alors comment t’as fait, bordel ?! Je bouffe encore, encore et encore et pourtant, je n’obtiens aucun résultat ! Je bouffe sans m’arrêter ! A peine ai-je terminé ma proie et assimilé son énergie spirituelle que je pars déjà m’en trouver une autre ! Je fais de l’exercice et m’applique à toujours chercher à tuer et pourtant, la situation n’évolue pas ! Toutes les solutions que j’ai pu entendre jusqu’à présent ne sont que des rumeurs ! Tu es le seul vasto lorde qu’il m’ait été donné de rencontrer, toi seule peux m’apporter les réponses dont j’ai besoin…

- Je vois que tu tiens vraiment à évoluer mais je regrette, je ne peux rien pour toi. Evoluer en vasto lorde, c’est comme trouver l’amour : tu y arrives ou tu n’y arrives pas. C’est certes injuste mais c’est quelque chose qui ne changera jamais : si tu n’évolues pas en vasto lorde, c’est tout simplement parce que tu n’es pas amené à le faire et ça, c’est quelque chose que tu ne peux pas changer. Cela ne dépend ni de toi ni de moi et tu m’en vois désolé mais si évoluer t’es impossible, il te faut alors l’accepter, en faire le deuil et passer à autre chose, autrement cela te laissera de terribles sentiments d’amertume et de regret.

- Pff !

   Agacé, je me lève et me retourne. Les filles d’Hallibel, réveillées et inquiétées par mon mouvement d’humeur, rejoignent leur maîtresse.

- Dame Hallibel…

- Tout va bien, les filles.

   Râlant, j’adresse quelques dernières paroles à Hallibel avant de partir.

- C’était visiblement une erreur de venir, j’aurais vraiment perdu mon temps. Garde les pierres qui brillent et ne recroise plus jamais ma route.

- Tu vas encore courir après ces chimères ?

- Chimère toi-même ! Tout ce que tu m’auras appris, c’est que si je veux réussir, je dois mettre les bouchées doubles. Je tuerais plus, bosserais plus… Je touche du doigt mon objectif et ce n’est pas quelqu’un d’inattentif dans ton genre qui va me faire changer d’avis.

- Comme tu veux.

   Puis, alors que je m’éloignais, Hallibel ajouta.

- Au fait, sache que quand tu manges, tu gagnes en puissance et tant que cela continue, c’est le signe que tu peux encore évoluer mais si jamais, passé un certain stade, tu ne sens plus ta force croitre alors c’est terminé. Peu importe le nombre de proies que tu ingurgites, cette limite ne bouge pas et si jamais tu l’atteins sans évoluer, cela veut dire que tu n’évolueras plus jamais.

   Je reste immobile quelque secondes puis, sans me retourner, lui fait un doigt d’honneur avant de m’en aller, définitivement.

   Un petit peu plus tard, je retrouve Criquet là où je l’ai laissé. Ce dernier est en train de faire de la musique en frottant ses pattes l’une contre l’autre, comme lors de notre première rencontre. Il s’interrompt pour me saluer.

- Salut mon pote. T’as eu ce que tu voulais ?

- Pas vraiment. Hallibel a refusé de me révéler ses secrets.

- En dépit de ton cadeau ?!

- Ouais. Sérieusement : elle prétend que l’évolution en Vasto Lorde ne se contrôle pas et que ni elle ni moi ne pouvons changer ça !

- Ah ?

   Criquet à l’air de prendre cela au sérieux alors que moi, je commence à rire.

- Et en plus, tu sais quoi ? Tu vas voir, c’est risible : elle prétend que tout hollow a une limite à sa puissance et que lorsqu’elle est atteinte sans entrainer d’évolution, cela veut dire que le hollow ne peut pas évoluer davantage. Tu te rends compte ? Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

   Cependant, alors que je ris, Criquet me fixe silencieusement avant de laisser échapper les paroles suivantes :

- C’est donc ton cas…

- Hein ?

   Je cesse de rire.

- Tu as parlé, Criquet ? J’ai cru t’entendre dire quelque chose.

- J’ai parlé.

- Ah ? D’accord. Et tu veux bien répéter ? J’ai cru t’entendre dire des balivernes comme quoi j’aurais atteint ma limite.

- C’était le cas.

   Je m’efforce de ne pas m’énerver mais Criquet s’en fiche et me parle sans prendre de gants.

- Je suis désolé mec mais tu ne trompes personne. Si les paroles de cette femme résonnent autant dans ta tête, c’est parce qu’elles ont dû atteindre quelque chose.

- Mais qu’est-ce que tu racontes ?

- Observons les faits. D’accord ? Pour commencer, comment se fait-il qu’il te soit si difficile d’accepter que l’évolution en vasto lorde n’est ni obligatoire, ni contrôlable ?

- Non mais tu t’entends parler, Criquet ? Tu crois ces sornettes comme si c’était la vérité !

- Et pourquoi ce ne serait pas le cas ? Je ne connais personne qui ait percé le secret de l’évolution en vasto lorde et si même Hallibel ne sait pas comment faire, je crois qu’alors personne ne le sait.

- C’est drôle parce que j’ai déjà entendu dire que, faute de dévorer de nombreuses proies, il était possible d’évoluer en dévorant un capitaine shinigami !

- Et qu’est-ce qui te fait croire que ça, ce n’est pas un mensonge ?

- Le simple fait que je l’ai déjà vu !

- Et ce serait la première fois qu’au Hueco Mundo, un moyen d’évoluer fonctionnerait sur un individu mais pas sur des milliers d’autres ?

- Qu’est-ce que t’en sais, d’abord ?! Je peux très bien me rendre à Soul Society et essayer cette méthode !

- En admettant que cela fonctionne, dis-moi pourquoi tu tiens tant que cela à évoluer. Tu as déjà tout…

- Tout ? Mais enfin non ! Je n’ai rien ! Rien tant que je ne serais pas au sommet de cette foutu chaîne alimentaire !

- Mais pourquoi ? Qu’essais-tu tant de combler par cette évolution en vasto lorde ?

- Qu’est-ce que je… Mais putain Criquet : t’as les yeux en face des trous ou ton masque n’est pas à ta taille ?! Qu’est-ce que j’ai au milieu du torse ?

- Un creux, comme moi.

- Un creux qui me transperce de part en part ! Un creux à l’emplacement où autrefois il y avait mon cœur !

- ça ne répond pas à ma question ! Je n’ai pas le souvenir que le trou entre les seins d’Hallibel se soit refermé !

- Je suis une proie ! Je suis une proie potentielle tant que je n’ai pas évolué en vasto lorde et il en sera ainsi tant que cela ne sera pas arrivé !

- Mais pourquoi tu t’affoles ? Tu dis que cela fait longtemps que tu ne crains plus personne…

   Je m’agrippe les cheveux et me mets en boule.

- Mais qu’est-ce que tu crois ? Bien sûr que je suis en danger !

   Je me calme petit à petit et sens les larmes monter.

- J’ai très peu de souvenirs de ma vie d’humain et tu veux savoir desquels je me rappelle nettement ? Celui d’une nuit noire : je suis en danger, encerclé par des brutes armées, violentes et décidées à tuer. Je suis tout petit, je suis faible, j’ai peur et personne n’est là pour m’aider. Je suis ici à la suite d’un acte commis par pur altruisme et pourtant… Pourtant je m’apprête à subir quelque chose de terrible. Je me souviens de la surprise, de cet énorme instrument tranchant et froid qui pénètre mon corps. Je sens cet obstacle dans un endroit où il ne devrait pas être et m’affole. Je veux le retirer, je dois le retirer. Et là, l’objet est tiré d’un coup sec, et fait plus de dégâts qu’il n’en a déjà fait. Je sens mon corps s’alourdir et ne plus répondre à mon cerveau, je ne suis plus qu’un poids. Je sens un liquide chaud et épais couler là où il ne le devrait pas et que cette chose rouge qui me donnait la vie me quitte et signal à présent l’heure de ma mort. Je me rappelle du froid… Puis des ténèbres.

- Mec…

- Et ça ne s’est pas arrêté là : il y a ensuite eu l’horreur. L’horreur d’être privé de tout et d’être abandonné, en ne récupérant que le mépris de celui que j’avais sauvé. Puis la solitude et la tristesse que l’on ressent lorsque l’on réalise que le monde n’a pas besoin de vous pour continuer à tourner, que tant de belles choses ne seront jamais savourées, que tant de bonheur ne vous seront jamais accordés… Que je ne rentrerais jamais chez moi, que je ne reverrai jamais ni ma famille, ni mes amis, que je n’aurais ni femme ni enfants… Que je serais seul à tout jamais.

- Mon pote… Mais… Si tu as un fardeau pareil, en quoi évoluer en vasto lorde peut-il t’aider ?

- Parce qu’après ma naissance, je me suis juré de ne plus jamais connaître la détresse et j’ai dû prendre beaucoup sur moi pour y arriver : avant de te rencontrer, je vivais dans une angoisse permanente. Je percevais tous ces hollows aux apparences monstrueuses rôder, je les entendais se battre, manger et chercher de quoi se mettre sous la dent pour le dessert. Je t’ai ensuite rencontré et ai compris au cours de notre escapade que le seul moyen de survivre et d’avoir une chance de connaître le bonheur était de devenir suffisamment puissant pour ne plus être soumis à la loi du plus fort.

- Mais regarde-toi : tu es plus fort qu’avant et pourtant tu es plus esclave que jamais de cette loi ! Maintenant que tu es puissant, tu t’appliques à faire respecter cette règle et tu continues de la suivre en chassant et en massacrant. Si tu veux mon avis, ne plus être soumis à la loi du plus fort, ce n’est pas avoir la capacité de tuer tout ce qui bouge mais au contraire avoir la liberté de ne pas tuer !

- Fous-moi la paix avec tes conseils à deux balles !

- J’essaie de t’aider !

- Eh bien tu ne m’aides pas ! Qu’est-ce que tu en sais d’abord ? Toi, tu as toujours pu rester sur le banc de touche grâce à ta faiblesse et à ta taille, seulement nous n’avons pas tous la chance d’être inutile et sans intérêt comme toi !

- Répète-ça ?!

- Tu m’as très bien compris, p’tite merde ! T’as jamais eu besoin de te foutre un moteur dans le derche ! C’est tranquille, la vie d’insecte ! On peut flâner, se faire des potes qui ne sont pas opportunistes parce que l’on a strictement rien à leur apporter et surtout qu’en plus, on peut même se permettre de faire la morale aux autres. Non, sérieusement, j’applaudis des deux mains !

- Ah, et parce que tu bouffes tout ce qui bouge, tu vaux mieux que moi, c’est ça ?! Sous prétexte que rien ne lui résiste, Monsieur est irréprochable et a tous les droits, c’est ça ?

- Ce que je crois surtout, c’est que quand on a son petit confort, quand on ne vit pas avec l’obligation de tuer pour survivre, dans la violence, la crainte, la nécessité, et quand on ne sent pas sa vie menacée à chaque seconde, on ne peut pas comprendre que la gentillesse et la magnanimité sont des luxes que l’on ne peut pas se permettre !

- Peut-être mais ça ne t’oblige pas à être un barbare comme Nnoitra ! Je ne comprends pas pourquoi est-ce que tu ne te limites pas au minimum !

- Quand tu seras dans la même situation que moi avec mes contraintes et mes obligations, on en reparlera mais en attendant, ce n’est pas une espèce de petite saloperie qui va me dicter ma conduite !!!

   Vidant tout ce que j’avais au fond de moi, je me calme lentement et réalise que non seulement j’étais en train de hurler mais qu’en plus, Criquet est visiblement très vexé.

- Pardonne-moi. C’est juste que je prends tellement sur moi pour avoir une chance d’accomplir mon objectif et me sortir de la merde…

- Tu n’évolueras pas en vasto lorde. Tu n’aimes même pas tuer.

- C’est comme ça au début mais ça me passera…

- Au début ? Mais réveille-toi ! Regardes ce qu’est devenue la diva et tu comprendras !

- Hein ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

- Laisse tomber.

   Criquet me tourne le dos et commence à battre des ailes.

- Tu n’as pas tout à fait tort : c’est vrai, ma condition m’assure une part de confort mais derrière, ne crois pas que je reçoive beaucoup de considération et surtout, tu n’imagines pas le nombre de culs abjects que je suis contraint de lécher pour pouvoir garantir ma sécurité à cause du fait que je sois suffisamment petit pour finir dans la gueule de n’importe qui.

- Criquet…

- Je n’ai plus d’amis maintenant : Illforte le cornu, Nirgge au long nez, Vega aux grandes dents, Findor la pince ou Pétale Charlotte… Tous ceux que j’ai connu sont morts ou disparu. Il ne reste plus que toi. Je suis seul et triste car je n’ai plus personne et ne trouve plus d’amis. Tu étais seul aussi et j’ai espéré que l’on pourrait à présent faire route ensemble car tu semblais encore détenir une part de sincérité mais je réalise qu’au final, vous autres les adjuchas n’êtes que des monstres et ne méritez aucune compassion.

- Criquet… Ne dis pas ça...

   Criquet se tourne vers moi.

- Je dis ce que je veux.

   Puis il déploie ses ailes et décolle.

- Je préfère n’avoir aucun camarade plutôt que d’être mal accompagné. Débrouille-toi tout seul.

   Puis il s’envole et disparait. Ses paroles courent dans ma tête.

- De quoi est-ce qu’il parlait quand il disait que… Bon sang, la diva que j’avais utilisé pour appâter Ograne ! Vite, un point d’eau !

   Je l’avais complètement oublié celle-là. Grâce à mon sixième sens, je trouve un point d’eau non loin de là et m’y rends en quatrième vitesse. En me voyant arriver, les hollows présents s’enfuient et se dispersent. J’arrive en courant, ralentis en me laissant tomber à genoux puis plonge la tête dans l’eau en pensant « Où est-elle ?! Où est la diva ?! ». Ce que je vis me foudroya.

« Non… C’est impossible ! »

   Elle avait vieilli. La diva vers laquelle j’avais tourné Ograne était un petit bout de femme, une fillette qui venait à peine de finir le lycée et là, je la retrouvais adulte. Elle apparaissait accompagnée d’un homme et de trois enfants et disait être ravi de chanter pour le soir du nouvel an qui célèbrerait l’entrée dans le nouveau millénaire.

« Le nouveau millénaire ? Mais… J’en entendais déjà parler avant de mourir ! »

   C’est alors que je me rappelais qu’en tant que hollow, non seulement ma longévité était devenue extrêmement longue mais qu’en plus, ce monde figé empêchait toute perception du temps.

« Mais alors depuis combien de temps suis-je un Menos Grande ? Vingt ans ? Trente ans ? »

   Je sortais la tête hors de l’eau en sentant les larmes me couler des yeux.

« Alors c’est là où j’en suis ? J’ai fait tant d’efforts et pris tant de résolutions pour ça ? »

   Je m’étais résolu à tout faire pour être méchant, d’aller plus loin que n’importe qui d’autre et au final, quand bien même j’ai évolué en adjuchas, je réalise que non seulement des décennies se sont écoulées sans que j’évolue mais qu’en plus, je suis toujours le même intérieurement : un gentil apeuré qui tente désespérément d’échapper à la mort.

   Affolé, je m’enfuis en courant aussi loin que possible jusqu’à arriver à un coin où se trouvent quelques rochers. Je me jette sur eux et les détruits. Je frappe aussi fort que je peux mais je durci juste assez ma peau pour ne pas trop m’abîmer les mains ce qui fait qu’à force de ressentir un petit peu de douleur à chaque fois, je finis par me calmer. En pleur, je tombe à genoux.

   Qu’avais-je fais ? Qu’avais-je fais pour mériter d’être ainsi abandonné ? Humain, je n’ai jamais fait de mal à personne. J’ai même eu la fâcheuse tendance à prendre pour les autres. Je me suis mal conduit en hollow ? Je n’ai pourtant jamais souhaité être un hollow ! Cette transformation s’est faite indépendamment de ma volonté et toutes les décisions que j’ai pris n’ont jamais eu pour seul objectif que d’assurer ma survie. Si je ne l’avais pas fait, le Hueco Mundo m’y aurait contraint. Je devais choisir entre bouffer et être bouffer et je ne comprends pas pourquoi Criquet me reproche d’avoir pris en main mon destin plutôt que de l’avoir laissé me briser… Le Hueco Mundo exige que l’on joue selon ses règles et je tentais simplement de gagner la partie.

   Durcissant mon crâne, je brise un rocher d’un coup de tête.

« Alors pourquoi n’y a-t’il pas de solution ? Pourquoi ne puis-je pas être libéré ? Je veux savoir ! Je veux savoir pour quelles raisons est-ce que je suis prisonnier. »

   Je m’écroule sur le côté, me roule en boule et ferme lentement les yeux.

« Je veux savoirs pour quelles raison est-ce que je suis seul. »

 

« - Dame Hallibel ? Vous pensez que ce hollow reviendra ?

- Qui sait.

- Est-ce qu’il est dangereux ?

- Je dirais plutôt qu’il est désespéré et entravé par la peur. Je pense qu’il espère connaître le bonheur et la liberté en évoluant mais l’évolution en vasto lorde, c’est comme l’amour : certains l’obtiennent et d’autres non. » 

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