The New Substitute

Chapitre 19

2828 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/04/2017 19:13

–  Tu ne peux pas faire ça, Hisagi-san ! protesta Isane.

Sans même lui accorder plus d’intérêt, Shûhei passa entre les deux autres membres de la Quatrième Division et traça son chemin, prenant à peine le temps de répondre d’un air menaçant :

–  Et qui va m’en empêcher ?

Le ton qu’il venait d’employer fut tel qu’Isane ne se formalisa pas de la remarque du ténébreux. Devant le manque de réaction de sa supérieure, Hanatarô agrippa précipitamment le kimono du brun par le dos, le forçant à marquer l’arrêt.

–  Vice-Capitaine Hisagi, je vous en supplie, ne lui en voulez pas ! Tsunata-san…

–  Cesse de plaider sa cause, le coupa-t-il. Je sais ce que j’ai à faire.

Ainsi, d’un mouvement sec, Shûhei se défit de la prise du Cinquième Lieutenant au service du Capitaine Kotetsu et emprunta le chemin de la sortie.

Au même moment, à quelques kilomètres des locaux occupés par la Division médicale du Seireitei, Tsunata sortit de sa douche brûlante. Couvrant son corps amaigri d’une serviette en coton immaculée, ainsi que ses cheveux d’une autre similaire, elle quitta la salle de bain embuée dans laquelle elle ne parvenait plus à respirer. Désormais dans sa pièce à vivre, elle remplaça le tissu-éponge qui camouflait ses formes féminines par un shihakushô propre : bien loin d’elle l’idée de dormir un peu, la Shinigami remplaçante avait décidé, après une toilette amplement méritée, de retourner auprès de son camarade de galères ; ainsi, elle aurait tout le loisir de se reposer en sa compagnie, et pourrait accessoirement garder un œil sur l’évolution de son état de santé.

A présent vêtue de son uniforme de soldat du Gotei 13, elle s’installa face à sa coiffeuse et sursauta en découvrant son visage dans le miroir : ces cernes violets à la limite du noir, ces joues bien moins arrondies que par le passé, ce regard éteint, ce teint blafard… Elle remercia intérieurement son organisme d’avoir tenu bon et de lui avoir permis de faire disparaître toutes les blessures qu’elle avait transféré sur son corps, car ajouter quelques balafres à ce faciès déjà marqué par les traumatismes de ces derniers jours n’aurait en rien été profitable à son apparence actuelle.

Après avoir analysé dans tous les sens le reflet qu’elle renvoyait, elle défit la serviette qui emprisonnait ses longs cheveux dorés : le sac de nœuds qu’ils formaient la fit grimacer. Puis, elle s’arma de sa brosse fétiche et commença à les remettre en place.

Alors qu’elle arriva à l’étape fatidique du camouflage de son malheureux épi, quelqu’un frappa énergiquement contre sa porte. Trop fatiguée pour laisser transparaître à nouveau sa surprise, Tsunata se contenta de dire sans interrompre son rituel :

–  C’est ouvert !

La porte coulissa, mais personne n’entra ; cependant, la blonde sentit un regard insistant posé sur elle, aussi se retourna-t-elle pour découvrir l’identité de son visiteur tardif.

–  Shû… Shûhei, c’est bien toi ?

Il entra d’un pas lent dans la pièce et, lorsque la lumière artificielle le toucha, il déclara :

–  Oui, c’est moi.

Comme si quelqu’un venait de lui administrer une injection d’adrénaline, la jeune femme bondit sur ses jambes et incendia son partenaire en le pointant de son index furibond :

–  Je peux savoir ce que tu fiches ici ? Tu sors à peine du coma, je te signale ! Les petites ballades nocturnes peuvent attendre encore une semaine ou deux, tu crois pas ?

Impassible, quelques mèches noires lui couvrant les yeux, le ténébreux décréta d’un ton glacial :

–  Il faut qu’on parle, Tsunata.

Se radoucissant aussitôt, la jeune femme laissa son regard trahir l’inquiétude qui la gagnait ; sa main se baissa, comme si son énergie la quittait de nouveau, avant que ses poings ne se serrent le long de son corps d’un commun accord.

–  Ça ne pouvait pas attendre mon retour ?

Ignorant superbement sa question, Shûhei avança d’un pas certain vers la jeune femme ; Tsunata n’oscilla pas et le laissa réduire la distance qui les séparait tous deux.

Il se posta à une trentaine de centimètres de la blonde, le visage complètement fermé, tandis que sa coéquipière tentait d’accrocher son regard, en vain. Le Vice-Capitaine leva dans une lenteur quasiment irréelle son bras et le dirigea vers le bas du kosode de la jeune femme : juste au-dessus du obi qui marquait sa ligne, il continua son ascension et posa le bout de ses doigts sur l’ouverture de l’uniforme de Tsunata.

Réalisant la proximité qui les séparait l’un de l’autre, la remplaçante s’empourpra discrètement tandis que Shûhei, ne semblant s’en soucier davantage, continua de mener à bien son dessein. D’un simple mouvement, il écarta les deux parties du haut du shihakushô fraîchement enfilé de sa coéquipière, dévoilant ainsi son ventre.

–  Shûhei, qu’est-ce que tu fais ?

Avec l’aide de son autre main, celui-ci ouvrit plus grand l’habit de sa partenaire, mettant à nu la totalité de son abdomen jusqu’à la naissance de sa poitrine généreuse.

Rougissant brutalement jusqu’à la racine de ses cheveux encore mouillés, Tsunata exécuta un bref mouvement de recul et heurta sa commode de plein fouet.

–  Qu’est-ce qui te prend ? lâcha-t-elle dans une gêne palpable.

–  Tu n’as plus rien.

Toutes traces de rougeurs disparurent du visage de Tsunata, à présent devenu livide.

–  Comment…

–  Comment je le sais, c’est ça que tu te demandes ? Moi, ce que j’aimerais savoir, c’est pourquoi tu ne m’as pas écouté quand je t’ai demandé de ne pas me toucher, Tsunata !

Alors que sa bouche se tordit étrangement, ce fut à son tour de dissimuler une partie de son visage derrière sa frange.

–  Ce sont eux qui te l’ont dit ? Je vois.

Perdant totalement le contrôle de lui-même, le ténébreux s’époumona :

–  Ne contourne pas le sujet, bordel ! Réponds à ma question !

Pouffant d’un rire jaune, Tsunata dit d’une voix sans vie :

–  Pourquoi je ne t’ai pas écouté, hein ? C’est bien ça que tu veux savoir, Shûhei ? Pourquoi moi, petite Shinigami remplaçante, je n’ai pas obéi au dernier souhait d’un Vice-Capitaine du Gotei 13 comme toi ?

L’expression faciale de Shûhei se radoucit subitement, désormais plus emprunt de remords que de colère, notamment lorsque sa coéquipière redressa à son égard un regard perçant et qu’elle cracha :

–  Tu sais ce que j’en pense, moi, Shûhei, de tes ordres à la con ? Tu sais où tu peux soigneusement te les mettre ? Bon sang ! A quel moment de ta vie, Shûhei Hisagi, t’as pu croire ne serait-ce qu’un instant que j’allais te laisser crever dans mes bras sans rien faire, hein ? Pour qui est-ce que tu me prends, à la fin ?

Une larme solitaire dévala le minois bouillonnant de rage de la suppléante.

–  Je n’ai aucune envie de me justifier auprès de toi, Shûhei, parce que t’en aurais fait de même à ma place, et tu le sais très bien ! A moins que je ne me sois méprise sur notre relation, sur l’importance que j’avais à tes yeux ? Dans ce cas, effectivement, tu ne peux pas me comprendre ! Je tiens bien trop à toi pour te laisser quitter ce monde avant moi, espèce de crétin ! Qu’est-ce que tu croyais, sérieusement ? Tu es celui qui m’a redonné goût à la vie en un simple regard, imbécile ! Sans toi… (Elle s’interrompit, baissant le visage pour reprendre d’une voix plus calme.) Sans toi, jamais je n’aurai pu continuer de me battre.

Cette dernière phrase, Shûhei ne se l’expliqua que trop mal ; néanmoins, il percevait à quel point cela pouvait affecter la jeune femme originaire du monde des humains.

Chaque parole qu’elle avait tenu, chacun des mots qu’elle venait de prononcer, l’avait atteint au plus profond de son âme, aussi s’en voulut-il profondément de n’avoir pris plus tôt en considération ses réelles motivations. Il tenta une approche et tendit sa main vers la larme qui venait de tracer son sinistre chemin sur la joue de Tsunata, mais fut arrêté dans son élan par cette dernière.

–  A présent, si tu as enfin obtenu les réponses que tu attendais, je te demanderai de partir, Shûhei. Je suis fatiguée.

Bien qu’il ressentît une désagréable sensation, comme celle provoquée par un sabre lorsqu’il vous transperce le cœur, le ténébreux se résigna à ramener son bras le long de son corps.

–  Tsunata, je…

–  Vas-t’en, s’il te plaît. Tu as dit que tu me détesterais si je te désobéissais, non ? Eh bien, déteste-moi, haïs-moi si le cœur t’en dit, ça m’est égal. Tu es vivant, c’est tout ce qui compte.

–  Quoi ? s’étrangla-t-il. Attends…

–  Au revoir.

Après quelques secondes où sa seule réaction se résuma à papillonner, hébété par la tournure qu’avait pris la mise au point qu’il avait lui-même déclenché, Shûhei serra ses poings à en faire pâlir ses jointures et dit :

–  Très bien.

Faisant volte-face, il rejoignit la porte principale à grandes enjambées. Là, le Vice-Capitaine se tourna une dernière fois sur la jolie blonde qui avait tant égaillé ses journées – ou plutôt, sa vie – par le passé et constata qu’elle s’était tournée dans le sens opposé, ne lui permettant de voir que son dos dissimulé par ses longues mèches dorées humides. A contrecœur, il claqua la porte et commença à s’éloigner.

Face à son miroir, la tête basse, Tsunata laissa s’échapper les larmes qu’elle avait mis tant de soin à garder pour elle jusque là. Au moment même où elle permutait les blessures du brun sur son propre corps, elle s’était résolue à accepter le fait qu’il puisse lui en vouloir, comme il le lui avait bien spécifié avant de sombrer dans une demi-mort, et de la détester pour cela. Cependant, elle ne s’était pas doutée que lui faire face de la sorte serait aussi pénible, aussi douloureux.

Plaquant une main contre son front, elle laissa aller toute la tristesse et la fatigue qu’elle avait emmagasinée depuis si longtemps. C’est alors que sa pièce à vivre fut parcourue d’un courant d’air glacé, avant qu’un bruit de pas ne retentisse non loin d’elle.

–  Tiens, tiens, tiens, qu’avons-nous là ?

Persuadée de pouvoir reconnaître cette voix entre mille autres, la Shinigami remplaçante cessa brusquement de sangloter et écarquilla ses yeux à leur paroxysme.

–  Mais oui, c’est bien elle, la grande et fière Tsunata Nara en train de pleurer toutes les larmes de son pauvre corps. Si c’est pas pitoyable ! Toi qui ne montrais jamais le moindre signe de faiblesse.

–  Toi ? souffla Tsunata.

Alors qu’il longeait les maisons avoisinantes celle de sa coéquipière, Shûhei s’arrêta subitement et prit appui contre un mur, avant de se frapper le front sans ménagement.

–  Merde, quel con !

S’en vouloir était peu dire pour définir le sentiment exact qu’il s’inspirait actuellement vis-à-vis de sa dispute avec la jeune femme ; après tout, il ne pouvait s’en vouloir qu’à lui-même.

–  Mais quel con !

Tsunata l’avait aidé à guérir malgré ses interdictions, elle l’avait fait en se persuadant des répercussions qu’un tel acte pourrait engendrer à la suite du réveil de Shûhei : cela faisait donc deux jours entiers que la blonde, en plus de se faire un sang d’encre pour lui, redoutait sa réaction ; deux jours qu’elle accumulait fatigue, inquiétude au sujet du devenir des soldats de la Troisième Division, et angoisse du fait que le ténébreux puisse potentiellement tenir sa parole absurde.

–  Merde, merde, merde !

Il était évident que jamais Shûhei ne pourrait éprouver un sentiment tel que la haine à l’égard de Tsunata : après tout, elle était la seule personne qui avait réussi à ensoleiller ses journées, sa vie, à lui donner la perspective d’un avenir radieux et à le persuader que son passé lugubre resterait à tout jamais derrière lui.

« Tu es celui qui m’a redonné goût à la vie en un simple regard, imbécile ! »

Elle aussi avait eu cet effet sur lui, et c’était bien pour cette raison que jamais il ne pourrait songer à se passer d’elle, ne serait-ce que l’espace d’une journée. Mais elle, le savait-elle ? A en juger par ses propos, il était évident qu’elle n’en avait pas même l’ombre d’un soupçon.

Il fallait qu’il le lui dise, oui ! Il ne pouvait pas se permettre de la perdre, ni maintenant, ni jamais ! Cette histoire devait se régler au plus vite, il le savait mieux que quiconque ; déterminé à mettre un point final à cette dispute qui lui déchirait le cœur, Shûhei prit son courage à deux mains et fit marche-arrière au pas de course. Peu importe si elle le jetait comme elle venait de le faire, peu importe si elle lui claquait la porte au nez ou si elle lui imprimait la morphologie de ses phalanges dans le nez, cela lui était égal : son unique but était à présent de lui dévoiler ce qu’il ressentait, même s’il devait le hurler dans tout le Seireitei, dans toute la Soul Society, pour qu’elle daigne l’entendre.

Raccourcissant la distance qui les séparait, lui et Tsunata, à une vitesse qu’il n’avait jusque là jamais atteint avant ce soir-là, il en oublia même l’état d’épuisement dans lequel il se trouvait : son cœur battait à tout rompre dans ses oreilles, sa respiration augmentait significativement, et ses jambes s’élançaient davantage chaque fois qu’il foulait de ses pieds nus le sol de la Soul Society.

Enfin, il parvint à apercevoir la lumière émaner du logis de la jeune femme à travers sa porte d’entrée ; il accéléra la cadence, ressentant dans les tréfonds de son âme ce qui s’apparentait de plus en plus à un mauvais pressentiment.

Alors qu’il ne lui restait plus que quelques mètres à parcourir pour pouvoir s’expliquer de nouveau avec la blonde, un bruit de verre brisé résonna. Il sentit son estomac se retourner, prit d’une angoisse indescriptible, et se retrouva à sprinter pour combler l’espace restant avant d’atteindre la maison de la belle Shinigami.

Arrivant enfin à hauteur de la porte, il la fit coulisser dans un vacarme sans précédent et hurla sans même prendre la peine d’analyser la situation :

– Tsunata !

A cet instant, ses yeux s’exorbitèrent littéralement : sa partenaire, son alliée la plus précieuse, se trouvait inconsciente, maintenue dans les bras d’une jeune femme aux cheveux bleus et aux yeux pétroles ; une main de l’inconnue obstruait la bouche de Tsunata, tandis que l’autre la cramponnait par son ventre toujours à demi découvert.

–  Bonsoir, beau brun.

Puis elle disparut dans une bourrasque de vent, emportant dans son sillage la Shinigami remplaçante aux cheveux d’or.

–  Tsunata ! s’égosilla Shûhei.




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