The New Substitute
Shûhei Hisagi effectuait les cent pas à travers la chambre de son ami convalescent fraichement réveillé, Izuru Kira, au sein des quartiers de la Quatrième Division ; celui-ci, au même titre qu’Isane et Kiyone Kotetsu, Hanatarô Yamada et Rangiku Matsumoto, l’observait, impuissant, tourner en rond, les bras croisés, dans une fureur sans égal.
– Tu es sûr de ce que tu as vu ? demanda Rangiku.
– Bien sûr que je le suis ! vociféra le brun. Tsunata vient de se faire enlever devant moi !
– Du calme, mon vieux, tempéra Izuru. Rangiku n’y est pour rien.
– Quoi, ça vous est égal qu’elle ait disparu aux mains d’une Kurotama ? C’est ça ?
– Tu entends ce que tu dis, Shûhei ? Pour rappel, Tsunata était notre amie bien avant que tu ne soupçonnes son existence ! Nous sommes aussi inquiets que toi à son sujet, mais faire des va-et-vient dans toute la pièce ne servira à rien !
– Elle a raison. Tu me donnes le tournis, Hisagi.
Voyant qu’il ne réagissait nullement aux provocations de ses amis, Isane se permit d’intervenir.
– Tu dis que c’est une Kurotama qui l’a enlevé ? C’est étrange…
– Vous ne me croyez pas, c’est ça ?
– Non, il ne s’agit pas de ça. Ce qui m’étonne dans cette histoire, au-delà du fait qu’une Kurotama ait réussi à passer la barrière de sécurité du Seireitei, c’est que Tsunata-san ne se soit pas défendue. Bien qu’elle était épuisée, venir à bout d’une ennemie isolée n’aurait dû lui poser aucun problème. Ça signifie donc qu’elle a décidé de son propre chef de ne pas riposter.
– Tu veux dire qu’elle la connaissait ? suggéra Rangiku.
– Ce n’est pas une hypothèse à exclure, en effet.
– Ou alors, elle était trop distraite pour s’apercevoir de son arrivée.
Les cinq Shinigami se tournèrent d’un même mouvement vers le ténébreux de la Neuvième Division.
– Qu’entendez-vous par là ? interrogea Kiyone.
Shûhei n’osa répondre, mettant ainsi la puce à l’oreille du jeune Hanatarô.
– Vice-Capitaine, vous êtes vous disputé avec Tsunata-san avant son enlèvement ? s’enquit-il.
Après une longue hésitation qui suscita l’intérêt de tous, le ténébreux répondit, la tête basse :
– Oui.
– Quoi ? s’enflamma Rangiku. Et à quel sujet, Shûhei ?
– Je lui avais formellement interdit de me soigner, je lui avais fait mes adieux ; pourtant, elle a risqué sa vie pour préserver la mienne.
– Pardon de te dire ça, fit Izuru, mais t’es devenu complètement stupide ou quoi ? Tsunata est la fille la plus bornée que je connaisse, tu croyais sérieusement qu’elle allait te laisser agoniser dans le Dangai ?
– Il ne s’agit pas de ça, Kira. Vous avez tous compris quelles étaient ses motivations, mais pas les miennes.
Tout le monde le considéra attentivement.
– Bien sûr que je me doutais qu’elle allait me désobéir, qu’est-ce que vous croyez au juste ? Ça fait deux mois qu’on vit quasiment ensemble, je la connais mieux que quiconque ici ! Mais je gardais l’espoir complètement dénué de sens qu’elle allait toutefois m’écouter, parce que je ne voulais pas qu’elle ait la moindre égratignure par ma faute ! La voir souffrir m’est insupportable, je pourrais soulever des montagnes si ça lui permettait de conserver son sourire à tout jamais ! Elle a été prête à sacrifier sa vie pour la mienne, mais je n’éprouverai pas la moindre hésitation à en faire de même dans le cas contraire ! C’est ce que je voulais lui faire comprendre, je voulais qu’elle sache que je ne peux tolérer qu’elle ressente ne serait-ce que la plus infime des douleurs par ma faute ! (Puis il baissa d’un ton.) Là où j’ai été stupide, c’est que je n’avais pas réalisé l’importance que j’avais à ses yeux, et que ma disparition lui serait à ce point insupportable.
Il marqua un arrêt en se remémorant tristement la scène qui avait précédé l’enlèvement de Tsunata, avant de reprendre d’un timbre chevrotant :
– Toujours est-il que je n’ai pas pu lui faire part de mes réelles pensées : elle m’a demandé de partir avant. Si je ne l’avais pas laissée seule, si je n’avais pas lancé le sujet de notre dispute sur le tapis, Tsunata serait restée sur ses gardes et serait encore là à l’heure où nous perdons un temps précieux dans des conversations plus stériles les unes que les autres. Si elle a été enlevée, c’est uniquement par ma faute.
– Tu peux parler de conversations stériles, mais t’as vu la tirade que tu viens de nous faire ? lâcha Izuru. Et puis, je suis du même avis que le Capitaine Kotetsu : distraite ou non, Tsunata aurait pu lui régler son compte en deux temps trois mouvements.
– Si je puis me permettre, intervint Hanatarô, vous devriez vous adresser aux personnes qui connaissent le passé de Tsunata-san pour savoir ce qu’ils en pensent.
– Comme qui ? éclata Shûhei.
– Quoi !
– Calme-toi, Kurosaki-kun…
– Et comment tu veux que j’me calme, Inoue ? Cet abruti a laissé…
– Ce n’est pas de sa faute si Tsuna-chan a été kidnappée, j’en suis convaincue.
Après avoir prestement ordonné l’ouverture d’un Senkaimon en direction de Karakura, Shûhei et Rangiku, les seuls Shinigami dans la capacité d’effectuer cette mission de sauvetage, étaient parvenus à mettre la main sur les deux personnes les plus à même de répondre à leurs questions au sujet de leur amie disparue sur le palier de l’appartement de ladite beauté de la ville.
– Il faut toujours que tu vois le bien partout ! grommela Ichigo.
– Au moins, vous vous complétez, ironisa Rangiku.
– La ferme !
– Vous dites que la Kurotama qui l’a enlevée avait les cheveux et les yeux bleus ? demanda Orihime en ignorant les deux autres.
– Oui, c’est ça, acquiesça Shûhei.
– Tsss, je vois mal en quoi ça nous avance ! Ces ordures ont tous des couleurs de cheveux et d’yeux plus bizarres les unes que les autres !
– Les yeux bleus n’ont rien d’étrange, Kurosaki-kun : je te rappelle qu’Ishida-kun en a, lui aussi, et que ce n’est pas un Kurotama pour autant.
Voulant d’abord riposter, le jeune homme se ravisa et croisa les bras.
– Vous n’auriez pas d’autres renseignements à son sujet, Hisagi-san ?
– Je ne l’ai vu que quelques secondes, mais il me semble que ses cheveux étaient mi-longs et que son front était dégagé. Elle était plus grande que Tsunata d’une dizaine de centimètres, et aussi plus enrobée.
– Eh bah, pour quelqu’un qui l’a vu en coup de vent…
– Une bonne fois pour toutes, Kurosaki, c’est quoi ton problème ? siffla Shûhei.
– Mon problème, c’est que j’te confie notre meilleure amie, à Inoue et à moi, et que tu la laisses se faire enlever sous tes yeux sans bouger le petit doigt, triple buse !
Le ténébreux voulut répliquer, mais la jolie lycéenne aux cheveux auburn s’interposa dans leur règlement de comptes houleux et dit de sa voix calme et douce :
– Kurosaki-kun ?
– Quoi ?
– Cette description me rappelle vaguement quelqu’un.
– Et qui donc ?
– Tanabe Miya, répondit-elle.
– Tana-qui-de-quoi ?
– Miya, tu ne t’en souviens pas ?
– Non, c’est qui encore celle-là ?
Excédée par le peu de mémoire de celui dont elle était éprise depuis leur première rencontre, la jeune femme positionna sa main en visière et se massa les arcades sourcilières avant de craquer :
– Mi-ya Ta-na-be ! Kurosaki-kun, bon sang ! C’est la chauffarde !
– Miya Tana… Ahhh oui ! Ça me revient !
Les trois autres désespérèrent devant son cas : autant Ichigo pouvait être un combattant hors pair, autant il ne possédait aucune sorte de don pour retenir les noms.
– C’est cette garce qui l’a renversée ! lâcha-t-il.
Tandis que la fournisseuse de sucreries de la disparue frappa son front sans ménagement, consternée par le manque de tact d’Ichigo, les deux Shinigami tiquèrent.
– Tsunata a été renversée ? releva Shûhei d’un ton emprunt d’inquiétude. Quand ?
Orihime soupira, puis annonça avec grand calme aux Vices-Capitaines :
– Il faut que nous vous montrions quelque chose.
– De quoi s’agit-il ? s’enquit Rangiku.
– Du passé de Tsuna-chan, et des raisons qui ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui.
Sans perdre davantage de temps dans d’autres explications, la jeune femme les incita à lui emboîter le pas, les guidant là où de nombreux secrets de la remplaçante aux cheveux dorés reposaient.
Magasin Urahara, un peu avant vingt-deux heures.
Alors que le gérant de l’étrange boutique de bonbons terminait sa tasse de thé en contemplant son plafond d’un air pensif, quelqu’un vint toquer délicatement contre le bois de sa porte sur laquelle trônait l’écriteau « Fermé ». Arquant un sourcil, le blond aux geta se redressa et alla ouvrir, intrigué par la nature d’une visite aussi tardive.
– Tiens, mais quelle bonne surprise ! Entrez, je vous en prie !
L’ancien Capitaine de la Douzième Division se décala sur sa gauche et permit aux quatre personnes de pénétrer dans le magasin bercé de pénombre. Une fois la porte refermée derrière eux, Kisuke les emmena dans une pièce adjointe qu’il éclaira : celle-ci ressemblait à s’y méprendre à une salle à manger, notamment de par la table circulaire autour de laquelle le propriétaire les incita à prendre place.
– Tessai, nous avons des invités ! s’exclama-t-il.
– Bien, patron, répondit une voix lointaine. Je vais préparer du thé.
Considérant ses convives un à un par-delà son bob, Kisuke Urahara déclara d’un air faussement enjoué :
– Voilà des visages que je n’avais pas vus depuis bien longtemps ! Et d’autres que j’ai l’impression de croiser tous les jours…
– Parce que c’est le cas, crétin, grogna Ichigo.
– Ah ! toujours aussi charmant, mon cher Kurosaki-san. Bien, j’aimerais savoir ce qui me vaut l’honneur de votre visite par cette douce nuit hivernale, jeunes gens. Je me doute que la venue de deux Vices-Capitaines tels que Matsumoto-san et Hisagi-san n’est pas sans raison ; tout comme la tienne, Inoue-san : je ne pensais pas te voir avant demain matin, d’autant plus que tu as déjà bien travaillé tout à l’heure. Il me semblait t’avoir demandé de te reposer un peu, non ?
– Quoi ? fit Rangiku d’un ton surpris. Tu travailles pour lui, Orihime ?
La lycéenne tourna son regard vers celle qu’elle avait hébergé par le passé dans son modeste appartement et avoua :
– Pas exactement.
Shûhei et Rangiku échangèrent un regard trahissant leur incompréhension tandis qu’Orihime s’adressa au gérant du magasin aussi étrange que lui.
– Nous voudrions la voir, Urahara-san.
Laissant paraître un unique œil au travers de son couvre-chef rayé, Kisuke s’enquit :
– Pourquoi à une heure aussi avancée ?
– Tsuna-chan a…
Orihime s’étrangla, incapable d’en dire davantage ; aussi Ichigo posa-t-il sur son épaule une main rassurante qui la fit sursauter et, lorsqu’il fut certain de l’avoir apaisé, s’empressa de terminer à sa place :
– Tsunata a été kidnappée, ce soir.
– Je vois…
Se dressant de toute sa hauteur, Kisuke dit :
– Eh bien, voilà une situation pour le moins embarrassante.
– Embarrassante ? répéta Shûhei, outré. C’est tout ce que vous trouvez à dire ?
– Suivez-moi, l’ignora le blond.
– Qui allons-nous voir ? demanda Rangiku d’une voix nerveuse. Et en quoi cela pourra-t-il nous être utile pour retrouver Tsunata ?
Dans l’encadrement de la porte, le fondateur du Bureau de Développement Technique de la Soul Society s’arrêta net et expliqua d’un air grave :
– Vous ne pouvez mesurer l’importance qu’a sa disparition dans la guerre à venir. Une fois de plus, je vous demanderai de bien vouloir me suivre et de ne plus poser de questions avant d’être arrivés.
Tenus en haleine par cette déclaration pour le moins floue, Shûhei et Rangiku, accompagnés d’Ichigo et Orihime, talonnèrent l’homme qualifié à juste titre de « pervers » par bon nombre de ses connaissances.
Quelques minutes plus tard, après avoir traversé plusieurs couloirs plongés dans une obscurité épaisse, Kisuke s’arrêta devant la porte d’une pièce par laquelle une faible lueur orangée filtrait. Il l’ouvrit et dévoila aux quatre autres l’intérieur d’une petite chambre éclairée par la lumière tamisée d’une bougie, rendant difficile de prime à bord la distinction de son contenu.
– La voici, annonça l’homme aux geta.
Alors que le silence de plomb macabre dominant le magasin du Shinigami exilé fut uniquement perturbé par les bruits incessants d’un respirateur artificiel et les « bips » réguliers d’un électrocardiogramme, Shûhei Hisagi et Rangiku Matsumoto écarquillèrent les yeux d’un commun accord à leur paroxysme, hébétés au point d’en oublier de respirer, seulement capable de souffler entre leurs mâchoires crispées :
– Que…
– Allons, entrez, ne soyez pas timides ! insista Kisuke.
Bien loin de se plier à la volonté du blond au bob rayé, les Vices-Capitaines restèrent interdits devant la vision qui s’offrait à eux : là, au centre de la pièce plongée dans une semi-pénombre, trônait un lit simple dans lequel il n’était pas difficile de deviner une silhouette sous les draps.
Le cœur battant la chamade, des sueurs froides leur parcourant l’échine, Rangiku et Shûhei entrèrent d’un pas incertain dans ce qui ressemblait davantage à une chambre d’hôpital plutôt qu’à celle d’une maison ordinaire.
Chaque fois que les compagnons de beuveries progressaient vers la personne alitée, les particularités physiques de cette dernière devenaient un peu plus visibles.
Lorsqu’il fut à moins de deux mètres, le ténébreux se raidit, saisit d’un effroi considérable ; ses jambes se mirent à flancher sous son poids tandis qu’il se rattrapa in-extremis contre le mur le plus proche de lui. Son amie aux cheveux vénitiens s’alarma et se précipita à ses côtés.
– Shûhei, est-ce que ça va ? s’inquiéta-t-elle.
Rangiku comprit, aux vues de ses yeux dilatés, que la réponse à sa question devait être négative, aussi s’affola-t-elle davantage.
– Qu’est-ce qu’il y a ? paniqua la jeune femme.
– Tu ne comprends pas, Rangiku ?
– Comprendre quoi ?
– C’est elle…
Ces longs cheveux blonds qui débordaient de part et d’autre du matelas, cette fragrance enivrante dominant l’odeur de désinfectant… Malgré les nombreuses plaies qui jonchaient son corps et les ecchymoses qui souillaient son teint désormais livide, cette personne ne pouvait être qu’elle.
– Cette fille, reprit Shûhei, c’est Tsunata !
– Tsuna…
Rangiku se frappa mentalement : comment avait-elle pu passer à côté de cela ? S’il était une chose qui demeurait certaine, c’est que son ami de longue date se trouvait dans le vrai : l’inconnue n’en était pas réellement une.
Shûhei fut pris de nombreux vertiges tandis que la vision de sa coéquipière en un si piteux état s’imprimait peu à peu dans son esprit : le simple fait de l’avoir vu épuisée et affaiblie après ces deux derniers jours de soins consécutifs l’avait rendu malade ; mais là, le malaise devint bien plus grand.
– En effet, confirma Kisuke, il s’agit bien de Tsunata-san.
– Pourquoi est-elle ici ? buffla Shûhei. Et pourquoi est-elle blessée ?
– Blessée ? Je ne dirais pas ça comme ça, Hisagi-san.
– Comme nous vous l’avons expliqué tout à l’heure, intervint Orihime, Tsuna-chan a été renversée il y a de ça trois mois maintenant. Depuis…
Elle s’étrangla de nouveau, ce à quoi Ichigo réagit tout de suite en plaçant sur son épaule une main rassurante et apaisante avant de terminer pour elle :
– Depuis ce jour, Tsunata, la véritable Tsunata, est plongée dans un profond coma. Ses chances d’en sortir un jour sont nulles.
– Enfoiré !
En un bond, Shûhei se dressa face au lycéen et le saisit brutalement par le col de sa chemise.
– C’est tout l’effet que ça te fait ? vociféra-t-il. Toi qui faisait des simagrées pour que je prenne soin de ta soi-disant « sœur de cœur », voilà la manière dont tu parles d’elle ? De son avenir ?
Ichigo agrippa la main du ténébreux et déclara d’un ton grave :
– De deux choses l’une : la première, je t’ai effectivement demandé de veiller sur Tsunata, mais si ma mémoire est bonne, on se retrouve tous ici ce soir parce que tu l’as laissée se faire kidnapper par des foutus Kurotama ; la deuxième, Hisagi-san, si j’en parle avec autant de détachement, c’est parce que je sais de quoi il en retourne. Alors, avant de t’égosiller dans la chambre de Tsunata, tu devrais nous laisser éclaircir la situation, non ?
Grognant d’abord de frustration, Shûhei se ravisa et relâcha sa prise sur le Shinigami remplaçant de Karakura ; celui-ci défroissa sa chemise réglementaire tandis que son amie aux longs cheveux auburn le rejoignit.
– Je ne serai pas aussi impulsive que Shûhei, annonça Rangiku, mais si vous ne nous dites rien qui pourrait nous aider à retrouver Tsunata au plus vite, je me verrai dans l’obligation de vous y contraindre.
– Ce n’est pas que nous ne voulons pas en parler, assura Orihime. C’est juste que c’est assez difficile pour nous.
– Pourquoi ?
– Parce que vous pensez que c’est facile de glisser au cours d’une conversation : « tiens, au fait, notre meilleure amie a été victime d’une tentative de meurtre » ? lâcha Ichigo.
– Tentative de… souffla Shûhei, bouche bée.
– De meurtre ? hurla Rangiku.
Orihime asséna un coup de coude dans le bras gauche de l’élu de son cœur.
– Kurosaki-kun ! gronda-t-elle.
– Quoi ? grogna-t-il en se frottant le biceps. C’est la vérité, et tu le sais, Inoue !
– Là n’est pas la question !
– Voudriez-vous nous expliquer pourquoi Tsunata en est venue à se faire renverser intentionnellement ? s’époumona la Vice-Capitaine de la Dixième Division.
Semblant revenir à la réalité, les deux lycéens cessèrent leurs explications et se tournèrent de nouveau vers les Shinigami.
– On ne sait pas vraiment pourquoi la situation a dégénéré à ce point entre Tsunata et cette femme, euh… Mi… Miyu…
– Miya Tanabe, lui rappela Orihime.
– Ouais, elle. Apparemment, ce serait une histoire de jalousie ; enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre. Vous savez comment est Tsunata : pour parler sucreries et compagnie, il y a du monde, mais quand on aborde les sujets sensibles, elle devient aussi bavarde qu’un mur.
Malheureusement, Shûhei ne put que reconnaître ce défaut de sa coéquipière : lui-même avait tenté par de nombreuses reprises au cours de ces deux derniers mois de la faire se dévoiler sur son passé et ses origines, en vain.
– D’ailleurs, poursuivit le roux, avant que je ne surprenne une conversation entre elle et cette, euh… Miya ?
Orihime fit « oui » de la tête, fière qu’il s’en soit enfin souvenu.
– Avant que je ne surprenne leur conversation, un soir, on ne savait même pas qu’il s’agissait d’une tentative d’homicide volontaire.
– Miya a elle-même confirmé que son acte était prémédité, appuya la lycéenne.
– Prémédité ? répéta Shûhei, incrédule. Quelqu’un pouvait en vouloir à Tsunata au point de planifier son assassinat ?
– C’est horrible…
Rangiku Matsumoto, d’ordinaire si forte psychologiquement, plaqua ses mains contre sa bouche et étouffa les sanglots qui la submergèrent ; elle revoyait l’image de son amie à la crinière incroyablement lumineuse : à ses yeux à elle, Tsunata n’était que sourire et tendresse. Bien qu’il lui arrivait de passer par des phases plus ou moins lunatiques et que son impulsivité n’était un secret pour personne, elle avait le cœur sur la main et plaçait les intérêts des autres – d’autant plus lorsqu’il était question de ses amis – avant les siens ; elle ne se montrait offensive qu’envers ceux qui attentaient à la paix ou la vie des personnes qui comptaient le plus à ses yeux. Alors, comment pouvait-elle avoir une ennemie mortelle ? Une personne qui lui en voulait au point de la poursuivre jusque dans le monde spirituel pour mettre à bien son terrible dessein ?
Le deuxième à se poser des questions identiques n’était autre que Shûhei. Si Rangiku avait une vision positive de la Shinigami remplaçante, elle était moindre devant celle que le ténébreux s’était fait d’elle : pour lui, Tsunata était un espoir auquel se raccrocher dans les moments difficiles, un souffle de vie, le premier rayon de soleil qui suit le déluge. Plus son regard se posait sur le visage inanimé de sa coéquipière, plus sa gorge se nouait. Les oscillations de l’électrocardiogramme le rendaient fou, mais bien moins que le va-et-vient incessant de l’appareil qui procurait à Tsunata l’oxygène dont elle dépendait.
Forcé de constater le trouble des deux Vices-Capitaines, Ichigo croisa les bras et affirma :
– La jalousie peut rendre fou, vous savez, complètement fou. C’est sans doute ce qui est arrivé à cette Miya vis-à-vis de Tsunata.
Il soupira, puis reprit d’un air sérieux :
– Tout a commencé le 17 Novembre dernier…