The New Substitute

Chapitre 23

3035 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/05/2017 15:29

« C’est pas vrai, où est-elle encore passée ? » ai-je pensé.

Dix minutes après l’incident de la ruelle sombre, je courrais à en perdre haleine dans tout Karakura, suivant de mon mieux les quelques traces de reiatsu que Tsunata avait laissé après son passage ; pourtant, quoi que je fasse, peu importe ma vitesse, je n’arrivais pas à la rattraper.

La scène qui venait de se passer devant moi, je ne l’aurai jamais cru si je ne l’avais pas vu de mes propres yeux : comment pouvait-on s’acharner autant sur une personne par pure jalousie ? Comment pouvait-on en arriver là pour de simples présomptions quant aux intentions de quelqu’un ? Mon unique souhait était de remettre la main sur elle, sur Tsunata, et le plus tôt possible pour tirer cette affaire au clair.

Un quart d’heure plus tard…

–  Fait chier !

… toujours rien. A bout de souffle, je me persuadais d’avoir établi un nouveau record de shunpo ; pour couronner le tout, les dernières traces de sa pression spirituelle s’étaient définitivement évaporées.

Toutefois, celles-ci m’avaient guidé sur la route longeant le fleuve Karasu. Il faisait noir, le ciel était dégagé, aussi les étoiles reflétaient sur la surface de l’eau. Je me suis laissé distraire par ce spectacle, en songeant à ce que Tsunata devait ressentir après une telle confrontation, la gorge nouée.

Bercé par le va-et-vient des vagues en contrebas, je n’ai émergé que lorsqu’un bruissement que j’attribuai à un frottement contre l’herbe de la berge m’est parvenu ; me penchant vers le talus, j’ai plongé mon regard vers la source du bruit, inquiet de savoir quelqu’un si proche de l’eau tandis que la pénombre était à son paroxysme.

–  Ho hé ! me suis-je exclamé. Est-ce que ça… va…

J’en suis resté pantois ! Aussi ai-je décidé de ruser d’un dernier shunpo et suis enfin arrivé aux côtés d’une blondinette recroquevillée sur elle-même, la tête appuyée contre les genoux, les bras encerclant ces derniers, qui n’avait pas même semblé s’apercevoir de mon apparition soudaine.

–  Hé, Tsunata ? C’est moi, Ichigo.

Aucune réponse de sa part. Tandis que son corps frissonnait frénétiquement, je m’étranglais en ressentant sa tristesse devenue palpable : je ne savais si elle pleurait ou non, bien que ses épaules tremblantes et ses mains crispées jusqu’au sang semblaient plutôt l’affirmer, mais mon cœur se serrait à la simple aura qu’elle émettait. Savoir cette effrontée dans un tel état de détresse me restait en travers de la gorge.

Voyant qu’elle ne réagissait pas, j’ai approché ma main de ses cheveux et les ai caressés affectueusement.

–  Ne t’en fais pas pour moi, a-t-elle soufflé d’une voix douloureuse, rentre chez toi.

Bien qu’il n’y ait eu aucun témoin, j’étais à peu près certain qu’une veine palpitait nerveusement sur mon front ; même dans une situation aussi délicate, elle restait de marbre à mon égard.

Seulement, j’en avais décidé tout autrement. Prenant une grande inspiration pour ne pas partir au quart de tour, j’ai dit calmement :

–  Je ne partirais pas tant qu’on n’aura pas parlé de ce qui vient de se passer, toi et moi.

–  Il n’y a rien à ajouter. Je suis désolée que tu aies assisté à ça, Kurosaki-san, mais je…

Sentant sa voix mourir dans sa gorge sous le joug de son chagrin grandissant, je me suis agenouillé à côté d’elle et l’ai retournée face à moi. Comme le jour de la découverte de son corps mutilé, mon cœur a marqué un arrêt devant ce visage qu’il me sera toujours impossible d’évincer de ma mémoire : je l’ai déjà dit, mais Tsunata ne pleure qu’en de rares occasions ; or, à cet instant, la lueur faiblarde de la demi-lune reflétait dans son regard vert emprunt de toute la peine qu’elle gardait en elle, et la seule émotion que son visage laissait transparaître était d’une douleur indescriptible. D’ailleurs, son étonnement vis-à-vis de ma précédente action s’est estompé la seconde suivante, laissant le terrain libre à son expression bouleversée. Jamais de ma vie je n’aurai pensé un jour devoir assister à une scène aussi pénible avec cette jeune femme qui, à mes yeux, débordait de mystères.

–  Tsunata, je suis là maintenant : parle-moi.

M’attendant à être de nouveau confronté à un mur, j’ai brièvement sursauté lorsqu’elle m’a répondu de sa voix étranglée, le regard dirigé vers le néant :

–  Je ne lui ai jamais voulu le moindre mal. Quand ils se sont mis ensemble, j’ai été la première heureuse pour eux. Pourtant, depuis ce jour, elle a tout mis en œuvre pour me rendre la vie impossible. Aujourd’hui, elle m’a arraché le peu que je possédais, et ça ne lui suffit pas encore. (Elle m’a regardé droit dans les yeux.) Tu sais quel est mon dernier souvenir, Kurosaki-san ? Je veux dire, en temps qu’humaine ? C’est celui de son visage satisfait derrière le pare-brise, juste avant d’appuyer davantage sur l’accélérateur. Comment ? Comment peut-on être aussi cruelle envers une personne qui se réjouissait de votre bonheur ?

Elle a plaqué ses mains devant son visage et s’est retenue dans un effort surhumain de ne pas fondre en larmes, finissant de me retourner l’estomac ; sans réfléchir une seconde de plus, j’ai spontanément fait quelque chose qui ne me ressemblait guère : la cajoler contre moi. Plus surprenant encore : celle-ci s’est laissée faire.

Dans mon for intérieur, la seule chose dont j’avais réellement envie était de retourner dans cette foutue ruelle et de donner à cette garce la leçon qu’elle méritait amplement. De la jalousie, c’était ni plus ni moins ce qui avait coûté la vie de Tsunata.

–  Je suis là, ça va aller.

D’une voix à peine audible, elle a murmuré :

–  C’est ce qu’il avait dit, lui aussi.

–  Qui ça ? me suis-je enquis. Aki… Akino…

–  Akio, m’a-t-elle aidé.

–  Ouais, voilà, celui-là !

Pour confirmer ma supposition, elle a hoché faiblement la tête contre mon torse.

–  Il clamait haut et fort être un frère pour moi, mais il a été le témoin principal de tout ce qu’elle me faisait subir, sans jamais bouger le petit doigt. Pire encore : il a subitement coupé le lien qui nous unissait, seulement pour lui faire plaisir. Miya est peut-être celle qui m’a renversée, mais il n’en reste pas moins responsable.

Une deuxième envie de meurtre me submergeait. Néanmoins, je préférais garder ce détail pour moi.

–  Je ne sais foutrement pas ce qui est passé par la tête de ce mec quand il a décidé de te laisser tomber et de ne pas réagir quand cette peste te faisait souffrir mais, moi, je ne suis pas de cette espèce. J’ai deux petites sœurs, tu sais ? Pour rien au monde, je ne permettrais qu’on leur fasse le moindre mal.

Je lui ai redressé la tête et adressé un sourire réconfortant qui, par ailleurs, l’a fait rougir – sûrement parce qu’elle-même savait que ce n’était pas une habitude chez moi d’agir ainsi.

–  Ce type était tout autant une ordure que cette fille, ai-je appuyé. Moi, en tout cas, je ne suis pas comme ça : si tu as besoin d’une épaule pour pleurer, prends la mienne ; si tu as besoin de poings pour te défendre, fais appel aux miens ; et surtout, si tu as besoin de parler, saches que je serai là pour t’écouter. Tu comprends ?

D’abord interdit, son visage a fini par s’illuminer d’un petit – mais toutefois sincère – sourire sur ses lèvres.

–  Une brute épaisse comme toi est vraiment capable de dire d’aussi jolies choses ? a-t-elle ironisé.

–  Hé ! ai-je sifflé, piqué au vif. Ne profite pas de la situation pour…

Je me suis interrompu tandis qu’elle me serrait dans ses petits bras et a murmuré avec douceur :

–  Merci.

Un temps éberlué par la chaleur qui émanait d’elle, aussi bien par sa voix que par ses gestes, j’ai renforcé son étreinte.

–  C’est normal, ai-je assuré. Orihime et moi, nous serons toujours là pour te soutenir, fais-nous confiance.

–  Orihime, hein ? a-t-elle repris d’un ton moqueur.

–  Oui, pourquoi ?

–  C’est étrange, je pensais que vous en étiez encore à vous appeler par vos noms de famille.

–  C’est le cas ! ai-je balbutié, rouge jusqu’aux cheveux.

–  A l’instant, tu viens de l’appeler par son prénom, idiot ! a-t-elle ri.

–  Ça m’a échappé, OK ?

–  Quand je vais lui raconter ça…

–  Tu ne vas rien lui raconter du tout ! me suis-je époumoné.

Il ne lui en a pas fallu plus pour se laisser emporter dans un fou-rire incontrôlable qui, dans un premier temps, m’a irrité au plus haut point, avant que je ne sourie à mon tour.

–  Ravi que ça te fasse rire, blondinette.

–  Tous les deux, on est parti du mauvais pied.

–  Je comprends. Ce gars et moi, on se ressemble physiquement. Ça ne devait pas être évident de me voir tous les jours en pensant à lui, après tout le mal qu’il t’a fait.

–  Ce n’est pas une raison. Je suis désolée de m’être comportée comme ça avec toi.

–  Bah ! c’est déjà oublié, ai-je dit en haussant les épaules.

Elle s’est écartée de moi et, pour la toute première fois, m’a adressé l’un de ses fameux sourires tandis qu’elle tendait sa main vers moi en s’exclamant :

–  Je m’appelle Tsunata Nara, enchantée !

Répondant à son geste, j’ai souri à mon tour :

–  Ichigo Kurosaki, ravi de te connaître, blondie. »

–  Depuis ce jour, expliqua le remplaçant, Tsunata n’a plus jamais abordé le sujet « Miya et compagnie ».

–  Cependant, poursuivit Orihime, on a appris que, quelques semaines plus tard, Akio avait subitement disparu et que Miya s’était donnée la mort en se jetant du toit d’un immeuble.

–  Tsunata n’était au courant de rien. Ça me fait mal de l’admettre, alors je ne le dirai qu’une fois : elle n’a commencé à aller de l’avant et à reprendre goût à la vie qu’un peu moins d’un mois plus tard, au moment où toi et elle, Hisagi-san, avez formé une équipe.

Shûhei s’empourpra discrètement.

–  Nous ne voulions pas remuer le couteau dans la plaie et faire remonter de vieux souvenirs à la surface, ajouta la lycéenne.

–  Trois semaines après l’épisode de la ruelle, sans qu’on ne sache pourquoi, les Kurotama se sont mis à la traquer comme un animal. C’est là que Kyôraku-san a décidé de lui offrir l’asile au Seireitei. Au départ, on mettait cet intérêt sur le dos de sa puissance personnelle : si nous, Shinigami, avions du mal à nous en sortir avec ces ordures, Tsunata, elle, leur réglait leur compte en deux temps trois mouvements.

–  Mais aujourd’hui, enchaîna Orihime, il semble bien plus évident que Miya Tanabe, après sa mort, soit devenue une Kurotama et qu’elle ait cherché à tout prix à se venger de Tsuna-chan.

Shûhei méditait silencieusement sur les révélations des lycéens lorsque, sans crier gare, il émergea et marmonna :

–  Tsunata le savait.

–  J’te demande pardon ? grommela le roux.

–  Depuis quelques temps, Tsunata n’était plus la même : elle semblait distraite, méfiante, et surtout, elle semblait triste. Je n’ai jamais réussi à lui faire dire ce qui n’allait pas ; elle tentait de me cacher la vérité, mais moi, je le voyais, je voyais que ma coéquipière n’était plus qu’une pâle copie d’elle-même. J’aurai dû insister, j’aurai pu l’aider, mais je n’ai rien fait…

Orihime s’approcha de lui et, dans une délicatesse qui n’avait d’égal que sa beauté, posa sa main contre la joue du ténébreux.

–  Tu n’as pas à t’en vouloir, Hisagi-san : Tsuna-chan est quelqu’un de très réservée, mais s’il y a bien une chose dont je suis certaine, c’est qu’elle tient à toi plus qu’à quiconque. Kurosaki-kun et moi, on ne connaît la vérité sur les circonstances de son accident que parce qu’on s’est trouvé au bon endroit, au bon moment, si on peut le dire comme ça ; sans ça, on serait dans la même situation que toi. Et puis, ça m’étonnerait qu’elle apprécie t’entendre dire de telles choses à ton sujet.

Les paroles réconfortantes de la lycéenne ayant fait leur effet, le Vice-Capitaine lui adressa un faible sourire.

Tout à coup, un son strident retentit dans la pièce et fit sursauter ses occupants d’un même mouvement.

Bip ! bip ! bip ! bip !

L’électrocardiogramme s’affola tandis que la blonde inconsciente convulsa violemment.

–  Que se passe-t-il ? s’enquit Shûhei, fou d’inquiétude.

–  Tessai ! appela Kisuke.

–  J’arrive, patron ! lui répondit celui-ci.

Orihime accourut au chevet de Tsunata et, en plaçant les mains devant elle, s’écria :

–  Bouclier des deux cieux ! Retour !

Ayame et Shun’ô, deux des six fleurs de Shunshun de la jeune femme aux cheveux auburn, englobèrent le corps secoué de toutes parts de l’ancienne étudiante d’un bouclier lumineux pendant que le géant à lunettes au service de Kisuke Urahara se pressa vers la blonde, une seringue à la main : par le biais d’une faille dans le dôme scintillant,  il administra à Tsunata un puissant sédatif dans l’espoir que celui-ci parvienne à la calmer, en vain.

–  Qu’est-ce qu’il lui arrive, bordel ? hurla le ténébreux.

–  Shûhei, calme-toi ! implora son amie Vice-Capitaine.

–  Inoue, qu’est-ce qu’elle a ?

–  Je n’en sais rien, Kurosaki-kun !

–  Si elle continue comme ça, son cœur ne tardera pas à lâcher ! certifia Tessai.

–  Quoi ? s’égosillèrent en chœur Ichigo, Shûhei et Rangiku.

–  Tsuna-chan ! Reste avec nous !

–  Hisagi-san, il faut la retrouver au plus vite ! intervint Kisuke.

Le brun se tourna vers l’ancien Capitaine de la Douzième Division et le lorgna d’un air incrédule.

–  Vous dites ?

–  Il faut la retrouver avant que son corps ne meure !

–  Pourquoi ça ? Hors de question que je la laisse !

Kisuke lui saisit les épaules, planta son regard incroyablement sérieux dans les yeux affolés de Shûhei et lâcha sans le moindre tact :

–  D’une manière ou d’une autre, elle est condamnée ! Nous avons réussi à la maintenir entre la vie et la mort pendant plus de trois mois alors même qu’on ne pensait pas qu’elle passerait la première semaine ! Nous ne pouvons plus rien faire pour son « elle » humain, il faut que vous la retrouviez le plus vite possible !

–  Pourquoi ? interrogea Rangiku. Que se passera-t-il si on ne la retrouve pas avant ?

–  Si elle vient à mourir sans qu’elle n’ait quelque chose à laquelle se raccrocher – un souvenir, un sentiment, une personne qui lui est chère – dans le meilleur des cas, la mémoire de Tsunata-san mourra avec elle ; dans le pire, elle disparaitra définitivement. Si elle vient à perdre ses souvenirs, elle deviendra un Plus comme les autres et finira dans Rukongai : avec un peu de chance, elle parviendra à redevenir une Shinigami, mais celle que nous connaissons ne sera plus ! Je ne parle même pas des conséquences qu’entraînerait la deuxième option qui se présente à nous ! Alors, Hisagi-san, quel est le plus important pour toi : perdre ta coéquipière pour le restant de tes jours, ou la sauver ?

Les yeux écarquillés, la bouche entrouverte, le cœur battant la chamade, Shûhei en resta coi, l’attention rivée sur la jeune femme qui se mourrait peu à peu devant lui.

Quelque part, dans un vieil entrepôt insalubre, Tsunata s’extirpa doucement de son état d’inconscience. Le regard dans le vague, une migraine atroce, des tiraillements insoutenables dans les bras et les épaules, elle tenta de comprendre la situation dans laquelle elle se trouvait, lorsqu’une voix moqueuse s’exclama :

–  On se réveille enfin, princesse ?

–  Mi… Miya…




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