Never Light Without Darkness

Chapitre 4 : Amis

3464 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/09/2017 20:36

Alors que j’arrivai devant un carrefour et m’apprêtai à emprunter la direction menant à mon studio, je songeais encore aux conseils de Rangiku. Il fallait en effet que je fasse mes preuves auprès de Tsunata, mais les sciences étaient le domaine qui me rendait fou par définition. Pourtant, mon désir de la surprendre était plus grand encore. Pourrais-je y arriver ? Pourrais-je m’améliorer dans ces matières qui étaient sensibles de me donner la migraine à la simple mention de leur nom ? Je n’en savais rien, mais je me dirigeai d’ores et déjà vers le lieu privilégié par ma voisine de table.

Sur place, un peu perdu au centre de toutes ces étagères hautes comme des gratte-ciels, je m’adressai au jeune employé du nom de Yamada pour me conseiller. Il me demanda quel sujet m’intéressait et je lui répondis que j’aimerai étudier les sciences physiques et chimiques. Il me sourit d’un air gêné en m’avouant que j’aurai dû venir un autre jour, car une jeune femme aux habitudes récurrentes dans ces murs était passionnée par ces disciplines. De plus, ajouta-t-il, c’était un vrai délice pour les yeux : une fille douce et belle à la fois. Je compris qu’il parlait de Tsunata et lui demandai s’il était possible d’avoir les livres qu’elle consultait le plus. L’employé m’en dressa une liste complète. Au bord de l’évanouissement à l’entente des titres de ces ouvrages, je pris mon courage à deux mains et en sélectionnai une dizaine que je choisis d’emprunter. Mes trouvailles en ma possession, je décidai de rentrer chez moi les étudier avec grand soin.

Après avoir dégusté un bol de ramen que je m’étais préparé, je me plongeai dans la lecture de l’ouvrage qui me paraissait le plus à même de convenir à un débutant tel que moi. Celui-ci expliquait dans les grandes lignes les principes de base de la physique quantique bien mieux que n’aurait su le faire Urahara-sensei. Je veillai jusqu’à une heure avancée pour essayer d’en apprendre le plus possible, mais cela se révéla encore plus compliqué que ce que je n’avais osé espérer.

De plus, c’était sans compter sur mes deux meilleurs amis, qui ne cessaient de m’harceler de messages depuis mon retour chez moi. Pour plus de sérénité, j’avais pris l’initiative d’éteindre mon téléphone et ne le rallumai qu’une fois allongé dans mon lit. Mes joues furent de nouveau le théâtre d’un incendie au gré de ma lecture tandis que Rangiku s’exaltait en songeant à quel point Tsunata était extraordinaire, et que Kira me faisait une scène pour ne pas l’avoir informé de ce que sa petite-amie avait annoncé comme étant mon premier rendez-vous avec la fille de mes rêves.

J’écarquillai les yeux à cette idée : était-ce vraiment comme ça qu’il fallait voir mon geste ? Est-ce que Tsunata l’avait pris comme un rendez-vous ? Mon cœur se mit à battre la chamade. Il ne me semblait pas qu’elle se serait comportée ainsi s’il en avait été question, et puis ce n’était pas le genre de personne à accepter un rencard après seulement deux jours de conversation. Je m’endormis à la pensée de notre détour au restaurant, lorsque mon attention s’était noyée sur ses lèvres dont le tracé me hanterait jusqu’à la fin de mes jours.

Le lendemain, une pointe d’inquiétude naquit à mon réveil. L’idée du rendez-vous ne m’était pas désagréable, mais je redoutai que Tsunata ne l’ait pris ainsi et se méfie à présent de moi. C’est sans plus de conviction que j’empruntai le chemin du lycée, et que je me retrouvai devant ses grilles sans m’être aperçu de quoi que ce soit.

Lorsque j’entrai dans la salle, je constatai que ma camarade n’était pas encore arrivée. Je décidai d’aller m’installer et d’attendre, nerveux, le moment où elle ferait son apparition. A peine m’étais-je assis que j’entendis une voix guillerette au possible s’exclamer d’un ton ensoleillé :

–  Salut, Shûhei !

Je tournai la tête dans sa direction et la vis, avec son éternel sourire rayonnant, ôter ses écouteurs d’un geste habile et s’avancer vers moi avec entrain. Le simple fait de ressentir l’aura qu’elle dégageait suffit à m’apaiser, et je lui répondis avec bienveillance :

–  Salut, Tsunata. Alors, comment était ce curry ?

–  Très bon, m’assura-t-elle. J’en ai parlé à Akio et Miya et, la prochaine fois, tu es officiellement invité à venir y goûter !

Mon cœur s’affola de nouveau, mais cette fois-ci, pour une toute autre raison : elle avait parlé de moi à sa famille. Enfin, d’un autre côté, cela ne m’étonnait pas tant que ça : la fiancée de son frère avait dû la questionner à mon sujet, puisqu’elle m’avait vu raccompagner Tsunata à leur domicile. Néanmoins, c’était la première fois que je recevais une pareille invitation, et je lui souris pour accepter.

Son visage emprunt de lumière devint soudain interdit au son des murmures qui se répandaient dans notre dos. Une fille de notre classe s’était empressée de raconter qu’elle nous avait vus la veille au soir, Tsunata et moi, et que je n’avais pas hésité à lui sauter dessus en public pour lui voler un baiser. Les deux types à qui elle racontait cette absurdité s’outragèrent d’un pareil comportement et affirmèrent que je devais tenir ma camarade par la menace pour qu’elle agisse de la sorte avec un être tel que moi après une action de cette envergure.

Mon sang ne fit qu’un tour, mais alors que je me préparai à inscrire les détails de mon poing dans le visage de ces abrutis, Tsunata me devança et se dirigea dans le fond de la classe. Ses yeux étaient cachés par sa frange blonde, et elle dégageait une aura aux antipodes de sa prestance habituelle. Je la regardai sans trop savoir à quoi m’attendre de sa part, mais je me tins prêt à voler à son secours à la moindre occasion.

Elle plaqua ses mains sur la table autour de laquelle les trois commères s’étaient installées, puis se baissa pour plonger son regard dans le leur et les faire frémir de terreur. Là, elle annonça d’une voix glaciale qui ne lui ressemblait guère :

–  Que les choses soient claires : Shûhei a gentiment proposé de me raccompagner hier, et sur le chemin, il m’a invitée à nous arrêter au fast-food. Ce n’était pas un rendez-vous, mais une sortie entre amis, car c’est ce que nous sommes. Et si je me comporte ainsi avec lui, ce n’est pas parce qu’il me menace, mais parce qu’il le mérite. Shûhei Hisagi n’a pas besoin de me mettre le couteau sous la gorge pour que je m’intéresse à lui, et il en serait tout bonnement incapable. C’est quelqu’un de bien. Alors, vous devriez méditer là-dessus et aller cracher votre venin ailleurs, avant que vos petites piques à son égard commencent sérieusement à m’irriter. (Puis, elle s’arma de nouveau de son sourire.) A bon entendeur !

Fière de son effet, elle me rejoignit d’un air triomphant et prit de nouveau place à mon côté en retournant à notre conversation comme si de rien n’était. En jetant un coup d’œil derrière nous, je vis les trois autres trembler de tout leur être. Il était vrai que Tsunata, dont la douceur n’avait d’égal que sa beauté, pouvait revêtir un visage menaçant des plus effrayants. Néanmoins, mon intérêt pour elle ne cessait de croître, et je me sentais au comble du bonheur de savoir qu’elle me considérait à présent comme son ami.

Le reste de la semaine se passa de cette manière : tous les matins, nous nous retrouvions un peu avant la sonnerie et discutions de tout et de rien. Les autres nous regardaient de biais pour détailler nos faits et gestes, mais lorsque Tsunata s’en apercevait, tous s’occupaient d’affaires diverses et variées. Le dégoût à mon égard diminuait peu à peu tandis qu’ils me voyaient sous un nouveau jour en présence de la jolie blonde, ce qui eut pour effet d’engendrer quelques bruits de couloir anodins tel que « Vous avez vu comme cette fille a réussi à le faire changer ? Nara-san est vraiment incroyable ! », et je ne pouvais que confirmer ce qu’ils avançaient.

Le midi, ma camarade me demandait ce qui me ferait plaisir et, après un harcèlement de plusieurs minutes pour connaître mon envie du jour, s’empressait d’aller l’acheter. En échange, je ramenais un plat traditionnel confectionné de mes mains, et nous partagions nos déjeuners. Cependant, le vendredi, elle s’inquiéta de savoir si aller manger sur le toit avec les autres ne me manquait pas, mais je lui assurai que je les voyais suffisamment durant l’entraînement. Et c’était vrai : tous les soirs – car nous n’avions comme jour de congé que le mardi – je me rendais au gymnase et devais subir l’avalanche de questions que mon rapprochement avec la fille dont je ne cessais de leur rabattre les oreilles suscitait. Mais qu’à cela ne tienne, j’adorais leur conter comme elle était merveilleuse, et à quel point je l’adorais. Madarame crut bon d’ajouter que j’étais « pris dans ses filets », alors que mes sentiments pour elle étaient indéniables depuis le jour où nos regards s’étaient croisés pour la première fois. Après l’entraînement, je rentrais chez moi, mes pensées dirigées à l’unisson vers mon amie, mangeais à la va-vite, préparais un bento pour le lendemain, puis replongeais le nez dans les livres que j’avais emprunté à la bibliothèque jusqu’à ce que la fatigue me gagne.

Je maudissais le vendredi soir, car cela supposait que je ne reverrai pas ce rayon de soleil personnifié du nom de Tsunata Nara pendant un peu plus de deux jours. Celle-ci, en quittant sa place, m’avait salué de son entrain légendaire en s’exclamant :

–  A lundi, Shûhei !

Ce à quoi je répondis de la même manière, bien que déçu de ne pas la voir le lendemain au match. Mais je me doutai que sa venue relèverait du miracle, car le test de mathématiques avait lieu le mardi, et je savais ô combien elle était déterminée à donner le meilleur d’elle-même. Alors, je décidai de ne pas m’en formaliser, convaincu qu’après tout, ce ne serait que partie remise. C’est ainsi qu’arriva subitement dans l’encadrement de notre porte le rouquin du nom d’Ichigo Kurosaki, et qu’il dit à l’adresse de Tsunata :

–  Hé, blondie, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?

–  La ferme, crétin, souffla-t-elle en s’approchant de lui.

–  La ferme ? s’insurgea-t-il. Alors c’est comme ça que tu me remercies ?

–  Parfaitement : t’es qu’un rustre préhistorique et ta voix me fait vriller les tympans.

–  Tu perds rien pour attendre, sale blonde prétentieuse !

Puis ils continuèrent leurs chamailleries en s’éloignant de notre salle de cours. Une pointe de jalousie naquit dans mon for intérieur, mais je comprenais à présent pourquoi nos disputes avec Rangiku l’avaient tant amusée lors de notre arrêt au fast-food : son meilleur ami et elle avaient une relation encore plus houleuse que la nôtre, et leur attache l’un pour l’autre n’en était que plus flagrante.

Après mes révisions du soir, les bras croisés sous mon oreiller, le regard dirigé vers le plafond, je me laissai envahir par la mélancolie. Je ressentais le besoin de lui parler, mais je n’avais pas encore osé lui demander son mail. Etonnamment d’ailleurs, elle non plus ne s’était pas occupée de ce détail, mais je me doutais de la raison : le soir, elle devait s’occuper de tout autre chose que de son téléphone portable. Alors, je pris mon mal en patience et essayai de me concentrer sur le match que je disputerai le lendemain contre l’équipe de Naruki. En temps qu’espoir de notre lycée, je n’avais pas le droit à l’erreur.

Le samedi, je me levai assez tard pour ne pas me préoccuper de la suite de cette journée inutilement, et me préparai sans me presser plus que nécessaire. Arriva bien vite pour moi l’heure de rejoindre les autres devant les grilles du lycée Daiichi pour prendre le bus qui nous mènerait au gymnase de Naruki. Bordant Karakura, il ne nous fallut pas longtemps pour arriver à notre destination. Notre entraîneur, le coach Kyôraku, nous guida aux vestiaires où nous nous pressâmes d’enfiler nos tenues. Alors que je revêtais le maillot portant le numéro six, nous entendîmes en provenance des gradins la foule acclamer notre prochaine rencontre, finissant de nous motiver. Notre manager, Rangiku, fit irruption auprès de nous et commença, appuyée par le coach, à nous faire part de ses prérogatives pour nous mener à la victoire. Une fois le point fait sur les stratégies que nous devrions adopter lors du match, elle vint me voir en aparté et me demanda d’un air sournois :

–  Alors, les tribunes vont-elles briller par la présence de la belle Tsunata ?

Je rougis soudainement, puis me ravisai en lui expliquant :

–  Je ne pense pas qu’elle viendra.

–  Comment ça, tu ne penses pas ? Tu ne lui as pas redemandé ?

Mon regard suffit à lui répondre. Consternée, elle fronça les sourcils et appuya les poings contre ses hanches.

–  Je me demande vraiment ce qui ne tourne pas rond chez toi, Shûhei Hisagi. Si elle ne vient pas, tu pourras remercier ton sale caractère pour l’en avoir dissuadée. Je suis sûre qu’elle se serait fait un plaisir de venir te voir si tu ne lui avais pas fait ton speech sur un contrôle qu’elle aurait réussi sans même avoir à réviser.

Je compris qu’en réalité, bien qu’elle souhaitait vraiment qu’on continue de se rapprocher, Rangiku aurait surtout aimé voir Tsunata pour pouvoir en apprendre plus à son sujet. Kira me l’avait dit : elle ne cessait de parler d’elle et désirait ardemment devenir son amie, elle aussi. Mon amie d’enfance me quitta alors, visiblement contrariée, suffisant à convaincre son petit-ami de me rejoindre pour m’interroger sur ce que j’avais bien pu lui dire pour la mettre dans un état pareil. Je lui expliquai, puis il plaqua sa main contre son visage d’un air affligé et dit :

–  Merde, mon vieux, t’as vraiment un problème avec les relations humaines. Tu peux pas lui envoyer un message pour lui demander de…

Il s’interrompit, se rappelant que l’on parlait de moi, et donc que sa question n’avait aucun sens. En guise d’un soutien compatissant, il posa sa main contre mon épaule et nous rejoignîmes les autres pour se rendre sur le terrain.

Lorsque nous fûmes tous en position, j’alternai mon regard sur les gradins nous encerclant et ne parvins pas à déceler la petite tête blonde que je souhaitais tant apercevoir. Je me maudissais en songeant à quel point mes meilleurs amis avaient raison, et comme j’étais un cas désespéré. Malgré tout, je décidai de donner mon maximum dans ce match pour pouvoir le narrer le lundi suivant à ma camarade et tenter de l’impressionner au mieux, en espérant que mon comportement ne l’ait pas vexé.

L’arbitre siffla le coup d’envoi, et nous commençâmes notre affrontement avec une détermination à toute épreuve. Au cours du match, alors que mes coéquipiers arrachaient le ballon des mains de nos adversaires et me le faisaient parvenir pour que je marque les paniers, je ne cessais de penser à Tsunata, et me disais sans arrêt : « Est-ce que cette action t’aurait épatée ? Qu’aurais-tu pensé en me découvrant sous ce jour ? », et alors que de telles préoccupations auraient pu me déconcentrer, l’effet fut tout autre : je marquais des points sans même m’en rendre compte.

Une minute avant la fin du match, tandis que nous menions l’équipe de Naruki 23 à 15, l’adversaire portant le numéro onze nous vola le ballon et fondit sur notre panier. Kira se trouvait à l’extrême opposé, tandis que Madarame, Ayasegawa et Abarai étaient au centre. J’étais donc le seul joueur le plus à même d’empêcher l’action de nos ennemis, alors qu’il ne s’agissait pas de ma spécialité sur le terrain. Toutefois, poussé par une force mystérieuse, je m’élançai à toute allure vers la menace et arrivai si vite sur lui qu’il n’eut le temps de le réaliser qu’une fois que je lui eus soustrait le ballon et que je l’envoyai avec une force herculéenne en arrière.

–  Madarame ! m’écriai-je.

Surpris par mon intervention inopinée, il se hâta néanmoins et intercepta ma passe. Il partit au quart de tour et se rua vers le panier, mais fut arrêté dans son élan par l’un de nos adversaires. Avec ruse, il fit rebondir le ballon au sol et hurla :

–  Kira !

Mon meilleur ami s’était préparé à ce genre de tactique et le rattrapa in-extremis pour l’envoyer directement au-dessus de lui et nous permettre de marquer trois points supplémentaires tandis que l’arbitre sifflait la fin du match.

Fous de joie, nous hurlâmes et nous rassemblâmes en cercle dans lequel on me mit au centre pour chaudement me féliciter de ma prouesse. J’étais si fier de moi, et tellement déçu de ne pas avoir été vu en cet instant de gloire par la seule dont l’avis m’importait réellement. Mais je me consolai en m’assurant de tout lui énumérer dès son arrivée, le lundi matin, et profitai avec mes coéquipiers de cette victoire amplement méritée.

Après avoir serré la main de nos adversaires, nous nous précipitâmes aux douches dans lesquelles les autres planifièrent d’aller fêter notre exploit en terrasse. Je leur expliquai que j’aurai aimé me joindre à eux, mais que j’avais d’autres priorités. Ils ironisèrent un long moment sur le fait que je me mettais à travailler après treize ans d’abstinence – ayant intégré le cursus scolaire à l’âge de six ans – pour les beaux yeux de ma voisine de classe. Je leur répondis en les narguant que le jour où ils rencontreraient un être de sa trempe, eux aussi prendraient la peine d’ouvrir le premier livre de leur vie. Sur ces bonnes paroles qui firent l’effet escompté, nous enfilâmes nos vêtements du quotidien et prîmes le chemin de la sortie du gymnase.

Je discutai avec Kira, derrière Abarai, Iba et Kotsubaki, quand ceux-ci s’interrompirent soudainement et que nous nous percutâmes les uns contre les autres.

–  Mais qu’est-ce que vous foutez ? fulmina Madarame.

–  Hisagi, balbutia Iba, regarde.

Je passai entre eux, et écarquillai les yeux lorsque j’identifiai la personne aux côtés de notre manager.




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