When in Rome

Chapitre 65 Rio ne répond plus

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Le terrain était dégagé en lisière d'une petite favela parmi les moins peuplées sur la côte occidentale. Le lieu avait été choisi pour cette raison mais la population la plus proche de l'action avait reflué, et personne n'avait la moindre intention d'intervenir. Le bruit des tôles froissées et les tremblements effrayaient trop les résidents qui se terraient chez eux ou dans des rues plus éloignées. Pétrifiés par cette brutale incursion du fantastique dans leur existence déjà rude, ils étaient pour la plupart à genoux, à murmurer des patenôtres en litanie, entre deux embrassades désespérées de statuettes de la Vierge.

Faith prit un nouveau coup dans le ventre qui l'envoya cogner contre un parapet. Elle dérapa sur le sol boueux et se redressa vite en essuyant la lèvre qu'elle s'était mordue.

— Ce balourd m'énerve, dit-elle seulement en suivant du regard sa jeune consœur qui courait derrière un autre.

Alexandra Doyle-Rosenberg avait profité de la distraction du second golem pour lui décocher un coup vicieux là où manifestement… cela ne lui fit rien. Sans lui laisser le temps de contrattaquer, elle imita Faith qui sortit une lame courbe affûtée comme un rasoir, habilement dissimulée pour apparaître comme un simple ornement gothique de sa botte.

En miroir, les deux Tueuses s'en prirent ensemble au premier mannequin de glaise, l'enserrant dans une double prise jusqu'à lui trancher le cou pour le décapiter. Sa tête tomba avec un gros splotch satisfaisant, pendant que Faith shootait dedans avec un sourire triomphant.

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SPIKE

A bord de l'Insectoïde occulté, perché à plusieurs kilomètres dans le ciel, quelques spectateurs attendaient l'issue de l'opération en cours. Assis à côté de Spike, sur la table des cartes spatiales au fond de la passerelle, Angel en chemisette ringarde débitait ses commentaires pensifs pendant que les filles se battaient en bas.

— Oh, joli !... Tu sais quoi ? Eh bien je vais te dire. Même plus vampire, je trouve le sang sur sa lèvre éclatée carrément sexy. J'ai pas envie de le boire ni rien mais…

— Oh non, mais merde ! T'as pas l'intention de me sortir tout le comparatif avant / après, si ? Tiens regarde plutôt, tu rates toute l'action.

Du géant abattu, deux golems se relevèrent : un depuis le corps sans tête, et un depuis la tête sans corps. Bras et jambes perdus ou tailladés se reconstituèrent aussitôt, tandis que les clones se boursoufflaient jusqu' à prendre une taille de plus qu'avant…

— Eh, regardez-moi ces vilains petits tricheurs… lança Faith avec un coup d'œil vers Willow qui flottait dans les airs. Kennedy, avec moi !

Un peu en retrait, debout en surplomb d'un congélateur béant, Willow avait sa propre tâche sur le plan magique. Les Tueuses n'étaient que ses gardes du corps en la circonstance.

Alexandra cherchait à rejoindre sa mère pour la soutenir dans son effort de localisation et drainage énergétique. Elle sauta souplement par-dessus une voiture défoncée pour se cacher derrière. Son assaillant souleva la carcasse de métal sans difficulté comme on déplacerait un rocher pour y débusquer un petit crabe. En deux gestes vifs consécutifs, elle trancha la paluche monstrueuse qui essayait de la déloger de là. Puis, d'un mouvement du poignet, elle projeta la main coupée du golem en l'air, avant de lancer « Exaquare ! »

Privée de l'eau qu'elle contenait, la main baladeuse perdit toute cohésion et sa texture de poterie humide se transforma en poussière. Cette trouvaille fit naître un sourire de contentement et quelques applaudissements chez les spectateurs aériens.

Hélas, cette poussière retomba lentement… pile dans une flaque. La main fut reconstituée et il en repoussa un autre golem entier.

Impatientés ou déçus, les passagers du vaisseau levèrent tous les yeux au ciel.

— Dommage, murmura Tara, assise de l'autre côté d'Angel. C'était une super idée. Il aurait fallu juste penser à souffler la terre séchée dans un coin sec… Maintenant, elles sont en infériorité numérique. Qui descend les aider ? Maman n'a pas fini.

— Moi je descends ! se proposa l'ex-vampire en allant d'un pas joyeux en direction de la zone de téléportation près du poste de pilotage.

— Pff, souffla Spike. Mais arrête donc ! Tu vas te faire tabasser... Enfin, je veux dire… Pas que ça me dérange, hein ? Mais quand le combat est trop inégal, c'est chiant à regarder.

— Moi aussi j'y vais. Je voudrais aider Maman et Alexandra…

— Hep là, Sucre d'Orge. Tu reposes tes fesses ici et tu ne bouges pas. Je ne veux pas avoir tes mères sur le dos ! C'est toi que les gadouilleux voulaient enlever et on ne va pas te servir sur un plateau. On fait comme on a dit.

— Mais Maman aurait dû trouver le marionnettiste qui les anime depuis longtemps… Si Alex est allée l'aider en tant que magicienne en laissant Faith et Kennedy, c'est bien parce qu'il y a un problème...

— Raison de plus pour que je descende ! insista Angel.

Il se plaça dans un cercle qui se distinguait par un métal différent du reste du plancher et adressa un signe impatient aux pilotes. Ces derniers le regardaient avec des yeux ronds, sûrement dubitatifs. Sauf qu'ils avaient tout le temps les yeux ronds, ce qui n'était donc d'aucune indication concernant leur état d'esprit.

En observant la passerelle désertée en un clin d'œil, Spike se faisait la réflexion que leur téléportation était tout ce qu'il y avait de moins spectaculaire. Pas une lumière, pas un petit son sympa. Rien. Il fallait vraiment faire quelque chose pour restituer un peu de classe aux embarquements…

Angel venait d'apparaître en tout petit, en bas, galopant à toutes pompes vers le gros machin aux prises avec sa femme.

— Ohé du bateau, vous m'entendez, appela la voix de Willow qui passait par les haut-parleurs du vaisseau. Je ne sais pas qui est derrière tout ça, mais c'est pas un minus. Et il est loin. J'ai dû étendre mes sens au maximum pour le localiser. C'est à peine incroyable qu'il arrive à faire ça à une telle distance…

— Loin comment ? questionna Giles en posant sa tasse de thé dans sa soucoupe.

Tara se trémoussait, tirant nerveusement sa blouse en dentelle sur sa longue jupe kaki. L'ancêtre lui posa une main sur l'épaule en un geste qui signifiait de toute évidence « patience ». La choupette serrait les poings, fatiguée de rester à regarder les autres suivre leur plan dont elle était exclue.

— Gros du bide ! Touche pas à mon bébé ! répondait Will. Pardon, je ne vous parlais pas à vous Giles… Loin comme un autre continent, à des milliers de kilomètres… Hé ! Ma Xabounette, fais attention, derrière toi ! Qu'est-ce que je disais ? Oui… Pas en Europe, en Amérique du Nord. Je dirais… Les Grands Lacs ou le Michigan. Est-ce qu'il est là où je crois qu'il pourrait être ?

— Mnnh, fit Giles. A Cleveland ?

Spike tordit un rictus en entendant comment Willow appelait sa prétentieuse première-née puis il renifla. Cleveland, évidemment. Sur une autre Bouche de l'Enfer où se trouvait son meilleur pote. Il hésita. Son autre meilleur pote ? Non, Angel et Woods se valaient bien pour lui donner des envies belliqueuses.

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En bas, Kennedy était dos à dos avec Faith. Cernées par une demi-douzaine de géants ocres, elles reprenaient leur respiration. Angel s'occupa de leur créer un répit et une échappatoire en détournant leur attention. Après un coup d'œil impavide, l'un d'entre eux fit mine de s'intéresser à lui, ce qui donna au nouvel humain l'occasion de prouver qu'il avait encore un peu d'agilité, en lui filant entre les pattes pour l'éloigner des autres.

L'embêtant avec ces créatures, se disait Spike, c'était qu'elles pouvaient être à la fois fluides et glissantes quand il le fallait ou bien dures comme de la roche, selon ce qui les arrangeait. Angel le découvrit quand il fut attrapé par la jambe, suspendu en l'air quelques instants, examiné, puis rejeté par terre avec dédain. Plaqué au sol, il souffla fort sous le choc.

— Eh, tocard ! coassa-t-il en se remettant sur pieds. Tire tes sales paluches de ma femme ou je me fâche !

Il se gagna un sourire attendri de la première intéressée. Mais Angel-le-crétin était maintenant en mauvaise posture, et il venait de se faire aplatir son gros nez qui pissait comme une fontaine. L'aînée de Willow vola à son secours. En effet, elle avait cessé de se montrer dédaigneuse à son égard depuis qu'il était humain, et c'était tout juste si elle ne le flanquait pas dans la catégorie « innocents à protéger » maintenant. Le manichéisme de cette fille était sidérant…

— Bon, Maman, t'as ce qu'il te faut maintenant ? questionna-t-elle d'un ton pressant après avoir récupéré « Monsieur Lehane ».

— Presque, chérie. Dans deux minutes… Il croit nous avoir à sa merci mais je suis en train de pomper toute son énergie. Il est en train de comprendre ce que je suis en train de faire mais je le tiens... Maintenant que je sais où il est, je vais le retrouver, le mettre à genoux et le finir ! Ça lui passera l'envie de vouloir toucher à ma petite fleur d'amour !

Le vampire à l'esprit mal tourné croisa le regard de Giles qui, le doigt levé, l'empêcha de faire la moindre remarque dégoutante devant Tara. Cette dernière, les yeux rivés sur la scène de combat, se mordait la lèvre. Faith et Kennedy continuaient à infliger des blessures coupantes qui ne se refermaient plus.

— Il y a un truc qui ne va pas avec Angel, il tousse du sang ! s'écria la jeune fille. Il a peut-être une blessure interne…

Spike exécuta un « gnagnagna » silencieux en levant les yeux au ciel.

— Oh, il est peut-être blessé. Il a du sang plein la bouche… il a dû se mordre la joue, le maladroit ! persifla le vampire à la dent dure et à la mémoire longue, qui n'avait pas oublié la fois où Angel l'avait soigné au Tibet, en se foutant de sa gueule.

Lorsque Giles demanda à ce qu'on remonte Monsieur le Démoli dans le vaisseau, le ton de l'Observateur avait cette fois pris une tournure inquiète. L'Observateur redemanda si Willow avait fini, mais la réponse de la sorcière ne vint pas. Elle venait de fermer les yeux et de retomber au sol sans conscience.

Alexandra laissa tomber son incantation sur son golem, l'abandonnant aux deux autres Tueuses. D'un bond, elle vint s'agenouiller près de sa mère, en faisant naître au-dessus de sa forme recroquevillée un lumineux bouclier concave.

— Et voilà ! Maintenant Maman s'est évanouie et Angel est KO ! Je vous l'avais dit que je devais l'aider ! s'écria Tara toute empourprée par l'émotion.

— Ma chère enfant, tout est sous contrôle, nous avions prévu cette possibilité. Spike, est-ce qu'on peut me mettre sur haut-parleur ?

Spike acquiesça et écrivit pour les pilotes le mot adéquat sur sa tablette de communication. Les petites bestioles se tournèrent les unes vers les autres, bourdonnèrent et le vampire hocha la tête vers l'Observateur pour dire que c'était bon à la fin de leur conciliabule.

— Vite, ça empire en bas… les supplia la cadette Rosenberg.

Après une légère hésitation, il ajouta sur la tablette : « Remontez le grand moche aussi » et puis ratura pour un contrordre : « Non, remontez tout le monde ».

La surprise de la dizaine de golems fut presque comique lorsque leurs petits opposants disparurent en un éclair. Les bras ballants, les grossières silhouettes humanoïdes se tournaient de tous côtés, en émettant une plainte rauque, sans doute perplexe. Errant sur le terrain vide, ils retournaient de vieilles voitures, des frigos et des canapés déglingués dans l'espoir de les y débusquer.

L'un d'entre eux leva le nez en l'air mais avant qu'il ait le temps de faire quoi que ce soit, Giles s'approcha prudemment d'un interphone au mur de la passerelle et prononça haut et fort :

— 'aphec mi…

Les créatures de boue s'abattirent de tout leur long et se désagrégèrent immédiatement.

— Puissant, efficace, j'aime ça, commenta Spike. Vous ne m'impressionnez pas souvent, Rupe…

— Euh... mais ce n'est pas moi, je n'ai pas eu le temps de finir l'incantation !

Légèrement blessée à la cuisse, Kennedy déposa Willow et se traîna devant lui. Il eut probablement l'impression qu'il allait passer un sale quart d'heure mais elle le poussa sur le côté pour révéler la jeune fille qui s'était cachée derrière lui. Poing sur la hanche, la Tueuse tonna d'un air très contrarié :

— Tara ! Qu'est-ce que tu as fait ? Qu'est-ce qu'on t'a déjà dit, ta mère et moi ?

L'interpelée sembla se décomposer sur place mais fut sauvée par la toux d'Angel qui reprenait ses esprits, relevant la tête en essayant de voir où il était. Il se frotta sous le nez machinalement pour essuyer le sang et retira sa main aussitôt en grimaçant de douleur en raison de son splendide l'hématome.

— Vas-y doucement, l'enjoignit Faith. J'ai une bonne nouvelle : t'as encore toutes tes dents.

— Aïe ! J'avais oublié combien ça faisait mal. Mais comment vous faites pour supporter ça ? C'est atroce !... Alors… c'est déjà fini ? J'ai loupé un truc ? Pourquoi vous faites ces têtes ?

Lesdites têtes se tournèrent toute vers Tara se tassa un peu, pâlit puis rougit en ouvrant la bouche sans qu'en sorte aucun son.

— Hey, je sais qui a envoyé ces golems ! s'écria Willow qui émergeait à son tour.

Toutes les paires d'yeux quittèrent aussitôt la jeune fille pour se focaliser sur la sorcière rousse livrée aux attentions diligentes de sa femme et de sa fille aînée qui l'aidaient à se redresser.

— Et vous n'allez jamais me croire ! Mais… pourquoi vous faites ces têtes ?

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Banlieue de Rome, 3 juillet 2046

Maya

Tout va bien de ton côté ? Les enfants ?

Pietro

Bien. On est dans le bunker. Joy a demandé que je lise une histoire à M. Aki « parce qu'il a un peu peur ».

Maya

Oh ma pauvre poupinette… Et Idji, il fait quoi ?

Pietro

De la guitare. Enfin, il essaie. Dès que Joy sera endormie, je vais faire d'autres recherches. Dawn ?

Maya

Sais pas. Cherche quelque chose dans le bureau et n'en sort pas. Thisbé est terrifiée et refuse de la quitter. Mais pas le temps, les novices passent avant et on a un gros problème d'appro… ça bouffe une Tueuse stressée !

Pietro

Laisse-moi gérer ça. Je me sens inutile ici.

Maya

Inutile ? Mais tu gardes mes deux plus précieux trésors !… Baci baci.[1]

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De : Dawn Wells (d·wells©watchers-council. org)

Envoyé le : 3 juillet 2046

A : Willow (whitewill©wordwilde-wicca. net); Giles (r·giles©watchers-council. org)

Objet : Univers de vœu

Bonjour Giles, bonjour Willow,

Nous sommes à nouveau barricadés dans l'École car c'est le même cirque qui se répète chaque soir. Les Tueuses sont énervées car elles n'ont rien de solide à cogner. Pietro et les Observateurs d'ici sont sur le coup mais Maya pense qu'il faudrait attaquer au lieu de se défendre. Typique. Sauf qu'on n'a aucune piste.

Une info qui peut être utile : l'entité harceleuse a eu l'air de me reconnaître et pensait que j'étais morte. Il a dit qu'il voulait tuer Buffy (mais qui n'a pas voulu ça, à un moment ou à un autre ?) mais... elle n'est plus là !

Il a aussi parlé de « sa chérie ». Buffy a eu une petite amie ?! [2] Non. Laissez tomber, ça ne me regarde pas…

Sinon, désolée de vous le dire, mais votre Dawn savait quelque chose et elle n'en a pas parlé. J'ai trouvé dans son bureau un dessin de crâne comme celui que j'ai vu. Je suis sûre qu'il y aurait quelque chose d'autre dans le coffre secret mais je ne suis pas capable de l'ouvrir. Je ne trouve pas le mot de passe. J'ai testé, ce n'est pas l'anniversaire de Maya mais je ne connais aucune date importante.

Et encore une question pour Willow, peux-tu m'expliquer cette histoire de vœu de Cordelia qui aurait changé l'histoire de Sunnydale en créant un univers parallèle ? L'internet de l'École n'est pas clair du tout. En fait, elle était dangereuse, Cordelia... Il n'y avait pas déjà eu une histoire de filtre d'amour qui avait mal tourné à cause d'elle ? Je ne sais pas pourquoi, personne n'en a jamais parlé. Ça aurait été quand même bien de savoir ce qui avait été capable de créer une illusion collective aussi puissante… [3]

Comment ça se passe de votre côté ?

Dawn (Summers)

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Tipheret, plan angélique des Puissances, hors du temps terrestre

DOYLE

Un éclair boudeur et renfrogné modifia les traits de ladite Cordelia. Elle leva les yeux et les mains au ciel en quittant son repaire pour aller s'aérer dans le jardin devenu… très exubérant.

— Et allez, on remet encore ça sur le tapis ! Combien de fois faudra-t-il que je dise que je me suis fait avoir ? Bien sûr, j'ai souhaité que Buffy ne soit jamais venue à Sunnydale, comme ça je n'aurais pas rencontré Alex, mais je le disais en l'air parce que j'étais excédée… C'est Anya a cherché à faire le mal en me prenant au mot...

En haut des marches de la gloriette blanche, Doyle se contenta d'exprimer une compassion muette dans un premier temps. Il joua avec une feuille de lierre de la Fontaine de Vie, la faisant tourner entre ses doigts, histoire de laisser sa comparse se calmer. D'autant que ce qu'il avait à demander ensuite ne risquait pas de la mettre de meilleure humeur…

— Qu'est-ce qu'il y a ? Je sens que tu me regardes bizarrement.

— Il y a que je pense à Angel. Quelque chose s'est mal passé avec Buffy. Il semble qu'ils aient raté leur coche malgré un bon départ. Il aurait dû en parler à Faith juste après l'avoir re-rencontrée. Je crois qu'il a eu envie de le faire et puis… il ne s'est rien passé. La fin de la lune de miel aurait été un bon moment aussi, mais Faith et lui ont dû l'écourter, et maintenant, il ne va plus se projeter dans l'avenir à cause de ce qui se passe… Les prochains événements ne seront pas plus propices. C'est trop tôt à mon avis pour le faire partir dans un an.

Le jeune homme eut la surprise de la voir approuver de quelques lents hochements de tête pensifs ; il ne s'y attendait pas.

— Trop de variables commencent à nous échapper ! maugréa-t-elle. Buffy avait raison en nous rebaptisant les Impuissances. Mais nous devrions être plus nombreux aussi ! Tara et Buffy où sont-elles ? Je te le donne en mille ! En bas ! Si ces dames voulaient bien rester nous aider au lieu de redescendre à la première occasion... Peut-être que même avec la Prescience nous ne prenons pas les bonnes décisions tout seuls ?

Évitant tout contact visuel, Doyle se croisa les bras, affichant une moue qu'il n'osait pas franchement amusée.

— Quoi encore ? T'es agaçant à insinuer des trucs silencieusement…

— Parce que tu n'as jamais renoncé à l'Ascension parce que tu t'ennuyais de ceux que tu aimais, toi ?

— Non mais, ça n'a rien à voir ! J'aurais bien voulu t'y voir ! Il n'y avait PERSONNE ! C'était mortel ! [4]

— Skip t'avait fait monter à un plan qui m'était inaccessible sinon j'aurais été tout disposé à bavarder… Tara et Buffy étaient encore proches du Purgatoire, et tentées par des affaires restées en suspens. Buffy est redescendue parce qu'elle pensait que passer plus de temps avec Angel était bon pour lui. S'il n'avait fait que la croiser sans pouvoir vivre à ses côtés – ce qui avait été un temps son aspiration la plus profonde – il aurait eu un sentiment d'inachevé, une frustration. Il aurait pu se précipiter pour entamer une autre vie sans choisir sagement les meilleures conditions… Est-ce qu'on retarde un peu l'apparition de ses premiers symptômes ?

Soudain indécise, la grande brune soupira. Une fine mèche s'échappa de l'ordonnancement sophistiqué de sa coiffure relevée, la rendant moins implacable aux yeux de son ami. Des pattes d'oie apparaissaient au coin de ses yeux et la ride du lion plissait son front, tandis qu'elle battait des paupières avec une petite moue un peu triste.

— On peut retarder tout ce qu'on veut, mais on ne changera pas le fait qu'il est atteint. Le Maître n'avait pas choisi Darla pour rien, et Darla a reproduit ce modèle en jetant son dévolu sur Angel. Dès qu'il mettra les pieds dans un hôpital, il ne pourra plus l'ignorer.

Un peu penaud, Doyle s'approcha. D'eux deux, il avait beau être le premier à avoir atteint le rang de Puissance, c'était Cordelia Chase le moteur de leur tandem. Elle n'était plus restée la secrétaire fauchée et fofolle qu'il avait connue et à qui il n'avait pas eu le courage d'avouer ses sentiments. Même gentil, il restait un démon. Avec la gueule qu'il avait au naturel, il ne se faisait aucune illusion ; avec sa tête humaine non plus, d'ailleurs. A côté d'Angel, il était toujours passé totalement inaperçu.

— Je comprends ton impatience de le voir nous rejoindre. Mais pour certains d'entre nous, ce sera long… Très long, même… Écoute, tu sais quoi ? Ne regardons pas ce qui se passe pendant un petit moment. L'eau qu'on surveille ne bout pas. Tu as besoin d'une pause.

Elle le considéra avec étonnement.

— Une pause ? Quel genre de pause ?

— Pizza, bière, match de base-ball ?

Elle éclata de rire tant c'était incongru.

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Banlieue de Rome, 5 juillet 2046

THISBE

Thisbé entourait ses jambes de ses bras, le menton posé sur ses genoux. Elle réfléchissait en essayant de comprendre ce que lui avait dit la Chef à propos de ses sentiments pour Spike qui seraient faux. Ou pas vraiment vrais.

Quand elle l'avait vu la première fois, à l'usine en face de laquelle elle travaillait, elle était restée un moment à le regarder. Dès la première minute, elle avait su qu'il avait quelque chose de particulier qui l'attirait. Ses cheveux sûrement. Et leur absence de couleur. Et pourtant, elle en avait vu des aliens hideux dans sa vie ! Lui, à part une tête blafarde, il avait l'air normal. Pas sympa mais pas un pourri. Il regardait autour de lui avec un drôle d'air, comme s'il était tout le temps fâché. Quand il souriait, il faisait parfois peur, comme s'il était mauvais. Comme s'il n'était pas différent de son monstre, en fait.

Il était passé plusieurs fois devant elle à l'extérieur de l'usine, jamais il ne s'était arrêté pour acheter à manger un petit pain à la viande. Elle avait compté sur une transaction de ce genre pour échanger quelques mots avec lui. C'était un étranger, il devait avoir vu mille choses intéressantes. Pour elle qui n'était jamais sortie de Vroshierikyada,[5] c'était une occasion de savoir si ce qu'elle avait lu dans les livres de la vieille dame sage était vrai, ou si tout n'était que mensonges et rêves...

Les rêves étaient-ils des mensonges ? Les rêves étaient-ils des folies ? Elle en avait constamment maintenant, toutes les nuits.

Elle voyait une femme taper Cheveux Jaunes jusqu'à presque le tuer. Sa figure était toute fichue. Et ça lui brisait le cœur parce qu'il ne se défendait pas. Et puis à un moment, elle regardait ses mains de spectatrice, et elles étaient pleines de sang sur les jointures.

A d'autres moments, elle voyait la même dame toute nue avec lui. Ils étaient sauvages pour faire le sexe. Il n'y avait pas d'amour. Il n'y avait que la guerre, la honte et l'humiliation… ça la faisait pleurer. Parce qu'elle voyait son sauveur sous un jour tellement brutal. Elle se doutait que quelqu'un qui était capable de tuer les sminthorexes comme lui avait un côté très noir. Mais ça…

Une fois, il avait serré la dame par le cou mais c'est elle-même qui suffoquait. Il lui faisait du mal en la prenant comme font les animaux. La dame étouffait ses cris et lui demandait de continuer. Elle-même pleurait en se cachant les yeux. Et ça lui faisait peur atroce car il était impossible de s'échapper du rêve jusqu'à ce qu'elle entende soudain la voix de Cheveux Jaunes près de son oreille. « Je serai et ferai tout ce que tu attends de moi, tu le sais. Pour toujours ». Et il le disait comme s'il trouvait ça gentil. Comme si c'était un cadeau. C'était juste horrible. Elle se réveillait avec la gorge en feu, et restait à trembler comme une feuille sous la couverture qu'on avait posée sur elle.

C'était probablement la jeune dame qui ressemblait à Mme Spike qui venait de le faire. Elle se relevait.

— Ne bouge pas d'ici, continue à dormir, tu es fatiguée. Je dois aller faire quelque chose. Je reviens.

Thisbé secoua la tête vigoureusement, en lui attrapant le bras pour la retenir. Ce n'était pas possible qu'elle reste seule. La présence de la jeune dame la calmait. Si elle restait seule, elle repenserait en boucle au méchant qui agitait une arme devant elle en criant fort des choses qu'elle ne comprenait pas.

— Non, non, s'il te plait, pitié, ne me laisse pas toute seule. Je viens avec toi.

— C'est dangereux. Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose de mal. Reste ici.

— Non. Il y a des mauvaises images dans ma tête quand je dors. Il a des gens en blanc qui me jugent derrière une fenêtre. Ils chuchotent des choses sur moi. J'ai peur, mais moins quand je suis avec toi…

— Oh, Thisbé, je suis désolée. Ils ne s'occupent pas bien de toi pour l'instant mais tout ça va s'arrêter bientôt. Maya s'en occupe à sa façon, mais je pense que maintenant, je vais essayer la mienne, parce que pour toi comme pour moi, ça n'avance pas.

— Mais qu'est-ce que tu veux faire sans la super force ?

— Interroger quelqu'un qui a certainement toutes les réponses par rapport à ce qui arrive maintenant.

— Ah bon ? Et pourquoi vous n'avez pas fait ça depuis le début ? Il est où ?

Dawn afficha une grimace hésitante.

— En Enfer.

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Notes de l'auteur

[1] Bisous bisous.

[2] Oui, au début de la S.8, Buffy a eu une brève aventure d'un soir avec une Tueuse nommée Satsu. Toutefois, Dawn a mal interprété ce qu'elle a entendu.

[3] Largué par Cordelia, Alex est allé voir Amy pour lui demander un filtre qui rendrait son ex amoureuse pour avoir le plaisir de lui briser le cœur. Peu expérimentée, Amy réalisa un sortilège qui rendait toutes les femmes folles de lui, sauf celle qu'il visait… Et si personne n'en a parlé, c'est parce que ç'a été un moment très gênant pour tout le monde…

[4] Ces événements sont décrits dans le début de la saison 4 de la série Angel.

[5] Le val pluvieux, soit tout le contraire de la vallée ensoleillée (Sunnydale).