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Chapitre 27 : Au plus noir des souvenirs [– 16]
2046 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 08/09/2025 12:29
Kent se réveilla en sursaut, il mit quelques secondes à se rappeler où il était et à se remémorer tout ce qui s’était passé. Pendant quelques minutes, le cerveau encore embué par le sommeil et les cauchemars, il se demanda s’il n’avait pas rêvé. Si avoir passé le portail, se retrouver à Sunnydale en 2003, rencontrer une jeune Buffy - littéralement tomber dessus ! - ne venait pas d'une imagination débordante couplé à un peu de stresse. Mais quand il leva les yeux vers le bas des escaliers de la cave, il fut tout de suite sûr qu’il avait bien vécu tout cela.
Willow le regardait avec curiosité, mais hésitait apparemment à le rejoindre. Il se redressa, tentant de s’étirer un peu malgré les chaînes qui entravaient ses mouvements.
_ Salut, je … Je suis Willow ! fit-elle en avançant avec un air gêné et peu sûre d’elle, qu’il n’avait encore jamais vu chez la Willow du futur.
Kent lui sourit, il avait presque tout de suite été en confiance avec elle dans le futur, mais il était surpris de cette version plus jeune et plus timide. Elle avançait avec un plateau repas dans les mains.
_ J’ai descendu des pancakes. Dit-elle en lui tendant la nourriture.
Il ne se fit pas prier pour manger, la faim lui tenaillait le ventre. Il lui fit un signe de tête de remerciement et croqua dans un premier pancake avec conviction.
Willow lui adressa un regard amusé.
_ Tu es vraiment … particulier ! Un vampire qui mange des pancakes !
La mâchoire de Kent se crispa presque imperceptiblement, en entendant le mot utiliser pour le désigner. Il leva un regard blessé à la sorcière. Il était un peu déçu qu’elle le voie ainsi alors qu’elle s’était comportée si naturellement avec lui dans le futur. Il eût l’impression qu’elle s’en aperçut immédiatement et son visage reprit son air gêné.
_Je suis désolé, ce n’est pas ce que je voulais dire … Tu n’es pas un vampire ! s’excusa-t-elle. Je … je ne sais pas exactement … qui tu es mais en tout cas, tu n'es pas un vampire … puisque tu es vivant ! Et tu as sauvé Buffy ! C’est le plus important pour moi !
Kent lui sourit et hocha la tête, il voyait bien que Willow était sincère et à présent mal à l’aise.
_ Est-ce que … commença Willow. Est-ce que tu me laisserais essayer de communiquer avec toi par l’esprit ? Par magie ?
Il fronça les sourcils, ne comprenant pas tout à fait où la sorcière voulait en venir.
_ Buffy pense que ça pourrait nous aider à savoir d’où tu viens … qui tu es … et convaincre Giles que tu n’es pas une menace pour … nous. Lui expliqua Willow.
Kent hésita. Réfléchissant tandis qu’il mâchait la dernière bouchée de son pancake. Il se demandait si cela ne risquait pas de leur dévoiler trop d'éléments du futur. C'était un risque de changer la trame temporelle. Mais il se dit aussi que si quelqu’un devait avoir des clés pour le futur cela devait sûrement être Willow. Et peut-être qu’elle pourrait l’aider à retourner dans son temps … Même s’il supposait que la Willow qui était en face de lui n’avait pas encore le pouvoir suffisant à une telle épreuve de magie. En tout cas pas sans devenir Dark Willow.
Il pensa à Nikki, et à nouveau une vague d’inquiétude le traversa. Il ne pouvait plus veiller sur elle. Il avait vraiment peur de ce que La Force avait réservé au futur et en particulier à elle, qui semblait être la cible préférée de ses turok-han.
Il hocha la tête, en regardant Willow. Il avait confiance en elle, il savait qu’elle ne chercherait pas à se servir de lui. Il appréciait également qu’elle lui demande avant de tenter de pénétrer ses pensées !
_ Tu peux finir de manger … proposa Willow avant de rapprocher la chaise près du lit.
Kent repoussa le petit déjeuner, il n’était pas sûr que manger en quantité, avant un tour de manège magique, soit une très bonne idée. Le passage du portail temporel l'avait beaucoup secoué !
_ Ok, alors, est-ce que tu veux bien placer tes mains au-dessus des miennes ? lui demanda Willow en ajustant son assise sur la chaise pour être confortable.
Une hésitation le traversa, quelques secondes, alors qu’il regardait les paumes tendues de la sorcière. Il ne savait pas vraiment à quoi s’attendre et cela lui faisait un peu peur. Il releva légèrement le menton pour plonger son regard dans les yeux de Willow, et remarqua leur couleur vert brillant et cerclé d'anneaux bruns autour de son iris. Il y retrouva une douceur familière et une attention sincère à son égard.
Il souffla et vint positionner ses mains, paumes vers le bas, au-dessus des mains de la sorcière.
_ Laisse-toi aller, et concentre-toi sur le fait de vouloir communiquer avec moi. Conseilla Willow d’une voix calme et posée. Ferme les yeux si tu veux.
Kent la vit abaisser ses paupières et inspiré profondément, il l’imita. Rapidement il sentit la magie monter à travers ses mains, un picotement lui parcourut la peau, comme si un léger courant électrique le traversait. Mais une impression de lutte intérieure monta également en lui. Il sentait que la magie ne parvenait pas à avoir d’emprise sur lui. Entrouvrant les yeux, il constata que la sorcière semblait lutter de plus en plus fort pour se connecter à lui.
_Je ne peux pas y arriver si tu ne le veux pas. Murmura Willow consciente des résistances à laquelle sa magie se heurtait.
Kent inspira, sa mâchoire se crispa et il ferma les yeux en posant ses mains au contact de celles de Willow.
Immédiatement, un sentiment de vertige lui fit tourner la tête. Sans ouvrir les yeux, il avait l’impression de voir, d’être debout et que Willow se trouvait debout en face de lui. Elle lui sourit et lui demanda de lui parler. Mais le vertige s’amplifia, lui donnant presque un point au ventre. Et des images, flous et vagues semblèrent défiler, ou plutôt, Kent avait l’étrange sensation que c'était lui et Willow qui défilait au sein d’images et de souvenirs.
Une image de Nikki, inconsciente, allongée au sol après l’accident en voiture et le combat avec le turok-han. Puis des combats contre des démons dans les rues de Chicago. Il se retrouva dans ce camion, le dos ouvert à la recherche de la puce Gps. Les bribes de souvenirs continuaient à arriver. Il était maintenant dans une pièce blanche, en train de se battre contre des démons. Puis dans une grande pièce du même style, attaché à une table d’opération, des personnes en blouses autour de lui. Il ressentait la douleur de chaque instant qui c’était passé, comme s’il les revivait de l’intérieur.
Le vertige se calma alors qu’il se retrouvait au milieu de la pièce blanche. Il était lui, mais en levant les yeux sur les vitres teintées, il vit au lieu de son reflet, un enfant. Il était jeune, les cheveux presque blonds, ses yeux émeraudes remplis de larmes encore contenus et ses traits enfantins tirés par la colère et la peur.
Kent ne sentait même plus la présence de Willow, tant il était pris dans les sentiments qu’il avait éprouvé à l’époque. Son ouïe très développée entendait au-delà de la pièce pourtant insonorisée.
_ Il recommence à parler ! Il nous répond ! fit une voix qui lui parvenait étouffer par les vitres. Il ne veut pas faire ce qu’on lui dit.
_ Une arme ne doit pas discuter les ordres. Répondit une autre avec un fort accent. Nous ne sommes pas ici pour faire du baby-sitting ! Réglez ça !
_ La dernière fois nous les avons brûlés au laser, mais dès que vous lui avez redonné du sang elles ont dû régénérer.
_ Recommencer ! C'est l'occasion d’essayer d'autres méthodes ! Vu que nous ne pouvons pas le faire taire par la magie !
_ Mais … Elles vont sûrement guérir lorsqu’on lui redonnera du sang après le prochain combat.
_ Et bien nous recommencerons aussi longtemps qu’il le faudra. Cela nous permettra de voir s'il peut guérir inlassablement ou s’il y a un nombre de guérison limité par organes. C’est bien pour cela qu’on l'a récupéré ! Servir d'armes et servir à la science !
Les quelques secondes qui suivirent semblèrent une éternité pour Kent, comme si le tic-tac d'une horloge invisible martelait dans sa tête. La peur se transforma en terreur, lui brûlant le ventre, lui nouant la gorge et faisant trembler tout son corps. Une irrépressible envie de fuir le saisit, l'impression qu'un rouleau compresseur était sur le point de lui passer dessus.
_ Utiliser la méthode d'électrocution ciblé, nous pourrons juger de son efficacité. Conclut la voix avec l'accent, d'une implacable froideur.
La porte dissimulée dans l’un des murs blancs, s’ouvrit et Kent eût l’impression de courir aussi vite qu’il le put pour échapper aux hommes armés qui avaient fait irruption dans la pièce. Mais l’enfant fut attrapé. Il était à la fois acteur et spectateur de la scène, coincé à mi-chemin dans le souvenir. Il entendit ses cris sans avoir l’impression de crier. Malgré ses efforts pour se débattre il se retrouva sur la table d'opération, solidement attaché. Et les bruits cinglants d'arc électrique claquèrent dans l'air au milieu de voix neutres et détachées. Alors que la douleur lui envahissait le corps, la gorge brûlante et les muscles secoués de spasme, le sentiment de vertige le saisit également. Sa vue devenait trouble, alternant de plus en plus vite entre la vision à travers ses yeux d'enfant et celle extérieur de lui-même observant horrifier.
Il ouvrit les yeux, sursautant au bruit sec qui l’avait sortie de sa torpeur.
Il vit Buffy se jeter sur Willow, qui était au sol, la chaise renversée à ses côtés, les yeux écarquillés d’horreur et des larmes coulant sur ses joues.
_ Willow ! Tu vas bien ? demanda Buffy avec inquiétude.
La sorcière secoua la tête, les yeux toujours fixés sur lui. Elle se leva, d’un bond et sans un regard à Buffy, elle se précipita vers les escaliers.
Kent n’arrivait plus à faire le moindre mouvement, l’expérience l’avait complètement vidé. Chaque inspiration lui paraissait difficile. Pas comme habituellement, comme le vestige d’une douleur passée, mais comme si la brûlure venait tout juste d’être infligée.
Sa mâchoire était crispée, il était stoïque.
Buffy marqua une hésitation, la réaction si forte de Willow sembla avoir quelque peu ébranlé la confiance qu’elle avait en lui. Elle l’observa en silence quelques secondes avant de rejoindre son amie.
Il la regarda monter les escaliers, une détresse sourde serrant sa poitrine. Il aurait voulu l’appeler, crier son nom, lui demander de rester. Il ouvrit la bouche, le menton tremblant. Mais la porte claqua et un silence pesant et glauque envahit la pièce. La brûlure dans sa gorge, insoutenable, s’atténua lorsqu’il referma la bouche. Seul, démuni, il se laissa aller contre le mur, écrasé par une vague de désespoir.