Le parfum

Chapitre 3 : Faux-semblants

Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/01/2009 03:27

 
 Note : J'avais initialement prévu de rédiger et de publier ce chapitre dans un délai beaucoup plus court. Malheureusement, j'ai eu beaucoup de mal à l'écrire. Vous avez là le produit d'un enfantement dans la douleur… J'espère qu'il reste tout de même agréable à la lecture.

En cette période de soldes, vous avez droit à un "deux pour le prix d'un", puisque le chapitre suivant est également en ligne. A noter que, si je me réfère au plan de chapitres (désormais figé) pour ce texte, les chapitres suivants devraient être pour moi plus faciles à écrire, et donc plus rapidement en ligne.
 
 
 
 
 
 
Le parfum
 
 
Chapitre II : Faux-semblants.
 
 
 
 - Riley…
 
La voix était basse, satinée… Presque caricaturale de sensualité.
 
- Comment tu connais mon prénom ?
 
La fille, longue fille à la peau pâle, s’assit à califourchon sur les genoux du soldat, enlaçant sa taille entre ses jambes frêles.
 
- Tu me l’as dit, chéri… Tu te souviens ? Tu me l’as dit…
 
Riley secoua lentement la tête. Non, il ne se souvenait pas. Mais ça n’avait pas d’importance. Aucune importance. Plus rien n’avait d’importance.
La fille imprima à ses hanches un mouvement de balancier. Elle sentait les mûres et la fragrance fraîche, poisseuse, des crèmes de jour de supermarché. Crèmes de jour… Quelle ironie… Les néons pourpres du Blood and Tears renvoyèrent un instant un chatoiement synthétique sur ses canines découvertes.
Riley la fit descendre de ses genoux pour l’asseoir sur le sol, à ses pieds. Il dénuda rageusement son bras et le lui tendit. La fille s’en empara comme de la plus précieuse ambroisie et planta sa large bouche sur sa peau. Elle sentait sa proie très excitée. Le type bandait à mort. Elle l'avait senti en s'asseyant sur ses genoux.
La tête de Riley partit en arrière lorsqu’il sentit les dents acérées commencer à lui labourer les chairs. Il avait tellement besoin de ce qu’elle lui faisait… Elle, de son côté, avait tellement besoin de lui.
C’était comme si son système nerveux était relié à une borne électrique. La borne lui envoyait une douleur langoureuse, mais également une sensation de plénitude tout à fait contradictoire avec le fait d’être vidé de son sang. Il pensait souvent à ces filles, en secret. A leurs minces et longs membres opalescents… A leurs voix flatteuses et concupiscentes… A leurs bouches humides et entrouvertes… Il y pensait tout le temps.
Sauf quand leurs dents attaquaient sa peau. Quand elles se repaissaient de la vie qui coulait en lui, il n’avait que faire de leurs membres graciles et désirables. Il ne se souvenait jamais de leurs visages. Seule la brève sensation de complétude comptait. Son souffle s’accélérait et il planait jusqu’aux étoiles.
La fille le mordait trop fort mais il s’en foutait. Plus rien n’avait d’importance. Si elle allait trop loin, il la planterait. Il avait le pouvoir.
 
 
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Buffy disposa les petits sandwichs dans une assiette du mieux qu’elle put.
 
- C’est tout ce qu’il y aura pour ce soir " s’excusa-t-elle, " Maman est trop fatiguée pour faire les courses et je n’ai pas eu le temps de passer au supermarché. "
 
Elle déposa son festin improvisé sur la table de la salle à manger.
 
Affalés sur leurs chaises, Xander, Anya, Willow, Tara et Riley avaient l'air las. Ils avaient tous passé beaucoup de temps le nez dans de vieux bouquins. Pour ne rien trouver de concluant sur cette mystérieuse et bien trop puissante Glory, bien sûr. Encore une fois.
Riley était particulièrement morose. La Tueuse le soupçonnait de détester ces séances de recherche avec les Scoobies.
Seuls Dawn et Spike semblaient réjouis.
 
Buffy sourit malgré elle. Elle n'approuvait pas vraiment le fait que sa sœur fréquente aussi souvent un vampire potentiellement sanguinaire, mais cette dernière avait l'air tellement heureuse qu'il soit là… De toute évidence, elle ne voyait pas de serial killer en lui. Rien qu'un séduisant punk aux cheveux décolorés et à la verve agréablement ironique.
Bah, ça lui passerait. Bientôt, elle se remettrait à bader ce bon vieux Xander.
 
Le bon vieux Xander mordait dans son sandwich à belles dents. Il avait bossé au chantier toute la journée et, quand il avait eu fini, il avait dû aller chez Buffy pour plancher sur ces textes ennuyeux. Ce qu'il avait faim !
Pourtant, malgré l'indiscutable manque de discernement de son estomac, il ne put s'empêcher de refouler un réflexe vomitif. Qu'est-ce que c'était que ce truc ? Salami et beurre de cacahouètes ? C'était infect !
 
- C'est délicieux, Buffy " déclara-t-il avec beaucoup de conviction.
 
Celle-ci n'eut même pas le temps de le remercier avant que Anya ne se mette à piaffer d'indignation.
 
- Tu plaisantes ? Ces sandwichs sont immondes ! Buffy est vraiment une mauvaise cuisinière. Pour faire de bons sandwichs, je connais une bonne recette : tu prends…
 
Le regard noir de son petit ami la stoppa en plein élan.
Comprenant ce qu'il fallait faire, elle se tourna vers la Tueuse avec un sourire de pub pour dentifrice.
 
- Ta cuisine est vraiment excellente, Buffy " lança-t-elle avec enthousiasme.
 
Et elle se retourna vers Xander pour quêter une approbation.
 
Spike ricana. L'ambiance était morose à souhait dans les pique-niques des Scoobies, ces temps-ci. Heureusement que l'ex-démon était là pour mettre un peu d'animation.
D'ailleurs, en parlant d'animation…
 
Le vampire jeta un petit coup d'œil à Riley et rapprocha subrepticement sa chaise de celle de Dawn. Il vit la gamine ouvrir de grands yeux. Oh oui, il pouvait bien mettre un peu d'animation, lui aussi. Il était temps de mettre le petit soldat à l'épreuve.
 
Il avait d'abord pensé passer son bras autour des minces épaules de la jeune fille, mais ç'aurait été trop voyant. Buffy était peut-être atteinte d'une forme de cécité sociale particulièrement aggravée, mais Willow et Tara couvaient la gosse comme une poule couve son œuf. Elles auraient forcément remarqué quelque chose.
Il se contenta donc de jouer avec le tissu de sa jupe, comme ça, en toute innocence. Bien sûr, pour ce faire, il avait posé la main sur la cuisse de Dawn, mais qui y prêterait attention…
Il se mit à faire glisser très lentement le tissu plissé entre ses doigts, caressant doucement la cuisse de Dawn, comme si son acte était la chose la plus machinale du monde.
 
Assis en face de la sœur de Buffy, Riley faillit en recracher son salami.
 
Depuis une bonne minute, il voyait Dawn, rouge jusqu'aux sourcils, se tortiller fébrilement sur sa chaise. En plissant les yeux, il pouvait même apercevoir une légère moiteur se former sur son front. Et il n'était pas assez stupide pour ignorer l'expression vicieuse de Spike, en outre curieusement collé à la chaise de la jeune fille. Qu'était-il en train de faire ?
 
Se maudissant pour son flagrant manque d'imagination, Riley décida de faire tomber sa serviette par terre.
 
Il se passa la tête sous la table pour la ramasser, et… Hein ?? Spike était en train de caresser la cuisse de Dawn !!
Riley sentit la moutarde lui monter au nez. Il se redressa, écarlate, et fixa le vampire avec insistance. Celui-ci lui fit un sourire crâne.
 
Le militaire ouvrit la bouche, furieux. Et la referma aussitôt.
Que pouvait-il bien dire ? "Spike, arrête de tripoter Dawn tout de suite" ? La jeune fille ne le lui aurait jamais pardonné. Mais au moins, Buffy aurait mis ce dégénéré à la porte séance tenante…
Il opta pour un compromis.
 
- Dawn, ça va ? " demanda-t-il avec toute la décontraction dont il était capable.
 
Spike retira sa main de sa cuisse et Dawn put répondre :
 
- Mmmm… Ca va…
 
Elle se mordit les joues. Elle avait la voix d'une toute petite fille ! Pourtant, Spike l'avait touchée comme une femme. Enfin, c'était bien ce qu'il avait voulu faire, non ?
Elle essaya de croiser son regard, mais il gardait les yeux fixés sur Riley. Dawn ne savait plus du tout quoi penser. En plus, Willow la regardait à présent d'un air bizarre.
 
Elle fit semblant de s'intéresser à la recette de cuisine dont Anya avait fini par imposer le récit à la petite assemblée. Si tout le monde arrêtait de la regarder, elle pourrait penser à Spike en paix.
 
 
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- Riley ?
 
Le violet des néons lui engourdissait déjà l'esprit.
 
- Tu as envie de venir, chéri ?
 
Le soldat repoussa la fille pour se diriger vers le couloir aux orifices.
Ses visites au Blood and Tears étaient de moins en moins espacées, désormais. Contrairement au bouge qu'il avait fréquenté les premiers temps, cet établissement-là ne fermait jamais. Il y avait toujours quelqu'un pour avoir besoin de vous. Riley s'était même aperçu qu'il préférait venir la journée, quand tout le monde était occupé à Dieu savait quoi. Buffy et Giles à leurs petites affaires, Xander à son chantier, Willow et Tara à leurs cours, Anya à la boutique, Dawn au collège… Et lui à la maison. Il était tellement mieux dans les couloirs sinueux du bar à veines.
 
Cet endroit était une véritable institution à Sunnydale, il avait pu le mesurer au fil du temps. Au début, il lui paraissait incroyable que la Tueuse n'en ait jamais entendu parler, mais il cernait mieux les choses, à présent. Qui lui en aurait parlé ? Les habitués ? Ils étaient confis dans leur honte, tout comme il l'était lui-même. Et les vampires qui sévissaient dans le club ne faisaient jamais de vagues. Elles avaient bien assez de sang humain à disposition pour se dispenser de la chasse. En somme, c'était une affaire qui tournait. Et tout le monde était satisfait. A commencer par Riley lui-même.
 
Il avait pris l'habitude de déambuler un peu dans les coursives avant de s'approcher d'une fille. Juste pour… se mettre en train, dira-t-on. Il aimait regarder les hommes se plier aux bouches voraces des filles du club. En revanche, croiser le regard des quelques femmes qui le fréquentaient déclenchait chez lui une certaine gêne, il ne savait pas bien pourquoi.
 
Il se souvenait des premiers temps, des vampires qu'il ramassait dans des bars louches avant de les planter au coin d'une ruelle. Ici, ça n'avait plus rien à voir. Ici, son vice n'était pas clandestin. C'était une institution.
Tout le prouvait : la courtoisie toute commerciale du personnel, la décontraction générale, le bar, distrait autant qu'hétéroclite, les fauteuils en skaï mauve sur lesquels on s'asseyait… et surtout cet enchevêtrement de couloirs étroits, bordés de murs artificiels dans lesquels des orifices étaient creusés. Vous y glissiez votre bras et une des filles, anonyme derrière la cloison, y plantait ses dents pour une étreinte à l'aveugle. L'équivalent vampirique du glory hole, ni plus ni moins. *
Ils avaient fascinés Riley tout de suite. Au début, il avait été pris d'une étrange appréhension à l'idée d'y enfoncer son bras mais, à présent, il utilisait ces orifices presque à chaque fois qu'il venait au club. Qu'on lui masque le visage de la vampire qui le mordait décuplait ses sensations. Au fond, il n'avait jamais voulu que cela.
Peu importaient les visages de celles qui avaient besoin de lui. L'important était que quelqu'un le fasse.
 
Toujours. Tout le temps.
 
Ce qui n'avait d'abord été qu'une consolation passagère devenait une obsession, et Riley craignait de se laisser aller à en mesurer les conséquences.
 
 
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Buffy claqua une bise rapide sur la joue de Dawn.
 
- Bon, et ne les fais pas trop tourner en bourrique, hein !
 
Elle s'approcha de Riley pour expédier un baiser sur ses lèvres et salua Spike d'un vague signe de main. La porte claqua. Vlam. Elle était partie.
 
Riley balaya le hall d'entrée d'un regard aigre. Evidemment, il se retrouvait en binôme avec Spike. Willow et Tara gardaient Dawn demain soir, et Anya et Xander le soir suivant. Riley, lui, héritait du cinglé décoloré. Encore une fois, il allait devoir gérer ses magouilles douteuses à l'égard de Dawn, et elles le laissaient chaque fois plus désemparé. Que dire, en effet, à une jeune fille qui ne semblait vivre que pour ces moments où un pauvre succédané de punk la touchait ? Il ne comprenait toujours pas à quel petit jeu Spike jouait. Spike, Spike, Spike. Toujours et encore Spike. Comme s'il ne le voyait pas assez de jour (ce type ne dormait-il donc jamais ?), il fallait maintenant qu'il le subisse de nuit également.
 
Se demandant avec plus de hargne que jamais pourquoi au juste Buffy tenait tant à une double escorte pour la benjamine de la famille, Riley se traîna immédiatement vers la cuisine, se préparant à passer une soirée pourrie. Qui commencerait d'ailleurs aux fourneaux, car il ne comptait pas manger un seul sandwich beurre de cacahouètes-salami supplémentaire. Dawn arrivait peut-être à imposer ses goûts répugnants à une Buffy débordée mais le militaire, lui, ne l'entendait plus de cette oreille. Des légumes. Des légumes et du poisson grillé, voilà le repas sain qu'il présenterait à une gamine en pleine croissance.
 
Une heure et cinquante décibels de protestations larmoyantes plus tard, l'étrange trio était attablé dans la salle à manger. Dawn, habituellement goinfre, chipotait dans son assiette. Spike se tenait curieusement tranquille. Riley, lui, était inerte. Sa presque rage de début de soirée avait laissé place à une immuable léthargie.
 
- Allez microbe ", grommela Spike, avachi sur sa chaise comme un adolescent en cours de Math. " Il faut manger, maintenant. "
 
Dawn se tortilla, minaudant qu'elle n'avait pas faim et que la cuisine de Riley était encore pire que celle de sa mère. Spike avait un drôle de sourire.
 
- Allez, mignonne… Ouvre la bouche.
 
Riley leva un sourcil. Allait-il… ?
 
Mais oui, parfaitement ! Le vampire avait rassemblé un peu de légumes sur sa propre fourchette et l'agitait désormais devant la bouche de Dawn, comme on aurait nourri une enfant !
La Dawn en question, visiblement peu contrariée à l'idée d'être infantilisée, se trémoussait sur place en ouvrant sa petite bouche aux lèvres pleines.
 
Riley détourna les yeux, dégoûté. Face aux vampires, face à Buffy, et maintenant face à Dawn et Spike, il était terrassé par l'inactivité. Le temps de l'Initiative lui semblait bien lointain. Il avait même l'impression d'être devenu une personne tout à fait différente, maintenant. Qu'aurait pensé l'ancien Riley du nouveau ?
 
- Action Man, tout va bien ?
 
La voix de Spike, chaude et légèrement caustique, interrompit ses pensées. Il reporta son attention sur les deux tourtereaux et eut soudainement l'impression de les voir sous un jour nouveau.
Qu'aurait pensé l'ancien Riley du nouveau ? Mais qu'il était une chiffe molle ! Depuis des jours maintenant, il était en train de laisser un vampire sanguinaire tripoter une adolescente de quatorze ans, et il ne faisait rien du tout ! C'était totalement immoral !
Il adressa à Spike un regard féroce. Dawn, inconsciente du revirement qui se produisait en lui, glissa de sa petite voix frêle et rougissante :
 
- On était en train de te dire qu'on montait dans ma chambre. J'ai des trucs que je voudrais montrer à Spike en haut.
 
Ce fut la goutte d'eau.
 
- Dawn, va dans ta chambre ! Toute seule ! " rugit Riley en se levant d'un bond.
 
Elle essaya bien de discuter, mais les yeux déments du militaire dissuadèrent rapidement sa fièvre protestataire. Elle grimpa les escaliers quatre à quatre.
 
Quant à Spike, il attendait planté près de la porte de la cuisine, visiblement aux anges. Il avait cru que le petit soldat ne réagirait jamais.
Riley l'attrapa rudement par le col de son tee-shirt et le plaqua contre le mur.
 
- Tu peux m'expliquer à quel jeu tu joues avec elle, pauvre connard ??
 
Le vampire eut un rire de jubilation.
 
- Désolé mon gars, mais je ne vois pas de quoi tu veux parler.
 
Son ton ouvertement railleur porta la rage de Riley à son paroxysme.
 
- Je veux parler du fait que tu la tripotes comme si c'était ta petite amie alors que c'est une gamine ! J'aurais dû m'en douter mais t'es qu'un putain de pervers, Spike !!
 
Il resserra sa prise sur le vampire, pressant de tout son poids pour le maintenir contre le mur.
 
- T'as qu'un geste à faire, tu le sais, hein ? Un seul geste à faire et Dawn pourra te ramasser à la balayette…
 
Il finit par relâcher Spike. La colère lui donnait le souffle court et il avait besoin de s'asseoir.
Il s'attendait à ce que le vampire s'éclipse sans demander son reste, mais il n'en fit rien.
 
Non, Spike resta planté au milieu de la pièce. Et, pire que tout, il se mit à rire.
 
- Silence ! " se mit à gueuler Riley, avant de siffler entre ses dents : " Pervers… "
 
L'hilarité de Spike s'intensifia.
 
- Pervers ? C'est moi que tu traites de pervers ? Mais regarde-toi, Riley Finn, à bander pour la sœur de ta copine. Ca te rend dingue, hein, l'idée qu'elle me préfère à toi ?
 
Riley s'assit, soudainement calmé. Spike dut prendre ça pour un encouragement, car il s'avança jusqu'à lui, de manière à ce qu'il puisse l'entendre chuchoter :
 
- Tu aimerais que ce soit à toi qu'elle demande de monter dans sa chambre, hein ? Tu crois que tu pourrais la prendre, là, sur son petit lit virginal ? Tu crois qu'elle enlèverait ses vêtements d'adolescente pour toi ? Qu'elle te coucherait contre ses cuisses douces et qu'elle mouillerait ses lèvres de salive avant de t'embrasser ? Ses lèvres seraient tellement humides, Riley… Toutes ses lèvres. Peut-être même que si tu la faisais bien jouir, elle serait assez gentille pour descendre à tes pieds et…
 
- Arrête !
 
Spike s'interrompit, perplexe. Il s'était attendu à entendre des protestations fébriles, voire rageuses. Il s'était préparé à se délecter de torturer la culpabilité du militaire. Mais la voix de Riley ne contenait pas de frustration. Seulement du désespoir. Un désespoir sec, presque absent.
 
Il ne bronchait pas.
 
Le vampire fronça les sourcils. Se serait-il mépris sur… ? Ca paraissait pourtant tellement probable… Et il avait bien senti cet état de surexcitation sur Riley à plusieurs reprises. Il avait pris un malin plaisir à s'imaginer le tourmenter en touchant Dawn de manière équivoque, ces dernières semaines. Et tout ça pour... rien ?
 
Il détailla les traits crispés de Riley. Qu'arrivait-il donc au petit soldat ?
Il restait prostré sur sa chaise, silencieux au milieu des vestiges du repas. Soudainement, il se leva et se précipita dans le hall. Spike entendit la porte claquer.
 
- Riley ? " appela-t-il, tout seul dans la salle à manger. Mais il ne pouvait pas l'entendre, il le savait très bien.
 
Que se passait-il, bon dieu ? Il n'y comprenait foutrement rien.
 
 
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Riley remontait Revello Drive avec une lenteur inconsciente. Tout autour de lui paraissait flou. Les halos glauques vomis par les lampadaires. Les façades colorées des maisons. Son regard anesthésiait toute chose. Ou alors était-ce la nuit ?
 
Sa brusque confusion avait fait place au néant. Il était passé par toute une palette d'émotions ce soir-là. Irritation, torpeur, rage… Pour aboutir enfin à celle qui, désormais, le caractérisait : rien. Rien, absolument rien.
Il n'était plus l'ancien Riley. Comment aurait-il pu l'être alors qu'on pouvait raisonnablement le prendre pour un pédophile ? Rien n'aurait pu évoquer ce genre d'immondice dans l'ancien Riley. Il était droit, il était fier, il était moral et fort. Qu'était-il devenu, à présent ? Dans quelle partie de son être avait-il été exilé ? Existait-il même encore ?
 
Le nouveau Riley enveloppa les lumières de la ville d'un regard vague. Dans ce moment de lucidité terrible qu'il était en train de vivre, un de ces moments implacables et évanescents que le commun des mortels s'efforce d'ignorer une fois passés, il savait qu'il n'y avait plus de vie dans ce qu'il faisait. Son quotidien avec Buffy le torturait encore, mais comme une vieille plaie, de celles qui tirent un peu. Ce n'était plus la douleur sourde et frénétique des débuts. Ca n'était plus ça du tout.
Il n'avait plus d'amis. Les Scoobies étaient des figurants à ces yeux.
Il n'avait plus de travail.
Il n'avait plus rien. Il n'était plus rien. Il ne sentait plus rien.
 
Quoique si. Il sentait encore une chose, il le savait bien. Une chose le reliait encore à la vie, lui donnait cette sensation d'exister que les autres semblaient avoir naturellement. Une seule chose. Il avait pris ça pour un loisir. Il avait pris ça pour une obsession. Mais c'était devenu une raison de vivre. Tendre le bras.
 
La bâtisse malingre et délabrée qui abritait la nouvelle patrie de Riley se fondait dans la ligne de commerces aux stores baissés avec habileté. Il pouvait déjà sentir l'éclat caressant des néons violets.
 
Il était enfin arrivé. Autant que pouvait l'être le sans domicile qu'il était devenu. Enfin à sa place. Il fut envahi par une sombre réjouissance. Heureux. Il l'était ? Heureux.
 
Mais pas autant que Spike qui, tapi dans la pénombre à sa suite, écrasait nonchalamment une cigarette.
 
 
 
A suivre.
 
 
 
 
* Un glory hole (anglicisme signifiant littéralement "trou de la gloire") est un trou pratiqué dans un mur ou une cloison dans le but :
- Soit d'observer une personne située de l'autre côté, éventuellement en se masturbant,
- Soit de permettre l'insertion d'un pénis en érection, afin d'avoir un rapport sexuel avec la personne située de l'autre côté (masturbation, fellation, pénétrationvaginale ou anale).
Les particularités du glory hole sont qu'il permet de conserver son anonymat et qu'il assure une séparation physique entre les partenaires.
Il constitue la matérialisation poussée à son paroxysme du fantasme du rapport sexuel sans lendemain avec un inconnu.
Dans une optique de sexualité de groupe, une même cloison peut comporter plusieurs glory holes.
 
Source : Wikipédia.

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