La remarque de trop

Chapitre 3

1189 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 27/04/2018 15:19

  • Je vous en supplie Borel dites-moi que vous avez du nouveau. Un petit meurtre. Même un suicide à demi-suspect je prends.
  • Désolé capitaine mais la ville est calme aujourd'hui, répondit-il sur le même ton qu'on aurait utilisé pour un enfant.


Et le capitaine tournait et tournait encore, comme un fauve dans une cage, comme un poisson rouge dans son bocal. Le lieutenant voyait qu'il était tendu, anxieux. Certes Lucie n'était pas venue aujourd'hui mais après le décès de Sonia elle avait disparu pendant 6 mois et Caïn ne l'avait pas cherché une seule fois. Peut-être quelque chose de nouveau était arrivé entre eux.


Borel souhaitait souvent que la relation entre ses supérieurs s'arrange, qu'ils osent se parler pour une fois en baissant armes et boucliers. Ils en auraient des choses à se dire s'ils voulaient bien s'écouter. Mais ils étaient ainsi fait que le capitaine était trop orgueilleux et le lieutenant trop blessée pour qu'ils s'exposent.




Si le capitaine avait déjà été insupportable le premier jour, ceux qui suivirent furent dix fois pires. Caïn, champion toutes catégories du transfert, s'était trouvé une passion nouvelle pour les disparitions. Il se penchait avec assiduité sur tous les cas en cours, faisaient des recherches jusqu'à tard dans la nuit et il n'était plus rare de le trouver endormi à son bureau ou dans la salle des archives.


Borel s'inquiétait pour son capitaine, en moins d'un mois il était devenu l'ombre de lui-même. Le manque de sommeil et la piètre qualité des rares siestes dont il bénéficiaient avait donné à Caïn un teint grisâtre. Malgré son acharnement nouveau il venait à bout de peu d'affaires et oscillait entre les phases de mutisme et d'autres de mots d'esprits minables beaucoup trop joyeux. Il n'y avait bien plus que le lieutenant pour le supporter au SRPJ.


Un mois et demi après le départ de Delambre, Borel négocia avec l'administration l'achat d'un canapé. L'humeur du capitaine en connue un léger rehaut qui s'estompa bien vite. À ce rythme-là Caïn ne tiendrait pas jusqu'au retour de sa commandante, si retour il y avait.


En effet Borel était assez souvent en contact avec Lucie. Elle l'appelait au moins une fois par semaine depuis un portable qui n'était pas le sien. Elle semblait toujours extrêmement remontée contre le capitaine si bien que Borel n'avait pas mentionné l'état actuel de ce dernier. Mais au moment arriva bien où il n'y tint plus.


  • Lucie c'est plus possible. Le capitaine il tourne pas rond sans vous. Il s'enlise dans des dossiers et passe sa vie au SRPJ. La dernière fois qu'il est rentré chez lui pour prendre une douche et changer de vêtements c'était il y a une semaine et demi, et uniquement parce que je l'ai forcé. J'essaye de limiter les dégâts en fouillant régulièrement son bureau pour confisquer l'alcool mais avec un tel manque de sommeil je ne sais pas comment il tient encore. Lucie s'il vous plaît …


Cela semblait l'avoir fait réfléchir mais pas aboutir à la conclusion que Borel espérait car le vendredi soir suivant il se retrouvait à pousser le fauteuil du capitaine jusqu'à chez lui avec le-dit capitaine menotté et silencieux, simplement parce que Borel lui avait dit qu'il agissait sur ordre de Lucie.


Borel ouvrit son appartement et introduisit le fauteuil à l'intérieur. Il le navigua ensuite jusqu'à la chambre. Ce n'est qu'après avoir faillit percuter un meuble pour la troisième fois que Borel se dit que si le capitaine venait à passer plus de temps ici il faudrait qu'il règle la décoration.


Une fois encore, ce fut grâce au prénom magique du commandant que le lieutenant obtenu la coopération du capitaine pour le mettre dans le lit. Lorsque Borel avait passé le plan dans sa tête il avait imaginé que Caïn serait intarissable en protestations mais il avait scellé ses lèvres dès que Borel avait mentionné Delambre.


  • Tenez capitaine, prenez ça.
  • Qu'est-ce que c'est ? Vous essayez de m'empoisonner Borel ?
  • Non. C'est un somnifère, une idée de Lucie et gracieusement fournit par Stunia.


Caïn lui lança un regard l'air de dire qu'il comprenait son petit jeu à toujours utilisé le nom de Lucie comme un mot de passe, malgré cela le doute ne lui permettait pas de refuser alors qu'il prit le cachet et l'avala avec expertise.


Stunia avait eu raison, dans son état actuel une demi-dose avait suffi. Le capitaine était déjà endormi alors que Borel ne lui avait pas encore enlevé les menottes. En sortant de la pièce le lieutenant la ferma à clé, juste pour être sûr. Il n'avait aucune envie de faire garderie pour amoureux déprimés mais il devait bien admettre que lui-même avait du mal à se concentrer lorsque le capitaine était comme cela.


Le lendemain Caïn ne se réveilla qu'à 13 heure passée. Borel en fut doublement ravi car l'objectif premier de le faire rattraper son sommeil au capitaine avait fonctionné et que plus tard il se réveillait moins il devait l'occuper. Malgré sa nuit gargantuesque, Caïn ne mangea presque rien. Il commença rapidement à tourner en rond, harcelant Borel de questions sur Lucie.


Le lieutenant n'avait plus l'intention de se laisser marcher sur les pieds par un déprimé à roulettes alors lorsque le capitaine lui demanda, pour ce qui devait être la centième fois, de lui répéter toutes les informations que Delambre lui avait communiquer Borel explosa :


  • Capitaine mettons les choses au clair d'accord ? Enfin vous êtes pas d'accord c'est pareil. Le week-end c'est terminé pour vous ! C'est repos. Pas d'enquête. Pas de SRPJ. Je vous menotterais toutes les semaines à mon radiateur s'il le faut d'accord ! Lucie est partie pour l'instant mais c'est pas une raison pour vous laisser aller comme vous le faîtes.
  • Vous avez raison, Nassim, acquiesça Caïn en faisant demi-tour pour retourner dans la chambre.


Borel s'écroula sur une chaise à la fois surpris d'avoir pu lui dire tout cela et soulagé d'avoir enfin parlé. L’absence de Lucie était aussi une épreuve pour lui car après le départ de Moretti elle était devenue la seule à pouvoir avoir le moindre effet sur la capitaine. Et quel effet ! Mais apparemment les choses s'étaient calmées. D'ailleurs le capitaine était bien silencieux tout à coup. Borel se dirigea vers la chambre et entrouvrit la porte.


Il eut à peine le temps de comprendre que Caïn avait trouvé sa caisse de déguisements qu'il était déjà ligoté à une chaise, deux traits de rouge à lèvre sur les joues, une toque en plumes d'indiens enfoncée sur la tête alors que le capitaine tournait autour de lui, un faux stetson visé en haut du crâne, une étoile de sheriff à la poitrine et un air visiblement très fière de lui.  


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