La remarque de trop

Chapitre 4

1142 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 28/04/2018 17:41

  • Je pense qu'il va tenir le coup maintenant. En semaine, il bosse comme un forcené jusqu'à tomber endormi. Si je suis dans le coin je l'installe sur le canapé, sinon il dort dans son fauteuil, avachi sur son bureau. Le week-end il dort chez moi. Il n'a même plus besoin de somnifères mais je continues de lui donner des placebos. Je fais souvent venir les enfants du quartier pour qu'ils jouent avec lui. Je crois que ça lui fait du bien.


Évidement lorsqu'il parlait de l'état de Caïn à Lucie il omettait certains détails, comme par exemple les cauchemars récurrents. En semaine le capitaine ne dormait pas assez pour pouvoir rêver de quoi que ce soit mais le week-end était une toute autre affaire. Il n'était pas rare que Borel soit réveillé au milieu de la nuit par des cris déchirants, souvent les mêmes d'ailleurs.


  • Lucie ! Non. Lucie !


Borel entrait alors dans la chambre et dès qu'il mettait une main à portée de Caïn ce dernier s'y agrippait comme un fou. Il ne lâchait plus Borel comme s'il eut été son ancre. Ses plaintes ne s'arrêtaient pas pour autant mais elles devenaient des murmures étouffés et c'est à ce moment-là que Borel savait précisément de quoi le capitaine avait rêvé.


Les scénarios étaient redondants. Lucie était enlevée. Lucie était tuée. Lucie était avec un autre homme qui lui faisait du mal. Dans la plupart des cas l'action se déroulait sous les yeux de Caïn qui se trouvait immobilisé par son fauteuil d'où qu'il se mette à hurler.


Borel calmait le capitaine en lui parlant sur un ton doux pour lui dire des choses rassurantes. Au fil du temps la voix de Borel suffisait pour un résultat instantané. Le capitaine se calmait mais il avait toujours besoin d'un contact. Ainsi Borel ne fut plus gêner de partager le lit du capitaine malgré que ce dernier ait une propension à chercher le contact.


Au cours de ces nuits-là généralement Caïn ne se réveillait même pas. C'est ce qui aidait Borel à supporter la situation. Au matin le capitaine n'en avait aucun souvenir et Borel était toujours sorti de la chambre avant qu'il n'ouvre l’œil. Cependant plusieurs fois Caïn avait parlé après s'être calmé, toujours pour souffler la même chose.

« Merci Nassim »




Avec le temps, les semaines du capitaine furent remplies d'une nouvelle activité. En plus de patauger dans des affaires il se mit à chercher Delambre, comme un flic cette fois. Bientôt elle serait partie depuis un an alors elle avait forcément laissé des traces quelque part. Elle continuait à appeler assez régulièrement Nassim, Caïn le savait mais ne demandait jamais rien à ce sujet, si son commandant ne le contactait pas directement c'était aussi pour lui envoyer un message. Caïn se forçait donc à croire que où qu'elle soit elle vivait bien, enfin à l'abri des meurtres et de lui.


En bon flic le capitaine aurait pu commencer par le numéro qui servait à contacter Nassim, mais son sens de l'honneur l'en empêchait. Il sentait la chose comme déloyale et ne put se résoudre à employer ce biais-là. De toute façon si Lucie voulait être caché le téléphone ne mènerait sûrement à rien. Ce n'était pas une débutante.


Sauf que plus Caïn cherchait, moins il trouvait. Et moins il trouvait, plus cela le rendait fou. Nassim lui avait enrubanné les mains dans des bandages car il avait pris l'habitude de frapper son poing sur n'importe quoi lorsqu'il se sentait impuissant. De plus pas moyen de boire un coup puisque ce même ange gardien avait débarrassé le SRPJ de toutes ses bouteilles et il surveillait Caïn quant à l'achat de tout nouvel alcool.


À croire que Delambre s'était totalement volatilisée. Mais Caïn était tenace et n'avait surtout plus que cette idée qui l'aidait à tenir malgré tous les bons soins de Nassim. Lucie était partie précipitamment. Elle n'avait sûrement pas prévu de s'absenter si longtemps mais une fois qu'elle avait profité d'une goulée d'air frais elle n'avait plus souhaiter revenir, pour l'instant. Même si elle savait prendre un risque en restant dans la police, cela restait la chose la plus simple à faire dans son cas.


Caïn se lança dans l'épluchage de tous les dossiers de demande et d'attestation de transfert puis de nouvelle attribution pour toute la région PACA. Les dossiers regroupaient les demandent de départs comme les arrivées. Le capitaine n'avait pas soupçonné qu'il y ait tant de mouvement dans les polices du sud, puisque évidement il ne limitait pas ses recherches à la PJ.


Il lui fallut un mois et demi de travail quotidien acharné pour finir tous les dossiers. Aucun ne correspondait à celui de Lucie. Le soir où il lut la dernière feuille de la pile il était 4 heures du matin. Il n'avait pas dormi de la nuit. Il cria de rage, de peine, de fatigue. Il beugla jusqu'à ce que se voix disparaisse tout à fait. Caïn se retrouva donc au milieu du SRPJ, paraplégique, muet et blessé. Il tourna en rond jusqu'à ce qu'au petit matin les premiers arrivants ne le stoppent pour le coller dans « son » canapé.


Au moment où Borel arriva le capitaine avait les jambes toutes de travers puisqu'on l'avait posé comme cela une heure auparavant et qu'il n'avait pas bougé depuis. Il avait l'air d'un pantin à qui l'on aurait coupé les fils et qu'on laissait là, gisant dans des positions improbables. C'est notamment pour éviter ce genre de désagréments que Borel avait suivi une courte formation au déplacement de personnes handicapés moteurs et plus précisément des paraplégiques.


  • Nassim ! Comment vas-tu ?, le salua le capitaine un grand sourire aux lèvres mais sa voix pas plus haute qu'un murmure.


Peut-être ces moments-là étaient-ils les plus douloureux. Quand le capitaine tombait si bas que même son sourire semblait vrai. Sauf que le capitaine ne souriait plus, enfin plus comme ça, pas de toutes ses dents et en agitant gaiement la main. Même après tout ce temps il ne parvenait pas à extérioriser sa peine. Borel avait souvent pensé recommander ai capitaine de pleurer un peu, même pour la mort de son meilleur ami il n'avait pas versé une larme. Pourtant il n'en fit rien, seule Lucie pouvait lui dire quelque chose comme ça. Sauf que Lucie n'était pas là.


  • Bien et vous capitaine ?, répondit-il enfin.
  • J'ai passé une nuit en enfer.   


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