Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 1)

Chapitre 2 : Quatre ans après

5408 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 23/04/2021 17:02

Episode 1.1 : Le retour.


Devant Sakura, le sol se releva doucement puis s’effondra sans prévenir. Elle recula et les cartes s’envolèrent. Les cartes de Clow. Elles virevoltaient lentement autour d’elle. Que se passait-il, d’où venaient-elles ? Sakura oublia un instant le danger qui se rapprochait et tenta d’attraper l’une d’elle. Mais la carte se mit à luire et disparut en poussière. Quand Sakura reprit ses esprits, le sol s’était effondré sous elle et... Elle volait ? Elle ne comprit pas tout de suite ce qui lui arrivait, apercevant ses pieds tendus vers le vide obscur. Tout avait disparu. Le sol, le ciel, l’horizon. Les ténèbres l’enveloppaient.

Puis elle se rendit compte qu’on la portait. Deux bras l’avaient retenue. « Mais qui ? » se demanda-t-elle en cherchant à apercevoir son sauveur dans l’obscurité. Une lointaine sonnerie s’intensifiait dans le noir. Elle tenta de se tourner au creux des bras de l’individu mais... cette sonnerie.

- Réveille-toi !! lui cria une épaisse voix caverneuse bien connue.

- Aaah !!! s’écria-t-elle en ouvrant les yeux sur le visage au masque d’argent. Kero !!!

- Je te fais toujours le même effet sous cette forme, sourit celui-ci.

C’était Kero. Il était revenu. Enfin... Sakura se jeta à son cou et le serra contre lui.

- Ca fait si longtemps, Kero...

- Argh... articula-t-il, étranglé. Ca ne fait que quatre ans... Argh !! Laârrrche-moi !

On frappa.

- Sakura ? C’est toi qui cries ?

- Papa...

Kero recula d’un bond et disparut entre les plumes de ses ailes alors que la porte s’ouvrait.

- Ca va ?

- Oui, sourit-elle l’air de rien.

- Tu te lèves ? Ne sois pas en retard pour ce premier jour, l’été se poursuit... à l’école! Ah aussi! Il y a une lettre de Thomas.

- Oui, j‘arrive ! chantonna-t-elle en poussant Kerobero sous son lit, du bout de l’orteil.

Dominique referma la porte et Kero soupira.

- On a eu chaud ! murmura Sakura en se penchant sur le rebord de son lit pour voir Kero.

- Alors, comme ça, ton père ne se souvient plus de rien... ?

- Non. Mais Anthony semblait dire que ça reviendrait. Comme ils possèdent désormais chacun une partie du pouvoir de Clow, papa retrouvera un jour ses souvenirs ! Dis, Kero... Tu viens au lycée avec moi ?

- Tu es sûre ? s’étonna-t-il.

- Je te le demande comme une faveur. Tiffany sera sûrement aussi heureuse que moi.


Le déjeuner vite avalé, Sakura enfila ses patins et se lança dans l’allée. Elle tourna à l'angle de la rue et se redonna de l'élan en quelques coups de rollers. Le vent légèrement frais battait les branches des cerisiers de l'allée devant l'ancienne maison de Mathieu et le soleil commençait à pointer ses premiers dards de chaleur. Le temps idéal pour arriver en avance au lycée. Tiffany l'attendrait peut-être.

- Alors ? lança Kero en pointant le museau dans l’ouverture du sac à dos. Qu’as-tu fait durant tout ce temps ?

- Il ne s’est pas passé beaucoup de choses, tu sais. J’ai repris une vie normale. Je vais souvent voir Grand-père. Je crois que ça va mieux entre la mère de Tiffany et Papa. Que dire de plus ?

- Et le morveux ? Il est toujours ici ?

Le regard de Sakura s’assombrit légèrement et elle ne répondit pas tout de suite, laissant le vent battre les sangles du sac.

- Non, fit-elle finalement. Il est parti avant de rentrer au lycée.

- Ah, chuchota Kero, gêné d’avoir rendu son amie un peu triste.

- Et Mathieu ? demanda-t-elle alors. Anthony s’occupe bien de vous depuis tout ce temps ?

- Tu lui manques énormément, avoua Kero. Yue est d’ailleurs beaucoup plus attentionné depuis qu’il a vécu sous la forme de Mathieu et depuis que cette part de ton frère l’habite. Mais il n’est pas très loquace.

- Je me souviens, sourit Sakura.

Elle tourna la tête vers la maison qu’ils longeaient. En apprenant que ses grands-parents n’existaient pas réellement, Mathieu avait souhaité revendre la demeure où il avait vécu avant de quitter le Japon pour l’Angleterre. Cependant, elle n’avait pas encore trouvé d’acheteur. Sakura sourit tendrement en songeant aux doux souvenirs qui la traversèrent.

Le lycée n'était plus très loin.


En arrivant devant la grille, elle fut dépassée par une longue Rolls-Royce noire qui s'arrêta un peu plus loin pour déposer Tiffany. Et quand celle-ci aperçut son amie de toujours, elle leva un bras dans sa direction avant de saluer son conducteur. Tiffany accourut.

- Bonjour Sakura, tu es rayonnante.

- Devine qui je transporte dans mon sac, qui a des ailes, une queue et un mauvais caractère?

- Hi hi, sourit tendrement Tiffany. Ca ne peut être que mon petit lionceau préféré.

- Gagné, lança une petite voix du fond de son sac tandis que des élèves passaient le portail.

- Mais toi aussi, tu as le sourire! remarqua Sakura en voyant son amie fouiller son propre sac.

- Tu sais, Sakura, j'ai toutes les raisons d'être heureuse. La société de ma mère vient de terminer un prototype...

- Un proto...

- Et voila! lança-t-elle en brandissant une nouvelle sorte de caméscope.

- Oh non... soupira Sakura.

Caméra au point, Tiffany fit pivoter l'écran tactile et lança l’enregistrement. Filmant minutieusement la cours de l'école puis son amie qui déjà fuyait vers les casiers.

- Sakura, attends!

Celle-ci éclata de rire.


Pour midi les deux adolescentes s'installèrent près des bouleaux, du côté est du parc. Le père de Sakura avait eu le temps de lui préparer un succulent repas avant de partir. Depuis peu, l’université lui avait proposé un poste à temps plein et il y passait souvent la journée et même plus. Un travail de traduction, avait-il expliqué un matin sans pour autant s’étaler dans des détails qui ennuieraient sa fille.

- On va devoir partager, Kero, annonça Sakura. Papa ne savait pas que Super-glouton serait là.

- Je ne suis pas Super-glouton, protesta-t-il.

- Oh mais si ! Rappelle-toi comme tu appréciais la carte du Sucre. Clow a dû bien s’occuper de toi, non ? Tu n’aurais pas un peu grossi ? demanda-t-elle en tâtant son ventre.

- Pas touche ! protesta-t-il en lui mordant l’index.

- Bonjour les filles, les interrompit-on soudain.

Sakura retira son doigt de la bouche de la peluche et Kerobero se figea, bras et jambes écartés. Yvan et Sandrine se regardèrent :

- Tu parles à ta peluche ? s’étonna Sandrine.

- Vous savez qu’il ne faut pas parler à ses jouets, énonça Yvan, car dans certains pays on craint que la nuit ceux-ci reviennent se venger des mauvaises paroles qu’on a pu prononcer devant eux. On raconte par exemple cette histoire du petit garçon qui...

Sandrine lui posa la main sur la bouche et il finit studieusement son histoire.

- Tu vas arrêter Yvan ?! Tout le monde sait que c’est faux.

- Il n’arrêtera jamais, assura Tiffany. Peut-être plus tard écrira-t-il des livres pour enfants. Il pourrait vivre de son imagination !!

Comme il s’était arrêté, Sandrine retira sa main et secoua la tête.

- Il ne manquerait plus que ça !!

- Ca nous faisait rire, quand nous étions plus jeunes, continua Tiffany. Ca plaira sûrement à d’autres !

Le couple les salua finalement, s’installant un peu plus loin.

- C’est vrai ce qu’il disait ?

- Mais non, Sakura, la rassura son amie.


Une fois le repas terminé, Sakura félicita une nouvelle fois le talent de son père. Tiffany s’essuya la bouche et rangea sa serviette :

- Je vous laisse, tous les deux, je dois aller me renseigner pour le concert que nous allons bientôt donner. A plus tard Kero.

- Au revoir, Tiffany.

Il la regarda partir et secoua doucement la tête.

- Elle non plus ne se souvient de rien, je suppose.

- C’est vrai. Mais je ne tiens pas vraiment à ce qu’elle s’en souvienne. C’est mieux ainsi ! conclut-elle avec le sourire. Mais parle-moi plutôt de toi, se tourna-t-elle vers lui. Que faites-vous depuis tout ce temps en Angleterre ? Anthony va bien ?

- Oh oui ! Il n’a pas encore recouvré tous ses pouvoirs d’antan mais il s’entraîne durement.

- Il s’entraîne ? Mais pourquoi ?

Kerobero croisa ses petits bras et ferma les yeux.

- C’est encore Yaln qui va lui lancer un défi. Mais comme Clow Reed a perdu sa puissance magique, Yaln préfère attendre encore avant de lancer le combat.

- Un combat ?! s’étonna Sakura.

- Rien de bien catastrophique. Rassure-toi. Un combat de sorciers, voilà tout. C’est quelque chose qui arrivait souvent par le passé, souviens-toi de ce qu’Anthony t’avait expliquée.

- J’espère qu’il gagnera encore.

La sonnerie retentit et Sakura soupira :

- Et voilà, on y retourne... Tu rentres dans le sac, Kero ?

- Ah non, le coup du sac, ça suffit !

- Que vas-tu faire ?

- Me promener... Les jeux vidéos me manquent. Anthony n’aime pas ça. Yue passe tout son temps seul et Samantha n’arrête pas de sortir. Et je ne supporte pas Gothar. Alors !

- Mais on va te voir !!

- Mais non...

- Bon, il faut que j’y aille. A plus tard, Kero !

Elle s’éloigna, rejoignant Sandrine et Yvan, ainsi que plusieurs amies à elle. Kerobero soupira en reculant vers le buisson duquel il allait s’envoler vers la maison.

« Tu ne m’as toujours pas demandé pourquoi j’étais enfin revenu, Sakura, songea-t-il. Tu ne te doutes encore de rien. Et Clow m’a bien interdit de te dire quoi que ce soit. Ma chère petite Sakura, tu as tellement grandi. Mais est-ce que ce sera suffisant pour ce qui se prépare? »



Episode 1.2 : L’épreuve.


Sakura salua ses amies et s’élança dans la ruelle qui faisait face au lycée. Elle devait faire une course ou deux car elle dînerait seule le soir même. Son père l’avait prévenue en partant le matin. Il travaillerait avec mademoiselle Carmin, la jeune femme qui étudiait aux côtés de Dominique pour devenir archéologue. Il rentrerait tard. La ruelle bifurqua et elle tourna à droite, en posant une main sur le réverbère qui faisait le coin. Elle patina de plus belle et se laissa glisser sur le bitume.

Le parc s’étirait sur sa gauche et elle roulait sans bouger dans l’allée déserte. Kero était assez sérieux pour savoir quel danger il encourait si on l’apercevait. Il avait dû rentrer. Elle leva les yeux au ciel. Voler... Comme un objet perdu qu’on retrouve un jour et qu’on fait marcher d’un seul geste oublié, elle posa sa main sur son cœur et lança une carte invisible. « Carte du Vol », pensa-t-elle très fort. Mais il ne se passa rien. C’était fini, les cartes avaient disparu. Pour sauver leur créateur, Anthony, et leur maîtresse, Sakura. Elle était redevenue Sakura la jeune fille. La simple jeune fille. Tout était fini. Le sceau s’était évanoui et la clef avec. Il ne restait de cette époque que des souvenirs.

Elle plongea sa main dans une de ses poches et en tira la lettre de son frère. Il travaillait désormais en Europe. Lui aussi était parti pour l’Angleterre. Là-bas, Katya s’était occupée de lui trouver un appartement. Puis, les mois passant, il était allé habiter avec elle et Anthony.

« (...) J’ai préféré les quitter un temps, expliquait-il dans ce courrier. Tu sais, petit monstre, même si je ne ressens plus les choses surnaturelles, je sais qu’il se trame quelque chose ici. Ton ami, Anthony, disparaît des journées entières dans le temple qui jouxte sa demeure. Katya dit qu’il médite. Je ne sais pas si je dois la croire. Il est si calme. Rien à voir avec ton ex !! Je plaisante. Fais attention à toi, promets-le-moi. Thomas»

Elle serra la lettre contre elle et releva le nez vers les jeux d’enfants qu’elle longeait. L’empereur Pingouin trônait en maître sur l’étendue de sable. Elle sourit et rangea la lettre. Puis, elle s’élança de nouveau... contre quelqu’un. Elle heurta violemment l’homme qui s’était mis sur son chemin. Elle fit un demi-tour maladroit sur elle-même et perdit l’équilibre. Mais un bras la retint et une main se plaça sous sa nuque pour la soutenir. Cette étreinte... Elle ne lui était pas inconnue. La feuille glissa au sol et Sakura ne bougea plus. Sa tête tournait et elle ne songea qu’à la lettre de Thomas. Elle l’aperçut, se redressa et roula vers elle pour la rattraper. Puis elle se retourna pour s’excuser.

- Ca va, mademoiselle ? lui demanda le jeune homme. Ca aurait pu être une chute bien dangereuse.

Elle s’approcha doucement. Il dégageait quelque chose de fort... Elle se sentit subitement heureuse, le cœur léger. Elle s’excusa et le jeune homme éclata de rire.

- Ce n’est rien. Mais vous rouliez trop vite ! C’est un parc pour enfants, vous savez ? la sermonna-t-il gentiment.

- Oui, excusez-moi encore. Je pensais à autre chose. Je suis vraiment désolée.

- Ce n’est rien, répéta-t-il. Il faudra être prudente à l’avenir, lança-t-il en repartant.

Elle le suivit du regard. Quelle était cette impression de déjà vu ?

Un frisson la parcourut alors. Elle tourna la tête vers le parc. Quelque chose rodait. Quelque chose de petit, de sournois. Comme un petit animal effrayé. Elle chercha du regard en approchant doucement. Peut-être un animal blessé. Elle hésita à poser ses patins dans le sable. Elle s’assit doucement sur la balustrade et sortit ses chaussures de son sac, tout en s’assurant que la sensation de la présence étrange ne fuît pas. Elle se leva enfin et posa un pied sur le sable. Puis deux. Des enfants approchaient sur le chemin ; elle les entendait rire, accompagnée par leur maman, sûrement. Il ne fallait pas qu’ils effraient le petit animal. Elle se pencha vers les balançoires et les pingouins de ciment, alignés autour de leur monarque. Les voix se rapprochaient.

Sakura, sentit l’air s’agiter autour de ses chevilles et le sable sembla enfler autour d’elle, se soulevant par épaisse nappe. Puis, une silhouette se forma et fonça vers elle. Un des enfants cria en voyants le nuage de sable arriver sur lui. Sakura ne savait que faire, la masse la longea, le vent chargé de sable l’étouffait, s’infiltrant de force dans sa gorge, dans ses oreilles et dans ses vêtements. Un lointain souvenir la traversa et elle tendit les mains en avant, paumes face à face, légèrement tournées vers le ciel.

- Clef du sceau sacré, cria-t-elle. Je t’ordonne d’apparaître.

Le sable sembla partir dans toutes les directions, puis le vent se calma, et se figea, maintenant chaque grain en lévitation autour de Sakura. Elle sentit un regard posé sur elle et ne bougea pas. Elle eut l’impression étrange que chaque grain la regardait, l’observait, la fixait, l’étudiait. Puis tout retomba au sol. La mère avait éloigné ses enfants, et Sakura tomba à genoux, en toussant, la gorge asséchée, exténuée. Que s’était-il passé ?


Elle referma la porte de sa chambre et détacha la serviette qu’elle avait enroulée autour de ses cheveux.

- J’aurais voulu filmer ça, se plaignit Tiffany à l’autre bout du fil.

- C’était horrible.

Kerobero vola du bureau au lit et s’assit en face d’elle, les bras croisés, songeur.

- On pourrait peut-être retourner cette scène, si on avait la carte du Sable, sourit Tiffany.

- C’est pas drôle. J’ai failli étouffer.

- Je sais, excuse-moi. Allez, bonne nuit, à demain.

- Bonne nuit, Tiffany.

Sakura posa le téléphone à côté d’elle et patienta.

- C’est bizarre, c’est bizarre... confia Kero.

- C’est tout ce que tu trouves à dire ?! remarqua-t-elle en passant la serviette dans ses cheveux. J’ai l’impression que j’en ai encore partout... C’est super désagréable.

Kero ouvrit grand les yeux.

- Quoi ?! Tu as une idée ?!! s’intéressa Sakura.

- Je n’avais pas remarqué ! s’exclama-t-il.

- Quoi ?!!! le secoua-t-elle à deux mains.

- Tu as les cheveux longs ?

Elle fit la moue et le laissa s’envoler vers l’étagère des réveils.

- Bien sûr. Je les attache dans la journée.

Kero la dévisagea un long moment, tandis qu’elle inspectait son cuir chevelu du bout des doigts, pour faire la chasse aux grains de sable.

- Tu as vraiment grandi, nota-t-il. C’est surprenant.

- Tu es bête, sourit-elle. Ca doit être pareil pour Anthony.

- Je vis avec lui, c’est différent. Je ne m’en rendais pas compte. 

- Oui, bon... se reprit-elle. Et pour ce sable ?

- Il faudra y retourner pour mettre ça au clair.

- Ce n’est tout de même pas une carte ! Les miennes ont disparu. Clow n’a pas pu en recréer... Rassure-moi, il n’y a pas d’autres membres dans sa famille !

- Hm hm, fit-il en secouant la tête. Non. Je ne comprends pas. Allez, il faut dormir.

Sakura s’allongea et Kero ouvrit le tiroir grâce à ses pouvoirs. Sa petite chambre était là, intacte. Sakura l’avait gardée car il lui avait promis de revenir. Et maintenant qu’il était là, il devait lui mentir. Clow Reed ne semblait pas vraiment savoir ce qui se préparait. Alors pourquoi ne pas expliquer le peu qu’il savait ?

- Kero ? l’appela Sakura.

- Oui ?

- Tu crois que mon pouvoir magique s’est consumé comme celui de Clow ?

- Sûrement.

- Ah... Bonne nuit.


Le lendemain, Sakura retrouva Tiffany devant le portail du lycée.

- Ca va ? s’inquiéta Tiffany en remarquant la petite mine de son amie.

- Pas tellement. Je n’arrive pas à m’expliquer ce qui est arrivé, hier.

- Et tu n’as rien pu faire, ajouta Tiffany en souvenir de leur discussion la veille au téléphone.

- Non, c’est ça le pire, expliqua Sakura en entrant dans la cour du lycée. Il y avait cette mère et ses deux petits garçons et je ne pouvais rien faire. Je n’ai plus la clef. Et pourtant, je sens que je devrais agir.

Tiffany acquiesça en silence et elles regagnèrent leur classe.

- Bonjour les filles, les accueillit Nadine. Vous êtes toujours d’accord pour tout à l’heure ?

Tiffany et Sakura la saluèrent et Yvan, Sandrine et Sonya les rejoignirent.

- On est tous d’accord donc, conclut Sandrine. Très bien !

- Le cours va commencer, souligna Sonya.

- J’avais une anecdote sur les patins à glace, commença Yvan.

- On n’a pas le temps ! assura Sandrine en le tirant par la manche.

L’homme qui entra dans la salle se dirigea vers son bureau. Plutôt grand, les épaules droites et le dos large, il se tourna vers la classe. Sakura souriait à Yvan, que Sandrine forçait à s’asseoir. Elle secoua la tête et releva le nez vers leur nouveau professeur d’Anglais.

- Bonjour à tous, commença-t-il en se tournant vers le tableau pour écrire son nom. Je m’appelle James Davy. Je remplace Mademoiselle Akano. Comme j’ai pu le constater sur vos emplois du temps, nous nous verrons...

C’était lui. L’homme devant le parc. Quelle coïncidence ! Et pourtant... quelque chose était différent.

- Avez-vous des questions ?

Emilie se leva :

- Au nom de toute notre classe, clama la jeune fille, je vous souhaite la bienvenue.

- Ah, rit-il de bon cœur. Ca se voit tant que ça que je suis nouveau ?

Emilie rougit et se rassit.

- Merci tout de même, mademoiselle, lui souffla-t-il.

Sakura bâilla. Elle avait peu dormi. Peut-être les ronflements de sa chère petite peluche, ou peut-être l’inquiétude face au phénomène dans le parc de l’empereur Pingouin. La surprise de revoir cet homme s’évanouit vite. Chaque année apporte son lot de nouveaux. Il y avait eu Lionel, qui cherchait à regagner les cartes de Clow. Puis Katya Moreau, sous l’égide de la lune... Et enfin Anthony, autrement dit, Clow Reed. Elle haussa les sourcils. Tous trois avaient des pouvoirs. Monsieur... Monsieur Machin en avait peut-être aussi... ?

- Sakura, chuchota Tiffany.

- Sakura ? répéta alors monsieur Davy. Veux-tu commencer à te présenter, puisque tu me sembles un peu tête en l’air... ?

Elle bondit sur sa chaise et :

- Euh oui, excusez-moi. Je m’appelle Sakura Gauthier...

- En anglais voyons, la reprit-il.

- Ah oui...



Episode 1.3 : La clef.


La petite équipe quitta finalement le lycée en direction du grand complexe sportif qui s’était construit deux ans auparavant, à la place d’un vieux terrain de football abandonné. Sandrine, pendue au bras d’Yvan, souffla en observant les travaux.

- Vous vous rendez compte ? demanda-t-elle. On n’aura pas de salle de sport avant tant de temps !

- Ah bon ? s’étonna Sakura.

- Mais si, Sakura, lui rappela Tiffany, c’était écrit sur les tableaux d’affichage.

- C’est à cause des travaux, précisa Nadine. Il y a des problèmes.

- De quel genre ? demanda Sonya.

L’ancien gymnase sur leur droite était entouré d’échafaudages plus vertigineux les uns que les autres, et les adolescents le longèrent distraitement.

- Je ne sais pas vraiment, répondit Nadine.

- Peut-être des problèmes... commença Sandrine, surnaturels ?!

Le sang de Sakura se glaça.

- Qu... quoi, quoi, quoi ?!

- Oui, enfin, pas un fantôme, rectifia Nadine. On dit simplement que les ouvriers n’auraient pas assez de matière première.

- C’est ce que j’ai entendu aussi, affirma Sonya.

- Vous savez, les filles, avança alors Yvan, il existe des lutins mangeurs de pierre dans le parc qui longe le canal.

- Ah oui ? s’étonna Sandrine, sceptique.

- Ah... v... vrai... vraiment ? se retourna Sakura.

Tiffany lui posa une main sur le bras pour la calmer.

- Peut-être dans le passé, dit-elle alors, mais plus maintenant.

- Oh, moi, ajouta Yvan, je ne serais pas si catégorique. Il y a pleins de livres qui expliquent que toutes les forces du mal vaincue un jour remontent un jour à la surface. Et vous savez pourquoi ?

Personne ne répondit. Le ton qu’il employait cette fois convainquait tout le monde, même Sandrine.

- Eh bien parce que le propre de l’homme n’est pas de tuer. De se faire la guerre peut-être mais pas de tuer. Alors lors des grands combats contre le mal, celui-ci est simplement enfermé. On dit souvent que c’est parce qu’on ne peut tuer le mal. Car sans mal, il n’y a pas de bien. Alors les gentils faisaient prisonniers les forces du mal. Vous connaissez toutes ce genre de légendes, non ?

Elles cherchèrent instinctivement. Et visiblement toutes leurs idées concordaient : il avait raison.

- Tu es épatant, avoua Sandrine.

- Effrayant, oui !!! se mit à hurler Sakura, tétanisée par les frissons. Ca ne va pas de raconter de telles choses ?

Les autres ne réagirent pas, perplexes. Etait-ce une de ses inventions, cette-fois encore ?

- A ton âge, sourit Tiffany. Tu devrais savoir que les fantômes, les sorcières et la magie n’existent p...

Sakura la foudroya du regard.

- Ah bon, lui fit-elle à voix basse. Et Clow ? Et les Cartes ?!!

- Oui, mais ce n’est pas pareil...

- Qu’est-ce que vous dites ? demanda Sonya.

- Rien. Oubliez, se força à sourire Sakura en remarquant que tous avaient essayé d’écouter.


- Fermé ?! bondit Sakura devant l’écriteau. Pourquoi c’est fermé ?! Pourquoi ils ont rien dit ?!

- Qu’est-ce qu’il fait lourd, soupira Nadine en ôtant son pull.

Sandrine et Yvan levèrent le nez au ciel ; il était à peine couvert mais le soleil ne chauffait pas tant que ça.

- Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Sonya.

- Maintenant qu’on est ici, on reste, rouspéta Sakura. Allons nous chercher des rafraîchissements.

- J’y vais, si vous voulez, proposa Yvan.

On lui donna de la monnaie et il partit vers un camion de boissons qui s’était garé près de l’allée voisine.

- Quelle chaleur étouffante... souffla Nadine.

- Oui, ce n’était pas annoncé, réfléchit Tiffany.

Sakura s’était collée aux portes vitrées de la patinoire et tentait d’apercevoir quelqu’un tandis que les autres s’étaient assises sur le perron sous la devanture. Sakura longea les portes plusieurs fois.

- Il y a quelqu’un ?!

Tiffany tourna la tête vers son amie et sourit. Elle se leva pour la rejoindre. Yvan arrivait au loin.

- Ca ne sert à rien, avoua-t-elle à Sakura.

- J’aurais au moins voulu savoir pourq...

Une violente bourrasque siffla autour d’elle et les deux amies se retournèrent, surprises. Les courants d’air n’étaient pas transparents, transportant des saletés sur la place qui se tenait aux marches du perron.

- Yvan !! s’écria Sandrine. On ne le voit plus.

- Reste là, tenta de la retenir Sonya. Ce n’est pas prudent.

Mais la jeune fille les avait quittées, disparaissant dans le vent presque opaque. Sonya et Nadine s’élancèrent à sa poursuite pour la rattraper. Sakura et Tiffany se serrèrent l’une contre l’autre, et tandis qu’elles cherchaient désespérément à les apercevoir entre les bourrasques, le sol se couvrait peu à peu de sable.

- Ahhhhhhhhhh ! cria-t-on dans le ciel, je vais m’écraseeeeeeeeer !

Une masse jaunâtre sortit du rideau de sable et d’air qui s’était érigé autour du perron et vint s’écraser contre les vitres qui résistèrent de justesse.

- Kero ?

Il s’était légèrement assommé.

- Tu as repris ta forme ?!

- Je n’arrivais pas à voler sinon. Ce vent est terrible. Toute la ville est recouverte.

- Que se passe-t-il ? demanda Tiffany.

- Les forces magiques sont chamboulées, expliqua-t-il en se relevant, rangeant contre lui ses ailes pour ne pas être happé par les vents violents qui les évitaient soigneusement. Tu n’as rien senti, Sakura ?

Elle ouvrit grand les yeux et releva la tête. Il avait raison.

- Regardez, montra Tiffany, le sable monte jusqu’en haut des marches.

- Du sable ?! Kero, est-ce que ça pourrait être une carte ?

- Non. C’est impossible. Les cartes magiques se sont évanouies dans la nature, tu le sais très bien.

- Alors quoi ?

Il fronça les sourcils.

- Ce n’est pas possible autrement. Ce doit être... non...

Tous trois entendirent alors les hurlements de leurs amis. Et bientôt, d’autres voix se mêlèrent tout autour.

- C’est la panique, remarqua Tiffany, alors que le sable rejoignait leurs pieds.

- Il faut que je fasse quelque chose !! s’écria Sakura.

Elle fit deux pas vers les marches qui avaient totalement disparu sous la surface du sable. Elle tendit les mains en avant, paumes face à face, légèrement tournées vers le ciel, et ferma les yeux.

- Clef du sceau sacré, se répéta-t-elle mentalement. Clef du sceau sacré... je t’en prie, réapparaît.

- Ca ne sert à rien, souffla Kero en reculant vers les portes vitrées.

Le vent s’approcha encore et les bras de Sakura disparurent derrière le mur de sable. Tiffany enleva sa veste et s’approcha. Elle déposa le vêtement sur les épaules de son amie :

- Vas-y Sakura, je crois que tu peux y arriver...

- Mais ça ne marche pas, s’écria celle-ci, au bord des larmes.

Le vent lâcha une bourrasque vers Tiffany et elle fut projetée vers Kero.

- Elle n’en peut plus, confia-t-elle au fauve.

- Je sais, souffla-t-il en baissant les yeux.

Sakura sentait l’air fouetter ses poignets et le sable était monté jusqu’à ses genoux. Que devait-elle faire ? Comment retrouver des pouvoirs ? Comment faire ? Qui pouvait l’aider ?

- Personne Sakura, prononça une voix douce et grave dans le creux de son oreille. Cette force est en toi.

Kero releva le museau. Cette voix...

Elle ouvrit les yeux mais le sable l’obligea à les refermer. Qui lui parlait ?

- Tu peux créer ta propre clef, Sakura. Puise dans ton amour. Puise au plus profond de toi. En ce que tu aimes le plus.

- Où ?! s’écria-t-elle.

- Trouve ce point de ton esprit qui brûle. Trouve-le et le sceau terrestre modélisera tes rêves, petite Sakura.

- Kero ? demanda Tiffany. A qui parle-t-elle ?

- Je... Je n’en sais rien, bredouilla-t-il.

Le sol se mit à luire. Tout disparaissait peu à peu. Le sable devenait poussière et la poussière lumière. Et les filaments de lumière rejoignaient Sakura qui avait repris confiance en elle.

- C’est impossible, s’étouffa Kero. C’est impossible !!

La lumière longea les bras de Sakura et vint se loger entre ses mains. Une sphère plus lumineuse encore absorbait ce flot continu tout en tournant sur elle-même. Le vent semblait même moins violent depuis que cette lumière avait envahit le perron. Sakura sourit. Au creux de son cœur, c’était là qu’elle sentait ce feu. Oui. Là. Son amour. Son amour pour elle. « Pour maman »

D’un coup, tout se figea. Le vent, le sable, les cris.

Sakura ouvrit les yeux. Une clef flottait entre ses doigts. Elle plissa les yeux et dans un nouvel élan, elle appela :

- Clef du sceau Terrestre ! Reprends ta forme originelle et accomplis ton devoir. Moi, Sakura, chasseuse de cartes, je te l’ordooone !!

Le sceptre s’allongea devant elle et tournoya vivement avant qu’elle y pose une main, puis l’autre. Brandissant le nouveau sceptre devant elle. Elle le rabattit en arrière et le projeta en avant, l’arrêtant dans le vide.

- Carte du sable, quitte la forme qui est tienne. Deviens Carte. Carte de l’éternel, cria-t-elle enfin.

Le paysage se vida progressivement, sous les yeux ébahis de Kerobero qui ne comprenait pas ce qui se passait. Tout le sable revint vers la carte et quand tout eut disparut, la carte tournoya et vint se loger dans la main de Sakura. Celle-ci se retourna, le sourire aux lèvres.

- J’ai réussi ! J’ai réussi.

Kerobero la dévisagea longuement.

- Sakura, Sakura !! cria-t-on, au loin.

- Sandrine...

Le sceptre regagna sa forme de clef et Sakura la rangea.

- Ca va ?!! On a eu tellement peur...

Sakura sourit quand Tiffany serra discrètement sa main. Ses pouvoirs étaient revenus. Elle les sentait bouillir en elle.

Plus loin, derrière une fenêtre, quelqu’un avait observé la scène en secret. Et même si, à travers le brouillard de sable, il n’avait rien vu. Il souriait.

« Enfin, le temps est venu. »

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