Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 1)

Episode 16.1 : La mélodie douloureuse.

Devant Sakura, le sol se releva doucement puis s’effondra sans prévenir. Elle fit un pas en arrière, puis deux et des cartes s’envolèrent. Les cartes du sceau terrestre... Elles virevoltaient lentement autour d’elle. Que se passait-il? Sakura oublia un instant le danger qui se rapprochait et tenta d’attraper l’une d’elles. Elle aperçut un reflet bleu sur la carte avant que celle-ci se mît à luire et disparût en poussière. Sakura reprit ses esprits, le sol s’effondrait sous elle et... Elle volait. Tout disparut autour d’elle : le sol, le ciel, l’horizon. Les ténèbres l’enveloppaient.

Puis elle sentit une pression contre son ventre : on la portait... « Mais qui ? » se demanda-t-elle en cherchant à apercevoir son sauveur dans l’obscurité. Elle ne le vit pas, ne discernant que les contours de son visage. Deux puissantes et larges ailes battaient doucement l’air et les plumes volaient autour d’eux.

Plusieurs mèches luirent sur le front de l’homme et sa voix douce et chaude glissa dans son cou comme une caresse :

- Je serai toujours là, Sakura...

- Qui êtes-vous ?

- Tu trouveras le repos éternel, Sakura, sous mon aile...

Elle bondit dans ses draps. La pénombre du petit matin voilait encore sa chambre et elle bâilla. Elle se leva et marcha vers sa fenêtre. Un manteau épais et blanc avait recouvert la ville. Elle sourit en s’étirant. « Comme c’est beau ».

- Je vais chez Tiffany pour nettoyer son jardin, souffla Thomas en avalant son bol de café. Je te dépose ? Avec cette neige, tu ne rouleras pas beaucoup...

- C’est vrai, tu veux bien ? s’excita-t-elle.

- Oui, fit-il en détournant le regard. Mais dépêche-toi, on part dès que je suis prêt.

- Oui, chef, le salua-t-elle avant de se précipiter sur son petit-déjeuner.

Kero bâilla en voletant dans l’escalier.

- Je suis prête ! s’écria-t-elle.

La peluche ouvrit un œil et elle courut vers l’entrée en le balayant au passage. Il tournoya sur lui-même et Thomas l’attrapa en passant et le posa sur le meuble du téléphone.

- Pas grogner, hein... Bien garder la maison, articula-t-il en grimaçant. Gentil chien-chien...

Kero retomba en arrière et s’endormit.

Thomas secoua la tête et entendit Sakura l’appeler.

- Oui, oui... J’arrive.

La moto s’arrêta devant le grillage de la maison de Tiffany et Thomas posa le pied au sol.

- Voilà ton amie, lança-t-il en apercevant Tiffany arriver.

La neige avait recommencé à tomber et les flocons épais se laissaient porter par le vent. Sakura se tourna vers son frère :

- Au fait, tu sais où est Mathieu ?

Il secoua la tête :

- Yue n’est pas rentré hier soir. D’ordinaire il dort à la maison, quand il dort. Mais je ne l’ai pas vu. Il doit rôder dans les alentours.

- Ah... Et tu seras là, cet après-midi ?

- Pour ton spectacle ? Je ne veux pas rater ça...

- Bonjour, Sakura ! intervint Tiffany. Bonjour Thomas.

- Allez, je vous laisse, ta maman m’appelle, Tiffany. Bonne journée.

- Merci.

- Bon, allons-y nous aussi, lança Sakura, sinon on sera en retard.

- C’est beau toute cette neige, tu ne trouves pas ? Ca m’inspire... J’ai envie de créer encore d’autres modèles pour toi, Sakura...

- Ohh... Tiffany. Ce n’est pas urgent. Tu sais, les forces passeront peut-être à l’attaque pendant le spectacle. Comment je vais faire si je sens l’une d’entre elles... ? Oh là là...

- Mais tout se passera bien, tu verras. Ca va être vraiment un beau spectacle. J’ai eu le droit de me servir de la vidéo de la salle de conférence et tout est programmé sur la scène. Ce film se fera tout seul !!

- Donc tu danseras avec nous, cette année, c’est chouette !

- Au fait, Sakura, lança Tiffany en tournant au coin de la rue. Pour la carte à l’hôtel... ?

- Je ne sais pas vraiment quoi faire. Nous n’avons servies à rien là-bas. Elle n’y était pas, tu as bien vu ! Il faut attendre que la force se manifeste, c’est ce qui m’inquiète...

- Alors tu penses comme Lionel : c’est un homme qui te lance ces forces ?

- Je commence à trouver ça cohérent, en effet. Si ce sont réellement des forces sauvages, alors comment se fait-il qu’elles soient toutes concentrées ici, plutôt qu’à travers le monde ? Je ne peux pas croire que je les attire !

- Donc quelqu’un se cache derrière tout ça, répéta Tiffany. Mais qui... ?

- Ah, se souvint Sakura. J’ai encore fait ce rêve, cette nuit.

- Avec cet homme qui te sauve... ? Est-ce que tu as vu son visage, cette fois ?

- Non, toujours pas. Je me réveille au son de sa voix... Elle est si douce et si familière. Comme si je l’avais toujours entendue.

- Je suis de l’avis de Kero, tu sais ? Il faut que tu suives tes intuitions. Si c’est cette sensation qui te reste au réveil alors c’est que ça doit être important.

- Quelqu’un que je connais, tu veux dire ? Ce serait quelqu’un que je...

Tiffany sourit et se pencha vers son amie :

- Tu as une idée, n’est-ce pas ?

- En fait, je pensais que ça pouvait être un de mes gardiens. Enfin, « mes gardiens », se reprit-elle. C’est peut-être ce nouveau gardien qui est si mystérieux...

- Peut-être.

La salle de conférence, décorée par une autre classe, était vide. Les deux amies descendirent les marches jusqu’à la scène et cherchèrent du regard Alison, Sonya, Nadine, Sandrine et Yvan. Ils s’étaient donnés rendez-vous le matin, pour répéter et essayer les vêtements que Tiffany avaient tant voulu confectionner. En attendant, celle-ci prépara les affaires et les étala sur les sièges du premier rang.

- Bonjour, les surprit-on.

Sakura leva le nez et Tiffany chercha vers l’entrée.

- Lionel ?!

- Je peux... descendit-il quelques marches. Je peux vous aider pour quelque chose ?

- Bien sûr, sourit Tiffany. Il faudrait m’aider à arranger les derniers points. Tu sais bien coudre, non ?

Il acquiesça et les rejoignit. Il lui fit la bise et dévisagea Sakura :

- Bonjour, souffla-t-il.

- Bonjour, répondit-elle timidement. Tu n’es... tu n’es pas venu en cours finalement ?

- Mon lycée n’a pas fait le transfert de dossier. Ils croyaient que j’étais malade.

- Ah... je pensais te voir...

- Bon, bon, bon, les tourtereaux, souffla Tiffany, ce n’est pas que je n’aime pas vous voir en bon terme, mais on a un spectacle à préparer... Vous roucoulerez après ?

Ils rougirent et Lionel rejoignit Tiffany. Sakura récupéra sa tenue et marcha un peu sur la scène.

- C’est bien que tu sois là, murmura Tiffany.

- Ah ?

Elle observait Sakura du coin de l’œil tandis que celle-ci s’éloignait pour passer son ensemble.

- Tu lui manquais beaucoup.

- Ah, fit-il simplement.

Elle patienta et il baissa le menton, comme gêné. Mais ça n’était pas de la gêne. Pas avec elle...

- Quelque chose te tracasse, Lionel ?

- C’est... Sakura. Il y a des choses que je sais et... Je n’ai pas le droit d’intervenir.

- Pas le droit ? répéta-t-elle.

- Tout ça fait partie du destin. Clow dit qu’il...

- Clow ? s’étonna-t-elle.

- Ma famille possède de vieux manuscrits depuis toujours. Les siens. Mais personne n’a jamais su les lire. Ou en partie seulement. En fait, le cryptage était simple : il repose sur quatre prénoms : Yolis, Tara... dit-il avant de faire une pose.

- Et... ?

- Kero et Yue. Ce sont les quatre gardiens du sceau des sceaux. Je ne devrais pas te le dire, Tiffany, mais je n’en peux plus...

Il s’assit et elle le dévisagea longuement.

- C’est si lourd à porter...

- Vous avez tout traduit ? s’intéressa Tiffany.

- Une amie à moi s’en charge. Elle est proche de notre famille depuis toujours et elle connaît le vieil anglais. Le plus dur, tu sais... c’est de savoir à l’avance que...

- Ca y est !! les interrompit Sakura en quittant les coulisses.

Elle portait une tunique unie sur laquelle, entre les broderies et les assemblages de feuilles et de branches, se dessinait un motif étrange, allongé sur tout le corps. On applaudit en haut des marches et le petit groupe descendit jusqu’à eux.

- Vous êtes là, enfin... s’écria Sakura en les rejoignant près de Tiffany et Lionel.

Ils saluèrent Lionel et on lui présenta Alison. Ils se saluèrent simplement et il ne put s’empêcher d’attarder son regard sur son visage si fin. Qu’avait-elle de différent des autres ?

- Tu es superbe, remarqua Sonya.

- On va se mettre en collant ?! s’inquiéta Yvan.

- Tu seras chou, tu verras, lui lança Alison de sa petite voix.

- Les collants, ça me fait penser aux premiers justaucorps de l’Histoire. Il y a de longues ères de cela, les samouraïs pour se protéger du froid tuaient des ours, pour récupérer leur...

- On ne veut pas le savoir, le fit taire Sandrine.

Les autres grimacèrent et tous finirent par éclater de rire.

- Oh, lança Nadine, regardez ce que j’ai trouvé sur l’ordinateur de mes parents !

Elle brandissait une cassette et ils la dévisagèrent tous.

- Ah, fit-elle. Il faut que je vous le fasse écouter, pour avoir votre avis.

- Dans la salle de projection, sourit Tiffany. Il y a tout ce qu’il faut mais ne touche à rien d’autre, s’il te plaît !

Elle s’y précipita.

Tandis que chacun avait récupéré sa tenue, confectionnée selon le modèle donné par Bianka, Nadine tapota le micro :

- Un deux, un deux.

- On t’entend !!!

- Je vous passe la chanson... écoutez...

Episode 16.2 : Pris en chasse.

Ils reconnurent les premiers accords immédiatement.

- « Sous mon aile », reconnut Sakura. Laisse-la en entier... On va enfin pouvoir l’écouter sans que personne ne parle. Ca sera mieux que lorsqu’on répétait avec...

- Chuuut ! lui firent-ils.

La mélodie s’adoucit et les violons précédèrent la voix du chanteur...

« Avec la force de ton cœur... et le temps

« Avec le pouls de ton âme... un instant.

« Tu trouveras le repos éternel

« Sous mon aile.

Sakura s’assit sur la scène.

« Par le passé, enjouée / A chaque seconde, tu luttais

« Et dans mes rêves colorés / Tu volais, tu dansais, tu brillais

« Par le passé, subjuguée / A chaque seconde, tu l’aimais

« Lui, le rival, l’opposé / Tu craquais, tu flottais, tu vivais

« Tu osais...

Le refrain s’élança, plus enjoué, et le chanteur décocha de puissants appels de voix auxquels répondaient les violons.

« Par le passé, esseulée / A chaque seconde, tu pensais

« A ce garçon envolé / Tu fondais, tu tremblais, tu pleurais

« Et à présent, tu es perdue / Il est revenu, il s’est tu

« Ta vie d’avant n’est pas perdue / Tu pleureras, tu vivras, tu brilleras

« Car c’est là...

Le refrain encore et la voix de cristal du chanteur. Sakura s’était laissée bercer par la mélodie. Sonya aimait par-dessus tout la voix de l’homme. Alison appréciait les violons. Nadine connaissait certains passages par cœur. Sandrine et Yvan s’étaient pris la main. Lionel dévisageait Tiffany. C’était la première fois qu’il entendait cette chanson. Il lui fit un signe et elle haussa les épaules.

« Avec la force de mon cœur... Je ressens

« Avec le pouls de mon âme... Je t’entends

« Tu trouveras le repos éternel

« Sous mon aile.

Sakura ouvrit les yeux. Sous son aile... Son rêve ! C’était les mots de son rêve !

« Avec la force de mon cœur... Je ressens

« Avec le pouls de mon âme... Je t’entends

C’était pour elle ! Cette chanson... C’était... impossible !

« D’un sourire, tu voleras comme elle

« De tes ailes.

Comme elle... « Elle », alors, c’était...

« De tes ailes.

Les sanglots discrets étaient montées d’eux-mêmes et sur les derniers accords, elle se leva et recula vers les coulisses, des larmes filant sur ses joues sans qu’elle ne comprît pourquoi. Lionel était désemparé ; il demanda à Tiffany de la rejoindre tandis que les autres ouvraient les yeux.

- Que se passe-t-il ? demanda Yvan.

- Rien, rien... souffla-t-il. Rien...

Tiffany trouva son amie adossée à un mur, la tête relevée vers le haut plafond de l’amphithéâtre, les yeux rougis par les larmes. Le premier réflexe de Tiffany fut de poser une main sur son épaule et Sakura se blottit dans ses bras.

- Cette chanson, Tiffany...

- Je sais... Elle parle de toi, Sakura.

Celle-ci se recula.

- Co... comment sais-tu ?

- Enfin, les paroles sont claires... « Par le passé, tu luttais ; par le passé, tu l’aimais lui, le rival... Par le passé, esseulée, tu pensais à ce garçon et à présent, tu es perdue, il est revenu, il s’est tu... ta vie d’avant n’est pas perdue »... Tout ça c’est toi, Sakura.

- Dans mon rêve... c’était ces mêmes paroles, tu sais... Sous mon aile ! Je ne sais pas pourquoi les larmes montent en moi mais... sanglota-t-elle alors plus fort, j’ai comme un poids... une douleur que je n’arrive pas à évacuer. C’est tellement douloureux, se mit-elle à pleurer. C’est tellement douloureux, et je n’y peux rien...

- Je sais, Sakura, je sais... la prit-elle contre elle.

- Tiffany... J’ai mal au cœur. J’ai mal partout, c’est une douleur profonde que je pensais avoir oubliée... J’ai mal de l’avoir perdue... J’ai mal...

- Qui ça, Sakura... ? Qui ça ?

- Ma... maman... ma maman...

A midi, elles se retrouvèrent toutes les deux chez Tiffany. La société d’entretien qu’avait contacté Suzanne avait fini de nettoyer le jardin et plusieurs jardiniers s’occupaient de dégager tous les bosquets de l’épaisse couche de neige qui les recouvrait. Thomas croisa sa sœur alors qu’il allait quitter la propriété, avec les autres, pour le repas de midi.

Il l’arrêta, passant une main sous son menton, et croisa son regard triste.

- Je suis là... si tu as besoin.

Elle acquiesça et il sourit. Il s’éloignait. Elle le suivit du regard et soupira.

- Sakuraaaa ! s’élança Suzanne en l’apercevant.

Elle arriva près d’elle et la salua.

- Comme tu es belle, Sakura. Tu es plus belle de jour en jour.

- Merci Suzanne. Ca me touche.

- Je ne vais pas pouvoir rester avec vous. J’ai une réunion pour l’orientation de la société vers des... pouh ! Je vous embête avec ça, secoua-t-elle la main devant elle. Excusez-moi. J’ai tout préparé. Je serais revenue pour le spectacle !! Bien...

Elle tourna les talons et retourna vers l’entrée où on l’attendait pour lui donner son sac et un attaché-case. Elle revint aussitôt vers les filles et son sourire disparut immédiatement.

- Dominique sera là ? lança-t-elle sèchement.

- Il est en Europe pour son travail.

Elle demeura figée de surprise et s’agenouilla :

- Oh... Je suis désolée. Mais tu sais que tu peux venir à la maison quand tu veux, n’est-ce pas ?

- Merci. Mais j’arrive à supporter mon frère, pour l’instant.

- Bien. Bon appétit les filles ! Ah ! Sakura, Grand-père te passe le bonjour.

Elle s’éloigna et les deux adolescentes parcoururent les derniers mètres jusqu’à la maison.

Des pas sur les graviers se rapprochèrent et Tiffany se retourna. Sakura, elle, venait de lever la tête vers le ciel. Une lueur piquait vers elles.

- Attention !! hurla l’homme qui courait vers elles.

Sakura attrapa sa clef, la sentit grandir dans sa main et se prépara, poussant Tiffany derrière elle.

- Bouclier ! protège-nous !!

La bulle s’arrondit autour d’elles et la force frappa brutalement la surface qui se courba et s’enfonça sur elle-même.

Nicky sortit son arme et se jeta vers les deux filles, pointant le canon de son Python vers la lueur en mouvement.

« Bong ! »

Il rebondit sur le bouclier et roula en arrière.

- Oups, pardon, sourit Sakura. J’avais oublié de vous prévenir...

- Il t’a vue !! s’étonna Tiffany.

- Il sait qui je suis.

Il se releva et les rejoignit. La force fonça sur lui et il roula sur le côté. Puis elle le prit en chasse dans le jardin et des coups volèrent près des chevilles de l’homme en imper.

- C’est Shot ! La Chasse, la reconnut Sakura. C’est une des plus violentes.

- Que faisons-nous, alors ? Il va se faire toucher...

- Laura, je ne voudrais pas me répéter mais ça fait vingt-quatre heures qu’on n’a pas vu...

Le regard de la jeune femme s’était assombri et elle enrageait :

« Nicky, tu me le paieras, si jamais tu es sorti pour draguer à grands coups de « coucou »... »

- Je te tuerai !!!! hurla-t-elle, effrayant Nogami qui s’enfonça dans son fauteuil.

Nicky roula sur le dos et pointa son arme. Le coup de feu ne partit cependant pas. La force fonça sur lui, et Sakura projeta une nouvelle carte devant elle :

- Carte du Labyrinthe, enferme cette carte, et sépare-la de nous !!!

Le pouvoir de Maze se répandit autour d’elles et le jardin disparut derrière les hauts murs qui s’étaient érigés sur la pelouse.

- Il faut retrouver Nicky, avant la carte, assura-t-elle.

Elle errèrent dans les allées en courant tandis que des détonations se répercutaient sur tous les murs. Soudain, au détour d’un croisement, l’homme leur tomba dans les bras, l’épaule et la cuisse en sang. Il s’agenouilla et fixa son arme. La force n’était plus très loin.

- Que faisons-nous, Sakura ?

- Je n’ai pas la carte du Miroir... Et comme Nicky est blessé et perd beaucoup de sang, il faut éloigner Shot... Même si pour ça, je dois mettre des vies en danger... dit-elle en y réfléchissant.

- Comment ça ?!

Elle sortit une carte et la lança devant elle :

- Carte de la Créatiooon !! cria-t-elle à contre-cœur. Ouvre un passage dans l’espace !!

- Elle en est capable ?! La carte n’aura pas assez de puissance, si ?

- Moi, je l’ai, la puissance ! souffla Sakura en se concentrant sur son sceptre.

Elle crispa ses doigts sur son bâton et sentit la force se rapprocher.

- Non, Sakura...

La voix...

- Sakura, détend-toi, lui susurra la voix douce et chaude. Puise en toi le calme et la toute-puissance.

- Le calme ? Dans cette situation ?! s’écria-t-elle.

- Le calme, Sakura.

Elle inspira profondément et sentit une main posée sur la sienne. Nicky ?

- Fixe un point de ton esprit, lui conseilla-t-il, et ne cherche pas à ressentir le reste. Tu auras la concentration nécessaire.

Elle acquiesça.

Un point de son esprit... un seul point ! Elle sentit d’un coup le vide s’emparer d’elle. La sérénité était là.

Le sceptre s’illumina et la carte de la création ouvrit un puissant tourbillon sombre qui avala tout le labyrinthe ainsi que la force de la Chasse. Tout se calma d’un coup. Le jardin était là. Et Nicky saignait.

- Où est la carte ? chercha Tiffany.

- Je ne l’ai pas capturée, je l’ai envoyée de l’autre côté de... la Terre.

Tiffany ouvrit grand les yeux.

Episode 16.3 : Barillet bloqué.

Sakura faisait les cent pas devant la porte de la chambre. Tiffany arriva avec une tasse de thé :

- Alors ?

- Il ne s’est pas encore remis... Il dort, je crois... Et il est bientôt l’heure du spectacle !

Tiffany frappa et entra.

- Nicky ?! Il est parti ! s’étonna-t-elle en entrant et en s’approchant de la fenêtre pour la fermer.

Sakura entra à son tour et aperçut les draps couverts de sang.

- Il n’était pas en état pour fuir, souffla-t-elle. Que va-t-il devenir ?

Tiffany tira les rideaux et appela quelqu’un pour faire nettoyer les draps.

- Il faut qu’on y aille, Sakura. Le spectacle va commencer.

- Mais on ne peut pas le laisser ainsi, blessé, dans la nature.

Tiffany secoua la tête :

- Il n’est pas de notre monde, voyons. Il est reparti chez lui, pour se soigner. Souviens-toi : il n’a pas voulu qu’on appelle un docteur... S’il est parti, c’est que c’était la seule solution pour lui.

Sakura secoua la tête. Comment un homme pouvait refuser des soins... ? « Pas de notre monde » se répéta-t-elle.

- Que font-ils ? réfléchit Mathieu, assis parmi la foule. Ils ont pris du retard.

Thomas était inquiet. Sa sœur n’était pas là, mais...

- Je ne sens pas de danger, souffla-t-il. Donc attendons.

- Tu as raison. Ca ne sert à rien de s’inquiéter.

Kero remua dans le pochon que Mathieu tenait sur ses genoux :

- Moi je dis qu’il y a une grande force dans la salle !

- Chuuut ! Tu vas te faire remarquer, souffla Mathieu.

- Mais quelque chose se prépare... Yue ne le sent pas ?

- Si... il s’agite un peu.

- Moi, je ne sens pas de danger, alors tenez-vous tranquilles, tous les deux.

La fourgonnette déposa les jeunes filles devant le lycée et les quatre gardes du corps les accompagnèrent jusqu’à la salle de conférence. Elles y retrouvèrent leurs amis.

- On va bientôt entrer en scène, souffla Yvan. Vite !

- Oui, oui, on s’habille et on arrive.

La musique de la pièce précédente cessa et les applaudissements s’élevèrent dans l’amphithéâtre.

- C’est à vous, sourit Bianka. N’ayez pas peur, tout se passera bien.

Sakura releva le nez tandis qu’elle ajustait son costume. Qu’avait-il dit ? « Tout se passera bien... » ? Comme les cartes de Clow avant le jugement. Non, c’était une coïncidence. « Arrête de te faire des idées, se lança-t-elle. Tout le monde dit ça... »

« Il faut que tu suives tes intuitions » se souvint-elle des paroles de son amie. Faire confiance à ses sentiments...

- Allez ! souffla Bianka. Il est temps...

Tandis que le rideau s’ouvrait, de larges banderoles de tissus se déroulèrent en tombant sur la scène, peignant tout l’espace de danse d’une atmosphère douce et aérienne. La ventilation de la salle balayait faiblement les drapés et le rideau de fond se hissa sous les applaudissements du public.

- C’est magique, souffla Mathieu. Quelle splendeur. Ils ont fait des efforts...

Thomas n’en revenait pas non plus. Sur les premiers accords, Alison entra et se mit à danser sur le refrain.

« Et dans mes rêves colorés, tu volais, tu dansais, tu brillais »

Yvan attendait, les bras croisés dans un coin. Un spot l’éclaira et les voiles de la scène s’écartèrent.

« Lui, le rival, l’opposé, tu craquais, tu flottais, tu vivais »

Les autres entrèrent et Sakura inspira profondément.

Laura dévisagea Nicky, une main sur la porte d’entrée.

- Nicky... dis-moi que tu es sûr de toi.

Il baissa la tête et elle approcha, pour l’attraper par le col :

- Que fais-tu... ?

- C’est un souvenir que je dois réaliser. Une promesse. Quand il bossait encore dans la police, tu sais que ton frère accordait beaucoup de son temps aux enfants. L’orphelinat qu’il aidait par ses dons lui avait un jour offert un livre. L’un des enfants de cette institution y tenait tout particulièrement et Tony avait eu du mal à l’accepter. Le jeune garçon avait fugué pour venir chercher cet ouvrage en prétextant qu’il était mystérieux. La première fois que j’ai rencontré Tony, c’était lors de l’accident qui coûta presque la vie à cet enfant. Il perdit connaissance et Tony lui offrit le livre en gage de son soutien. C’était tout ce qui lui restait de ses souvenirs de sa courte vie.

- Un livre ? Mais notre cliente...

- Tony est retourné voir l’enfant plusieurs jours après, continua Nicky. Celui-ci était parti : une nouvelle famille d’adoption avait tenu à prendre soin de lui. Il avait cependant écrit et laissé une lettre pour Tony, dans laquelle il lui demandait d’être présent à une date et en un lieu. Un jeune professeur marié devait mettre la main sur cet ouvrage des années plus tard...

- Je ne comprends pas, Nicky... Tu...

- J’ai retrouvé le livre, expliqua-t-il. Même s’il n’est pas identique, quelque chose de fort me dit que c’est bien le même... Je vais ce soir là où le souhait du garçon devait conduire Tony, car ton frère n’a pas eu le temps de le réaliser. Je dois y aller.

Elle le fixa longuement et il finit par déposer un baiser sur sa joue.

- Tes blessures !! lui cria-t-elle soudain. Tu saignes encore !! Tu ne dois plus avoir de forces et tu crois que...

Il l’embrassa. Elle sentit ses larmes couler sur ses joues et il recula.

- Je ne peux pas mourir ce soir. Ton frère me protège, Laura. Merci pour tes soins...

Et il la quitta.

Le groupe se coordonnait à merveille pour les deux ultimes refrains, le chanteur soufflait ses derniers mots et les pétales longèrent les voiles transparents, flottant autour des deux danseurs qui se rapprochaient du public, main dans la main. Une silhouette apparut en ombre chinoise sur les grandes toiles pâles qui ondulaient. Une femme aux cheveux longs volant au vent ouvrait peu à peu les bras. Alison écarta les bras face au public.

« Avec le pouls de mon âme... Je t’entends »

« D’un sourire, tu voleras comme elle »

Yvan la soutint et l’immense ombre disparut peu à peu.

« De tes ailes... »

Alison tomba à genoux et Yvan se retourna vers les voiles, levant une main pour remercier la femme.

« De tes ailes... »

Les danseurs les rejoignirent et dans un dernier mouvement vaste et désordonné, ils clorent leur prestation.

Bianka sourit et applaudit.

Dehors, un homme lança un sort sur le mur du bâtiment. Un souffla magique l’enroba et le papier se fixa à la paroi lisse :

- Par le pouvoir du Fléau éternel... Force de la nature, prend ta revanche et tue l’élue !!!

Quelque part, une force s’éleva haut dans le ciel. On l’appelait. On lui montrait le chemin pour revenir...

Les applaudissements nourris du public émerveillèrent Bianka, et Alison et Yvan vinrent le chercher pour le présenter.

- Pour un clou du spectacle, c’est un clou du spectacle, lança Mathieu.

Kero s’était envolé sans s’en rendre compte. Cette sensation... Mathieu l’attrapa d’une main et comprit que tous étaient trop occupés à glorifier l’ensemble de la soirée pour s’apercevoir de la présence du lionceau ailé.

- Ca ne va pas ? lui souffla-t-il en le prenant contre lui comme une peluche.

Thomas se retourna et sursauta :

- Kero ?!

- Je n’avais jamais vu Mathieu avant que Yue n’apparaisse, dit-il sans se détourner de la scène, sans se soucier des nombreuses personnes qui les entouraient. Je ne l’avais jamais vu. Si j’avais rencontré Mathieu plus tôt, j’aurais tout de suite deviné...

- Mais que dis-tu ? demanda Thomas.

- La grande force est là, articula-t-il, les yeux fixes. Et cette-fois, je vois sa forme d’emprunt... C’est lui...

Thomas et Mathieu tournèrent leur regard vers la scène où tous les lycéens s’étaient regroupés.

- Le troisième gardien...

Le plafond vola en éclat et une lueur pénétra l’amphithéâtre. La foule prit peur et se dirigea vers les sorties de secours, entraînant Mathieu et Thomas dans leur fuite. Kerobero s’envola et rejoignit la scène où Sakura patientait en suivant la force des yeux.

- Une force, murmura-t-elle dans le chaos général.

- Sakura, la retint Tiffany. Tu ne vas pas utiliser ton sceptre!

- C’est vrai, acquiesça Kero...

- Non, je voulais dire, pas sans passer une tenue !! hi hi hi...

Tous les lycéens quittèrent la scène par les coulisses. Sakura attrapa sa clef :

- Personne ne me voit, désormais... Clef du sceau terrestre ! cria-t-elle tandis que le sceau des sceaux apparaissait sous elle. Reprends ta forme originelle et accomplis ton devoir. Moi, Sakura, chasseuse de cartes, je te l’ordooone !!

La lueur venait de quitter la salle et elle revint en transperçant les sièges.

Yue arrivait par le plafond et Kero se concentra sur l’ouverture par laquelle on apercevait le ciel étoilé :

- Bouclier ! cria-t-il.

Tout le bâtiment s’enveloppa d’un halo invisible. Yue se posa à côté de Kero qui venait de reprendre sa forme.

- C’est la Chasse, souffla-t-il.

- Je sais, elle nous a attaquées cet après-midi. Mais je n’ai rien qui puisse l’arrêter... Le Miroir...

- A qui a été affilié ce pouvoir ? demanda Tiffany.

- A moi, je crois, souffla Yue.

La chasse leur fonça dessus et Sakura n’eut pas le temps d’appeler une carte, Kero l’attrapa et Yue prit Tiffany, bondissant chacun d’un côté.

- Elle est trop rapide... Je n’aurais pas le temps de sortir une carte !

Shot revint à la charge ; Yue l’évita de justesse et posa Tiffany un peu plus loin en lui conseillant de sortir. Kero l’évita à son tour, Sakura avait jeté sa carte mais ne parvint pas à la frapper de son sceptre.

- Il faudrait un appât, le temps qu’on puisse la piéger, lança Sakura.

- Mais elle ne chasse que les humains, dit-on derrière eux, et ton amie vient de partir...

Ils se retournèrent : c’était Bianka.

- Bianka ?!! cria Sakura. Sort... Il ne faut qu’elle te pourchasse !

Il écarta les bras et son apparence partit en fumée. De larges ailes s’ouvrirent tandis que la Chasse tentait de sortir, arrêtée par le bouclier magique.

- Je m’appelle Yolis. Gardien exécuteur, sous la protection de l’air.

- Tu es un gardien... ? s’étonna Sakura.

La force tentaient de sortir et le Bouclier commençait à céder.

- Sakura, l’appela une autre voix, du haut de l’amphi.

- Nicky ?!

- Comment est-il entré ? s’écria Kero. Seul une force magique aurait pu pénétrer le bouclier ! C’est toi le quatrième gardien ? lui cria-t-il.

Yolis allait répondre que non mais il se figea en sentant l’aura particulière de l’homme qui venait d’intervenir. Cela ressemblait à... Ce policier... Un lointain souvenir...

- Il vous faut... un homme, souffla Nicky, l’épaule en sang. Alors ce sera moi !

La force sembla se détourner vers le nouveau venu.

- Quoi ? s’avança Sakura... Hors de question, dans votre état...

- Otez cette barrière magique et préparez votre piège... articula-t-il haletant.

Elle crispa ses doigts sur son sceptre et baissa les yeux :

- D’accord !!

D’un simple geste de main, la protection disparut. La force s’envola, préférant la foule à Nicky.

- Sakura, et les gens dehors... ?

Nicky leva son arme et visa la lueur qui déjà redescendait vers le public effrayé. Sakura ouvrit grands les yeux quand le revolver s’enraya... Elle ne s’en était même pas aperçu ! Elle leva son sceptre et courut vers l’homme :

- Carte du Verrou. Deviens carte, Carte de l’éterneeel !!! hurla-t-elle en frappant l’arme.

Un scintillement enveloppa la crosse de l’objet et rejoignit la carte qui se créait.

Nicky visa la lueur. Son canon s’aligna entre deux de ses respirations haletantes et la balle traversa la force qui explosa en fines particules... Nicky courut dehors.

- Mais que croit-il ? s’écria Kero. Une arme à feu contre une puissante force magique... La force a été surprise mais elle va l’attaquer.

- C’est ce qu’il voulait, sourit Yolis, comprenant la détermination de l’homme. Tu as un plan, Sakura ?

- Oui, la seule force du Miroir de Yue ne sera d’aucun effet, à mon avis. Alors nous allons cumuler vos pouvoirs et créer notre propre miroir !

Le soir même, alors que le calme avait regagné le lycée, Nicky serra la main de Sakura. Le soleil se couchait et les ombres s’allongeaient dans la cour. Le clocher sonna plusieurs fois et l’homme inspira profondément.

- Merci pour tout ce que vous avez fait, confia Sakura.

- Je le devais à un ami. J’ai rempli mon... contrat, sourit-il. Sakura, garde confiance en toi et apprends à faire le vide.

- J’essaierai. Vous repartez déjà?

- Je dois attraper cet homme, tu te souviens ? Et après, nous ne nous croiserons plus jamais. Nous n’appartenons pas au même monde, tous les deux. Mais nous contribuons chacun à protéger le nôtre... Je crois.

Elle sourit et il se baissa soudain vers elle, l’œil coquin :

- Y aurait-il quand même un moyen de revenir voir les quatre copines de ton amie ?!! Celles avec les uniformes noirs...

Elle sourit, complice, et soupira profondément. Déjà le visage de l’homme recouvrait son sérieux. Son aura si particulière provenait sans aucun doute de sa concentration, de sa capacité à tout contrôler... Elle s’en souviendrait à l’avenir, c’était certain. Sakura le salua alors qu’il s’éloignait dans sa petite voiture. Tiffany soupira :

- Quelle histoire...

- Oui. Je ne saurai sûrement jamais comment il savait tout de moi. Mais je lui dois une fière chandelle.

Tiffany la dévisagea et passa une main dans son dos :

- Tu ne serais pas un petit peu amoureuse ?

- Non... Qu’est-ce que tu dis, Tiffany ? Je sais très bien qui j’aime ! sourit-elle malicieusement. Je le sais... depuis le début.

- Je n’en doutais pas...