Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 1)

Chapitre 19 : Au fond de mon cœur

6210 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 23/04/2021 17:34

Episode 18.1 : Cette date.


- Bonne année ! lancèrent-ils tous ensemble.

Les verres s’entrechoquèrent et chacun but une gorgée de soda.

- C’est bien de pouvoir se voir pendant les vacances, clama Nadine. Vous me manquiez, je m’ennuie un peu en ce moment, chez moi.

- Moi, je n’ai pas le temps, souffla Sandrine. Yvan est toujours là !

- Tu me le prêtes un peu, allez... la supplia Nadine en lui faisant son plus beau sourire.

- J’hésite, murmura-t-elle en jetant au concerné des regards amoureux.

- Fais comme tu veux, sourit-il. Moi, ce que j’en dis c’est que depuis le moyen-âge, les hommes ont été échangés dans tous les pays où la main d’œuvre étrangère était faiblement payée. Des hommes étaient arrachés à leur famille et à leur terre pour être conduits en esclaves à l’autre bout du monde. De nombreux hommes moururent sur ces trajets où la crasse et la pauvreté faisaient suffoquer les passagers.

Toutes le dévisagèrent sans savoir quoi dire.

- Et désormais, leur âme erre encore à la recherche des descendants qui les ont martyrisés !

- Ah, je me disais bien, souffla Sandrine.

- Et c’est où ? s’intéressa Nadine.

- Au japon, c’est plutôt... commença-t-il avant d’être interrompu par l’homme qui venait d’entrer dans le bar. 

Celui-ci enleva ses gants en arrivant et s’arrêta près de la table.

- Bonjour, tout le monde !

Sakura fronça les sourcils sans lever les yeux.

- Que viens-tu faire ici ? lui demanda-t-elle alors que tous ouvraient grand les yeux.

- Je suis juste venu boire un petit quelque chose avec une amie à moi. Mais elle n’est pas arrivée.

- Tu nous présentes, Sakura ? demanda Nadine.

Elle arrondit les épaules et il leva la main vers eux, les immobilisant d’un coup. Tout le restaurant s’était immobilisé. La rue, la ville, le monde entier...

- Sakura, lui annonça-t-il. Je pense pouvoir t’aider encore un peu avant de partir.

- Ah oui, bougonna-t-elle. Ben tiens ! Après avoir détruit mon histoire avec Lionel, après avoir blessé mon frère et ridiculisé Anthony, tu voudrais m’aider ?

- Je n’ai pas un mauvais fond, tu sais. J’ai des ordres, moi. Je n’ai pas ta liberté !

- Ma liberté... reprit-elle. C’est à dire ?

- Non, ce n’est rien. Lionel n’est pas là ?

- Heureusement pour toi, cracha-t-elle. Il t’aurait...

- Détrompe-toi, nous nous sommes déjà revus, sourit-il en l’interrompant. Eh oui ! Et même s’il n’a pas été amical, il est resté courtois.

- Tu... Tu l’as vu ? Quand ?

- Je suis passé chez lui, en Chine... Mais il était déjà revenu ici. Je me suis fait devancer...

- Mais qu’est-ce que tu racontes, enfin ? s’énerva-t-elle.

Il secoua la tête et soupira, levant la main et relançant la course du Temps.

- Je reviendrais Sakura. Au revoir à tous.

- C’est qui ? demanda Sandrine. Il arrive, il repart aussitôt ?

- Une vieille connaissance, grommela-t-elle.

- Il a quel âge ? s’intéressa Nadine. Il... il est pas mal.

- Tu ne l’aimerais pas. Il a vingt-sept ans. C’est un homme sans cœur.

- Ah, murmura-t-elle, peu convaincue.

- Tiffany et Sonya ne devraient pas tarder, remarqua Yvan en jetant un œil à sa montre. Au fait, Alison n’a pas pu venir ?

- Elle devait passer la journée avec son père, répondit Sandrine. Ils iront au parc d’attraction, on les croisera peut-être !


Yue s’envola, traversa la rue et retrouva Kero sur le toit de la bibliothèque.

- Alors ? lui demanda ce dernier.

- Rien. Clow n’a rien laissé dans la maison de Mathieu.

- Ni dans sa propre maison... où habitait Anthony. Je trouve ça inquiétant.

- Mais non, tu connais Clow, il a sûrement déjà pensé à tout ceci... On ne devrait pas s’inquiéter comme ça. S’il a prévu autre chose pour Sakura, c’est qu’elle ne risque rien.

- Moi, j’ai un mauvais pressentiment, murmura Kero en baissant le museau vers la rue. Toutes ces cartes... enfin, ces forces qui se réveillent, ce n’est pas le pouvoir seul d’un sorcier qui peut les créer. Il y a quelque chose de louche là-dessous. Jusque là, c’est vrai qu’on a fait confiance à Clow. Mais depuis son combat avec Yaln, Anthony s’est drôlement affaibli. Je ne comprends pas vraiment pourquoi. Comment un sorcier peut-il être épuisé ?

- Son pouvoir a souffert, il faut qu’il le régénère. Ca arrivait souvent à Clow, par le passé, souviens-toi. Il partait méditer dans ce but. Anthony médite plus intensément, voilà tout.

- Hmmm... Mouais. Je n’aimerais pas qu’il arrive quoi que ce soit à notre chère petite maîtresse.

- Moi, non plus, Kero. Nous la protègerons, comme toujours.

- Et ce nouveau gardien... Puisqu’il existe, alors cela veut dire que Clow nous avait menti. Nous ne sommes pas exactement comme il nous l’avait expliqué, les gardiens du Livre sous les signes de l’eau et de l’air, pour toi, et de la terre et du feu, pour moi. Et puis l’existence de ce troisième gardien implique...

Yue acquiesça. Il le savait aussi.

- L’existence d’un quatrième, sous le signe de la Terre, conclut Yue. Mais nous ne pouvons rien faire de plus qu’attendre.


Deux énormes peluches accueillirent le groupe d’amies au bout de l’allée du parc. Un panda et un chat tigré les saluèrent et le chat se figea en apercevant Sakura. Elle leva le nez. Elle connaissait cette impression...

- Thomas ?!

Il baissa les bras et secoua la tête.

- C’est ça ton travail ? Je croyais t’avoir entendu dire un jour que tu ne voulais plus porter ces costumes...

Il fit un signe des pattes et se dirigea vers d’autres groupes qui approchaient.

- Ils sont mignons, souffla Tiffany.

- Tant que tu ne m’en fais pas un comme ça, s’écria Sakura, en tirant son amie par la main, pour la prochaine chasse aux...

Elle s’arrêta nette face à ces amis qui la dévisageaient, les sourcils hauts.

- La prochaine quoi ?! interrogea Nadine.

- Quoi ? que... hein ? bredouilla Sakura.

- Tiffany te fais des costumes pour des chasses ? répéta Sonya.

- C’est ce que tu as dit, souffla Yvan.

- Des chasses... euh... chuchota-t-elle. Des chasses ? J’ai dit « chasse » ?

- Tiens, bonjour, les coupa-t-on. Glaces ? Pop Corn ? Bonbons ?

Elle se tourna vers Mathieu qui portait l’uniforme du parc et un panier joliment garni.

- Bonjour à tous. Vous désirez quelque chose ?

- Ils te font vendre des glaces en plein hiver ? s’étonna Tiffany.

- Eh oui ! Je continue mon tour, lança-t-il. Je vous conseille le FulguRotor, ils l’ont amélioré.

- Ah oui ? s’extasia Nadine. Chouette, on y va !

Sakura sourit et adressa un discret clin d’œil à son ami qui venait de la sortir d’un mauvais pas. Il était toujours là... Depuis le début. Que ferait-elle si elle ne l’avait pas ? Il leur fit signe et s’en alla.

- Tous au FulguRotor ! cria Sandrine.


Sakura éclata de rire en descendant de la cabine et trébucha en bas des marches. Deux bras la retinrent et elle leva les yeux vers son sauveur.

- Bianka...

- C’est Bianka Koursikov, regardez, c’est Bianka, entendirent-ils autour d’eux.

Plusieurs personnes le montrèrent ouvertement du doigt et il leur fit signe. Puis il aida Sakura à se relever et ses amies le saluèrent.

- On ne t’a pas assez remercié, assura Nadine. Le spectacle a remporté un énorme succès.

- C’est vrai, ajouta Yvan. Surtout parce que j’en étais le danseur étoile, non ?

- Oui, oui, répondit le jeune homme, vous étiez vraiment bons.

Lionel arriva avec deux hot-dogs et en tendit un à Bianka. Il salua tout le monde.

- Vous vous connaissez ? demanda Sakura, un peu étonnée.

- Il est venu me voir, expliqua Bianka. Il voulait discuter un peu avec moi.

- Ah bon, fit-elle.

- Tu restes avec nous, Bianka... allez !

- Si vous y tenez.

Le groupe repartit vers d’autres attractions et Lionel prit Sakura à part, légèrement en arrière.

- Je voulais te dire... commença-t-il. Si tu as ton père au téléphone, souhaite-lui un bon anniversaire de ma part.

- Tu... tu sais ?

- On est le 3. Je m’en souvenais, oui. J’ai toujours beaucoup apprécié Dominique. Même si on ne s’est pas vus souvent, c’est quelqu’un de bien.

- Oui. Il doit téléphoner ce soir. Je lui dirai, je suis sûre qu’il sera heureux.

- Ca va, toi ? Ce n’est pas trop dur... sans lui ?

- Non, avec Kero, Yue et Thomas... Et puis, il y a Tiffany... et toi, ajouta-t-elle en posant une main sur son bras.

Ils s’arrêtèrent et leur regard se croisa. Sakura sourit et le dévisagea longuement. Elle approcha doucement de lui, une main sur son épaule et il ferma les yeux...

Non... Non...

- Non, recula-t-il alors, en ouvrant les yeux. Ce baiser a trop d’importance pour moi, expliqua-t-il en détournant le regard. Je ne le mérite pas encore. Il y a sûrement encore un peu de haine au fond de moi... envers moi.

- Mais je ne t’en veux pas, moi, souffla-t-elle. Enfin, je comprends... je crois.

- Les autres vont nous att... commença-t-il en indiquant du menton le reste du groupe qui se retourna d’un coup, regardant tout autour, l’air de rien.

- Les curieux... sourit Lionel.

- Sakura !! arriva Thomas en courant, la tête de chat sous le bras. Tu n’as pas vu Mathieu ? Il a disparu !

- Comment ?!

- On a retrouvé son panier, mais il n’était plus, là.

- On va faire un tour, lança-t-elle, on devrait bien le trouver ! Vous avez entendu ? cria-t-elle à ses amis.


Jonas sortit un sort et l’appliqua contre le poteau qui bordait la troisième entrée du parc. Il sourit et s’éloigna.

« Sakura, tu ne résisteras pas, cette fois, c’est garanti. Et personne ne pourra t’aider ! »




Episode 18.2 : Cette chaleur.


Ils parcoururent le parc d’attraction trois fois, dans toutes les allées, dans tous les sens et dans tous les recoins. Ils ne l’avaient pas croisé. Lionel aperçut Sakura et l’appela. Ils se rejoignirent devant un manège à sensations et partagèrent le fruit de leur recherche. Aucun n’avait de nouvelles. Sakura sentit son cœur s’affoler :

- Mais que lui est-il arrivé ? Si Yue avait repris possession de lui, on le saurait. Il ne le fait jamais au beau milieu de la foule !! Peut-être est-il de nouveau faible. C’est à cause de moi... ?

- Mais, non... Calme-toi un peu, lui lança-t-il sèchement. Rien ne sert de te mettre dans cet état, ça va te distraire. 

- Sakura ? les interrompit-on. Bonjour, vous deux !

Elle tourna la tête vers Alison qui lui souriait, la main dans celle d’un grand homme en imper mauve.

- Tu te souviens de mon père ?

- Bonjour, se pencha-t-il. On s’est vu au Musée, non ?

Ils le saluèrent et oublièrent un court instant leurs inquiétudes.

- Il y a du monde, fit remarquer Alison.

- Oui.... et on cherche un ami à moi, avança Sakura. Il...

Lionel la pinça discrètement au bras et elle ne finit pas sa phrase, affichant un sourire forcé.

- Bon, on va se promener, nous, lança finalement Alison. Bonne chance !

- Merci.

- Si ça peut vous porter bonheur, je vais faire un vœu pour vous, sourit l’homme.

- Un vœu ?

- Ben oui, assura Alison. Papa n’a pas encore soufflé ses bougies, donc il n’a pas encore fait son vœu.

- Ses bougies... ?

- Ah ! Je ne t’avais pas dit que c’est son anniversaire !! se rappela Alison...

- Ah bon ? Bon anniversaire, monsieur et... merci pour votre vœu...

Ils les quittèrent et Lionel secoua la tête sans les lâcher du regard.

- Je n’aime pas cette fille.

- Que dis-tu ? s’étonna Sakura.

- Depuis que je l’ai rencontrée, j’ai une sensation bizarre. Je ne lui fais pas confiance.

- Tu as tort, lui rétorqua Sakura en haussant les épaules. Elle est tout ce qu’il y a de plus normal !

- Ah oui... Alison Gauthier, dont le père est né le 3 janvier, c’est normal, ça ?

- Beuh, euh... Tu te fais des idées... Parfois, tu ferais mieux de ne pas trop réfléchir car tu imagines toujours le pire...

Il ouvrit les yeux et la dévisagea... longtemps.

Très longtemps.

- Lionel ?

Il demeura fixé dans le vide et ne bougeait plus.

- Lionel... ? Que t’arrive-t-il ?

Tiffany les aperçut à l’angle de l’allée et les rejoignit.

- Que se passe-t-il ?

Sakura avait assis Lionel sur un banc et tentait de le réveiller.

- Il ne dit plus rien, on dirait qu’il...

- Je vais chercher un verre d’eau, souffla Tiffany en entrant dans la boutique.

Elle en ressortit aussitôt et se dirigea vers une autre...

- Laisse tomber, tu ne vas pas faire toute les boutiques, lança Sakura alors que déjà quelqu’un s’arrêtait à côté d’elle :

- Un problème, mademoiselle ?

- Oui, il faudrait appeler des secours, mon ami est... il ne bouge plus. Tiffany !! la rappela Sakura.

Si seulement elle volait, elle pourrait avertir les autres.

Deux puissantes ailes s’étendirent dans son dos et les gens reculèrent, surpris, apeurés. Elle ne comprit pas ce qui se passait. Elle n’avait fait appel à aucune carte... Et sa clef était encore autour de son cou !! Elle se leva et fit tomber les étals.

- Mademoiselle... bredouilla-t-on.

Comment faire pour qu’ils n’aient rien vus ?

D’un coup, tous se mirent à hurler. Les mains sur les yeux, cherchant à tâtons autour d’eux. Ils étaient... aveugles ? Ils s’éloignèrent tant bien que mal et elle ne sut quoi faire.

- Sakura !! arrivait Thomas... Tes ailes !!

- Je n’y peux rien !!

Elle attrapa sa clef. Tandis que la panique envahissait toute la zone, elle tenta le tout pour le tout et appela son sceptre. L’objet s’allongea dans ses mains et elle appela le Vol. Il ne se passa rien et la carte retomba au sol.

- Elle ne fonctionne plus ! Elles sont mortes ?!

Les cartes s’échappèrent alors de sa poche et partirent en fumée les unes après les autres. 

- Thomas... Qu’arrive-t-il ?

Il haussa les épaules et Tiffany arriva avec une cannette.

- Sakura, j’ai trouvé une...

- Je sais, je sais : mes ailes... Il faut partir... Je ne sais pas ce qui arrive, on dirait que je ne contrôle plus rien !!

Le ciel se couvrit soudain et son sceptre se cristallisa. Elle le laissa échapper et il heurta le sol en éclatant en mille morceaux. Le Sceptre... Mais... Comment était-ce possible ? Une force ? Elle ne la sentait pas, pourtant. Elle ne sentait rien !

- Sakura !! lança son frère alors que la foule commençait à courir dans tous les sens. Qu’est-ce qu’on peut faire ?

- Si seulement Kero était là, il me...

Le Gardien apparut entre eux.

- Ah, tu es venu !! s’écria Sakura dans le vacarme général.

- Ma partie de Chtatrapozor 3 !!! hurla-t-il de tristesse. Naaaaan !!!

- Kero, tu n’es pas venu de ton propre chef ? s’avança Tiffany.

- Ben noooon, pleura-t-il.

- Alors c’est toi, Sakura, se tourna Tiffany. Dis encore quelque chose !!

- Euh... Qu’il pleuve !

Une pluie diluvienne écrasa bientôt la foule. Et les gens, refroidis, s’abritèrent sous les boutiques.

- Ce sont tes souhaits qui sont exaucés !! Ne dis plus rien...

- Mais je viens de... réfléchit Sakura.

- Quelqu’un peut m’expliquer ? murmura Kero, un peu perdu.

- Tu viens de dire que tu ne contrôlais plus rien !!! hurla Thomas pour que sa voix surpasse le bruit de la pluie sur les toits. As-tu dit ou pensé que Mathieu devait disparaître ?

- Non ! Je n’aurais jamais pu penser une chose pareille !!

- Illusion ! souffla Kero.

- C’est vrai, c’est l’illusion !! lança Tiffany.

- Mais oui ! s’écria Sakura... Heureusement, que vous êtes là, leur sourit-elle, je ne sais pas ce que je ferais sans...

Son frère lui posa une main sur la bouche mais Tiffany et Kero disparurent instantanément.

- Arrête de parler ou de penser à tort et à travers !! Tu vas tout détruire !!

- Je fais quoi, alors ?!

- Arrête cette pluie, déjà !

Elle jeta un œil vers l’extérieur et le ciel s’éclaircit d’un coup. La foule se calma également instantanément.

- C’est tellement mieux s’ils oublient tout ! sourit-elle.

- Maintenant, il faut que tu trouves cette carte ! Et ne pense à rien.

- Mais comment ne penser à rien ? Il suffit que je pense à quelque chose de mal et...

Le sol se mit à trembler et les attractions vibrèrent dans de grands bruits de métal grinçant.

- Arrête d’y penser !! lui hurla Thomas...

- Mais je n’y peux rien. Plus je me dis de ne pas y penser, plus...

Elle ouvrit grand les yeux... Qu’avait-elle pensé ?! Elle... Non... Cette idée soudaine qui l’avait traversée...

- Non !! hurla-t-elle de terreur en tendant une main vers son frère.

Thomas posa une main sur son cœur et sembla ne plus pouvoir respirer, il tomba à genoux et lui lança un dernier regard.

- Nooooon... Thomas !!

Il s’affala dans la boue et elle se mit à pleurer en regardant le sol s’entrouvrir de partout et engloutir les manèges qui se détachaient et se brisaient dans les vibrations du sol. Elle venait de le... Qu’avait-elle fait ?! Mais pourquoi elle seule était en proie au pouvoir de Illusion ?

Le tremblement de terre s’intensifia et des hurlements de terreur lui parvinrent, alors qu’elle s‘était accroupie contre un mur pour ne plus assister à ce que son esprit créait autour d’elle. Elle pleurait mais ne pouvait empêcher ses idées plus folles les unes que les autres de se dérouler devant elle. Elle était la seule responsable de ce massacre. C’était elle ! C’étaient ses idées. C’était sa faute... Elle ouvrit les yeux et aperçut le corps sans vie de son frère... Elle l’avait... Elle l’avait... Tué !

- Thomas... qu’est ce que... j’ai fait ? s’étrangla-t-elle entre deux sanglots.

Une lueur se posa sur sa main et dans le vacarme assourdissant, elle sentit une chaleur l’envahir. Quel intense sentiment pouvait bien la parcourir alors qu’elle détruisait tout ?

- Sakura... murmura une voix chaude à son oreille.

Elle se recroquevilla encore plus sur elle-même.

- Sakura, tu n’y es pour rien, mon enfant...

- Si... si, répondit-elle en pleurant.

- Sakura, j’ai mis toute ma confiance en toi, tout mon amour, toute ma vie.

Elle tremblait de tout son corps mais elle ouvrit les yeux. Une pluie fine de grains de lumières la frôlait, virevoltant autour d’elle. La Lueur... ? L’un des grains se posa sur le front de Thomas et il sursauta en ouvrant les yeux.

- Thomas ?! Thomas, se jeta-t-elle sur lui... Tu es vivant...

- Que... s’est-il passé ? demanda-t-il.

Dominique fit un pas sur les marches et sourit à Sakura :

- Sakura, qu’est-ce que je fais là... ?

- Je voulais... te voir, papa... Et... tu es là, murmura-t-elle.

- Qu’y a-t-il ? Tu n’as donc plus confiance en toi ? lui souffla-t-il dans un large sourire confiant. Tu n’écoutes plus cette voix intérieure ? 

Une grande roue s’écroula derrière lui et il releva la tête vers le ciel.

Une femme apparut à ses côtés dans une ample robe qui flottait légèrement dans l’air, ses cheveux recouvrant délicatement ses épaules.

- Maman...

Thomas se retourna, s’appuyant sur un coude. C’était...

- Sakura, sourit celle-ci.

- Tu... Tu me manques !! Tu me manques énormément, maman...

- Mais je ne suis jamais partie, Sakura. Je vis en toi, en Thomas, en ton père. Je suis en vous, pour toute la vie.

- Mais... ce n’est pas assez.

- C’est tout ce qui m’a été donné, Sakura.

- Je... hésita-t-elle en se levant. Je veux plus ! Bien plus... Je te veux toi... Vivante !

Nathalie sourit et leva les yeux au ciel :

- Le pouvoir d’Illusion est limité, il ne peut rendre la vie. 

- Illusion, se souvint Sakura.

- Tu as cette chaleur en toi, expliqua Dominique en prenant la main de Nathalie. Cette chaleur qui peut tout. Qui peut l’inimaginable. Qui peut contrer toutes tes pensées. Cette simple chaleur...

- La chaleur, reprit la voix au creux de son esprit. La chaleur avec laquelle tu as réveillé le sceau Terrestre.

« Mon amour pour toi, songea Sakura, pour toi, maman... »

Le sceptre réapparut dans sa main et se mit à luire, repoussant les horreurs qui les entouraient.

- Carte de l’Illusion, sourit Sakura en voyant les images de son père et de sa mère disparaître. Quitte la forme qui est tienne.

Thomas prit sa main et elle fit tourner son bâton entre ses doigts pour l’abattre dans le vide :

- Deviens Carte, Carte de l’éterneeel !!!

Toute l’illusion du parc s’effaça morceau par morceau et le soleil se remit à briller dans le ciel. Plus aucune trace des créations de son esprit. Il ne lui restait plus qu’à...


Loin de là, dans un port en Europe :

- Dominique... Un problème ?

Linda se rapprocha de lui et l’observa, le regard maintenu vers l’horizon nuageux.

- Non, sourit-il. Aucun.


- Les autres vont nous att... commença Lionel en indiquant du menton le reste du groupe qui se retourna d’un coup, regardant tout autour, l’air de rien.

- Les curieux... sourit-il.

Elle inspira profondément. Tout était effacé...

- Sakura !! arriva Thomas en courant, la tête de chat sous le bras. Vous avez fait tomber ça !

Il leur tendit le portefeuille et Yvan le reconnut.

- Merci Thomas, sans ça, je pouvais dire adieu à cette belle journée.

- De rien, je retourne... je...

Il dévisagea sa sœur qui souriait, heureuse. Il secoua la tête en observant curieusement le parc. Quelque chose lui semblait différent... On l’appela et il chassa ses pensées :

- A plus tard, petit monstre ! Ne te goinfre pas trop !!



Episode 18.3 : Cette lueur.


Le soleil rejoignit l’horizon et le groupe se sépara devant les portes du parc. Tiffany et Lionel attendaient Sakura qui était partie demander à son frère s’il fallait l’attendre pour rentrer. Tiffany était songeuse et Lionel se pencha vers elle :

- Il y a un problème, Tiffany ?

Elle haussa les sourcils, comme prise sur le fait. Son sourire reparut sur son visage et elle secoua la tête.

- Je réfléchissais. Quelque chose de... quelque chose d’un peu fou...

- Tu veux en parler ?

Elle sourit et le dévisagea un instant.

- Non. Je dois mettre ça au clair toute seule.

- Ah. Si tu préfères. Mais...

Il s’arrêta pour regarder si Sakura arrivait et prit la main de Tiffany.

- Tu as toujours su m’écouter, tu as toujours été là pour moi. Ou pour Sakura. Si tu veux en parler, n’hésite surtout pas. Je te dois beaucoup et je ne me suis égoïstement jamais préoccupé de toi et de tes sentiments.

- J’aime profondément Sakura et son bonheur compte beaucoup pour moi. Alors, puisqu’il passe par toi...

- Mais je te le répète, si quoi que ce soit te tracasse, viens me voir. Je chasserai tes fantômes, sourit-il en sortant un morceau de papier. Je sais jeter des sorts, tu sais ?

Elle éclata de rire.

- Eh bien, les surprit Sakura. C’est le bonheur ici... Sans moi, en plus ! Je vais être jalouse !

Les réverbères clignotèrent autour d’eux dans la rue et des pas approchèrent.

- On peut y aller, sourit Mathieu en suivant Thomas qui portait leur sac.

- C’était une grosse journée ? demanda Tiffany.

- Je suis à bout de souffle, s’exclama Thomas en s’étirant dans un bâillement.

- Un peu de tenue, fit remarquer Sakura. Il y a encore des gens !

- Bof, souffla-t-il.



Tandis qu’un gardien fermait les grilles, un souffle glissa au sol entre ses chevilles.


Sakura jeta un dernier coup d’œil au parc où elle avait capturée l’Illusion. Elle chercha dans sa poche et trouva la carte.

Derrière elle, le premier manège s’illumina subitement, puis celui d’à côté. Les autres ne tardèrent pas à s'éclairer et la lumière se répandit dans les allées du parc tel un virus courant dans l’air. Bientôt, la nuit était repoussée par tous les spots des différentes attractions.

- Pourquoi quelqu’un a-t-il tout rallumé ? souffla Thomas à la limite de l’agacement.

- Ils ne le font pas chaque soir ?

- Non, non, expliqua Mathieu. C’est même le premier soir depuis la réouverture que le travail se termine à la tombée de la nuit. On nous a gardés pour aider à ranger le matériel, mas tout le monde n’avait qu’une envie : rentrer chez soi !

- Alors c’est une force... lança Lionel.


- Une force ?! s’étonna Jonas en ôtant le dernier sort qu’il avait installé plus tôt dans la journée.

James croisa les doigts en forme de triangle devant lui et prononça des incantations à voix basse. La lueur qui illumina sa main se colora de rouge.

- Une force de Feu, murmura-t-il.

- Mais nous n’avons pas réveillé de force !! Et notre piège de l’Illusion n’a pas marché !

- Il faut croire qu’une force s’est éveillée seule.

- Non, non, non, sourit nerveusement Jonas, tu sais comme moi que c’est impossible. Le Fléau retient encore ses forces... Aucune n’a pu lui échapper sans notre volonté !

- Un force de Feu, répéta James en décroisant les doigts. C’est Glow.

- Glow... Une carte faible. Rien à craindre, sourit Jonas.

- Nous ne sommes peut-être plus les seuls agents...

- Un autre agent serait revenu à la vie ?

James haussa les épaules et fit signe à son frère de partir.


Sakura atterrit de l’autre côté de la grille et rangea la Saut. Elle se tourna vers les autres :

- Vous attendez là ? Je ne pense pas que j’en aurai pour longtemps. C’est une force faible.

- Tout ce qui est petit est sournois, lança Thomas. Souviens-toi quand tu étais plus petite !

- Grrrr, lui lança-t-elle en serrant un poing. Tu m’énerves !

Tiffany secoua la tête et plongea la main dans la sac de Thomas.

- Je savais que ça servirait à quelque chose ! lança-t-elle en sortant son caméscope, sourire aux lèvres.

- Woé ?! se retourna Sakura. Tu l’as amené ?

- Allez, ouvre. Tu as le Verrou, non ?

- Oooooh... murmura-t-elle. Bon !

Elle lança nonchalamment la carte devant elle et le cadenas se détacha quand elle frappa la carte avec son sceptre.

- Action, sourit Tiffany, un doigt en avant.

- Accompagnons-les, sourit Mathieu.

- Mes jambes, ronchonna Thomas en les suivant. Quelqu’un pense à mes jambes ?


Au détour d’une allée, ils se cachèrent. Un gardien serpentait sans comprendre entre les manèges pour vérifier qu’ils étaient éteints. Il s’éloigna et Sakura fit signe d’avancer.

- C’est la force de la Lumière ? demanda-t-elle à Lionel.

- Je ne crois pas. La Lumière à l’état sauvage aurait recréé la jour en pleine nuit. Là, ce sont comme des lucioles. Je pense plus à la Lueur.

- Eh bé ! lança Tiffany qui avait écouté. Il me tarde de voir quelle puissance vont dégager les forces des quatre éléments !

Sakura sentit son sang se glacer. Lionel se raidit et la fixa :

- Tu as senti la force ?

- Non, j’imaginais ce que disait Tiffany, murmura-t-elle, dépitée.

- Pourquoi seraient-elles si puissantes ? demanda Thomas.

- Parce que ce sont ces cartes qui gouvernent les autres ! expliqua Lionel. Chaque élément possède une essence différente et Clow a su maîtriser ces quatre forces universelles. Nous, en Chine, tout est régi par cinq éléments. Clow a su combiner les deux savoirs.

- Il y a donc quatre éléments et demi ? plaisanta Thomas.

- Les Forces du Feu, de l’Eau, de l’Air et de la Terre sont les éléments à l’état pur. C’est ce qui rendaient ses cartes si puissantes. Alors imagine ce que ce sera à l’état sauvage...

- Comment tu sais tout ça ? le coupa Sakura. Tu ne m’en avais jamais parlé.

- Ma famille possède les écrits de Clow. Depuis de nombreuses générations, ces grimoires passent de mains en mains pour en affiner la traduction. Il y a quelques années, ma mère avait déchiffré la partie qui concernait le nouveau maître des cartes. Alors elle m’a envoyé pour les capturer et être jugé par Yue. En quatre ans, nous avons... nous n’avançons plus.

- Ah, fit Sakura, presque déçue.

Thomas les dévisagea en silence et fronça les sourcils.

- Attends, réfléchissait Tiffany. Tu dis que les cartes élémentaires sont puissantes... Mais si je me souviens bien, ce ne sont pas les plus fortes !

- C’est vrai ! Il y a les « premières » aussi ! s’affola Sakura.

- Allons bon, souffla Thomas, épuisé, on pourrait pas capturer celle-ci et rentrer au lieu de s’effrayer les uns les autres ?

Mathieu sourit et le consola d’une légère tape dans le dos.

- La Lumière avait été affiliée à Kero et l’Obscurité à Yue. Ces deux cartes vont être imbattables ! Elles se sont presque laissé attraper, à l’époque !!!

- On va se faire remarquer, arrête de crier !! lui hurla son frère.

Un grain de lumière fila dans l’allée et Sakura la sentit passer non loin.

- Ca y est ! La voilà. C’est comme à l’aéroport, on dirait qu’elle veut jouer.

- Tu es allée à l’aéroport ? intervint Thomas.

- Quand tu es arrivé, souffla Tiffany en levant son caméscope vers son amie. Je te suis Sakura.

- Quand je suis arrivé... Quand je suis arrivé ? Il n’y avait une force ?! C’est pour ça qu’on a eu du retard et qu’on a tourné en l’air ?! Mais pourquoi tu ne m’avais rien dit, Sakura ?!

Elle se mit à courir vers la Lueur et leva une main vers son frère.

- Comment un grand sorcier a pu confier une si lourde mission à quelqu’un d’aussi enfantin, mon dieu ?

Mathieu rit doucement et il s’assirent en les attendant.

Lionel recula. A quoi servait de les suivre, il n’avait pas son épée sur lui...

- Et toi, lui lança Thomas. Je t’ai vu flirter avec ma sœur, dans l’après-midi.

- On ne flirtait pas, rougit Lionel. Et puis alors ? Ca ne te regarde pas...

- Si ! souffla Thomas en s’accoudant sur ses genoux. Si tu ne lui dis pas tout, alors elle est en danger parce qu’elle ne sait pas assez de choses ! Et ça, ça me concerne.

- Moi, je ne lui dis pas tout ?

- En effet.

Mathieu le dévisagea et Lionel ne sut quoi dire.

- Quand elle t’a parlé de la Lumière et des Ténèbres, tu ne lui as pas tout dit, n’est-ce pas ? Je l’ai vu sur ton visage.

- Mais, je euh...

- Non, je ne veux rien savoir... Mais si tu l’aimes, alors tu ne dois pas la laisser courir de risques.

Lionel baissa les yeux.

- Tu... tu... articula-t-il à voix basse tandis que les battements de son cœur se précipitaient dans sa cage thoracique. Tu ne sais rien de ce qui me contraint, lui cria-t-il soudain. J’ai des obligations ! Ma famille a bien évidemment déchiffré en partie les manuscrits de Clow. Et j’y ai appris le pire, le Fléau est là, la mort, la destruction.... Et si je lui en parle, le destin sera modifié ; je n’en ai pas le droit. Ce sera déjà assez dur comme ça pour elle ! Je n’en ai pas le droit !!!

Thomas secoua la tête.

- En plus d’être bête, tu es buté, souffla-t-il en croisant les bras. Fais comme tu le sens.

- Je ne peux pas faire autrement, enragea Lionel. Tu ne sais rien... Tu ne sais rien du tout !!

- Je sais que tu l’aimes ! Je sais que tu sais ce qui va arriver. Je sais que tu ne veux rien faire...

- Je ne PEUX rien faire ! Et ça me déchire, MOI !!! hurla-t-il en s’éloignant en courant. Ca me déchire, Moi ! Moi, moi, MOI... !!!

Le jeune homme disparut dans l’obscurité. Mathieu posa une main sur l’épaule de Thomas et soupira :

- Tu ne l’as pas ménagé.

- Je sens le danger. Je sens un poids sur mon cœur. Je t’avais expliqué cette petite pique qui m’alertait au tout début. La douleur va en grandissant. Désormais elle est omniprésente et plus forte à chacune des apparitions de ces forces. Il y a quelque chose d’énorme qui se prépare. Je ne sais pas quoi. Mais je veux faire tout ce que je peux pour que Sakura n’en souffre pas.

- Tout ?

Thomas acquiesça :

- Oui. Tout.


- Force de la Lueur, sourit Sakura en voyant la pluie de lumière tomber autour d’elle. Quitte la forme qui est tienne. Deviens Carte, carte de l’éterneeeel !

Elle leva simplement son sceptre et une carte se créa au bout du sceau qui ornait le bâton. Les grains de lumières rejoignirent la carte et celle-ci s’envola pour retomber dans ses mains.

- Je l’ai ! Je l’ai ! Je l’ai !! sourit-elle vers l’objectif.

Tiffany baissa l’écran et leva les yeux vers les manèges. Ils étaient tous illuminés.

- Ca na pas marché ? demanda-t-elle.

Sakura souleva sa carte :

- Ben si !

- Regarde, souffla son amie en observant les allées et les attractions où luisaient encore les lumières multicolores.

- Mais... ce n’est pas possible...

D’un coup, chaque particule luminescente quitta sa place et s’éleva pour former au-dessus des deux filles une vague silhouette qui redescendit bientôt. Une forme de femme se posa près d’elles et Sakura leva son sceptre. Mais elle le rabaissa aussitôt. La femme de lumière avança une main vers elle et frôla sa joue. Ses grands yeux se clorent et elle sembla sourire.

- Sakura... Ainsi, tu es Sakura... murmura une douce voix de femme.

Une chaleur sucrée se répandit autour des deux amies et la femme explosa silencieusement en grains de lumière. Elle disparut.

- C’était... C’était...

- Je n’en sais rien, bafouilla Tiffany. C’était merveilleux.

- Mais c’était quoi ? ou qui ? enfin...

Elles ressentaient toutes deux une certaine plénitude, un bien-être qui les emplissait de bonheur.

- Je me sens toute chose, sourit Sakura. C’est si bon...

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