Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 1)

Chapitre 20 : Zéro absolu

5696 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 23/04/2021 17:34

Episode 19.1 : Atchoum.


Sakura posa le pied sur la dernière marche et éternua bruyamment. Thomas passa la tête dans l’escalier et leva un doigt menaçant vers elle :

- Tu ne sors pas de la maison. Voyage scolaire ou pas ! Non mais, tu as vu ton état ?!

- Bais, Thobas... je de zui ba balade !

Il baissa la tête et fit la moue.

- Je vais téléphoner à ton lycée et les prévenir. En tout cas, je ne veux pas te voir mettre un pied dehors. C’est compris ?

- Voui, mezieur...

- Va donc te recoucher et repose-toi ! Incroyable, souffla-t-il alors qu’elle refermait mollement la porte de sa chambre.

Sakura le laissa tomber sur le lit sans ôter ses vêtements et ne tarda pas à s’endormir. Kero la survola et se posa sur son front pour y apposer une patte. 

- Tu as de la fièvre, petite chasseuse !

La porte s’entrebâilla et Thomas l’observa. La peluche tira la couverture et borda Sakura. Thomas referma la porte et sourit. Il fallait tout de même aller à cet entretien pour ce nouveau travail. Quelle mouche avait piqué Mathieu de vouloir travailler dans le métro ?! Ils avaient rendez-vous dans la matinée. Il descendit et termina son petit-déjeuner. Il passa quelque coups de fils. Le car de la classe partait le midi même. Elle manquerait cette sortie bien méritée...

Il secoua la tête et laissa un mot sur la table.

Puis il quitta la maison.


Emmitouflée dans deux épaisseurs de laine et un manteau, Sakura regardait d’un œil les émissions de l’après-midi. Thomas n’était pas rentré. Elle s’était levée tard, les sinus bouchés, les oreilles sifflantes et la gorge irritée. Kero lui apporta une tisane et la posa sur la table du salon.

- Merzi ! D’es adorable...

- Je me prive d’une bonne partie de Chtatrapozor 3, je te signale. J’espère que tu t’en souviendras !

Il s’envola vers la cuisine et reprit sa forme. D’un coup d’œil, il dora les beignets et mordit dans le paquets de sucre-glace pour les saupoudrer. Un peu de sucre s’échappa de l’épaisseur cartonnée et lui chatouilla le museau.

- Atchaaaa !

- Kero ?! Tu as attrapé froid ?

Il se retourna, blanc des pattes aux oreilles. Il arriva avec l’assiette et un torchon qu’elle lui passa sur le museau pour le débarbouiller. Il fit la moue en la voyant morte de rire et il se dirigea vers la salle de bain.

- Du veux les Bulles ? Ze zera blus vazile, don ?

- Non, non. Reste allongée.

Elle sourit tendrement et se tourna vers le petit écran, reprenant la lecture du livre qu’elle avait commencé. A l’image, une publicité pour la grande braderie et la journée des vides-greniers. Quand elle posa les yeux sur l’écran, une femme répétait qu’elle avait fait de grosses affaires. Sakura sourit et se replongea dans sa lecture. Elle releva tout de même le nez. Ce n’était pas une si mauvaise idée ! Après tout...

Elle monta à l’étage et tira l’escalier mécanique qui était suspendu à la trappe et il s’allongea jusqu’à ses pieds. Le téléphone sonna. Elle courut dans sa chambre et décrocha.

- Sakura ? Alors, la grande malade... ?

- Bonjour Diffady.

- Ca ne va pas fort, nous ont expliqué monsieur Davy et monsieur Corentin.

- Du es où, là ?

- Au chalet. On est arrivé vers midi, on a mangé et on va bientôt partir en expédition. On ramènera des échantillons de neige pour le cours de Chimie. J’ai pris mon caméscope ! Je veux tout filmer comme si tu étais là ! On rentre ce soir vers dix-neuf heures. Je passerai si tu veux.

- Za me verait blaisir.

- Bien, bonne journée alors. Je penserai à toi. Salut Lionel s’il vient te voir.

- Je d’y banquerai pas. A ze zoir !

Elle raccrocha, posa son téléphone sur son lit et grimpa l’escalier vers le grenier. On sonna à la porte. « Bais !! De be laizeront-ils bas bonter dans ze gredier ?!! » songea-t-elle en redescendant jusqu’au rez-de-chaussée. Elle se dirigea vers la porte et ouvrit.

- Liodel ?

Un homme fit un pas de côté pour apparaître dans l’encadrement de la porte.

- Merci Lionel, grâce à toi, elle ne m’a pas senti arriver !

Brice leva son bras et dirigea sa main vers la maison. Sakura recula, effrayée. Il leva deux doigts vers elle :

- Pouvoir des Pensées, envolez-vous de sa mémoire !

Elle était paralysée. Lionel repartait sagement chez lui, sans avoir conscience d’être venu.

- Bien, bien, bien... au revoir, ma petite Sakura ! Et ne t’avise pas de vouloir remettre les pieds là-haut. Tu n’es pas encore prête à apprendre la vérité.

Il referma la porte et Sakura reprit connaissance. Elle se demanda ce qu’elle faisait dans l’entrée et regagna le salon.

Kero claqua la porte et vola vers le salon.

- Il est encore là ?! enragea-t-il.

Elle haussa un sourcils en posant son livre.

- Qui Za ?!

- Brice, voyons, je l’ai senti... Je le sentirais à des kilomètres ! Il est parti ?

- Brize ? Brize ZaintGerbain, du veux dire ? Il d’est bas vedu !

Kerobero croisa les bras et fit la moue.

- Tu es sûre ?

- Je de garandis, je zuis là debuis que du es rebondé et il d’y a berzonne qui b’a dérangée. Tes zens défaillent !

- J’aurais pourtant parié qu’il... Oublions ! Tu veux faire une partie avec moi ?

- Zûrement bas ! Du es drop mauvais joueur bour moi ! La derdière vois, du as fait la dêde bendant drois jours !

- Parce que tu avais triché !!

- Je d’avais bas driché !

- Bien sûr que si ! On ne peut pas faire un tamawak avec deux cents points ! Je le sais très bien !

- Bauvais joueur !

- Tricheuse !

Il lui tira la langue et remonta dans la chambre.


Sakura examina une nouvelle fois le thermostat du chauffage. Elle l’augmenta même un peu. Elle vérifia si toutes les fenêtres de la maison étaient bien fermées. Quand elle termina sa ronde par la chambre de son père, elle y fit une pause. Le grand lit était vide. Sur la commode, les photos de Nathalie étaient tournées vers la fenêtre qui se cachait derrière les épais rideaux transparents. Sakura entra et s’assit sur la couette du lit en songeant à son père. Peut-être était-ce son absence prolongée, peut-être aussi le fait d’avoir passé toutes les fêtes, son anniversaire y compris, sans lui, en tout cas elle songeait de plus en plus à sa mère. Aussi longtemps que le cocon familial l’avait entourée, encadrée, protégée, elle n’avais pas ressenti sa peine. Mais depuis ces derniers mois, cette douleur revenait de temps en temps la hanter. Les souvenirs n’étaient pas nombreux et de ce fait, elle ne pouvait pas s’y accrocher. Elle n’avait que ces images, elle n’avait pour elle que les paroles de son frère et de son père. Et quelques sensations qui lui restaient vaguement en mémoire, autant de fantômes d’une toute jeune enfance où l’on ne fixe en soi que les sensations principales, celles qui sont des repères. Les odeurs, les contacts, l’amour.

Nathalie était une femme magnifique. Une mère aimante. Mais tellement absente désormais.

A bien y réfléchir, peut-être que certaines discussions auraient pu lui manquer. Mais c’était plus profond. Ce n’était pas une oreille et une conseillère qui lui manquaient mais une maman.

Un bruit sourd résonna dans la rue et Sakura se leva précipitamment pour aller voir. Son chausson glissa sous le lit et elle tira le rideaux. Les voisins avaient visiblement des problèmes avec leur chauffage. L’homme commençait à couper quelques morceaux de bois qu’il se dépêcha de rentrer. La femme referma la porte et Sakura lâcha le rideau. Elle tenta de récupérer son chausson en passant les orteils sous le lit. Mais il avait glissé plus loin.

Elle s’agenouilla et passa une main sous la literie basse. Elle le trouva, appuyé contre un paquet recouvert de poussière.

Elle releva le nez. De quoi s’agissait-il ? Elle fit glisser le paquet volumineux jusqu’à elle mais ne put le faire sortir.

« Nathalie » était marqué sur le carton d’emballage. « Pour Sakura. Quand ce sera nécessaire »

Elle repoussa le paquet et se releva. Non, elle n’avait pas le droit de fouiller dans... les affaires... de son...



Episode 19.2 : La rame arrêtée.


- Sakura ? descendit finalement Kero. Je ne suis pas le seul à avoir froid, j’espère... ?

Il la trouva dans le salon, assis devant la télé, à même le sol, un carton ouvert sur la table basse.

- Que fais-tu ?

Il se posa près de la boîte.

- Je la connais... murmura-t-il en apercevant la femme sur l’écran.

- Z’est baban... sourit-elle. Z’est des gazettes vidéo de baban

- Baban ? c’est qui... ?

Elle ne détourna pas les yeux de la télé et haussa les épaules :

- J’ai bas dit « Baban », j’ai dit baban...

- Mais c’est ta mère...

Nathalie lisait un livre sur un banc. Derrière elle une forêt entre deux collines et un lac de cristal reflétant le ciel bleu. Un homme vint s’asseoir près d’elle et lui sourit en demandant à la personne qui filmait de poser son appareil.

« C’est pour les souvenirs, Grand-père.

- Z’est Zuzade qui filbe ?! s’étonna Sakura. Je de zavais bas qu’elle aibait za !

« Mais des souvenirs, tu en auras bien assez, Suzanne, viens donc ici. Je voudrais vous raconter une légende sur ce lac.

- Ah ! C’est Suzanne... murmura Kero, on ne comprend rien quand tu parles...

Nathalie se tourna vers l’étendue d’eau et Suzanne la suivit avec l’objectif.

- Z’est l’lac ! Z’est l’lac !! s’écria Sakura.

- Zellac ? Tu devrais soigner ton rhume, je n’y comprends strictement rien !!

- Je de d’ai rien debandé ! Z’est le lac où papa nous a embedés, il y a un ou deux bois ! Arrête de de boquer !

« On raconte qu’un couple d’amoureux s’est un jour promis de ne jamais se quitter. Il est dit que leurs familles n’acceptaient pas leur union, mais ce n’est pas le plus important. Il vinrent ici et l’homme promit à la femme de l’aimer pour toujours quelle que soit la distance qui les séparerait, le destin ou la mort... Malheureusement, la femme se noya des années plus tard et l’homme ne revint jamais sur les lieux de l’accident, c’est à dire ici. On dit que la femme attend encore son amant et qu’elle protège les lieux. Pour que personne ne s’y noie plus. Pour que personne n’ait à vivre les mêmes choses qu’elle.

« Pourquoi tu nous racontes ça, Grand-père ? demanda Suzanne alors que Nathalie semblait très inspirée par l’histoire, le lac, le paysage et le ciel clair.

« Parce que vous allez rentrer au lycée et que... Je veux que vous fassiez attention à vous. Je veux que vous sachiez choisir celui qui méritera votre amour. Sinon, vous risquerez de vous noyez et vous seriez comme cette femme, abandonnée à votre sort, à vous lamenter, à pleurer vos choix.

« Pourquoi tu t’inquiètes ? demanda Nathalie. Je ne comprends pas bien...

« Parce que je ne veux pas vous perdre... Vous êtes mes deux seules petites-filles.

Elles durent le prendre entre leur bras car l’image vacilla et se coupa.

- Et qui va faire les courses, lança Kero, si tu n’y vas pas ?!

- Grrr ! Tu n’as pas vu comme c’était beau ? Tu ne penses qu’à manger ?!! Tu es impossible.

Il ouvrit grand les yeux et elle eut un mouvement de recul face à lui.

- Quoi ?! Pourquoi tu me regardes comme ça ?

- Tu n’as plus ton rhume ?

- Mon rhume ? Ahhh ! s’écria-t-elle en le prenant contre elle. C’est vrai, je n’ai plus le nez bouché...

- Mais...Ar... rête !!! lâche... moi ! souffla-t-il alors qu’elle le forçait à danser avec elle. Quelle gamine ! Stoooop !

- Quoi encore ?!

- Mais tu es toute folle d’un coup. Tu trouves ça normal ?!

Il se posa sur la table de la cuisine et s’épousseta comme pour défroisser sa... fourrure.

- Je... réfléchit-elle. Je ne sais pas. C’est vrai que je n’ai plus mal à la gorge. Je n’ai plus rien. C’est reparti comme c’est venu ! expliqua-t-elle rapidement.

- Comme si quelque chose t’avait habitée et quittée ! ajouta-t-il. Une force...

- Non, on les sent tous les deux, les forces. Il n’y en avait pas.

- Non, non, non. Je ne les sens pas toutes. Et qui nous dit que tu en étais capable, dans ton état ?

Sakura se concentra pour chercher dans la pièce, dans les salles voisines, dans toute la maison une trace de ladite force. En vain. Pourtant quelque chose la perturbait. Elle rejoignit la fenêtre et chercha dans l’allée du garage. Rien. Elle se dirigea vers la fenêtre et chercha dans la rue. Rien. A part cet enfant qui glissait et qui éclata de rire avec ses copains. Elle se retourna et haussa les épaules.

Un détail la frappa tout de même et elle se précipita vers la porte d’entrée. Dehors, tout était gelé. Une fine pellicule de glace recouvrait tout. Les enfants se laissèrent glisser plus loin encore et Kero se posa sur son épaule :

- Quel temps ! Il n’y a plus de saison, ma petite madame !

- Ce matin, il n’y avait rien, souffla-t-elle. Thomas est parti sans problème. Et pour que ça glace, il faut au moins que ce soit humide ! Et ça ne l’était pas !

- A quoi tu penses ?

- Qu’une force se cache la-dessous. Mais comme elle est sauvage, ça va être impossible de la localiser !!

- Il le faut pourtant. Toi seule en a les capacités...

- Je sais... Je sais...


Sakura s’était couverte des pieds à la tête pour ne pas attraper froid et Kero tentait de les réchauffer alors qu’ils survolaient la ville. Il se mit à grelotter malgré son pouvoir qu’il concentrait autour d’eux.

- Je n’y arrive plus, Sakura, gémit-il.

- Alors, garde assez de ton énergie pour plus tard... On ne sait jamais.

- Je me sens tout faible.

Elle se posa sur un toit et ses ailes disparurent. La carte du Vol lui revint et elle serra Kero contre elle. Quelqu’un courait dans la rue, et elle s’approcha du rebord. Lionel...

- Lionel ! Oh, je suis là.

Il s’arrêta et chercha un instant un témoin dans la rue. Comme il était seul, il brandit son épée et appela les dieux des vents. Il se posa à côté d’elle :

- Je te cherchais. Tout ça n’est pas naturel.

- Oui, je sais, je cherche d’où pourrait venir la force.

- Ma boussole ne fonctionne pas, elle ne m’indique rien, précisa-t-il en sortant l’objet qui semblait totalement éteint, mort.

- Comment la localiser alors ?

- Avec de la chance, murmura Kero en grelottant toujours plus.

- Ca ne va pas Kerobero ? demanda Lionel.

- Il s’est épuisé en contrant le froid, expliqua Sakura. Je crois que je n’ai pas assez de pouvoir... Kero ne peut donc pas...

- Non, non, non, sourit Lionel. Je peux te garantir que tu as bien assez de pouvoirs. Et puis de toute façon, kero n’a pas besoin de ton pouvoir, tu le sais... C’est simplement parce que la carte est sauvage et qu’elle interagit avec tout l’environnement, ce qui décuple ses forces.

- Tu crois ?

- Oui, oui. Bon, lança-t-il. Il vaut mieux mettre la peluche à l’abri. Il ne résistera pas longtemps, par ce froid. Viens chez moi.

Elle acquiesça et Kero perdit connaissance :

- Je... suis pas... une pel...

- Ca devient urgent, même...


Ils installèrent le gardien devant le radiateur électrique et le couvrirent.

- Ils est mignon quand il dort, sourit Sakura.

- Il n’est pas trop mal en point. Mais à mon avis, la force doit se trouver dans un endroit qui développe ses capacités.

- C’est le Gel, logiquement. Mais je ne vois pas quel endroit pourrait bien la renforcer...

Lionel était perplexe lui aussi. Ils s’installèrent dans le salon et Lionel revint de la cuisine avec du thé, celui que Sakura préférait.

- Ca nous réchauffera avant de sortir...

- Merci, souffla-t-elle en prenant la tasse à pleine main pour profiter de la chaleur qui s’en dégageait.

Tandis que le jour baissait, les émissions du soir commencèrent à la radio. Une chanson à la mode fut annoncée et le rythme lent débuta. Au beau milieu des accords tendres et calmes, ils levèrent les yeux l’un vers l’autre :

- Lionel, je...

- Sakura tu...

Il se dévisagèrent et sourirent.

- Vas-y, lança Sakura.

- Je me pose une question et... Est-ce que tu m’en aurais voulu, si je t’avais giflée... ?

Elle haussa les sourcils et il posa sa tasse :

- C’est une idée, continua-t-il, qui me trotte dans la tête depuis ce jour. Je crois que ta réponse pourrait mettre fin à mes doutes... Mais je n’en suis pas sûr du tout.

- Non. Je l’aurais méritée, je crois.

Il se tut.

- Je m’en suis voulu de t’avoir laissé partir. J’étais vexée et, à la fois, j’avais peur de ta réaction et je t’ai laissé partir en sachant que tu reviendrais... Je t’ai fait mal, Lionel, je le sais. Mes paroles, mes actes... Mais...

- Non, non. Ne te justifie pas. Je suis fautif aussi. Je suis jaloux. C’est comme ça. Je t’en demandais trop.

- Pas du tout, réagit-elle. Je ne l’ai pas compris, voilà tout ! J’étais un peu perdue dans les événements qui se déroulaient autour de moi...

- Je t’aime, dit-il subitement telle une parole longtemps étouffée et lâchée comme un dernier souffle.

Elle le dévisagea et il baissa les yeux vers sa tasse.

- Je t’aime et c’est pour ça que je suis parti. Je ne te l’ai jamais dit mais... La première fois que j’ai mis les pieds au Japon, c’était par jalousie. Ma famille te jalousait. Ma famille entière te haïssait. En fait, elle haïssait cette enfant à qui devait revenir les pouvoirs de notre ancêtre. Mais bien avant l’heure du jugement, j’ai compris que tu méritais les attentions de Clow. Il me manquait quelque chose que je n’aurais jamais découvert par moi-même. L’amour. Je n’aimais pas, à cette époque, c’est toi qui m’a ouvert les yeux.

- Mais chacun est capable d’aimer.

- Non. J’en étais incapable. Parce qu’on ne m’avait jamais donné suffisamment d’affection pour que je puisse en donner à mon tour. Et puis mes sentiments se sont embrouillés et j’ai découvert cette chaleur. Notre dispute est venue à point. Elle me donnait une raison de fuir. Et de mettre à l’épreuve mes sentiments... Je t’aime. Tout simplement.

Elle ne sut quoi dire. Elle était gênée par un tel aveu et si heureuse à la fois.

Il s’agenouilla devant elle, déposant sa tasse sur la table basse d’une main et la dévisagea tendrement. Une main posée sur sa joue, il s’approcha d’elle et elle ferma les yeux.

Le téléphone portable sonna.

Ils sourirent en ouvrant les yeux si proches l’un de l’autre et Sakura chercha le cellulaire dans la poche de son manteau.

- Désolée... souffla-t-elle. Tiffany ?

On hurlait de panique derrière elle et, dans la voix de la jeune fille, Sakura sentit vibrer la peur.

- On... On est coincés. Tout est gelé... Sur le pont.

Un bruit métallique résonna dans l’écouteur et les cris redoublèrent.

- J’arrive, Tiffany, tenez bon !!

- Le pont... La vallée Sonoke... Vite, Sakura...

La communication se coupa et le noir envahit la pièce. L’électricité venait de se couper un peu partout dans le quartier, les piliers d’émissions des appels avaient peut-être cassé. Pierre arriva avec des bougies au moment où Sakura quittait l’appartement.




Episode 19.3 : Bianka, ce héros.


Elle volait et le froid de l’air lui lacérait les joues. Elle rabattit sa capuche devant elle et leva un bras pour se protéger. Le haut pont qui enjambait la profonde vallée n’était pas tout près... Elle tenta de voler plus rapidement mais le givre ne tarda pas à glacer ses membres. Elle ne sentait déjà plus ses orteils... Elle tombait peu à peu, se rapprochant de la rue principale où elle finit par se poser. Ses ailes avaient gelé et la carte eut du mal à reprendre sa forme. Comment faire pour aller jusqu’à Tiffany ?

Une ombre se pencha sur elle, alors qu’elle tentait de boucher toutes les fines ouvertures de son manteau pourtant épais.

- Yolis ?

- Accroche-toi à moi, Sakura.

- Mais tes ailes vont geler aussi !

- Je n’ai pas besoin de mes ailes, sourit-il en levant son sceptre.

Elle l’entoura de ses bras et sentit la chaleur de son corps l’envahir. Elle se sentait bien.

- Que les vents nous portent vers la rame en danger !

L’air se calma d’un coup autour d’eux et se remit aussitôt à souffler, plus violemment encore, se glissant bruyamment dans les nombreuses tiges de métal qui pendaient dans le vide. Ils se trouvaient sur le toit du wagon. Sakura entendit les cris des passagers et elle n’aperçut pas l’autre côté du pont ; celui-ci avait été détruit par le gel et un autre énorme morceau s’écroula en contre-bas, dans la vallée. Elle observa rapidement la scène. Elle ne pouvait pas les faire sortir, elle ne pouvait pas bouger le train à moins de tout dégeler. Et Kero n’en était plus capable. Une voix tenta de calmer le groupe et Sakura tendit l’oreille.

- C’est mon frère !

- Il travaille ici.

- Tu le savais ?!

- Il faut les calmer, affirma-t-il. Plus le wagon bougera, plus le pont aura de chances de céder.

- Mais je ne peux pas descendre ! Ils vont savoir qui je suis...

- Est-ce que ce serait un problème ? demanda-t-il une main sur son épaule.

Elle sembla hésiter. C’était Kero qui avait toujours préféré rester caché... mais...

- Ne t’inquiète pas, souffla-t-il. Puisqu’ils croient que je suis leur héros, on va leur donner raison.

- Que vas-tu faire ?

- Leur redonner courage.

Sakura sentit son sang se glacer. Une silhouette gigantesque s’envola derrière eux, les survola et retomba vers le fond. Le souffle qu’elle créa balaya les tiges de métal et secoua le pont qui craqua en différents endroits.

- Bon, j’y vais. Toi, tu t’occupes de Freeze.

- Mais après, tu t’expliqueras comment ?

- Après, je disparaîtrai.

Il lui jeta un dernier regard et son enveloppe charnelle se déchira. Bianka se laissa glisser contre la voiture et atteignit les portes. Il entra et la surprise apaisa momentanément les lycéens. Le souffle givrant tournait au fond de la vallée et patientait, comme une bête qui attendrait que son repas ne lui tombât dans la gueule. Quelle taille impressionnante avait recouvré Freeze dans cette nouvelle forme... ! La bête, plus épaisse mais plus agile, traînait derrière elle, deux puissantes nageoires armées de griffes qui remuait brutalement l’air dans son vol. Sa mâchoire claqua dans le fond de la vallée et le bruit sec se répéta de paroi en paroi...

Sakura prépara son sceptre et attendit que la force se montrât.


A l’intérieur, Mathieu et Thomas s’étaient mis à l’écart et Mathieu expliqua que Yue devait aider Sakura. Tandis que tous s’étaient groupés autour de Bianka, Yue reprit sa forme et sortit discrètement. Il se hissa jusqu’au toit, n’osant pas ouvrir les ailes, dans l’air frigorifiant.

- Sakura... Il faut que tu luttes à armes égales.

- Yue, tu es là aussi ? s’étonna-t-elle avant qu’un nouveau craquement ne la fasse sursauter. Je n’ai aucune carte d’eau !!

- Il nous reste mon propre pouvoir de l’Eau.

Il la rejoignit et leva son sceptre vers le ciel.

Déjà la force quittait la rivière gelée et montait vers eux. Le vent souffla plus fort et les ailes de Yue se prirent dans l’air violent. Il glissa et se sentit partir, son sceptre lui échappant. Il leva tout de même une main et une puissante Vague enroba le gel qui fit immédiatement geler cette enveloppe, l’emprisonnant d’un coup. La force les survola et Yue trébucha. Il tomba.

La main de Thomas, pendu à un montant de porte, l’attrapa et Yue se retransforma aussitôt. Mathieu releva la tête et sentit son sang ne faire qu’un tour en apercevant le vide sous lui. Thomas le hissa tant bien que mal à l’intérieur.

La force s’écrasa lourdement au sol et la glace explosa en se répandant dans la plaine. Le Gel enrageait et tournait nerveusement sur place. Puis, d’un bond, elle remonta, se propulsant directement sur la cabine. Il ne lui restait plus qu’une solution. Mathieu regagna l’intérieur et Thomas le serra contre lui. Dehors, Sakura se jetait dans le vide. Elle tomba et serra son sceptre contre elle.

- Sakuraaaaa !!! hurla-t-il en se penchant par-dessus la rambarde. Bianka tourna la tête vers lui.

Un monstre de glace arrivait droit sur eux et Sakura le frappa du bout de son sceptre, elle rebondit à la surface de la bête géante et roula sur son dos, précipitée dans le vide alors que le Gel continuait son chemin. Sakura se retourna avant d’atteindre le sol et Bianka disparut de la cabine sous les yeux ébahis des élèves.

Sakura concentra ses forces dans son bâton. Elle l’avait touchée... Elle l’avait quand même touchée !!

- Redeviens carte de l’éterneeeel !!! hurla-t-elle en sentant le sol se rapprocher.

On la retint au-dessus du vide et le Gel se désintégra juste sous la rame de métro. Le géant de glace regagna la nouvelle carte et Sakura l’attrapa entre le pouce et l’index. Elle sourit et chercha à voir le visage de celui qui l’avait sauvée.

- C’est moi, Sakura, lui souffla-t-il à l’oreille. Je suis l’homme de ton rêve.

- Comment... comment sais-tu ?

- Mais ma voix n’est pas celle que tu recherches, n’est ce pas... ? Rentrons, maintenant, avant d’être vus.

- Non, je dois les aider, souffla-t-elle en sortant une carte qu’elle jeta devant elle. Carte de la Création ! Reconstruit ce pont.

Un flot de lumière s’étira le long des rails et la rame de métro se stabilisa. Le givre disparut très rapidement et haut au-dessus d’eux, la rame roula et atteignit le bout du pont. Elle sourit, récupéra la carte qui avait suffisamment relevé la construction pour les faire avancer et sourit à Yolis.

Ils disparurent et réapparurent dans le salon de Sakura.

- Tu lis dans mes pensées, lança-t-elle en se retournant.

- Je vais devoir disparaître de celles de tes amis, je suis obligé... Tout le monde m’a vu dans le train.

- Mais tu restes en ville ?

- Je suis un gardien du sceau terrestre, Sakura. Je dois veiller sur mon maître. Alors je reste.

- Bien... On se reverra. Je suis contente.

Il fronça les sourcils et reconnut bien là, la Sakura dont on lui avait parlé. Oui, son amie savait déjà quelle enfant magnifique et pleine de bonté et d’amour allait naître. Elle le savait. Tout cela était déjà écrit depuis des siècles.

- A quoi tu penses ? lui demanda Sakura.

- A rien. A bientôt.

Il s’évapora sous ses yeux.


Le lendemain, le samedi, l’affaire faisait sensation dans la presse : « Une rame sauvée par le miraculeux dégel. »

Sakura soupira quand Kero avala sa part de gâteau. Celui-ci la dévisagea et Tiffany reposa le magazine. Elle était venue passer l’après-midi avec elle et elle avait amené de quoi satisfaire l’appétit du petit glouton.

- Cette force a bien failli provoquer un accident mortel, Kero, lui rappela Sakura. J’espère que ça ne te coupe pas l’appétit.

- Mais tu étais là, n’est-ce pas ? lança-t-il en louchant sur la part de cake de la jeune fille. Tu ne manges pas ?

Elle poussa l’assiette du bout des doigts et il se jeta dessus.

- Comment fais-tu Tiffany ? demanda-t-elle. Tu as frôlé... la mort. Et tu es si sereine...

- Mais je savais que tu serais là ! Et Thomas et Mathieu étaient avec nous ! Il ne pouvait rien se passer !

- Je n’en reviens pas, les forces qui m’attaquent se montrent chaque fois plus puissantes et plus acharnées, prêtes à faire des victimes ! Ca ne peut pas être des cartes !

Kero secoua la tête.

- Non, ce sont des forces pures. Yue croit que tu luttes contre...

- Les forces de la nature, apparut soudainement Yolis alors que Mathieu et Thomas arrivaient.

- On est rentré ! clama Thomas.

- Petite réunion de famille, sourit Mathieu.

- Vous voulez peut-être Yue ? demanda Thomas, un peu contrarié.

Sakura jeta un regard à Yolis et il secoua la tête.

- Non, répondit-il. Yue sait déjà tout cela. Il lui faut le temps de s’en souvenir.

- Bien. Nous montons, alors. A plus tard ! Tu viens, Mathieu ? lança Thomas du haut des marches.

Kero croisa le regard de Tiffany et il sentit l’attention toute particulière qu’elle lui portait, dans la profondeur de son regard.

- J’ai un morceau sur la tête, sourit-il ?

Elle baissa les yeux et resserra ses mains sur le sac qu’elle n’avait pas encore ouvert. Il ne comprit pas sa réaction et fut un peu gêné de l’embêter. Il se tourna vers Sakura, pensive.

- Yolis, demanda-t-elle. Tu sauras peut-être, toi. Pourquoi Mathieu ne sait-il plus rien de Yue... ? Il y a quelques années, ils ne formaient qu’un seul être. Comme toi. Tu gardes le même esprit avant et après transformation...

Le gardien sourit largement et Kero fronça les sourcils :

- Que dis-tu ? Mathieu a tout oublié ?

- Mais oui, enfin, il parle de Yue comme de l’être qui l’habite... Il sait très bien qu’il n’y a pas d’être en lui, mais qu’il est cet être. Mon gardien. Yue.

- C’est ainsi pour deux d’entre nous, sourit Yolis en songeant à de lumineux souvenirs. Kero et moi nous sommes des êtres brutes. Lui le feu, moi l’air. Alors que Yue et...

- Oui... ? Dis ! Yue et qui ?

- Yue a été touché par le pouvoir de ton frère. Cette force a fait partie de lui durant quatre longues années. Je crois... Je crois qu’il...

Il réfléchit et son sceptre disparut tandis qu’il redevenait Bianka.

- Quand il sera venu le temps, tu comprendras, Sakura.

- Tu t’en vas ?

Kero le fixa et il leur fit signe. Je dois voir quelqu’un...

Il les quitta et Tiffany se leva, le sac dans les mains.

- J’ai une tenue...

- Pour moi ? s’étonna Sakura. Mais il n’y aucune force à combattre.

- Non, c’est... pour toi Kero !

Il ouvrit grand les yeux et elle sortit la tunique très classe aux nombreuses teintes de jaune et d’or.

- Mais, c’est pour un homme ! Pas pour un félin comme moi.

- Oui, mais... peut-être que tu pourrais... enfin... je...

- Je vois ce que tu veux dire, sourit Sakura en allant chercher la carte et la clef. La Création. On va faire de toi notre modèle, lança Sakura.

- Oh, noooon, se lamenta-t-il.

- Eh eh eh, sourit-elle cyniquement. Si !

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