Ange-Gardien
Chapitre 3 : Doute et suspicion.
Ryo était à son bar favori dans le quartier du Kabukicho. Pensif, il ne prêtait pas attention aux bunnies alors que d'habitude il en avait toujours une sur les genoux.
Les filles s'en inquiétaient un peu. Elles savaient qu'il ne fallait pas trop l'approcher dans ce cas-là. La plus ancienne de toutes, qui connaissait l'étalon depuis bien longtemps, lui avait seulement serré l'avant bras en passant à côté de lui. Ils avaient échangé un regard et elle avait continué à s'occuper des clients mais en jetant un coup d’œil à Ryo de temps en temps .
Naomi, c'est ainsi que cette bunny s'appelait, avait de l'affection mêlée de respect pour cet homme blessé . Ryo était leur gardien, leur protecteur. Un pervers doublé d'un obsédé mais cachant une grande âme. Lorsqu'elle avait su que le partenaire de Ryo était mort...Naomi avait pleuré. Elle avait eu mal car elle savait qu'il serait en perdition. Son partenaire était comme un frère pour lui, un phare dans la nuit qui l'empêchait de sombrer dans l'obscurité, de faire de son âme un trou vide de sentiments. Elle avait vu Ryo retomber dans ses travers et même pire. Il se laissait mourir, miné par le chagrin de la perte de son plus fidèle ami. Naomi restait avec lui pendant qu'il avait les yeux dans le vague, un verre à la main et le raccompagnant à son domicile quand il n'était plus en état . Tout le monde dans le quartier gardait un œil sur lui. S'ils perdaient leur ange-gardien, la pègre ferait de leur vie un enfer. Ce soir, elle le sentait différent. Quelque chose le tracassait. Dans un sens , c'était bon signe car il avait l'esprit à autre chose que sa propre perte.
Ryo tournait les glaçons dans son verre. L'image d'une jeune femme aux cheveux auburn et aux reflets de feu hantait son esprit. Quand il l'avait vu rentrer dans le café, son cœur s'était mis à battre plus vite. Elle était sexy certes, mais quelque chose se dégageait d'elle. Il ne saurait le définir. Il avait fait l'andouille pour cacher le désarroi qu'elle lui causait et revoir ce regard pétillant qu'il lui avait tant plu. Puis elle était sortie, Ryo l'avait suivie mais le fait que la jeune femme prononce le nom de son défunt partenaire lui avait mis la puce à l'oreille. Que voulait-elle exactement et quel lien avait Kaori avec Hideyuki ? Là, c'était un mystère! Il savait qui il devait contacter pour avoir un minimum de réponse.
Ryo finit son verre d'une traite et se leva.
-Tu nous quittes déjà mon bel étalon ? Tu as une femme qui t'attend ? Demanda une bunny, intriguée de son départ.
-Dans mes rêves seulement, répondit-il .
Une brune aux cheveux longs et yeux noisette allaient hanter ses nuits, il s’en doutait.
Les mains dans les poches, il partit vers son domicile, ses pensées allant vers cette drôle de journée. Les gens de la nuit continuaient de déambuler dans les rues. Un homme en état d'ébriété avancé vint bousculer Ryo et celui-ci le rattrapa de justesse. L'ivrogne s'excusa puis continua sa route en braillant une chanson dont on ne comprenait pas les paroles. Ryo le regarda s'éloigner en pestant contre lui-même. Il n'avait pas fait attention à cet homme, perdu dans ses réflexions. Ce n'était pas dans ses habitudes. Ça aurait pu être dangereux. Ce type aurait pu être un ennemi. Ryo se remit en marche se promettant d'être plus prudent la prochaine fois. Il sortit les clés de sa poche et rentra chez lui.
Il referma la porte , balança ses chaussures puis s'affala dans le canapé en soupirant. Ryo regarda l'heure sur la pendule en face de lui : il était une heure trente du matin. Il allait réveiller son inspectrice préférée mais tant pis. Ryo se leva et décrocha le téléphone. Pendant qu'il attendait, Ryo chercha une bonne excuse afin d'expliquer l'heure de son appel.
- Allo ? murmura une voix ensommeillée.
Ryo grimaça. Il allait se prendre un savon.
- Saeko, c'est moi !
- Ryo ? Tu as vu l'heure, nom d'un chien? J'espère que tu as une bonne excuse!
Oui il en avait une.
-J'ai besoin de renseignements sur une personne, dit-il.
-Ca peut attendre demain, non ? Alors, salut !
-Attends, Saeko ! Cette personne semble connaître Hideyuki.
Le silence se fit à l'autre bout de la ligne, Ryo crut qu'elle avait raccroché. Il l'entendit soupirer.
-Comment ça ? demanda-t-elle d'une voix blanche.
-Tout ce que je peux te dire : c'est une femme . Une conquête de notre défunt ami? supposa-t-il.
Ryo risquait de finir par parler dans le vide s'il continuait sur ce chemin là. Il savait très bien que c'est son ami qui avait pris la place dans le cœur de Saeko. La titiller pour qu'elle puisse accéder à sa demande ne le ravissait pas. Saeko était une amie à laquelle il tenait. Il s'en voulut de son attitude mais pour toutes les fois où elle l'utilisait pour parvenir à ses fins ...tenta t-il de se consoler.
-Bon très bien ! Tu as gagné ! grommela-t-elle. On se retrouve demain à onze heures à l'endroit habituel ?
Ryo confirma et raccrocha. Il se servit un verre de whisky puis se mit devant la fenêtre. Il espérait se tromper mais une petite voix lui chuchotait qu'il y avait quelque chose de bizarre chez cette Kaori. Ne pas savoir de quoi il s'agissait, l'agaçait. Finalement, Ryo vida son verre d'une traite puis alla se coucher.
Un fois qu'il fut endormi, une ombre s'approcha du lit.
Hideyuki regardait son ami qui ronflait et grommelait des mots sans queue ni tête. Le fantôme s’était promené dans le quartier en cherchant la manière de faire passer son message par Kaori. Cela était plus compliqué que ça en avait l’air. Ryo était réfractaire à ce genre de choses.
L'esprit observa le sommeil de son ami, qui pour une fois ne fut pas accompagné de cauchemars.
Lorsque Ryo ouvrit les yeux, le soleil éclairait la chambre depuis un moment. Il se redressa et s'assit sur le bord de son lit. Ses rêves avaient été agréables pour une fois. Il était en train de se noyer, essayant d'atteindre la surface mais plus il nageait, plus il s'enfonçait. Ryo finissait par abandonner et attendant que la mort le prenne. Soudainement, une main agrippait la sienne et le tirait vers l'air libre. Il ouvrait les yeux et voyait Kaori le regarder en souriant. Elle était vêtue d'une robe blanche assez ample qui bougeait derrière elle comme les ailes d'un ange. Ryo se laissait faire, subjugué, rassuré, et au moment d'atteindre la surface, il s'était réveillé. Même dans ses fantasmes les plus fous, il n'avait ressenti un tel bien être. C'est ce qui lui faisait peur justement mais c'était tellement agréable !
Il finit par se lever car il avait rendez-vous avec son inspectrice préférée Saeko Nogami. Une bonne douche puis un café compléta son réveil. Malgré le rêve sur Kaori, il se montrait méfiant. Il ne trouvait pas de réponse à ses questions.
Le parc était quasiment vide. Les beaux jours se laissaient attendre malgré le soleil qui apparaissait de plus en plus souvent. Hideyuki était debout à côté du nettoyeur, se rappelant ces moments où ils attendaient l’inspectrice sur ce banc afin d’échanger leurs informations. Un brin de nostalgie le prit et il soupira.
Ryo regardait les jeunes filles passer sans trop les voir. Son esprit était ailleurs. Il sentit la présence de Saeko avant qu'elle n'apparaisse dans son champ visuel. Ryo regarda s'avancer d'une démarche gracile, l'ancienne partenaire d'Hideyuki. Ses cheveux noirs frôlant les épaules, elle les remit en place quand le vent les plaqua sur son visage. D'un coup, elle tourna sa jambe droite d'un geste rapide et Ryo se retrouva avec le talon dans la figure . Il s'était discrètement avancé, la bave aux lèvres, afin de pouvoir tripoter la jeune femme. Telle une araignée, il s'était glissé près de ses jambes. Manque de pot pour lui, Saeko le connaissait bien.
Hideyuki sentit des corbeaux danser derrière lui.
-Oh la belle petite culotte !! dit-il.
Son œil averti regardant sous le jupe de la jeune femme mais il manqua de le perdre avec le coutelas que Saeko lui lança.
Elle s'avança vers un banc en lissant sa jupe.
-Bonjour Ryo ! alors que veux-tu? Qui est la jeune femme dont tu m'as parlé ?
-Je l'ai rencontrée hier après-midi, commença Ryo.
-J'espère que tu ne m'as pas appelée à une heure et demie du matin pour avoir son numéro de téléphone ? questionna-t-elle sèchement.
-Allons, Saeko, tu serais trop jalouse pour cela, ironisa-t-il.
Le silence se fit. Ryo regarda brièvement son amie. Elle avait beau se maquiller, il avait l’œil perçant.
Les cernes ainsi que sa pâleur cachée sous du fond de teint ne dissimulaient en rien la profonde tristesse dans son regard. Le décès de leur ami les avaient profondément affectés et chacun faisait au mieux pour continuer. Ryo avait l'impression de se noyer depuis ce jour-là, il n'arrivait pas à s'accrocher. Il savait bien que son partenaire lui mettrait son poing dans la figure pour l'obliger à remonter la pente, mais il n'était plus là.
-Cette femme Kaori Tachiki, connaît Hideyuki Makimura. Je l'ai entendue en parler.
Il vit Saeko pâlir légèrement.
- Je voudrais que tu mènes une enquête sur elle. Je te donne son adresse. Je veux savoir si j'ai de quoi m'inquiéter ou pas. expliqua-t-il en lui tendant un morceau de papier.
Hideyuki était sidéré. Ryo l'avait suivie. Le fantôme repensa à l'après-midi d'hier puis il tiqua: soit le nettoyeur l'avait entendu pendant qu'elle se séchait, soit c 'est lorsqu'elle avait «téléphoné».D'une manière ou d'une autre, Ryo se méfiait. Le fantôme sentit la colère le gagner. Comment son ami pouvait-il penser que Kaori était une menace ? Il était mort, qu'est-ce-que cela pouvait bien faire ? Un an qu'il essayait d'attirer l'attention de Ryo !! Un an !! Au moment où il trouvait quelqu'un qui pouvait servir d'intermédiaire... Tout risquait de tomber à l'eau!!
-J'en ai marre ! cria t-il
Une canette de soda posée sur le bord d'une poubelle tomba. Hideyuki fut surpris. Etait-ce de son fait ou pas ? Ne sachant pas répondre à cette question, il observa ses deux amis. Ryo et Saeko regardait vers la canette qui était tombée, il n'y avait personne aux alentours mais un léger vent soufflait . Ryo donna les informations qu'il connaissait sur Kaori. Saeko lui promit de le renseigner rapidement. Ils se séparèrent et partirent chacun de leur côté.
-Tu peux faire bouger les objets sans t'énerver, Hideyuki ! dit une voix.
Le fantôme sursauta et regarda autour de lui.
-Veux-tu que je te montre ?insista-t-elle.
A quelques pâtés de maison de là, Kaori regarda la pendule de la clinique. Elle avait rendez-vous avec madame Ito afin de lui rendre les cendres de son chat. Depuis ce matin, l'esprit de l'animal ne la quittait pas d'une semelle. Partout où elle posait les yeux, il était là. Elle l'entendait ronronner. Dans un sens cela lui fendait le cœur mais le réchauffait en même temps. Toute la matinée, le chat avait excité les chiens. Elle avait eu l'impression qu'il s'en amusait le bougre. Les esprits d'animaux n'étaient pas très courant mais ce n'était pas la première fois qu'elle en voyait. La jeune femme était à l'accueil et secondait une étudiante assistante vétérinaire assez timide. Kaori avait l'impression de se voir à son arrivée.
La porte de la clinique s'ouvrit et madame Ito fit son entrée. Le fantôme du chat miaula si fort que la médium crut que tout le monde l'ait entendu. L'esprit de l'animal sauta du comptoir où il était assis pour se frotter aux jambes de sa maîtresse.
-Madame Ito, allez dans le salon, je vous y rejoins avec l'urne, dit Kaori d'une voix douce.
La vieille dame fixa la jeune femme puis s'exécuta. La médium savait très bien que récupérer l'urne était une épreuve supplémentaire dans la douleur.
Elle se massa les tempes car un mal de tête arrivait. C'était sa dernière journée et ensuite, elle serait en congé. Elle en avait bien besoin . Kaori récupéra les cendres de Kyo puis alla dans le salon.
Madame Ito était debout et regardait droit devant elle. Les larmes coulaient silencieusement sur les joues. La jeune femme posa le contenant délicatement sur la table basse et attendit.
-J'ai l'impression qu'une partie de moi-même a disparu, commença madame Ito.J'espérais n'avoir jamais à revivre cela après le décès de mon époux. Ça fait si mal.
La vieille dame se mit à sangloter. Kaori lui prit les mains.
-Kyo aura toujours sa place dans votre cœur. Vous aviez un lien particulier avec lui. Il vous manquera. Le principal c'est de ne pas oublier. Cela prendra du temps mais le chagrin s'atténuera un peu. Continuez à lui parler, dit la jeune femme. Je suis sûre qu'il vous entend. Peut-être même pourriez vous l'entendre miauler ou le sentir se frotter contre vous?
-Vous croyez aux esprits d'animaux? demanda madame Ito d'une voix chevrotante .
-Oui, j'y crois. Les animaux ne sont pas dénués de sentiments, au contraire. Ils ressentent beaucoup plus de choses que nous, alors pourquoi n'auraient-ils pas d'âme ?
Kaori vit Kyo s'asseoir sur la table puis miauler comme pour attirer l'attention de sa maîtresse en deuil. Celle-ci essuya ses larmes avec un mouchoir puis prit l'urne délicatement.
-Rentrons à la maison, Kyo.
Madame Ito sourit faiblement à Kaori.
-Merci mademoiselle.
La jeune femme l'accompagna jusqu'à la porte et vit que le fantôme du chat la suivait. Ce dernier se retourna avant de la franchir et fixa Kaori. Elle lui sourit.
-Au revoir, Kyo ! chuchota-t-elle.
Celui-ci sembla lui faire un clin d'œil puis trotta derrière les jambes de sa maîtresse.
La journée enfin terminée, Kaori prit le chemin de son domicile. Elle allait manger seule ce soir, sa sœur avait rendez-vous avec des amies . La jeune femme avait insisté pour que son aînée puisse se détendre un peu. Cela faisait bien longtemps et c'était mérité !Sayuri n'avait pas arrêté faisant des horaires de fou. Sa sœur avait cédé et c'est le cœur léger que Kaori était partie travailler.
Sur la route menant à son domicile, elle chercha Makimura du regard, mais ne le vit nulle part. Kaori remarqua certains esprits errant dans la rue, marchant à côté de leurs proches. Tandis que d'autres fantômes s'amusaient à faire tomber des objets près des passants qui sursautaient, surpris. Les esprits riaient, contents de leurs blagues. La médium sourit à leurs bêtises de gamins. Soudain, Kaori fronça les sourcils, une violente impression lui étreignit le cœur. Impossible de savoir lequel d'entre eux provoquait cela. Elle s'arrêta de marcher, la main sur la poitrine, suffoquant à moitié. Sa vue devint floue. D'un coup, Kaori vit un esprit bousculer une personne tellement fort qu'elle tomba à terre. La jeune femme tenta de voir qui c'était mais il avait disparu et ensuite elle se sentit mieux. Se reprenant, Kaori aida le piéton à se relever et s'assura qu'il allait bien. L'homme qui était tombé pensait qu'un simple passant l'avait heurté. Kaori ne le contredit pas car elle se voyait mal lui dire qu'il avait été poussé par « une mauvaise âme » comme elle les appelait. La jeune femme regarda le piéton partir puis continua son chemin, inquiète. Cela faisait très longtemps qu'elle n'avait pas vu ce genre d'esprits. Généralement, c'étaient les gens victimes de mort violente, qui, se retrouvant de l'autre côté sans comprendre ce qui leur arrivait , étaient en colère. Kaori frissonna de peur au souvenir de ce qu'il s'était passé à la dernière rencontre avec une « mauvaise âme ».
Arrivant à l'appartement, elle se reprit puis alluma la lumière.Elle accrocha son manteau, mit ses chaussons puis se prépara un thé. Kaori était éreintée ! Sa journée lui avait paru sans fin, surtout après l'affreuse nuit qu'elle avait passée. Elle avait fait un cauchemar sur des soldats dans une jungle. Kaori n'avait vu aucun visage en particulier mais elle avait entendu leurs cris, leurs hurlements. Surtout UN hurlement. Il avait été tellement impressionnant, bestial, qu'elle s'était réveillée en sursaut. Ce cauchemar avait certainement été une manière de transmettre un message qu'elle ne comprenait pas pour l'instant, et elle se doutait que ce ne serait pas le dernier. Elle s'était rendormie difficilement et avec appréhension.
Kaori souffla sur son thé, le regard perdu à la fenêtre. D'un coup, quelqu'un toqua à une porte, cela recommença à plusieurs reprises. Tendant l'oreille, elle se dirigea vers le bruit.
-Ca ne vient pas de la porte d'entrée mais plutôt des chambres, pensa-t-elle.
Posant sa tasse sur la table, Kaori s'avança à pas de loup. Les frissons qu'elle ressentait lui indiquait le «type» de personne auquel elle allait avoir affaire. Kaori colla son oreille sur la porte de la chambre de sa sœur,le coup fut plus fort. Elle tourna la poignée , pénétra dans la pièce et alluma la lumière. Regardant autour d'elle, Kaori ne vit d'abord rien de spécial. Ce n'est qu'au bout de quelques secondes qu'elle remarqua que l'une des portes du placard était entrouverte. Kaori alla vers le meuble puis l'ouvrit complètement. Elle vit quelque chose bouger au-dessus d'elle, sur une étagère où des boîtes étaient entreposées mais n'eut pas le temps d'éviter la catastrophe. Un carton atterrit sur son crâne, libérant son contenu sur le sol. Kaori en tomba sur les fesses sous un rire d'enfant.
-Aiko !!! Je ne trouve pas ça drôle ! gronda-t-elle mi-amusée, mi-agacée tout en se redressant.
Un petit garçon de cinq ans s'accroupit en face d'elle.
-Cela fait bien longtemps ! dit Kaori en souriant.
-Tu es une grande personne maintenant ? répondit Aiko.
-Oui, je vais avoir vingt deux ans ! Cela fait bien longtemps que je ne t’ai vu ! Que viens-tu faire ici ? Je te croyais avec tes parents ?
Kaori s'assit sur le lit. Le petit garçon la rejoignit.
-Papa et maman sont partis chercher mon frère Ken à sa grande école. Je n'avais pas envie d'y aller.
Aiko remua ses jambes qui pendaient hors du lit. C'était le premier esprit dont elle se rappelait la rencontre, elle avait le même âge que lui. D'après sa mère et sa sœur, elle voyait les esprits depuis depuis toute petite mais Kaori ne s'en souvenait pas. Aiko avait été le premier. Le petit garçon tourna la tête vers elle avec un grand sourire où deux dents en haut de la mâchoire manquaient.
-Je me suis rappelé que j'avais une camarade qui s'appelle Kaori alors je suis venu te voir.
Il fit la moue.
-Tu es adulte maintenant, c'est moins marrant. Je t'ai fais une blague avec la boîte mais tu n'as pas ri ! constata-t-il.
-J'ai été surprise et tu m'as eue !! Je ne m'y attendais pas ! avoua-t-elle. Elle était bonne ta blague !
Aiko lui jeta un regard hésitant.
-Tu dis ça pour que j'arrête de bouder,affirma-t-il.
-Les meilleures blagues sont celles où on s'y attend le moins, le rassura-t-elle.
Le petit garçon la regarda, un sourire jusqu'aux oreilles. Kaori lui répondit de la même manière. Il descendit du lit. Ses cheveux courts et son uniforme étaient comme dans les souvenirs de la jeune femme. Aiko prit un air sérieux.
-Je vais rentrer car, papa, maman et Ken ne vont pas tarder à revenir du lycée.
Il marqua une pause, semblant hésiter.
-Dis, Kaori, ce n'est plus aussi drôle qu'avant maintenant et je m'ennuie. Mes parents ne réagissent plus à mes câlins. Ça me rend triste alors je préfère m'en aller. Tu pourrais me faire passer de l'autre côté bientôt ?
Kaori fut surprise.
-Tu es sûr de toi ? Tu ne verras plus tes parents Aiko, sauf quand ils te rejoindront à leur tour.
Le petit garçon hocha la tête, son regard était déterminé.
-Tu pourrais venir à l'O-bon (fête des morts) ? J'aimerais leur dire au revoir. Je pense que grandma viendra me chercher.
La grand-mère maternelle du garçon était décédée quelques mois après Aiko. De santé fragile, elle ne s'était pas remise de la perte de son petit-fils.
-D'accord Aiko, nous ferons comme ça. Je viendrais chez tes parents quand le moment sera venu, lui dit Kaori.
Le petit garçon la remercia puis il se souvint de quelque chose.
-Fais attention, Kaori. Il y a quelqu'un de mauvais qui erre en ville. Il est là depuis quelques jours et il est très en colère. Sois prudente, s'il te plaît! Même si tu es devenue une adulte, je t'aime bien et je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose.
Sur ces paroles, il disparut. La jeune femme avait donc confirmation de ce qu'elle avait ressenti cet après-midi. Kaori se leva en soupirant.
S'agenouillant, Kaori commença à ramasser les papiers dispersés par terre quand elle suspendit son geste. Une feuille où le nom de Ryo Saeba était marqué dessus. Kaori fut surprise en reconnaissant l'écriture à sa sœur. Qu'est-ce que c'était tout cela ? Intriguée, la jeune femme, mit tous les papiers dans la boîte, la prit, se leva pour aller examiner son contenu sur la table de la cuisine. Elle ressortit les papiers et les regarda plus attentivement.
Certaines feuilles étaient agrafées entre elles, certainement les renseignements sur la même personne. Kaori décida de tenter de mettre de l'ordre dans ce bazar. Des photos prises de loin, une filature sans aucun doute, étaient rangées dans des dossiers portant les noms : SAEBA Ryo, MAKIMURA Hideyuki...
-Quoi ??? s'exclama-t-elle.Pourquoi Sayuri aurait fait des recherches sur des détectives privés ?
Puis elle se rappela l’enquête qu’avait mené sa sœur mais elle ignorait qu’elle avait tout gardé.
Lisant plus attentivement ces notes, Kaori s'assit sur une chaise, sous le choc. En plus de leur métier de détective Ryo et Hideyuki formaient un duo de tueurs à gage , nettoyeurs. Elle se prit la tête entre les mains. Elle avait rencontré un fantôme et un homme dangereux. Pourtant ils semblaient être des gens comme les autres. Que devait-elle en penser ? se dit-elle.
-Tu as vraiment de drôles de fréquentations, lui avait-dit un jour sa mère en riant au sujet des esprits que côtoyait la médium tous les jours.
Si sa maman voyait cela aujourd'hui, elle hurlerait de peur.
Kaori rassembla les informations pour chaque personne en plus des deux hommes : NOGAMI Saeko, IJUN Hayato avec entre parenthèses « dit Falcon ou Umibozu ».
-L'éléphant de mer, sérieux ? pensa-t-elle en rougissant. Kaori ne préférerait pas savoir pourquoi on l'appelait comme ça.
Elle tiqua. Le barman du Cat's Eyes, alors là ! Elle ouvrit son dossier et le parcourut. Kaori cherchait à comprendre pourquoi l'esprit qu'elle avait vu près de Ryo avait dit « ennemi » en désignant Falcon. L'information lui sauta aux yeux : il avait été mercenaire. Elle en déduit donc que Ryo aussi et cela fut confirmé quand elle ouvrit le dossier du nettoyeur.
Elle se concentra un peu plus dans son rangement.
Des articles de presse sur certaines affaires, semblaient être le fait du duo noté City Hunter. Kaori fronça les sourcils, ça lui rappelait quelque chose. D'un coup sa mémoire revint.
-Nom d'un chien !!! s'exclama -t-elle.
Certains scandales avaient fait un grand tapage en ville. Des hommes de la pègre, mêlés à des politiciens que la police cherchait à coincer depuis des années, étaient soudainement arrêtés avec des preuves irréfutables. Le duo Makimura/Saeba donnait donc un coup de main aux forces de l’ordre? Cela la rassura quelque peu.
Kaori sentit l'arrivée d'un fantôme bien connu.
-Bonsoir Kaori !
-Bonsoir Makimura, dit-elle en se tournant. Il était à côté d'elle tentant de lire ce qu'elle avait dans la main.
-Tiens vous tombez bien vous!Vous n’auriez pas oublié de me dire certaines choses, non?
Hideyuki eut un sourire crispé.
-C’est quoi tous ces papiers? demanda-t-il.
-C'est ma sœur qui a rassemblé des articles, des notes sur votre duo à Saeba et vous.
Hideyuki fronça les sourcils.
-Notre duo ? demanda t-il surpris.
Il jeta un coup d'œil sur la feuille que Kaori lui montra. Le dossier avec une photo prise de lui dans la rue. Tout était noté: sa date de naissance, les établissements scolaires, sa date d’entrée dans la police…tout ce qui le concernait. C’était un sacré travail. Mine de rien, il eut une pointe d’admiration envers le travail de la journaliste.
-Ohhh... fit-il quand il eut comprit.
Il s'approcha de Kaori et regarda la coupure de journal mise de côté.
-Oh ça !! C'était une affaire rondement menée, lui dit-il en montrant un article de presse sur un boxeur qui avait été tué par son concurrent dans un parc, sous les yeux de sa fiancée. Cette jeune femme nous a concactés. Elle nous a demandé vengeance...Et je dois dire que nous avons fait du bon travail !! Elle était atteinte d'un cancer. Elle est morte peu de temps après. En paix, j'espère...Dites vous ne l’avez pas vu par hasard?
Kaori le regarda, amusée.
-Je ne vois que ceux qui errent dans notre monde. Il y a des âmes qui s’en vont aussitôt.
Elle prit le papier sur la mort du boxer.
-Je pense que son fiancé l’attendait de l’autre côté, dit la médium.
Kaori eut un pauvre sourire et continua:
-La vie est parfois cruelle. Elle aurait pu être heureuse avant de mourir mais elle a souffert en fin de compte.
Le regard de Makimura se perdit dans les souvenirs.
-C’est vous qui avez descendu l'assassin du boxer, n'est-ce-pas? interrogea Kaori.
Le fantôme comprit qu'il devait choisir ses mots avec soin car le ton de la jeune médium était neutre mais son regard était désapprobateur.
-L'assassin était prêt à tout pour arriver à ses fins : gagner le championnat de boxe. Il avait tué le fiancé de Mégumi , ensuite il avait menacé la vie de l'enfant de son autre concurrent . C'était une pourriture ce mec.
Hideyuki soupira.
-Des moments, nous n'avions pas le choix. Certains arrivaient à des extrémités que vous ne pourriez pas soupçonner.
Il la fixa avec un léger sourire.
-Posez vous la question : que feriez-vous si quelqu'un menaçait ou pire...tuait votre sœur ?
Kaori baissa les yeux. Elle ne savait pas. Rien que le fait de penser qu'il arriverait quelque chose à sa sœur, la fit frissonner.
-Nous avons perdu notre mère et ma sœur est la seule famille qu'il me reste. Je ne peux pas vous dire, lui répondit-elle avec honnêteté. J'ignore si je demanderais vengeance car de toute façon ça ne la ramènera pas. Est-ce que je laisserai ma colère ou mon chagrin me guider ?
Kaori ferma les yeux. Quand elle avait perdu sa mère, la jeune femme avait été en colère contre la terre entière. Elle n'avait pas mérité de mourir de cette manière. Si elle perdait Sayuri...Kaori n'osait même pas imaginer sa réaction.
Hideyuki compatissait pleinement car lui aussi savait ce que c'était de perdre des êtres chers. D'un coup, ses yeux furent attirés par un article de journal contenant une photo. On y voyait un homme menotté encadré de deux policiers. En arrière-plan, une belle femme en tailleur les suivait, l'air sévère.
- Hé !C'est Saeko !!
-Pardon ?
Kaori suivit son regard accroché à un bout de journal.
-Vous la connaissez ?
-C'était ma partenaire quand j'étais flic. Saeko Nogami et je dois dire que nous étions assez efficaces, dit-il en essuyant ses lunettes.Vous ne le saviez pas ?
Hideyuki montrait les papiers du doigt.
-Je n'ai pas vraiment tout regarder, avoua-t-elle. Disons que cela m'est tombé dessus d'une drôle de manière.
-J'ai démissionné de la police puis j'ai formé le duo City Hunter. J 'étais l'assistant et Ryo était l'exécutant.
-Pourquoi Saeko Nogami ne vous a pas suivi ? demanda-t-elle
Le fantôme laissa son regard se perdre dans ses souvenirs.
-J'ai quitté la police car une jeune policière qui était infiltrée a été tuée. La justice n'a pas fait son travail et j'ai démissionné, écœuré. Je me suis associé avec Ryo car nous voulions la même chose: que la voix des victimes soit entendue. Saeko couvrait nos arrières. Le mobilier urbain que nous détruisions dans nos courses poursuites, les voitures bousillées...elle trouvait une excuse auprès de la préfecture pour justifier les dégâts.
-Et ça marchait ?
-Oui à notre grande surprise!
-Ca arrangeait bien la préfecture de police peut-être vu que vous faisiez son boulot!constata-t-elle.
Hideyuki sourit à cette remarque.
-Vous êtes plus facile à convaincre que votre sœur ! s'exclama-t-il
-Comment ça ? Vous avez rencontré Sayuri ?demanda Kaori, surprise.
-A qui tu parles ?
La jeune femme tourna la tête vers sa sœur. Kaori ne l'avait pas entendu rentrer.
-Où as-tu trouvé ça ?demanda Sayuri fâchée en voyant les papiers sur la table.
Comment a-t-elle pu trouver ses papiers? Ce n’était pas le genre de sa soeur de fouiller dans l’armoire de sa chambre.
Sa cadette grimaça.
-Me croirais-tu si je te disais que j'ai eu la visite d’Aïko ? Il s'est amusé à toquer à la porte de ton placard et en l'ouvrant, j'ai reçu la boîte sur la tête.
-Aïko ?demandèrent en même temps Sayuri et Hideyuki.
-Aïko est le premier fantôme dont je me souviens, expliqua-t-elle en se levant puis alla vider sa tasse de thé froid dans l'évier.
Elle prit une autre tasse pour sa sœur et mit la bouilloire à chauffer. Kaori resta sur le seuil de la cuisine.
-C'est un petit garçon qui est décédé dans la cour de récréation. Il est mort à cinq ans d'une crise cardiaque. Aïko avait une malformation au coeur dont personne n'avait connaissance ,expliqua-t-elle à l'intention d'Hideyuki.
-Quelle tristesse!!s'exclama le fantôme, chagriné.
-Kao à qui est-ce que tu parles à la fin ?!insista sa sœur.
La jeune femme regarda les papiers et sortit une photo du lot. Une de ses photos d'investigations qui était prises de loin. Sur celle-ci on voyait deux hommes. Un avec un imperméable et l'autre en train de courir les filles. Kaori montra Makimura sur la photo.
-Je parle avec lui !
Sayuri pâlit.
-Tu plaisantes ?!
Sa cadette fut surprise de sa réaction.
-Faut qu'il s'en aille !! Il est dangereux ! Ils ont menacé de s'en prendre à toi si je continuais mes recherches sur eux.
-Tu les a donc rencontrés alors que tu m'avais affirmé que tu n'avais pas été plus loin que tes sources ?questionna Kaori croisant les bras.
Sa sœur se sentit prise au piège.
-Elle vous a protégée, intervint Hideyuki. Sayuri a réagi comme je l'aurais fait si j'avais eu une sœur, ne soyez pas trop dure avec elle.
La sœur de Kaori se mit à parler en avançant vers la fenêtre.
-Allez-vous-en !! Je vous interdit de vous approcher de Kaori !!!
La médium toussota et un rire retentit à côté d'elle.
-Sayuri, tu parles à la plante ! Makimura est à côté de moi !
Elle se retenait pour ne pas suivre son acolyte dans son hilarité.
La sœur aînée rougit.
-C'était quoi ses menaces ? demanda Kaori.
Hideyuki essuya ses lunettes.
-Votre sœur vous mettait en danger toutes les deux, si elle écrivait son article. Ryo et moi voulions qu'elle arrête c'est tout. Nous lui avons simplement rappelé qu'elle avait une famille et que si elle continuait dans ce sens, vous ou elle perdrait la vie. Votre sœur a pris cela comme une menace et ce n'était pas plus mal. Elle a arrêté.
Sayuri voyant le regard attentif de sa cadette comprit qu'elle écoutait le fantôme. Elle s'assit, lasse. La soirée s'était merveilleusement passée avec ses amies mais il a fallu d'une mauvaise blague du fantôme d'un enfant pour que cela soit gâché.
Kaori s'installa à table en face de sa sœur et lui répéta ce qu'Hideyuki lui avait expliqué.
-Écoute sœurette, je me doute que tu as peur pour moi mais il ne m'arrivera rien. Je vais délivrer le message à son partenaire et c'est tout.
-Mais ce sont des tueurs Kao !!
-Et ils vont me tuer pour cela ? Je ne sais même pas si Monsieur Saeba va me croire !! dit Kaori en levant les bras au ciel. Je lui répète ce que Makimura me dit et fini ! Terminé ! Et le fantôme ne va pas me tuer vu qu'il est mort !! Ca te convient ?
Hideyuki toussota. La médium le regarda.
-Je vais vous laisser avec votre sœur. N'oubliez pas Kaori ! 11 heures demain devant le tableau des messages ?
Kaori lui sourit et il disparut.
- Makimura est partit, dit Kaori. Tu aurais dû me parler des menaces qu’ils t’ont faites. Je suis peut-être ta cadette mais je ne suis plus un bébé. Nous ne sommes plus que toutes les deux. Nous ne devons rien nous cacher. Même si cela est dangereux!
Sayuri lui sourit tendrement.
-Ok, je suis désolée, Kao! J’avais si peur qu'il ne t’arrive quelque chose!
Kaori serra l’épaule de sa sœur et lui amena son thé.
-Makimura est gentil avec toi ?demanda Sayuri légèrement inquiète.
-Oui tu n'as pas de soucis à te faire. Ils semblent méchants mais en fin de compte , ils ont le cœur tendre, répondit en souriant la médium. Ils défendent la veuve et l’orphelin.
Sayuri haussa un sourcil, surprise de la réflexion de sa petite soeur. Elle avait du mal à les imaginer en…gros nounours.
Kaori serra la main de sa sœur avec tendresse.
-Hideyuki est là pour que je délivre un message à son partenaire.
Sayuri soupira. Elle savait que Kaori était têtue et elle n'insista pas.
-Monsieur Saeba se sent coupable et il est complètement perdu. Je ne peux pas le laisser se torturer comme ça, insista-t-elle.
Kaori était la générosité même. Voyant toujours le bien même dans le cœur le plus noir. Sayuri soupira.
-J'ai quand même peur pour toi fais attention avec Saeba, Kaori ! C'est un obsédé ! s'exclama-t-elle.
-Ne crains rien, j'ai de quoi me défendre! dit Kaori en montrant une gigantesque massue. Je l'ai baptisé, crois-moi !
Sayuri sentit des libellules lui tomber sur le crâne. Kaori et ses massues !!
-Tu l'as rencontré ?
-Oui Makimura me l'a présenté.
Kaori vit sa sœur commencer à ranger les dossiers dans le carton.
-Laisse sœurette, je vais m'en occuper. Si tu permets, je vais continuer à les regarder car je vois Monsieur Saeba demain. Je veux éviter les mauvaises surprises, dit Kaori.
Sa sœur la fixa.
-Il y a des choses assez dures à voir Kao. Tu es sûre ?
-Je ne suis plus un bébé!!!souffla la jeune femme.
Sayuri sourit. Non, en effet. Sa cadette était une magnifique jeune femme, adorable et intelligente. Leur mère serait fière d'elle. Sentant la tristesse la gagner, elle laissa sa sœur avec les documents et lui souhaita bonne nuit.
Sayuri sortit de la salle de bain en pyjama. En entrant dans sa chambre, elle se rappela que Kaori avait eu la visite d'Aiko. Ce petit garçon blagueur avait été un camarade de sa sœur.
Sa mère et elle n'avaient pas compris tout de suite que Kaori avait le don de voir les morts. C'était difficile à comprendre pour un adulte rationnel alors pour une enfant de cinq ans... lui expliquer que le camarade qu'elle voyait était décédé... C'était quelque chose de surréaliste. Sa mère, complètement perdue, avait dû faire appel à une chamane.
-Maman !! soupira Sayuri.
Elle prit un cadre sur sa table de chevet. Toutes les trois réunies pour une photo avant que la maladie ne vienne enlever leur mère. Sayuri se leva et sortit une boîte à chaussures du fin fond de son armoire.Quand aura-t-elle la paix avec ça ? Elle pensait que c'était loin derrière, étouffé ! Mais comme un boomerang cela lui revenait dans la figure. Tant qu'elle n'en parlerait pas, cela remontrait à la surface.
- Maman, murmura-t-elle, que dois-je faire ? Est-ce que révèle la vérité à Kaori mais, est-elle prête à l'entendre ? Me détestera-t-elle après ça ? Si tu étais encore là maman, tu saurais quoi faire ! Tu me manques tellement !!
Sayuri s'assit sur son lit sentant les larmes arriver. Elle entendit sa sœur aller dans la salle de bain puis s’arrêter.
-Tout va bien ? demanda Kaori derrière la porte.
La jeune femme se reprit pour ne pas inquiéter sa cadette.
-Oui Kao! Bonne nuit !
Kaori n'était pas dupe ! Quelque chose n'allait pas. Elle savait que sa sœur était tourmentée pour une raison qu'elle ignorait. Elle continua sa route et se promit de voir cela demain.
Sayuri souffla pour reprendre contenance. On avait du mal à berner sa petite sœur. Ce don était une vraie plaie. Cela avait bouleversé sa famille et compliqué les choses pendant des années. Elle posa la boîte sur sa table de chevet et se coucha.
La nuit tombait sur la capitale Tokyoïte, les gens rentraient chez eux après le travail. Dans un immeuble aux briques rouges, un homme était assis dans son canapé, un verre de saké à la main, regardant le dossier posé devant lui.. Saeko était entré dans son appartement pendant que Ryo courait après les jupes des filles cet après-midi. La vitesse avec laquelle elle avait eu des informations sur Kaori, le rassurait dans un sens car cela voulait dire qu'il n'y avait rien. Alors pourquoi ouvrir le dossier? Ça ne servait plus à rien ! Si? Mais le professionnel qu’il était repris le dessus. Il posa son verre et ouvrit la chemise (le dossier pas sa chemise!!). Il vit le curriculum vitae de la jeune femme. Sa vie familiale, scolaire, ses études...tout ce qu'il y a de plus normal. Même son dossier médical !
Il fronça les sourcils quand il vit un rapport de police sur un accident . Kaori avait été renversée par une voiture et cela avait été violent. Le conducteur, sous le choc, avait expliqué que la jeune fille de 14 ans avait été comme propulsée sur son véhicule. Les témoins affirment que Kaori était seule sur le trottoir. Le nettoyeur, intrigué, s'installa plus confortablement en continuant sa lecture avec le dossier médical . L’adolescente était restée dans le coma deux mois entiers. Les médecins étaient pessimistes mais Kaori s’était réveillée et s’en était suivi une longue période de convalescence.
-Et elle est devenue une étudiante brillante, qui plus est! Belle revanche! pensa Ryo admiratif.
Soudainement, il mit le rapport de côté et farfouilla dans les autres papiers.
-Ses mensurations? Tu les as mises où, Saeko?
Dans sa recherche, Ryo remarqua qu'une feuille était collée à une autre. Il les sépara puis regarda le papier. Zut! Ce n’était pas ce qu’il voulait! C'était un article de presse sur des étudiants boursiers avec leur bienfaiteur. Ryo repéra aussitôt Kaori. Il la trouva magnifique et encore plus avec le grand sourire qu'elle affichait. Son regard n'était pas tourné vers l'appareil mais vers une personne qui semblait se tenir à côté du photographe. Avait-elle un petit ami ? Au café, il lui semblait que non. Ryo se donna des coups de poings sur la tête. Elle faisait ce qu'elle voulait, ce n'était pas ses affaires !!
Mine de rien, cela lui donnait une drôle d'impression en pensant qu'elle n'était pas célibataire. Il ressentit une pointe de déception.
-Arrête tes âneries Ryo ! Tu la trouves sexy alors tu veux te la faire !se persuada-t-il.
Il but son verre de saké cul-sec et monta se coucher, l'article de journal encore dans sa main.