Névrons Chevronnés
[Élémentaire]
L’Expédition 33 déambulait depuis un moment dans le Colisée de Sirène. Saisis par la divinité criante des lieux, ils scrutaient chaque pierre sculptée, chaque jarre dont les dorures illustraient de splendides scènes dramatiques de temps immémoriaux. Rares étaient les mots qu’ils avaient échangés depuis qu’ils avaient atterri ici grâce à Esquie, leurs esprits obnubilés par le chant de Sirène.
Les Ballerines se révélaient belliqueuses et, dotées d’une habileté agile, prenaient un grand plaisir à esquiver la majorité des attaques du groupe. De leurs mouvements gracieux, elles disposaient de leurs atouts pour charmer les membres de l’expédition. Sans soin prodigué, ces derniers s’attaquaient alors aux autres membres plutôt qu’à l’ennemi. Ces conditions de combat éreintantes, alliées au chant de Sirène, commençaient à épuiser l’expédition.
Ce fut alors au tour d’un ennemi encore inconnu de se révéler à eux. Il prenait le nom de Bénisseur et, quelque fut le sacrement attendu par chacun, personne n’aurait souhaité rencontrer cette créature pour aucun rite. Celle-ci se dressait immensément de ses trois mètres, comme l’avait estimé Verso. Pour tout attribut céphalique, il disposait d’un large bol empli d’une eau en constante ébullition. À ce bol étaient fixées de larges banderoles flottant au vent. Il était aisément soutenu par son large corps dont la vue se révélait fort désagréable pour Monoco. Nonobstant, cela ne l’empêchait pas de désirer fermement sa jambe.
Il se précipita au combat face à lui, épaulé de part et d’autre par Lune et Maelle. Verso et Sciel restaient en retrait, prêts à se disposer en équipe de secours. Le Bénisseur initia le combat en créant, menaçantes au-dessus de sa tête, de nombreuses bulles d’eau bouillonnante.
Maelle effectua une foulée vive d’instinct, mais aussitôt, le bénisseur répliqua. Promptement, il projeta en rafale ses nombreuses bulles bouillantes. Maelle parvint à esquiver le projectile, Monoco fut épargné. En revanche, leur surprise fut intense lorsqu’ils aperçurent Lune, haletante. La jeune femme était effectivement parvenue à parer toutes les balles d’eau flottante ainsi qu’à réaliser un puissant contre.
Lune était la maîtresse des éléments au sein du groupe, son affinité avec l’eau, le feu, ainsi que ce subtil mélange apparaissait comme naturelle. Toutefois, réaliser une telle parade lors de la première rencontre avec un ennemi n’était pas chose commune ni aisée, ce qui avait donc provoqué la surprise et l’admiration de ses partenaires.
Cette surprise se renforça lorsque le bénisseur, pour toute attaque, renvoya de multiples bulles en direction de Lune uniquement. D’une grande adresse, elle parvint à nouveau à toutes les contrer.
« Je pense qu’il t’aime bien, Lune ! cria Maelle.
– J’ai plutôt l’impression qu’il a une rancœur personnelle envers moi !
– Non, objecta Monoco. Tu as juste un talent particulier avec les éléments. Il aime bien ça. »
Une nouvelle salve de bulles, une nouvelle parade effectuée par l’élémentaliste.
« Je crois qu’il veut juste jouer avec toi, s’amusa Maelle.
– Lune a un grand talent pour renvoyer les balles. Elles sont aussi ardentes que son âme, voire que ses ennemis quand elle les fait rôtir.
– Dois-je vous rappeler qui a réussi le défi de volley-ball le plus difficile sur la plage Gestral ?, lança Lune d’un ton trop sérieux pour la discussion.
– Tu es incontestablement la meilleure à cet exercice.
– J’en fais une affaire personnelle. Nous verrons bien qui gagnera ! »
Par gagner, Lune entendait désormais davantage une partie de volley-bulles qu’un combat acharné. Elle était si déterminée à triompher de son adversaire que les autres membres de l’expédition se retrouvèrent tous les quatre, assis sur le côté, à exceller dans le rôle de supporteurs.
Durant de longues minutes Lune et le Bénisseur s’amusèrent dans un combat qui ne pouvait pas être gagné, ni perdu. Un simple échange sportif qui les divertit grandement. Quand le match se termina finalement, sans qu’on eût pu, ni même désiré compter les points et désigner un gagnant, un éclat de tristesse sembla traverser le bénisseur, dépourvu pourtant de visage.
Lune le railla alors en lui disant qu’elle comptait sur un prochain match retour, espérant que le Névron se sera amélioré d’ici là. Empli de fierté, le Bénisseur bouillonna, dans la promesse d’un lendemain de retrouvailles amicales… et sportives.