Jade, l'apprentie humaine

Chapitre 14 : Entrée dans l'Hôtel de Ville

5078 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/05/2018 13:46

Livre 3 : Evasion


Chapitre 14 : Entrée dans l'Hôtel de Ville 



Je m'appelle Jade, et je suis une archère provenant de la ville de Thyrène. Je ne suis donc à la base qu'un tas d'élixir solidifié et préprogrammé pour se battre. Mais au fur et à mesure des jours, je suis devenue de plus en plus humaine. Mes sens sont nés, se sont aiguisés, mes besoins se sont fait plus grands. Et cette nuit, alors que je sortais avec Reford et Diana, en route vers l'hôtel de ville de Thyrène, je me disais qu'être humain apportait plus de désavantage qu'autre chose... ! C'était la première fois de ma ve que j'expérimentais l'essoufflement et la douleur dans la plante de mes pieds. Mais au moins, j'étais désormais libre de faire ce que je veux. 

Au-dehors, la nuit était faiblement éclairée d'une pleine lune, suffisamment pour à la fois nous cacher, et nous permettre de voir. Nous avions attendu quelques heures avant de sortir pour nous diriger vers l'hôtel de ville, en plein couvre-feu. Il devait désormais être une heure du matin, et je déambulais dans les rues du district sud du village. Il faisait un froid glacial qui me faisait trembloter dès que je m'arrêtais pour laisser un groupe de garde passer, torches à la main. Ajouté à cela l'humidité froide du gazon, ou des pierres qui constituaient les grandes allées dallées, et mes doigts de pieds furent vite gelés. Alors que je pensais que celle qui traînerait serait Diana, en raison de son manque d'entraînement physique et du gros sac qu'elle portait, je me trompais lourdement... !  



Reford n'avait pas paru si surpris que ça de voir une esclave rejoindre la mission. Encore un bon point pour moi. Il était essentiel qu'il ne se doute de rien jusqu'au commencement de la cérémonie de départ, demain, un peu avant midi. Lorsque le sorcier était devant nous, nous nous jetions des coups d'œil complices en cachette, comme pour renforcer notre conviction.  


Une heure plus tard, nous arrivions vers le centre du village. Comme me l'avais déjà expliqué Reford, ce dernier était composé en cinq parties. Quatre districts (nord, sud, est, ouest), et une partie centrale, où vivaient les grosses fortunes et /ou amis du Roi, ainsi que ses courtisans, mais aussi là où on pouvait voir les meilleures défenses du village. C'est aussi là que se trouvait l'Hôtel de Ville que nous voulions atteindre. Mais pour passer d'un district à cette zone centrale, il y avait une simple porte de de quatre mètres de haut au milieu de remparts en bois de la même taille. Exactement comme pour passer d'un district à un autre, sauf que là, c'était beaucoup plus protégé.  


Nous vîmes les remparts en arrivant entre une petite allée entre deux maisons. La porte, lourdement gardée, était quelques mètres plus loin sur la gauche. Nous pouvions voir trois gardes, lances à la main, baillant occasionnellement. Ils étaient éclairés par un feu de camp qui reposait sur un bouclier en or, lui-même surélevé par une structure pyramidale faites de bâtons de bois, et accroché par des cordes qui se rejoignait au sommet de ladite pyramide. Il était impossible de passer par là sans se faire remarquer, et c'est que Reford s'empressa de nous chuchoter.  


— Qui a dit qu'il ne fallait pas se faire remarquer ? lui répondis-je, les yeux fixés sur le foyer. On a juste besoin de libérer la voie.  


Pendant que je parlais, je saisi mon arc.  


— Les tuer tous ? Brillante idée ! Et s'il y avait d'autre gardes derrière la porte que nous ne pourrions voir d'ici ? Ils appelleraient des renforts, et nous trouveraient à coup sûr ! 

— Alors quoi ? rétorquai-je silencieusement.  


Reford haussa les épaules, détournant le regard vers les gardes. Je commençais à me caresser frénétiquement le menton, impatiente de trouver une solution. 


— Et toi Diana, t'en penses quoi ? 

— Enfin, Jade, ce n'est qu'une esclave...  

— Hé ! Elle est en face de toi, je te signale !  

— Chut ! répliqua Reford. Tu vas nous faire repérer. Très bien, qu'elle nous dise ce qu'elle a dans la tête si ça lui chante... ! 

— Il nous faut plusieurs angles de vue... marmonna Diana. De cette façon, on saura combien ils sont. Ensuite... on pourra décider si on les attire ailleurs, ou si on les abats. Non ? 

— Si ! Ça c'est une bonne idée ! répondis-je en regardant éloquemment le sorcier.  

— Bon, je vais me mettre en face de l'entrée sur un toit plat, bougonna-t-il en me rendant mon regard. Je reviens vite... 


Tandis que je hochais désespérément la tête, il partit en trombe. Au bout de quelques minutes, tous les gardes proches de la porte eurent le regard attiré par un bruit quelconque. L'un d'eux se détacha du groupe pour aller voir la source du problème. Deux minutes plus tard, quelqu'un nous tapota sur l'épaule. C'était un garde.  


— Qu'est-ce que... commença Diane. Oh, par tous les Dieux !  

— Chuuuuuut ! C'est moi ! Déguisé ! 

— Reford, chuchotai-je, effaré. C'est quoi ce plan foireux ? 

— Ils ne sont que trois ! J'ai assommé l'un d'eux et prit son uniforme. Du coup, je vais prendre sa place parmi les gardes. Ensuite, je vais feindre une envie de vider ma vessie, et m'écarter du groupe. A ce moment-là, vous allez envoyer une corde par-dessus les remparts. Je l'attraperais, et vous grimperez ! 


Ça n'avait pas l'air d'être une mauvaise idée... D'autant plus que les remparts, nous mettaient dans l'ombre de la lune. Par contre, une fois arrivé en haut, il faudrait que nous redescendions extrêmement vite la corde, cette fois, nous serions à découvert à cause du croissant de lune. Moi et Diana hochâmes la tête et Reford partit vers le groupe. Il nous fallut une vingtaine de minutes en tout pour nous retrouver tous les trois dans la zone centrale de Thyrène. Un peu plus d'une heure plus tard, nous étions au point de rendez-vous, entre une maison rose à trois étages, et un bar au nom pour le moins particulier... ! 

Finalement, après une demi-heure d'attente, un homme s'engouffra dans la rue. Immédiatement, je bandai mon arc, et les mains de du sorcier s'illuminèrent, prêtes à lancer des boules de feu. Ces dernières éclairèrent le visage de l'inconnu qui leva les mains en signe de paix.  


— Hé, doucement les jeunes ! murmura-t-il. C'est dangereux ces trucs-là... 


C'était un homme un peu moins âgé que Malphas, aux longs cheveux gris argenté, avec une barbichette et une moustache incroyablement entretenue. Son visage allongé s'accordait avec sa silhouette mince, presque fantomatique, serré dans une robe de chambre violette. Il posa son regard nonchalant sur notre petite troupe, et fit une fixette sur Diana. 


— Trois ? Malphas m'a dit qu'il n'y avait qu'un sorcier et une archère... ! 

— C'est une esclave que notre maître à juger bon d'amener, répondit Reford avant moi.  

— Hum... Je vois... C'est comment ça qu'il souhaite me payer, chuchota-t-il en posant sur elle un regard que je n'appréciais pas.  

— Payer... ? répétai-je, hébétée. 

— Elle n'est pas à vendre, répliqua silencieusement le sorcier.  


Je plissai les yeux de dégoût en comprenant les insinuations de ce vieil homme. Alors comme ça, on pouvait aussi vendre des êtres humains ? Je voulus renchérir avec quelque chose de cinglant, mais il parla en premier après avoir eu un sourire narquois :  


— Mon nom est Lancelot, pour vous servir. Vous avez vos déguisements ici, ajouta-t-il en leur balançant un grand sac à mes pieds. Quant à elle...  


Il dévisagea Diana de la tête aux pieds, un sourcil levé tellement haut qu'il passait sous une de ses mèches argentées. Elle avait un vêtement bien trop grand pour elle, une sorte de grand tissu blanc qu'elle avait plié et enrouler autour d'elle, de sorte que cela ressemblait à une grosse salopette de plusieurs couches.  


— Je vais faire en sorte de la faire ressembler à une personne de haut rang, finit par dire Lancelot, en sortant des ciseaux de son peignoir. 


Je la vis l'empoigner par le bras et l'emmener derrière un pan de mur avec crainte. Par-dessus ma robe d'archère, je mis une robe bleue, avec une grande veste blanche dans laquelle je cachai mon arc. Je n'étais pas censé l'amener, aussi le fis-je lorsque Reford regardai ailleurs. Ce dernier troqua son déguisement de garde pour un costume noir et sobre, tandis que Diana s'était vêtue d'une longue robe bleue comme le ciel et évasé qui lui allait à merveille. Une fois que nous eûmes finis, Lancelot sortit de la rue en compagnie de Diana. 


On aurait dit une toute autre personne. Le drap blanc et inexpressif qui la couvrait était devenue une délicate robe blanche dont les plis tourbillonnaient autour d'elle comme un papier kraft autour d'un bouquet de fleurs. 


— Je me rappelle maintenant, dis alors Reford. Vous êtes couturier, c'est bien ça ? 

— Couturier du Roi, en effet, sourit Lancelot en rangeant ses ciseaux dans sa poche. Allons-y s'il vous plaît. 


Nous arrivâmes bientôt devant l'hôtel de ville.  

C'était une gigantesque et imposante bâtisse, dont la majestueuse entrée se trouvait au sommet d'un grand escalier surveillé par des gardes qui nous accueillirent d'un hochement de tête. La façade extérieure était orange, et des lianes commençaient à tapisser le bas des murs du bâtiment à l'unique cheminée. Quant au hall d'entrée, c'était une grande salle avec plusieurs guichets d'accueil fermés, fortement éclairée par un lustre dantesque au-dessus de nos têtes, si bien que nous fumes aveuglés après plus de deux heures et demi dans le noir. Par ailleurs, je n'avais jamais vu autant de luxe de toute ma vie (ou de luxe tout court, en fait), et je compris rapidement l'attrait des humains pour toutes ces choses brillantes.  


— C'est ici que le Roi prend ses réclamations. Nous, on va derrière cette pièce.  


Il se dirigea vers une porte placée au fond et au centre de la pièce, entre deux guichets. Pour l'ouvrir, il passa sa poignée ceinturée par un épais bracelet en or devant un petit carré noir taillé dans le mur. Cette dernière clignota avec un petit bruit aigu et la porte s'entrouvrit avec un bruit qui ressemblait étrangement à un soupir. D'un signe de tête, il nous fit signe d'entrer. 

Notre groupe déboucha sur un grand espace carré, rempli de tentes posées à même le gazon, au milieu desquelles de maigres sentiers se frayaient un chemin. De gros cartons étaient posés ça et là, et l'espace tout entier était sous un grand plafond voûté, et encerclé par d'épais murs faits de pierres taillés grossièrement. C'était une forteresse. Lancelot nous amena avança un peu avant de bifurquer un peu, vers une grosse porte centrale sur notre droite.  


— Quelle est donc cet endroit ? m'enquis-je, provoquant le soupir exaspéré de Reford.  

— C'est là où les villageois se protègent en cas d'attaque. 

— La population de Thyrène rentre ici ? 

— Les plus pauvres, oui. Les plus riches, eux, accèdent aux souterrains. De ce fait, ils sont mieux protégés an cas de destruction de notre Hôtel de Ville.  


Je ne répondis rien, l'air pensive. Alors comme ça, plus on était riche, et plus on avait de chances de survivre... Je n'y vis pas d'inconvénient au premier abord. Les pauvres l'étaient sûrement parce qu'ils l'avaient mérité. Puis soudain, mon regard croisa la silhouette de Diana, esclave, qui ne devait pas avoir un rond sur elle. Cela voulait-il dire qu'en cas d'attaque, elle avait plus de chances de mourir qu'un gars comme... Malphas ? Mes yeux s'écarquillèrent de stupeur. 


— Je... Je n'aime pas ce système... ! murmurai-je, ne pouvant réprimer une grimace de dégoût.  


Lancelot et Reford me lancèrent un regard bizarre, puis se regardèrent entre eux éloquemment. Arrivé à la porte, nous débouchâmes sur un hall, et montâmes les étages de ce qui semblait être une tour jusqu'au cinquième étage. Là, deux gardes se tenaient au milieu du couloir dans lequel nous marchions. Lancelot s'arrêta à leurs niveaux et les salua brièvement de la tête, avant de sortir un papier de sa chemise de nuit.  


— Voici ma convocation, marmonna-t-il en leur donnant le bout de papier, avant de jeter un regard sur notre petit groupe. Et eux, c'est mes invités. Des proches du Roi.  


Les deux gardes à l'armure dorés hochèrent la tête, le visage serré par leur casque, et entrouvrirent la double porte qu'ils protégeaient. Lancelot nous fit alors signe de pénétrer dans la sombre pièce. Elle était circulaire, avec une grande table ronde en son sein à laquelle plusieurs personnes étaient déjà assises. Des bougies ici et là éclairaient faiblement les visages des uns et des autres., projetant des ombres macabres et tremblotantes sur les murs de velours rouges, entre les différentes peintures du Roi. Ce dernier était assis en face de nous, en bout de table, devant une grande cheminée allumée. Mon cœur ne fit qu'un tour lorsque je le vis. Je me paralysai et ne put que froncer les sourcils sur sa silhouette.  


— Lancelot, te voilà enfin ! clama-t-il en levant son bras de manière grandiloquente. Assis-toi donc, toi et tes invités ! 

— Merci, votre Majesté ! répondit-il avec un grand sourire en nous poussant doucement vers nos sièges.  


Je m'assis entre Diana et Lancelot, tandis que Reford se mettait à la gauche du couturier. Tout d'un coup, une question, une de plus, tarauda mon esprit : pourquoi inviter un couturier à une réunion ultra-secrète ? 


— Bien, nous allons donc pouvoir commencer ! s'exclama un homme , chauve à l'air sévère à côté du Roi. Cette réunion est un secret d'Etat maximal. Levez votre bras gauche, et jurez sur l'âme des ancêtres qui ont découverts cette vallée, sur les Dieux qui ont mis à notre disposition des troupes diverses afin de nous protéger, que vous ne dévoilerez en aucun cas son contenu.  


Toute l'assemblée s'exécuta, moi y compris, ne pouvant toujours pas détacher mon regard du Roi.  


— Tout ce qui sera dit à partir de maintenant est dit pour le bien de la population de Thyrène, et toutes les décisions de notre Roi bien-aimé vont en ce sens. Bien.  

— Avant de parler de la cérémonie de départ qui aura lieu dans quelques heures, j'aimerais, si le Roi me le permet, revenir sur quelque chose qui a eu lieu quelques jours. Il s'agit de la bataille contre les Gobelins que nous avons perdus. Une réunion a eu lieu le jour même, mais désormais, nous avons plus d'éléments. 

— Quels sont donc ces éléments, Drefus ? s'enquit un vieil homme vers ma droite. 

— Nous sommes en mesure de vous dire que nous avons un traître dans notre village. Un traître qui a averti les Gobelins que nous étions sur le point d'attaquer. Des personnes ont vu, pendant la bataille, certaines de nos troupes fuir après le combat, au lieu de retourner au camp militaire. Notamment, une archère, des chevaucheurs de cochons, un sorcier, et des barbares d'après les témoignages.  


Je réussi enfin à détacher mon regard du Roi et me tourna vers Reford, les yeux écarquillés de stupeur. Ce dernier me fit signe d'un coup de tête de ne pas réagir comme cela et de me reposer dans mon siège. Je m'exécutai, toujours choquée. Alors comme cela, on nous avait repéré ce jour-là... 


— C'est la première fois que j'entends une telle ineptie, grogna une vieille voix.  

— C'est pourtant vrai, répondit une voix féminine à l'opposé. J'ai aussi entendu des rumeurs.  

— Les troupes ne peuvent penser d'elles même ! décréta le Roi en tapant du poing sur la table. Ce ne sont que des choses, des ressources ! Elles ont forcément été volés ! 


J'eus envie de sauter au cou du Roi pour l'étrangler. Moi, une simple ressource. J'esquissai un mouvement de tête un peu brusque vers lui.  


— Comment pouvez-vous en être sûr ? 


Tout le monde se retourna lentement vers moi, en agitant paresseusement des éventails, ou bien en me dévisageant du coin de l'œil au-dessus de paires de lunettes.  


— Mais enfin, chère cousine, qu'es-tu en train d'insinuer ? Bien sûr que les troupes ne sont que des objets ! Elles se seraient rebellées depuis longtemps dans le cas contraire, n'est-ce-pas ?  


Cette fois, ce fut à mon tour de me retourner, avec l'assemblée, vers la voix qui venait de parler, et qui n'était autre que celle de Reford. J'étais tellement abasourdie que je restai la bouche entrouverte, trop hébétée pour répondre.  


— Excusez-là ! reprit Reford avec un petit rire. Elle a tendance à poser beaucoup trop de questions et à chercher des raisons à tout et n'importe quoi ! 


Je m'enfonçai dans mon fauteuil, furieuse. Je comprenais ma démarche, mais ne pouvait qu'être en colère devant les affirmations erronées de ce Roi. S'il savait qu'en ce moment même, il avait justement deux troupes qui s'apprêtaient à lui mettre à l'envers... ! 


— Pourquoi voler des troupes ? Une rébellion serait-elle en train de naître au sein de notre petit village ?  

—Il faut des moyens pour le faire, rappela le Roi. C'est pour cela que je garde la population a un degré de pauvreté assez haut. 

— Pourtant, il y a quelques grosses fortunes à Thyrène, n'est-ce-pas ? questionna lentement un vieil homme chauve en regardant fixement Lancelot. Sans compter ceux de sang royal en vacances ici.  

— Exact, et j'en fais parte, répondit sèchement Lancelot. Mais moi et les autres riches n'avons aucun moyen, ou aucune raison, de voler des troupes. D'autant qu'il serait très dur de les cacher alors que nous sommes si près de l'hôtel de ville ! 

— C'est vrai, concéda le conseiller du Roi. Il nous faut exclure tous les riches n'habitant pas le centre du village. Dans ce cas-là, Malphas est le seul auquel je pense...  


Il regarda craintivement le Roi écarquiller de surprise, avant qu'il ne tape violemment du poing sur la table. Lancelot avait un subtil mouvement de jambes sous la table, peut-être dû aux peurs ou à la surprise. Reford regardait le Roi, interdit. Diane ne semblait pas plus choquée que ça, bien que je la sentis se redresser sur son fauteuil, comme pour mieux écouter ce qui aller suivre. Alors comme ça, Malphas avait une petite renommé dans l'entourage royal et les flammes des bougies y virevoltaient. 


— Ce vieux rabougri ! tonna Richard en frappant de nouveaux la table, faisant sauter toutes les échoppes posées dessus. Cet imposteur, qui m'a ridiculisé lors de cette soirée de gala... ! Il serait complètement possible de faire ça, je le sais ! Je le connais ! 


Je ne savais pas encore ce qu'il était passé lors de cette soirée de gala, mais il était toujours étrange de me rendre compte qu'il s'était passé des choses avant mon existence... Et qu'il s'en passerait aussi après... Mon esprit ne divagua pas longtemps, bientôt ramené à la réalité par les complaintes du Roi.  


— Je l'avais invité à notre réunion de ce soir, pour l'empoisonner et récupérer ses femmes ! Au lieu de ça, il m'a posé un lapin... ! Comme d'habitude ! 

— Qu'ont-elles de si particulier, ces femmes ? s'enquit alors Diane. 


Tout le monde la dévisagea du regard sans un mot, comme s'il venait de dire une énorme bêtise. Le visage de la jeune femme prit la teinte d'une groseille, tandis qu'elle cherchait de quoi se rattraper. 


— Enfin... je veux dire... étant donné que toutes les femmes sont aux pieds de son excellence... Pourquoi donc se concentrer sur les quelques femme de pè... de Malphas ? 


Lorsque je vis les regards se tourner avidement vers le Roi, je me rendis compte qu'absolument personne n'en connaissait la raison. Sûrement étaient-ils trop peureux pour demander, au vu de l'état dans lequel il se mettait en en parlant. Le Roi eut un sourire narquois en fixant Diane, avant de répondre.  


— Lui et moi sommes d'anciens amis aventuriers, si vous voulez tout savoir gente dame, souffla-t-il, de sorte que tout le monde se figer pour l'écouter attentivement. Mais peu à peu, nous avons pensé à nous poser et à créer notre propre village. Or, il nous fallait des troupes puissantes, non seulement pour se défendre, mais aussi pour conquérir... ! C'est alors que je pensais au village dans lequel j'ai grandi petit, et que j'ai dû quitter très jeune. Au fur et à mesure que je grandissais, je me souviens avoir remarqué que ce village correspondait de plus en plus à celui d'un conte très célèbres... 


— La zone des légendes... murmura une femme. Un village de femmes aux pouvoirs mystérieux mais dévastateur ! 

— Légende qui s'est avéré vraie ! s'écria hystériquement le Roi, un éclair de folie dans l'œil, comme s'il retournait dans le passé. Alors j'y suis retourné, avec lui ! Mais... Alors que nous étions arrivés depuis sept jour... Le matin du huitième jour, je retrouvais le village rasé et désert. Toutes les femmes et Malphas avaient disparus. Cette espèce de bachibouzouk m'avait devancé... ! 


Il hocha la tête dans un soupir.  Malphas l'avait donc trahi. Et ces femmes "spéciales" étaient sûrement celles que je croisais sans cesse depuis une semaine à la maison (en même temps, j'avais toujours trouvé bizarre que le vieil homme ait plusieurs femmes). Ils les avaient donc prises avec lui, avide de pouvoir, en laissant son compagnon le Roi seul. Oui, c'était sûrement ce qu'il s'était passé. Cependant, j'aurais aimé en savoir plus sur ce mystérieux passé d'aventurier.  


— Toujours est-il que je connais bien Malphas ! C'est un spécialiste des coups bas.  

 — Nous organiserons une descente surprise chez lui, votre Excellence, décida Drefus. Devrions-nous parler de la cérémonie qui se passera dans quelques heures ? 

— Faites donc. 

— Pour vous protéger, nous sommes en ce moment même de former une dizaine de géants. Les meurtres de Rois sont courants dans les villages voisins, et nous n'avons pas envie que cela n'arrive. La Reine des Archers sera aussi là pour vous escorter. Nous lui préparer une grosse réserve d'élixir noir pour qu'elle soit au maximum de sa puissance.  


Quant à vous autres, continua le conseiller en se tournant vers l'assemblée. En cas de casse, vous pourrez vous réfugier dans l'hôtel de ville. Il vous suffira de dire le mot de passe suivant aux gardes : 2872. Si vous êtes ici, c'est que vos vies sont importantes, donc pas de prises de risques inutiles. Après la cérémonie, sortez du village par la sortie est et continuez pendant une petite heure. Nous serons là, avec le Roi, et ceux qui voudront bien l'escorter.  

Un grand silence emplit la salle. Même Lancelot regarda ses pieds. A priori, c'était une mission délicate... ! 


— Hé bien... Je veux bien ! s'exclama alors Reford. Je n'ai pas peur du danger, et suis un solide combattant. Et vous, chère cousine ? 

— Hein... m'écriai-je, prise de court. Heu, oui bien sûr... 


Reford n'était peut-être pas très courageux, mais il avait l'intelligence des relations, et la capacité à bien saisir les opportunités. Nous ne pouvions pas être plus proche du Roi. De là, on pourrait bousiller la cérémonie et s'échapper discrètement avec Diane et Ariane. 


— Parfait, des volontaires ! Nous allons vous mettre en contact avec le sergent-en-chef de nos armées pour les informations complémentaires. Lancelot, voulez-vous bien les emmener ? 


Ce dernier acquiesça à la demande du Roi. La réunion fut alors levée et tout le monde se leva. Je regardai Diane, inquiète : qu'allait-il donc lui arriver, maintenant que nous étions

séparés ! 


— Tu nous suis, lui ordonnais-je silencieusement, ce à quoi elle hocha doucement la tête.  

— Heu, mademoiselle, s'écria alors le Roi. J'aimerais m'entretenir avec vous.  


Les regards se tournèrent vers Diane, qui ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. Elle entrouvrit la bouche, les sourcils légèrement froncés, mais aucun son ne sortit de sa bouche.  


— Oui, c'est bien de vous dont je parle ! continua le Roi. 

— Heu... très bien, votre Majesté. 


Elle me jeta un dernier regard inquiet et contourna la table pour se diriger vers le Roi, tandis que tout le monde sortait. A contre-cœur, je sortais de la salle. Ou plutôt, Lancelot m'extirpa hors de cette dernière de force.  


— Tout ira bien, assura-t-il. Concentre-toi sur la mission.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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