L'histoire que l'on veut écrire.

Chapitre 3 : Florence

Chapitre final

924 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 18:39

Les jeux de cache-cache entre les ombres et la lumière nostalgique de ce petit matin d'hiver faisaient sourire Leonardo. L'ombre et la lumière ici, la lune et le soleil dans le temple de cette terre inconnue à l'autre bout du monde... L'analogie était trop flagrante.

En les voyant, tous pensaient à coup sûr que Leo était le solaire et Girolamo le ténébreux, mais dans l'intimité, il s'était montré bien plus facétieux que lui et avait donné à leur nuit un tour bien plus léger que Leo ne l'aurait cru. Pour se défaire d'une pudeur inoculée par des dizaines d'années sous le joug de sa foi, il s'était glissé dans la peau d'un apprenti et cette ruse avait porté ses fruits. Au diable les pudibonderies, l'humour avait abattu toutes les réticences possibles.

Leo l'avait toujours su, grâce aux sourires furtifs, à l'éclat dans son regard, sous l'austère Comte Riario, Capitaine de la Sainte Eglise Catholique, se cachait un homme qui goûtait l'ironie et le piquant des événements.

Une caresse dans son dos lui dit que son amant était réveillé. " Vous êtes bon professeur, Signore da Vinci !

Leo se tourna vers lui en riant :

  • Et vous un élève appliqué, Comte. Appliqué et avide de connaissances... Je vous donne la note maximum !
  • Merci ! Hélas, il faut que je te chasse au plus vite. Tu dois prévenir ton ami... Si je peux me permettre un conseil, le carnaval approche, filez à Venise dans un premier temps, avant de trouver un refuge plus sûr au-delà des Alpes. Je tente de prendre des contacts pour vous en France, mais en tant qu'artiste tu as certainement plus de chances encore que moi de trouver un protecteur à ce “chien“ de Zoroastre.

Il avait conclu dans un sourire, Leo saisit la balle au bond :

  • Il ne t'a jamais pardonné d'avoir mis Nico à la torture lors de votre toute première rencontre et de faire partie d'un monde auquel il n'aura jamais accès. Sa défiance s'applique à tous les nobles.
  • Hm... Il y plus que ça entre nous, crois-moi... Mais laissons là ce sujet. A mon grand regret, tu dois partir, Leo.

Leo obéit à son impulsion :

  • Viens avec nous !
  • Tu... tu es sérieux ?
  • Et comment ! Outre que j'ai envie de t'avoir à mes côtés, songe que ta renommée, ajoutée au crédit que je pourrais avoir en France, donnerait plus de chances à cette entreprise !

Au terme d'une courte réflexion, Girolamo murmura :

  • Pourquoi pas ! Je pourrais laisser des ordres à mes hommes et vous rejoindre dans deux jours... Si vous deviez partir plus tôt, laisse-moi un indice de votre destination dans ton atelier... un simple bout de papier dans l'automate trouvé dans la cité sacrée, par exemple.

Leo bondit de joie et l'embrassa :

  • Oui ! Oui ! Toi et moi, comme à l'époque...
  • Et Zo ! N'oublie pas Zo !
  • Oui... Oh, si tu savais comme j'avais besoin de ça !
  • Je sais, l'artiste, crois-moi."


***


Girolamo choisit la nuit pour entrer dans Florence, où beaucoup auraient aimé lui apprendre les bonnes manières à la pointe du couteau. Le “Monstre d'Italie“, après tout, avait tué Clarice Orsini, la mère de Florence, un an auparavant. Leonardo lui-même, pour avoir trouvé, démasqué, puis soigné Riario, ne devait son permis de séjour qu'à son amitié de longue date avec la jeune femme qui l'avait remplacée.

Pour la circonstance, Girolamo avait abandonné sa belle tenue de Capitaine en chef en faveur du drap rugueux et du cuir épais et patiné qu'aurait porté tout aventurier. Il trouvait que tout cela lui irritait un peu la peau. Il prenait garde aussi à ne pas se tenir trop droit, tentait de relâcher sa posture, une discipline pour ce corps rompu à la rigidité depuis l'enfance.

Il fut un peu déçu de voir que l'atelier de l'artiste était en cours de réparation. Il était né une seconde fois dans ce lieu alors qu'il était en ruines et en avait gardé ce souvenir. Des heures très pénibles à cause du traitement drastique de Leo et surtout de la honte en prenant conscience des atrocités qu'il avait commises, mais des heures d'apaisement et de douceur aussi en se découvrant pour la première fois un ami. On avait tellement souvent craché au visage de ses tentatives de bienveillance, qu'il avait abandonné l'espoir de pouvoir un jour appeler quiconque "mon ami".

Laissant son cheval dans une ruelle proche, à l'abri des regards, il se faufila vers la porte et y frappa à plusieurs reprises. Aucune réponse... Pouvait-il trouver un autre moyen d'y pénétrer ?

Oui. Les toits... Il se rappelait avoir vu une lucarne dans une pièce adjacente.

Dans la nuit froide, des cris et des rires provenant d'une taverne voisine, des aboiements et le "bong-bong" plus lointain d'un forgeron assidu. Personne pour entendre la tuile qui se détachait et s'écrasait au sol, ni la plainte du châssis de la lucarne.

A la faible lueur de l'âtre, Girolamo découvrit aisément un chandelier et se mit à chercher l'automate dans lequel Leo était censé lui laisser le message... Du bout des doigts, il trouva l'onglet qui déclenchait le mécanisme.

"Neutiquam erro !" Je ne suis pas perdu !

Leo avait pris la peine d'enregistrer sa propre voix dans ce fabuleux artefact.

" Attends-moi ici. Zo a disparu. Je repasserai régulièrement par l'atelier la nuit venue."

Cet imbécile de Zo !




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