L'enquête de la Wammy's House

Chapitre 5 : L'enquête de L

2592 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 18/01/2021 12:14

Wammy’s House, salle des registres, vendredi 18 janvier 1999, 08h37


- Tu ne devrais pas entrer, déclara M en croquant dans sa tablette de chocolat.

- Je ne te demande pas de prendre de décisions pour moi, fit froidement L. Ce n’est pas le premier corps que je vois.

- Ce corps là, crois-moi, tu n’es pas près de l’oublier.

- Arrête de faire du drama, M, Watari m’attend.

- Je t’aurais prévenu. Tu iras voir N s’il te faut pleurer, pas moi.

L regarda M du coin de l’œil, il n’agissait pas normalement. Comme s’il était touché, brisé. Qu’avait-il bien pu se passer dans les archives ?

- M ! cria L avant que celui-ci s’en aille. Appelle O pour moi, tu veux bien ?

M s’arrêta, hocha la tête et s’en alla sans montrer à L ses poings qui se serraient.


L entra. D’abord il ne vit pas. Puis il ne comprit pas. Et enfin il n’accepta pas.

Dans la salle Roger, Watari, 412 et N étaient piqués autour du corps pataugeant dans une mare de sang. Le sang de O. Le corps de O, dont la gorge avait été sauvagement coupée.

N se retourna et fixa L qui fermait les yeux et contenait une colère naissante. Le courbé prit une inspiration. Une. Deux. Trois. Il rouvrit les paupières et demanda :

- Qu’est-ce que vous savez ?

Watari se racla la gorge, se reconcentra et répondit d’une voix sèche :

- 412 l’a trouvée ici il y a une heure à sa prise de poste. Elle nous a indiqué que le corps n’était pas encore rigide et le sang chaud. Cela venait donc juste de se passer. Cela colle aussi avec les rapides analyses de Roger. N a remarqué et récupéré les lentilles, la boite est sur le bureau. Nous n’avons encore rien regardé. Nous nous sommes dit que tu voudrais d’abord y jeter un œil.

- En effet, merci. Où est l’arme ?

- M vient de la récupérer pour la faire analyser, l’informa Roger, tu as dû le croiser. C’est un simple couteau de cuisine. Il doit également appeler ceux qui viendront récupérer le corps. Cela ne devrait pas tarder. Tu devrais lui dire au revoir avant l’autopsie…

L posa le regard sur le cou nettement coupé, puis remonta au niveau de ses lèvres. Une boule apparut dans son estomac.

- Non merci, ça va aller. Je veux que personne ne quitte la Wammy’s House avant de savoir qui a bien pu faire cela. L’enquête ne durera pas longtemps.


L tourna rapidement les talons, quitta la salle et courut presque vers les sanitaires.

Il n’avait pas vomi depuis son premier cadavre il y avait cinq ans de cela. Les spasmes durèrent de longues minutes. Puis, il sortit de sa cabine pour s’arroser le visage.

- Tu ne devrais pas t’imposer cela, fit la voix de 412.

- Que fais-tu ici ?

- Je me doutais que tu n’allais pas bien. O et toi étiez très proches, je voulais te soutenir, t’aider.

- Et comment ?

- Déjà en te déconseillant de visionner ce que O a vu. Tu pourrais mal le supporter.

- Tu ne me connais pas, 412. Je te demanderai de ne pas interférer dans mon enquête. Tu étais après tout sur la liste des suspects de O.

- Voyons L. Vous êtes mes enfants. Je vous ai vu grandir. Comment peux-tu m’accuser de cela ?

412 s’appuya sur un lavabo, sa peine et sa douleur semblaient réelles. L s’approcha de la femme.

- J’ai été la première enfant à la Wammy’s House, continua-t-elle. Je sais ce que c’est d’être une orpheline ici. Je sais ce que vous avez toutes et tous vécu.

- Je sais, 412. Pardonne-moi. Je… Je ne sais plus ce que je dis.

412 eut un léger un sourire, elle posa sa main sur l’épaule du jeune homme et déclara :

- J’ai fait mon deuil si souvent, je sais ce que tu vas traverser L, mais sache que tu trouveras en moi toujours quelqu’un pour t’aider.

Elle serra légèrement son étreinte et quitta les sanitaires, laissant L à ses larmes et sa douleur.


Wammy’s House, chambre de L, vendredi 18 janvier 1999, 12h10


L regardait l’écran de son ordinateur qui n’indiquait qu’une seule phrase écrite en vert : Fichier corrompu. Pourquoi tout faisait en sorte de lui rendre les choses plus compliquées ? Il aurait tellement aimé voir d’autres images que celles qui se répétaient dans son esprit. Il voyait O, étendue, glaciale et amorphe. Rien à voir avec ce qu’elle avait été.

L secoua la tête et saisit son portable. Sur son T9, il écrivit rapidement :

« Besoin de tes talents. »

N ne mit pas longtemps à venir, Watari avait certainement dû transmettre l’information que chacun au sein de la Wammy’s House soit prêt à répondre s’il avait besoin de leur aide.

- C’est étrange, commenta N, le fichier était parfaitement lisible.

- C’est ton invention, trouve la solution.

N se pencha sur le problème pendant de nombreuses heures. L, à qui la fatigue commençait à faire défaut, s’impatientait toujours plus. Il renvoya violemment B qui avait été missionné par Roger si jamais il avait eu besoin de se défouler. Plusieurs des plus jeunes orphelins avaient glissé un dessin sous sa porte. Dessin qu’il avait immédiatement jeté à la poubelle. Il refusa de répondre aux appels de ceux qui étaient en mission à l’extérieur de la Wammy’s House.

- Ça y est ! cria N après plus de cinq heures de recherche. J’ai accès aux images. Il me faut maintenant retirer la correction des lunettes de O. Encore dix petites minutes je te prie.

L se tenait derrière N, son cœur palpitait, son esprit surchauffait. Bientôt il allait régler cette affaire.


- Veux-tu que je reste ? demanda N.

L ne répondit que par un simple hochement de tête. N se réinstalla et laissa à L l’action de démarrer la vidéo.


La première image fut O devant le miroir sale. Retirer les lentilles de la boite les activait automatiquement. Quand elle les plaça et remit ses lunettes, L eut un pincement au cœur.

- Passe les dix prochaines minutes je te prie.

N ne releva pas et s’activa. La vidéo reprit. O se trouvait dans le couloir juste devant sa chambre. De ses doigts rapides elle pianota un message à un numéro non enregistré.

« J’aurais besoin de ton avis, rdv 7h. »

- O ! Que fais-tu dans les couloirs à cette heure tardive ?

- J’avais justement à te parler, déclara-t-elle en se tournant vers M.

- Ma chambre est à côté.

O suivait M sans rien dire. L se demandait quels étaient leurs liens. La conversation entre les deux ne reprit que lorsqu’ils furent dans la chambre. O ne semblait pas vouloir s’assoir.

- Ça avance l’enquête sur les meurtres ?

- Pas grâce à toi, V n’a pas arrêté de me coller à cause de tes mensonges. Jamais S ne m’a suivie hors de l’orphelinat.

- Fallait que je mette ma touche dans l’histoire.

- Et pour notre histoire, tu as avancé ?

- Ouais, j’ai quelque chose.

- Dis-moi tout.

- Je vais plutôt te montrer.

M se leva, souleva la latte près de sa table de chevet et tira un dossier.

- L’identité de Watari. Je n’y ai pas encore jeté un œil. Je me suis dit qu’il valait mieux que tu le saches avant moi. Après tout, c’est toi qui veux le détruire. Moi, je veux juste ce que tu me promets.

- Tu l’auras.

- J’espère bien, j’ai encore pas mal risqué pour toi.

- Et je t’en remercie.

- Ne me fais pas ton tour de charme, tu as déjà eu ce que tu voulais, pas la peine d’en faire trop. Garde ça pour L.

O dû faire une grimace d’agacement.

- Quoi ? Ne va pas me dire que tu ne le lui fais pas !

- Quand tu arrêteras d’être jaloux, on en reparlera. Je te laisse, j’ai une enquête à boucler.

- Va voir les avancées de V avant. Dis-moi si elle se plante.

- Je parie que non.


- Tu ne veux pas qu’on passe directement au rendez-vous de sept heures ?

L ne répondit rien et laissa la vidéo tourner. Les heures qui suivirent ne furent pas importantes. Pourquoi O avait-elle tant laissé planer le suspense ? Elle avait erré dans les couloirs de l’orphelinat, notant quelques inutiles détails sur son portable. Cela ressemblait aux débuts d’une enquête. L savait que O en voulait à Watari, mais il n’avait jusqu’alors jamais cru qu’elle s’attaquerait à la Wammy’s House en elle-même. Elle avait certainement compris que L y était attaché et donc n’en avait pas parlé avec lui, mais avec M.

Puis, soudain, le sujet redevint intéressant :

- Désolée de mon retard, je viens d’échanger avec V.

- Ne t’inquiète pas, ma douce O, rassura 412 d’un ton doucereux. Dis-moi plutôt ce qui t’amène.

- J’ai trouvé l’assassin de T et S.

- Oh ! Je t’écoute.

- Cette personne a des contacts avec la CIA et T était un fouineur. Digne d’être mon successeur, je dirai. Je n’aurais pas cru que tu fasses cela. Franchement ? Faire lire nos identités à la CIA ?!

- O, je peux tout t’expliquer.

- Oh ! Je t’écoute, répéta O, un brin d’ironie dans la voix.

- Toi et moi savons que Watari n’est pas l’homme qu’il dit être. Sous ses airs d’homme bon et généreux il utilise des enfants, des génies pour ses propres intérêts. Où est l’argent que les enfants sont censés récupérer quand ils effectuent une mission ? Dans les poches de Watari ! Je me devais d’arrêter cela, en tant qu’ancienne orpheline ici.

- En tuant d’autres orphelins ? Dis-moi plutôt pourquoi montrer nos dossiers à la CIA.

- Le jeu de Watari sera fini quand les identités de ses chouchous seront dévoilées au grand public. L, O, V, R, B, M, N…

- Et ton identité, l’as-tu donnée ? Ton discours cache de nombreuses choses. Je vais te dire ce que tu es. 412, tu es une lâche, une traitresse. Tu joues avec la CIA pour obtenir plus de thunes que nécessaire. Ta haine envers Watari n’a aucun fondement contrairement à la mienne. Ce que tu veux, c’est briller. Mais dois-je te rappeler quelque chose ? Si tu es la première à avoir mis les pieds ici, tu es la dernière des génies qui ont fréquenté la Wammy’s House. Puis… dois-je t’annoncer quelque chose ?

- Quoi encore ?

- Crois-tu vraiment que la CIA, contrôlée par Watari lui-même, puisse faire quelque chose contre la Wammy’s House ? Echec et mat, 412. Tu vas croupir dans une prison pour la fin de tes jours. Peut-être que Louis saura pardonner à sa mère quand tu auras effectué ta peine ?

Soudain, l’arme sortie et trancha la gorge. L appuya sur pause avant de voir la souffrance qu’allait ressentir O aux derniers instants de sa vie.

- Fais une copie de ses images, donne-les à Watari et faites ce que vous avez à faire. Il y aura deux arrestations aujourd’hui.

- Deux ?

- 412 et l’homme de la CIA. Je te laisse le soin de trouver son identité.


Wammy’s House, chambre de L, vendredi 18 janvier 1999, 22h56


« L, mes affaires sont dans ta chambre, je reviendrai. »

Combien de fois avait-il réécouté cette phrase ? Il était passé par toutes les formes d’humeur. Le choc de réentendre cette voix si posée, avec une pointe de dédain. Le déni de la mort de O qui empêchait cette promesse de se réaliser. La colère parce qu’elle lui avait menti. La tristesse en comprenant que plus jamais il ne la verrait. La résignation en réalisant qu’elle avait été la seule à pouvoir ressentir quelque chose pour lui et que plus personne ne pourrait l’aimer comme elle l’avait fait. Et enfin l’acceptation des faits.

C’est à ce moment-là que Watari entra. L était en train de visionner une nouvelle fois leur dernier baiser, du point de vue de celle qu’il aimait. Ce dernier baiser, il ne l’avait même pas savouré. Il ne se rappelait ni de l’odeur, ni du goût qu’il avait. L s’en voulait.

- Elle m’avait dit qu’elle ne serait pas mon successeur.

- Elle m’avait dit qu’elle reviendrait.

- Il faut croire qu’elle ne tenait pas parole autant qu’elle le devait.

L se leva, prêt à frapper le vieil homme de toute sa rage. Mais Watari ne leva pas les bras pour se défendre. L vit pour la première fois le désespoir marquer ses traits.

- J’essaie sans cesse, continua Watari, de ne pas avoir de favoris. Mais dès son premier jour à la Wammy’s House, j’ai su qu’elle serait différente. La manière dont elle mouchait Roger, le premier regard de haine qu’elle m’a lancé, ses premiers pas en classe. O était différente. Hautaine et brillante. Discrète et éblouissante.

- Pourquoi croyez-vous qu’elle m’ait tapé dans l’œil ? répondit L en se rasseyant.

- On dit souvent que la plus admirée ici est V. Mais qui n’a pas un jour rêvé de voir O lui sourire ?

- Même pour moi cela était dur à obtenir.

Watari et L se murèrent dans un profond silence et se recueillirent.

- 412 a été arrêtée. Roger et N recherchent toujours l’homme de la CIA. Ils seront jugés selon les lois.

- Je ne recherche pas la vengeance. Seulement la justice.

Watari avança vers le bureau du jeune homme, il posa une mallette en faisant attention de ne pas bouger les objets de O que L avait répartis.

- Les dossiers dans la salle des archives sont tous incomplets. Moi seul ai accès à leur entièreté. Celui-là n’a pas été touché depuis dix ans. Je n’avais pas besoin de le relire. Depuis le début je le connais par cœur.

Watari posa le dossier intitulé. « O – Alice Welles »

« Alice » chuchota L.

- Ma petite fille, compléta Watari avant de tourner les talons et de quitter la chambre.

L resta les yeux fixés sur la porte refermée. Au même instant une demande de contact d’Interpol résonna dans la pièce.


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