Victime

-Dépêche-toi un peu, râla Kiyomi, tu es vraiment lente.

Je lâchai discrètement un juron avant de lui passer la énième lettre de la boîte en carton devant moi. Cette boîte contenait toutes les demandes de nos membres. Dans chacune d'elles, le nom d'un meurtrier. Kira était supposé se charger du reste. Malheureusement, Light avait rejeté la tâche vers nous. Je lisais les lettres puis faisais des recherches sur internet pour vérifier l'identité de la personne à tuer. Ensuite, Kiyomi écrivait son nom sur les pages du Death Note. J'étais d'un côté soulagée de ne pas être à sa place. Je n'étais pas sûre d'être capable de donner la mort à des personnes qui ne m'avaient personnellement rien fais.

-J'ai l'impression de travailler pour un patron, me plaignis-je.

-Tu vois mal les choses Emi, rétorqua Kiyomi, nous sommes là pour satisfaire Kira.

Je levai les yeux au ciel avant de m'écrouler sur la table. Ce n'était pas ce que j'avais imaginé. Mais à quoi je m'attendais ? Une semaine était passée depuis la cérémonie. Les membres de notre organisation faisaient de leur mieux pour propager les idées de Kira à travers les villes. De nouvelles personnes nous avaient rejoins et pour l'instant, nous n'avions rencontré aucun problème. Je n'avais pas revu Ryuzaki non plus. Parfois, lorsque je n'avais rien à faire, je passai devant sa maison ou plutôt son ancienne maison. Un jour, j'avais réussi à suivre Mello jusqu'à chez Ryuzaki. Il habitait maintenant de l'autre côté de la ville, seul. Mon comportement était peut être étrange mais savoir où était Ryuzaki était devenu une vraie obsession chez moi.

En rentrant chez moi le soir, je restai silencieuse dans la voiture. Je n'avais pas vu Light de la journée. D'habitude, il m'envoyait un message ou m'appeler pour me demander comment s'était passé ma journée. J'étais vraiment consciente des efforts qu'il faisait pour se rapprocher de moi. Cependant, ces derniers temps, seule la survie de son organisation comptait. Lorsque je lui avais parlé des photos, il m'avait répondu en rigolant que ce n'était que pour déstabiliser Ryuzaki. Je lui avais gentiment pardonné parce que je n'avais de toute façon pas d'autres choix. Parfois je regardais Kiyomi et je ressentais de la peine pour elle. Elle faisait tout pour qu'il la remarque, tout pour qu'il pense qu'elle était quelqu'un d'utile. J'avais l'impression de me revoir en elle. Moi j'avais fui cette facette. Chaque jour, je me sentais mieux qu'hier. Du moins, lorsque je ne pensais pas à lui.

Je me dirigeai lentement vers ma maison. Je ne l'avais pas tout de suite remarqué mais je passai plusieurs fois devant la même affiche. Une jeune fille qui aurait mystérieusement disparue. Je me rapprochai du lampadaire le plus proche. Yuka Asashi. Son visage me disait vaguement quelque chose. Elle avait l'air tout de même plus jeune que moi. Je continuai ma route, enfouissant mes mains dans les poches. Les disparitions montaient en flèche en ce moment. La sienne ne m'étonnait pas plus qu'une autre. Et puis, ce n'était pas comme si je pouvais y faire quelque chose.

Le lendemain, je retournai en cours. Je n'avais jamais passé d'aussi longues journées depuis que Ryuzaki n'était plus en classe. D'habitude, je l'observai jusqu'à ce que la sonnerie retentisse. Maintenant, je n'avais plus qu'à supporter les sous-entendus incessant de Light juste derrière moi. À midi, le brun demanda à passer la pause avec moi. J'aurais bien refusé mais je n'avais pas vraiment le choix. Je voyais Light tous les jours, du matin au soir. Parfois, j'avais même l'impression de vivre avec lui. Je commençais légèrement à en avoir marre.

-Alors, qu'est ce que tu me veux ? demandais-je en m'asseyant sur un banc.

-Emi, soupira t-il, pourquoi es-tu toujours aussi réticente ?

Je croquai dans mon sandwich, ignorant sa remarque. Je savais que si Light voulait me parler, c'était parce qu'il avait une idée derrière la tête. J'attendais simplement de savoir laquelle avant de donner mon avis. D'un sourire narquois, il passa son bras autour de mes épaules pour me rapprocher de lui. J'essayai de me reculer mais je ne faisais pas vraiment le poids contre sa force. Stoïque, je continuai de manger sans faire attention à lui.

-Tu sais que des personnes tueraient pour être à ta place ? ricana t-il.

-Qui voudrait être harcelé en permanence pendant qu'il déjeune entre midi ?

-Hm, fit-il mine de réfléchir, je crois connaître une fille du nom que Kiyomi qui répondrait à cette description.

Je levai les yeux au ciel, essayant une nouvelle fois de m'échapper mais en vain. Si Kiyomi voulait l'attention que Light me portait, elle n'avait qu'à me demander. C'était avec joie que je lui donnerai. Je n'avais jamais souhaité ça. Moi, je voulais simplement oublier Ryuzaki et me faire ma propre place dans ce monde. Avec Light, c'était possible. Bientôt, notre organisation conquerra le monde avec ou sans son approbation. Je fronçai soudainement les sourcils. Est ce que je venais de dire "notre" organisation ? Je secouai la tête de gauche à droite. Parfois, j'avais l'impression de me transformer en un de ses apôtres qui avalait toutes les paroles de Kira le grand sauveur.

-Dis moi Emi, continua le brun, j'aurais une petite question pour toi.

-Je t'écoute, marmonnais-je, je déciderai ensuite si ta question en vaut la peine.

-Qu'est ce que tu as été faire chez Ryuzaki la dernière fois ?

J'arrêtai soudainement de mâchouiller, avalant directement la bouchée de nourriture que je venais de croquer. Comment savait-il ? Je me retournai vers lui les sourcils froncés. Il se recula, soupirant. Il disait que ne pas tout se dire nuirait à notre relation. Comme excuse, je lui expliquai que la raison pour laquelle j'avais été chez Ryuzaki, c'était pour voir Mello. Notre précédente conversation m'avait beaucoup chamboulé et j'avais voulu à tout prix mettre les choses au clair avec lui. Light arqua un sourcil, me demandant le fin mot de notre discussion.

-Et bien, commençais-je en cherchant mes mots, je lui ai dis que ma relation avec toi ne le regardait pas et puis que je faisais ce que je veux avec qui je veux.

-Et tu n'as pas vu Ryuzaki ? me questionna le brun.

-Je l'ai aperçu, murmurais-je soudainement triste, mais je n'ai pas eu le temps de lui parler.

-Ça fait plusieurs jours que je le cherche, rétorqua sèchement Light. Il est introuvable.

Je savais que mentir ne servirait à rien alors j'avais décidé de tout simplement lui révéler la vérité. J'étais subitement inquiète de savoir que Light était à la recherche de Ryuzaki. Lui voulait-il du mal ? Cette question ne valait même pas la peine d'être posée. Le seul et unique but de Light, depuis des mois maintenant, avait toujours été de tuer Ryuzaki. Cette révélation ne présageait rien de bon. Je redoutais vraiment le moment où le brun décidera de me mêler à ses plans le concernant. Je n'avais pas envie d'être l'auteur des blessures de Ryuzaki. Jamais.

Je me retrouvai le soir derrière mon bureau, comme pratiquement tous les soirs. C'était mon tour d'être chargée de vérifier qui entrait et sortait de l'établissement. À chaque fois que quelqu'un était face à la porte, il enlevait son masque et moi je vérifiais son nom dans la liste. Parfois, je faisais semblant de regarder alors que ce n'était pas le cas. Ce travail commençait petit à petit à me peser. Je voulais faire quelque chose de plus grand, de plus extravagant, de plus important.

À une certaine heure, je décidai de sortir dans la cour pour prendre l'air. J'avais besoin de me rafraichir les idées. Je m'installai sur une des marches d'escaliers. Il faisait un peu froid mais je n'avais pas envie d'y retourner. Sortant mon téléphone de ma poche, je vérifiai que je n'avais pas de nouveaux message. Soudainement nostalgique, je me remémorai les moments quand Ryuzaki m'en envoyait. Je me souvenais de notre appel comme si c'était hier. Il m'avait demandé une réponse. Et puis, la première fois qu'il m'avait embrassé. Sa première visite à la maison. La première fois que lui et moi avions échangé un vrai baiser. Tous ces souvenirs me donnèrent rapidement de petits papillons dans le ventre. Ils ravivèrent en moi une flamme que j'avais difficilement réussi à éteindre. Je retournai subitement à la réalité lorsque des cris étouffés parvinrent jusqu'à mes oreilles.

Je me redressai brusquement, alarmée. Sur mes gardes, je me rapprochai du mur. C'était de cet endroit que les cris venaient. J'aperçus alors un groupe, des fidèles de Kira. Ils étaient trois, tenant et forçant quelqu'un à terre. Lorsqu'un d'eux brandit des ciseaux, je me précipitai vers eux. Je les poussai pour laisser la personne au sol respirer. Ils essayèrent de se défendre mais en voyant mon masque blanc, ils comprirent qu'ils feraient mieux de ne pas me toucher si ils ne voulaient pas s'attirer les foudres de Kira. Je m'agenouillai au sol, vérifiant que la personne se portait bien. À mon plus grand étonnement, elle se releva sans problème. En colère, elle retira puis jeta brutalement son masque au sol.

-Tu ne devrais pas..

-J'en ai marre ! me coupa la personne. Je ne pensais pas que rejoindre Kira ressemblerait à ça !

Une fille, probablement un peu plus jeune que moi. Elle se laissa glisser contre le mur avant de s'asseoir. Elle croisa les bras, visiblement très énervée. Son nom ? Yuka Asashi. Il me disait vaguement quelque chose. Je me rappelai soudainement de l'affiche près de ma maison. Celle d'une fille qui avait bizarrement disparu. S'était-elle enfuie de chez elle pour rejoindre Kira ? Elle paraissait pourtant jeune. Ses parents devaient être morts d'inquiétude. Plus important, j'étais curieuse de savoir ce que ces gens avaient essayé de lui faire et pourquoi elle s'était retrouvée ici.

-Est ce que je peux t'aider ?

-M'aider ? râla t-elle. Tu as un masque blanc, tu fais partie des supérieurs de Kira. Je ne peux pas te faire plus confiance que les autres.

-Et bien moi au moins je n'essaye pas de t'agresser, rétorquais-je n'appréciant pas vraiment son insolence.

Elle claqua sa langue, grognant un moment dans son coin. Son comportement était un peu immature à mon goût. Il me rappelait légèrement quelqu'un. Au bout de quelques minutes, elle accepta de me parler. Elle retira doucement sa manche, m'expliquant que si les autres avaient tenté de l'attraper c'était parce qu'elle ne voulait pas se graver le K de Kira. En réalité, ce n'était pas le geste qui la dérangeait. Elle avait simplement peur de se faire du mal et la vue du sang l'horrifiait. Je ne savais pas vraiment si me déballer était bon pour ma couverture. Elle avait l'air pourtant si triste et énervée à la fois que je ne pouvais m'empêcher de vouloir la réconforter.

-Ce n'est pas parce que je refuse de me scarifier que je ne suis pas fidèle, sanglota t-elle.

-Tu sais, dis-je en lui montrant mon avant-bras, tu n'as pas à t'en faire. Moi non plus, je ne l'ai pas.

-Wow, resta ébahie Yuka, et Kira ne te dis rien ?

-Kira ne peut pas me forcer à faire quelque chose que je ne veux pas, ricanais-je.

Yuka gonfla ses joues, visiblement vexée de voir que j'étais privilégiée par rapport à elle. Cet enfant était compliquée. Elle avait l'air gentille puis ensuite réticente. Pour la rassurer, je lui promis de ne rien dire à Kira quant à sa marque sur son bras. Elle me remercia malgré sa rancœur. Après quelques minutes de silence, elle décida de se déballer sur sa venue dans cet endroit. Elle disait se sentir obligée de rejoindre Kira, pour le remercier de ce qu'il avait fais pour elle. Il lui avait donné la satisfaction de tuer la personne qu'elle détestait le plus au monde.

-Qui est cette personne ?

-Misa Amane, cracha t-elle directement.

Je pouvais lire toute la haine du monde sur son visage. Elle me raconta que Misa Amane passait son temps à la harceler lorsqu'elle était toujours vivante. Je devinais alors que Yuka était en réalité dans la même école que moi. Elle était devenue le souffre douleur de la blonde et chaque jour, elle avait pris l'habitude de lui demander de l'argent. Si elle ne lui obéissait pas, Misa la menaçait d'aller parler à son père pour la faire virer de l'école. Les parents de Yuka n'étaient pas riches. En plus de ça, elle ne s'entendait pas bien avec eux. Bloquée dans un silence éternel, Yuka avait décidé de subir.

-Je n'avais pas beaucoup d'amis et à l'époque, j'idolâtrai déjà Kira pour ses actions. J'étais mal vu. Puis le jour où j'ai appris la mort de Misa, j'ai cru renaître de mes cendres. Je n'ai pas pu m'empêcher de m'arracher ce sourire idiot que j'avais sur les lèvres. Kira avait vu le véritable monstre qu'elle était !

J'observai inexpressive le sourire qu'elle avait jusqu'aux oreilles. Elle se calma rapidement, chuchotant qu'elle ne savait plus si elle était entrain de vénérer la bonne personne. Elle disait que Kira avait changé. Kira n'aurait jamais forcé quelqu'un à se faire du mal. Elle était partagée entre l'envie de rester pour le remercier et partir de peur de s'être trompée. Mais elle savait très bien que maintenant qu'elle était rentrée dans cette organisation, elle ne pouvait plus en sortir. Les membres devaient rester fidèles. Je restai silencieuse, ne sachant trop quoi dire puisqu'elle avait raison. Ce n'était pas Kira qui avait tué Misa, mais bien moi.

J'aurais aimé lui promettre de l'aider à s'enfuir. Malheureusement, je n'avais pas le pouvoir de le faire. Notre conversation s'acheva quelques minutes plus tard. Je me retrouvai à nouveau derrière mon bureau. Il était plutôt tard. Mais c'était en principe vers ces heures-là que les membres arrivaient le plus souvent. Ils se réunissaient pour prier et pour faire connaissance. Depuis tout à l'heure, je lisais les noms au dessus de leur têtes avant de les laisser entrer grâce à mes yeux. Je commençais à avoir mal au doigt à force d'appuyer sur le bouton pour déverrouiller la porte.

-Dîtes-moi votre nom s'il vous plait, marmonnais-je pour la cinquantième fois.

-Rin Miro.

Je comptais hâtivement appuyer sur le bouton mais mon regard revint rapidement sur sa personne. Quelque chose n'allait pas. Son nom, au dessus de sa tête, était différent. Je pouvais très clairement lire Raye Penber. Son regard croisa le mien à travers la caméra, comme si il avait soudainement compris. Qu'est ce que j'étais censé faire ? Prévenir Kiyomi a côté de moi qu'un intrus était devant la porte ? Ou le laisser entrer et le laisser découvrir que Light était ici ? Au final, je décidai de choisir aucun de ces deux choix.

-Je suis désolée, indiquais-je, mais votre nom n'est pas sur la liste. Vous ne pouvez pas entrer.

Sans surprise, j'attirai immédiatement l'attention de Kiyomi qui directement appela Light pour le prévenir. J'essayai de lancer un regard insistant à cet homme, sachant très bien qu'il ne pouvait pas me voir. Il devait partir. Il allait mourir. Soudain, des coups de feu se déchainèrent à l'extérieur. Les personnes à l'intérieur crièrent de panique tandis que les autres s'agenouillèrent pour se protéger. En furie, Light entra au même moment dans la pièce, Death Note en main.

-Kiyomi occupe toi des caméras de l'autre côté et tue tout ceux qui essayeront de rentrer, lui ordonna t-il. Emi, tu fais la même chose pour ce côté, d'accord ?

Je hochai la tête, ne pouvant pas vraiment refuser. Le brun se précipita vers les étagères tandis que moi et Kiyomi nous mettions au travail. Raye Penber était toujours devant la porte mais quelques-uns de nos fidèles essayèrent de le maîtriser. Ils avaient certainement deviné qu'il était de la police. Malheureusement, les coups de feu de tout à l'heure ne venaient pas de nul part. Plusieurs voitures de police s'arrêtèrent devant le bâtiment. Les agents se séparèrent en plusieurs groupes. Je me concentrai pour lire les noms de ceux qui approchaient. J'écarquillai les yeux en apercevant leur accoutrements. Comment étais-je supposée les tuer alors qu'ils portaient tous des casques ?

-Light, je ne peux..

-Regarde, me coupa t-il en m'éparpillant plusieurs feuilles devant moi, ce sont mes recherches sur les potentiels agents qui seraient encore sur l'affaire Kira. Utilise ces noms pour les avoir.

-Mais Light, paniquais-je, rien ne me dis que ce sont vraiment eux !

-Ce n'est pas le moment de réfléchir à ça Emi ! s'énerva t-il. Nous devons sauver cet endroit !

J'acquiesçai avant de me concentrer à nouveau sur la caméra. Ils étaient vingt au total. La moitié se dirigea vers l'arrière, l'endroit que Kiyomi protégeait. Je commençai à rapidement survoler les fiches pour trouver les noms des policiers. Light appela plusieurs fois Ryuk mais celui-ci ne se manifesta pas. Ouvrant le Death Note, j'attrapai mon stylo pour écrire tous les noms que j'avais lu précédemment. Je fermai les yeux en laissant balader la mine d'encre sur la page du Death Note. Qu'est ce que j'étais entrain de faire ? Défendre Light et tuer des innocents. Ce n'était pas juste. Après quelques secondes, deux policiers tombèrent au sol malgré les dizaines de noms que j'avais écris. Je n'osais même pas imaginer les conséquences de mes actes.

-J'ai cru entendre quelqu'un m'appeler ?

-Ryuk ! soupira Light soulagé. J'ai besoin de ton aide.

-Est ce que j'aurais quelque chose en échange ?

-Écoute, s'impatienta le brun, je planterai un pommier au milieu de la cour si il faut, mais s'il te plait je compte sur toi.

Voyant que sa stratégie de tuer tous les hommes qu'il avait suspecté de nous rejoindre ne marchait pas, il demanda à Ryuk d'aller se placer devant la porte et de retirer tous les casques des policiers. Je trouvais son idée très intéressante. J'attendais alors nerveuse de voir les noms apparaître au dessus de leur têtes. Ils défilèrent immédiatement sous mes yeux après le passage de Ryuk. Je restai pétrifiée en voyant Monsieur Yagami ainsi que Matsuda. Je me retournai vers Light, attendant une quelconque réaction de sa part. Ses traits étaient sévèrement tirés. Sa colère pouvait se ressentir mais la seule chose qui m'inquiétait, la seule pensée qui me préoccupait, c'était de savoir si Ryuzaki était lui aussi venu nous rendre visite.

-Light, qu'est ce que je..

-Tue-les tous sauf mon père et Matsuda, grogna t-il avant d'appuyer sur le bouton du haut parleur. Écoutez-moi tous ! Il est temps de faire vos propres preuves et de montrer à quel point vous tenez à votre Dieu Kira. Capturez ceux qui ne tomberont pas sous ma sentence et amenez-les au sous-sol !

Je pouvais entendre leurs cris de détermination à travers le micro. Light donna le même ordre à Kiyomi, de ne pas tuer l'ancienne équipe de Ryuzaki. Les têtes tombèrent rapidement et les seuls survivants se firent brutalement maîtrisés et mis à terre. Les fidèles de Kira n'avaient eu peur de rien, pas même d'une arme pointée sur eux. Ils s'étaient aussi digérés vers les voitures pour couper tout contact avec d'autres policiers. Les enquêtes étaient déjà très peu nombreuses sur Kira. Je doutais que ceux-là avaient fais équipe avec d'autres.

Au final, j'avais tué huit hommes de mon côté, dont Raye Penber. Monsieur Yagami et Matsuda avaient été les seuls survivants sur les dix. Du côté de Kiyomi, deux autres n'avaient pas été tués. Kanzo Mogi et Schuichi Aizawa de l'ancienne équipe de Ryuzaki. Le bilan était de sept morts. Je trouvais ça étrange. En tout, quinze morts et quatre survivants. J'étais pourtant persuadée d'avoir compter vingt personnes au début.

Le périmètre sécurisé, nous pouvions à nouveau respirer correctement. Je n'avais jamais été aussi paniquée de ma vie. Nous aurions pu y passer si Ryuk ne s'était pas montré. Kiyomi s'effondra en larmes à son retour. Elle pleurait de soulagement. Quant à Light, il quitta la pièce sans un mot de plus. Avant de le voir disparaître, je lui demandai ce qu'il comptait faire avec son père et les autres. Il resta silencieux et lorsque je lui proposai de venir avec lui, il me répliqua que ma présence n'était pas nécessaire. Je baissai la tête, peureuse du sort qu'il leur réservait. Monsieur Yagami était son père, Light n'oserait jamais le tuer. J'essayai de me convaincre, tant bien que mal que rien ne leur arrivera.

Pendant la nuit, Light avait pris sa décision. Les cinq membres de l'ancienne équipe de Ryuzaki retournèrent au poste de police. Ils demandèrent à une chaîne de télévision de pouvoir passer en direct un message au monde entier. Ils supplièrent tous les policiers d'arrêter leur enquêtes sur Kira et de ne plus jamais se tenir contre lui. Si le monde ne voulait pas se retrouver dans un véritable chaos, ils n'avaient pas le choix que de laisser Kira régner sur Terre. La prochaine fois, Kira n'aura pas autant de pitié pour ceux qui entraveront son chemin. Ainsi, les quatre sortirent leur armes de leur poches et les posèrent contre leur tempes. Leur têtes explosèrent simultanément.

À la vue de cette image, je m'écroulai au sol. J'avais vu l'écran de la télévision devenir complètement rouge. Pendant le reste de la nuit, je ne parvins pas à dormir. L'horreur que j'avais vu m'empêchait réellement de fermer les yeux. Le lendemain, l'enterrement des quatre policiers défunts eut lieu. J'avais entendu cette nouvelle à la radio et je n'arrivais toujours pas à réaliser. Light n'aimait pas me savoir dehors en ce moment mais très tard le soir, je décidai de me rendre au cimetière. Je pensais que c'était la seule chose que je pouvais encore faire.

Il faisait très froid dehors et très noir. Lorsque je m'aventurai dans le cimetière, il commença même à neiger. Je frottai plusieurs fois mes mains et mes bras pour me réchauffer. Je pouvais toujours faire demi-tour mais je voulais absolument voir de mes propres yeux les erreurs que j'avais commis. Pour leur rendre hommage, j'avais entendu qu'ils avaient été enterrés les uns à côté des autres. Au loin, j'aperçus une silhouette devant les quatre tombes. Les mains dans les poches, elle était immobile et simplement vêtue d'un haut blanc. À quelqu'un pas d'elle, je me pétrifiai sur place. J'avais beaucoup trop observer ce dos pour ne pas le reconnaître.

-Quatre tombes pour quatre policiers, murmura t-il, comme si rien ne s'était passé. Pourtant, ça s'est réellement passé. Et maintenant Kira a tout ce dont il a besoin pour déverser l'enfer sur Terre.

-Ils étaient sur le point de tout découvrir Ryuzaki, chuchotais-je à mon tour, et Kira..

Il me lança un regard au dessus de son épaule. Il m'avait déjà certainement remarqué bien avant que je ne parles. C'était vraiment étrange de le voir après tout ces événements. Mon cœur battait tellement fort contre ma poitrine que j'avais l'impression qu'il pouvait en sortir. Joie ? Haine ? Ses deux sentiments se chamaillaient encore. Ryuzaki était triste. Je pouvais le deviner rien qu'en regardant son visage. Il était encore plus vide que d'habitude. En le voyant dans cet état, je commençai moi aussi à m'en vouloir.

-Une personne c'est toujours moins que dix-neuf, rétorqua t-il sèchement.

-Oui mais celle-là est quelqu'un d'important pour moi comme pour toi ! Et puis tu n'aurais jamais pu l'attraper puisque..

-Dis-toi ce que tu veux pour pouvoir dormir la nuit, me coupa t-il.

-J'ai tué huit agents de police, chuchotais-je à moi-même.

Je réalisai soudainement ce que j'avais fait. Je venais de donner une chance à Kira d'avancer un peu plus dans son nouveau règne. Je l'avais aidé à vaincre des personnes qui savaient ce qui était juste et mal. Comment avais-je pu accepté de lui obéir ? Je me touchai le front, ayant soudainement mal à la tête. Qu'est ce que j'avais fait ? Mes yeux commencèrent à me piquer. Je regrettais de les avoir tué. Je regrettais d'avoir été du côté de Light. Je donnerai n'importe quoi pour revenir en arrière et ne jamais refaire ces honteuses actions. Lorsque Ryuzaki se rapprocha de moi pour poser sa main sur mon épaule, j'arrêtai de haleter. Depuis combien de temps n'avais-je pas croisé son regard d'aussi près ?

-On dirait que tu as besoin de réconfort, remarqua t-il.

-Je crois, parvins-je à articuler en hochant la tête.

-Alors pourquoi tu n'irais pas trouver quelqu'un de moins horrible à qui le raconter ?

Je le fixai muette, mon visage se décomposait. Déçue mais surtout blessée, je retroussai chemin en courant. Je l'avais vu hésiter à mon départ mais il ne me rattrapa pas. Il me laissait m'enfuir, m'éloigner de lui. Mais quelques mètres plus loin, je fonçai dans quelqu'un. Je me frottai légèrement la tête pour me remettre du choc. Deux hommes encapuchonnés et masqués. Je levai la tête pour leur faire face.

-Que faîtes-vous ici ? me demanda l'un des deux. Vous ne devez pas quitter les côtés de Kira.

-Je peux encore décider de où j'ai envie d'aller, rétorquais-je agacée.

-Vous devez rentrer, dit l'autre en m'attrapant fermement le bras.

Je me reculai immédiatement mais face à la force d'un homme, je n'étais pas de taille. Il me faisait mal. J'avais beau me débattre, il ne voulait pas me laisser. J'en étais persuadée maintenant. Cette sensation d'être en permanence observée. Cet homme que j'avais vu devant la maison de Ryuzaki. Ils étaient tous des fidèles de Kira et Light les avait envoyé pour m'espionner. N'avait-il pas confiance en moi ? Toutes ces paroles n'étaient qu'en réalité des paroles en l'air ? Je n'aimais pas du tout la tournure que prenaient les choses. Je me figeai sur place lorsqu'une voix nous interpella. L'homme me lâcha soudainement le poignet.

-Est ce qu'il y a un problème ?

Je suppliai du regard Ryuzaki de ne pas s'en mêler. Ce n'était pas bon pour lui de se faire remarquer. Comme réponse, l'homme essaya de me rattraper par le bras mais Ryuzaki l'en empêcha en le retenant avec le sien. Avec son autre main libre, il me poussa derrière lui. Quelques minutes plutôt Ryuzaki me faisait comprendre que j'étais une moins que rien et maintenant il me protégeait. J'en étais vraiment très heureuse mais ce n'était pas le moment. Ryuzaki était à découvert et surtout en danger.

-Qui êtes-vous ? le questionna l'homme.

-Je suis..

-C'est personne ! le coupais-je. Je vais rentrer avec vous, vous avez gagné.

Je lançai un regard insistant à Ryuzaki. Le plus tôt je partirai et le plus tôt il sera en sécurité. Rendant la tâche plus difficile, il me rattrapa par le poignet. Pourquoi essayait-il encore de me retenir ? Après tout ce que je lui avais fait enduré, il devrait me détester. Je soupirai avant de lui demander de me laisser partir. Il ferma les yeux, acceptant de desserrer son emprise. Mes doigts longèrent les siens jusqu'au bout avant définitivement le quitter. J'entrainai les deux hommes avec moi pour qu'ils arrêtent de porter leur attentions sur Ryuzaki. J'avais envie de faire demi-tour et de sauter dans ses bras, lui dire que plus jamais je ne le laisserai. Ce n'était pas encore possible. Et puis, j'avais encore quelques problèmes à régler.

D'un pas déterminé, je me dirigeai vers le sanctuaire de Kira. Je défonçai littéralement la porte pour entrer. De la musique, des fidèles qui dansaient. Ils avaient gagné une bataille et maintenant ils la fêtaient. J'essayai de me frayer un chemin à travers la foule. Dans la cour, mon regard survola les personnes que je voyais. Je cherchais bien quelqu'un et quelque chose me disait qu'il n'allait pas mettre très longtemps à apparaître. Soudain, l'heureux attendu se pointa. Light s'avança vers moi, sourire aux lèvres et verre à la main.

-Salut Emi, me salua t-il calmement, où est-ce que tu t'es encore enfuie ?

-Tu devrais le savoir puisque tes esclaves me suivent partout !

-On dirait que quelqu'un t'a mis de mauvaise humeur, ricana t-il. Qu'est ce que je peux faire pour te remonter le moral ?

-Ce que tu peux faire c'est me dire pourquoi tu ne me fais pas confiance et pourquoi je ne suis jamais au courant de rien !

-Écoute Emi, soupira t-il, je sais que c'est grâce à toi tout ça mais je crains de devoir refuser ce que tu me demandes. Je contrôle mon monde.

-Ton monde ? répétais-je en rigolant. C'est marrant parce que il y a encore très peu de temps, tu pleurnichais pour m'avoir dans ton équipe. Et maintenant regarde-toi, maître du peuple, roi de ton royaume !

Les membres autour de nous arrêtèrent de danser. Quelques chuchotements subsistaient toujours mais toute l'attention était reportée sur nous. Light négligeait les autres pour continuer sa route, ça me déplaisait fortement. Je voulais le provoquer pour entendre ce qu'il pensait réellement de moi. Je n'aurais jamais dû le rejoindre. Une nouvelle fois, je lui reposai la question. Pourquoi n'étais-je pas digne de sa confiance après tout ce que j'avais fait pour lui ?

-La jalousie ne te va pas, cracha Kiyomi derrière lui.

-Regarde autour de toi Emi, reprit Light un peu moins calmement. Kira règne sur tout le pays maintenant. Nous n'avons plus besoin de vivre dans l'ombre comme dans rats. Les policiers connaissent leur places ils tournent la tête pour éviter la situation. J'ai vu clair dans leur assaut d'hier et j'ai même été capable de rendre Ryuzaki inutile. Les criminels ne cesseront jamais de tomber et la justice fera son travail ! Tu as une faveur à me donner ? Tu veux rester avec moi un moment ? Formidable. Ce qui est à moi est à toi mais c'est tout de même à moi ! Ma famille, ma sentence, mes règles.

-Et si quelqu'un ose transgresser ces règles ? osais-je demander.

-Il meurt, articula Light. La pitié c'est pour les faibles, je l'ai appris au fil du temps. Et je ne suis pas le roi du royaume Emi, s'énerva le brun, je suis le Dieu de ce nouveau monde ! Montre-moi un peu de respect !

Soutenant son regard, je le défiai de me menacer encore une fois. Tout le monde nous regardait et il essayait de publiquement me remettre à ma place. Je n'avais pas aimé les mots qu'il avait employé avec moi. Ma seule envie était de sortir le morceau de Death Note de ma poche, de tuer quelqu'un et ainsi briser une de ses règles. La tentation était tellement forte que mes mains en tremblèrent. Je n'avais qu'à lui montrer de quoi j'étais capable. Je ne méritais pas d'être rabaissée. Subitement, avant que je ne puisses attraper mon papier, un coup de feu éclata. La foule resta tétanisée tandis que moi j'assistais à la scène devant mes yeux. Le masque blanc de Kira glissa, laissant apparaître la moitié de son visage. L'auteur de ce geste avança avant de baisser sa capuche.

-Mince, se moqua t-il en se rapprochant de Light arrogant, il semblerait que j'ai fait tomber ton masque. Ce qui veut dire que j'ai transgressé une de tes règles. Et pour l'instant, je ne peux pas être tué. Tu ne connais pas mon nom. Qui a le pouvoir maintenant, Dieu de ce nouveau monde ?