Cœur givré
Chacun recommence à bavarder, non sans une certaine appréhension.
Tengen, lui, arbore un sourire carnassier. Il pose ses avant-bras sur la table, les yeux brillants.
— D’accord, d’accord ! On n’a pas fini de s’amuser !
Il frappe du poing sur la table, attirant de nouveau tous les regards.
— Qui est le prochain à relever un défi ?
Plusieurs Hashira se redressent légèrement, déjà sur le qui-vive.
Pendant ce temps, Muichiro reste immobile sous le poids de Lucy, le visage impassible, mais la tension dans sa mâchoire trahit son écoute attentive.
Le regard de Tengen balaie la table avant qu’un sourire diabolique n’étire ses lèvres.
— Sanemi ! — il prononce son nom comme une provocation — Action ou vérité ?
Sanemi relève brusquement la tête, la fourchette encore plantée dans son bol, les yeux plissés vers Tengen.
— Tch. Action, espèce de frimeur !
Tengen ne se démonte pas. Son sourire s’élargit, les doigts joints en pyramide devant lui comme un méchant de théâtre.
— Parfait.
Il se penche légèrement.
— Je te mets au défi de…
Pause dramatique. Puis, avec un ton chargé d’amusement :
— Faire un câlin à Gyomei.
Silence.
L’œil de Sanemi tressaute. Ses doigts se crispent en poings. Une veine gonfle sur son front.
— Tu plaisantes…
Gyomei, toujours calme, joint les mains.
— Ah. C’est gentil à vous de penser à moi…
Sa stature colossale éclipse presque le Hashira du vent.
Lucy, un peu plus détendue désormais, laisse échapper un petit rire.
— Ça, c’est mignon, murmure-t-elle.
Sanemi, déjà au bord de l’explosion, se fige en entendant sa remarque. Sa tête pivote brusquement vers elle.
— Quoi ?!
Lucy lève une main en signe d’apaisement, l’autre toujours agrippée à Muichiro.
— Je disais juste que c’est un défi mignon. Ça aurait pu être pire.
La veine de Sanemi semble sur le point d’éclater.
— Moi ? Mignon ?! Il n’y a rien de mignon là-dedans ! Rien d’adorable ni d’attachant à serrer dans ses bras un… colosse !
Lucy rit nerveusement.
— Ce n’est qu’un câlin…
Sanemi paraît prêt à s’arracher les cheveux. Il serre les poings, puis jette un regard hésitant à Gyomei avant de hurler :
— TU DIS ÇA ALORS QUE TU ES LITTÉRALEMENT ASSISE SUR LES GENOUX DE TOKITO COMME UNE AMOUREUSE—
— Termine cette phrase et je te jette mon bol sur la tête, coupe Muichiro d’une voix plate.
Lucy se replie un peu plus sur elle-même, la main devant le visage, tandis que les rires fusent autour de la table.
Tengen est plié en deux, les larmes aux yeux, se tapant la cuisse.
Sanemi, rouge de rage, semble sur le point de mordre quelqu’un.
Gyomei, imperturbable, murmure calmement :
— Sanemi, détends-toi. Un câlin, c’est inoffensif.
Le Hashira du vent est maintenant cramoisi.
Sous les regards amusés de ses pairs, il inspire profondément, expire, puis grince entre ses dents :
— …Très bien. Très bien.
Sanemi finit par se lever.
Ses pas résonnèrent lourdement alors qu’il avançait vers Gyomei, le visage rouge écarlate, chaque muscle de son corps hurlant la résistance.
Il s’arrêta devant le colosse, hésita une demi-seconde, puis… étendit les bras.
Le câlin fut à la fois bref, maladroit et absolument légendaire.
Ses bras à peine assez longs pour encercler la taille de Gyomei tremblaient comme des arcs bandés.
Gyomei, lui, referma doucement ses bras massifs autour du Hashira du vent et tapota son dos avec une tendresse presque paternelle.
— Voilà. Ce n’était pas si terrible, n’est-ce pas ?
Toute la table éclate de rire.
Lucy observe la scène entre ses doigts, les yeux pétillants.
Tengen, hilare, frappe la table si fort que les bols s’entrechoquent.
Gyomei laisse échapper un petit rire et tapote doucement le dos de Sanemi, comme un père attendri.
Ce dernier s’arrache enfin à l’étreinte et se tourne vers Tengen, le regard assassin.
— Satisfait, Uzui-san ?!
— Absolument ! répond Tengen, radieux. Mais la soirée est encore jeune, et la partie loin d’être terminée !
Un gémissement collectif s’élève des Hashira : un mélange d’exaspération et d’excitation à l’idée de la prochaine victime.
Gyomei reprend calmement son repas, Sanemi grogne entre ses dents, et Muichiro reste assis, raide comme une statue, le regard oscillant entre les convives.
Tengen se renfonce dans sa chaise, scrutant la table d’un air prédateur.
Ses yeux papillonnent un instant, puis un sourire en coin étire lentement ses lèvres.
— Ah… je crois que j’ai trouvé ma prochaine cible.