Cœur givré

Chapitre 8 : Quel est le problème avec ce masque ?

1885 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/11/2025 16:57

Quand le regard du Hashira du son se posa sur celui du serpent, l’atmosphère se figea.

Obanaï se crispa instantanément.

Le sourire de Tengen s’affina dangereusement.

Iguuroooo… ~

— Action, siffla Obanaï avant même qu’il n’ait fini, refusant de lui laisser l’occasion de prononcer le mot “vérité”.

Tengen exulta presque de joie. Il joignit les mains, ravi.

— Parfait, parfait ! Alors, pour ton défi…

Un silence tomba sur la pièce. Tous les regards étaient tournés vers Obanaï, attendant le coup de théâtre.

Tengen marqua une pause dramatique, savourant l’attention, puis lança d’une voix claire :

— Enlève ton masque et laisse-nous voir ton joli visage.

Le silence qui suivit fut absolu.

Obanaï se figea net, ses jointures blanchissant autour de ses baguettes.

Mitsuri poussa un cri si aigu qu’il ressemblait à un couinement, les yeux brillants d’une curiosité incontrôlable.

Même Giyu leva la tête, suspendant son repas.

— …Non, répondit Obanaï d’une voix basse et tranchante.

Lucy sentit son estomac se serrer. Ce n’était pas une simple gêne : il y avait dans son ton quelque chose de fermé, presque douloureux.

Elle sentit l’air devenir lourd, comme si toute la pièce retenait son souffle.

Tengen, lui, ne s’en rendit pas compte — ou fit semblant.

— Oh, voyons, Obanaï… Ce n’est qu’un petit masque, insista-t-il d’un ton moqueur. Qu’y a-t-il de si embarrassant à nous montrer ce qu’il cache ?

La mâchoire du Hashira du serpent se crispa.

— …C’est privé.

Lucy déglutit, un malaise diffus montant dans sa poitrine. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle sentit un pincement — comme si elle assistait à quelque chose qu’elle n’aurait pas dû voir.

Le silence s’étira, inconfortable, et son cœur se serra encore davantage.

Alors, avant que Tengen ne relance, les mots lui échappèrent presque d’eux-mêmes :

— Uzui-san, donnez-moi un défi à sa place.

La pièce se figea de nouveau.

Lucy sentit une chaleur monter à ses joues, consciente d’avoir attiré tous les regards.

Mais elle tint bon. Ses doigts, crispés sur le tissu de son pantalon, trahissaient à peine le tremblement qui la parcourait.

Tengen cligna des yeux, pris de court. Même Obanaï tourna brièvement la tête vers elle, ses yeux sombres cherchant à comprendre son geste.

Pendant un instant, le Hashira du son sembla hésiter… puis il poussa un long soupir théâtral, levant les mains.

— Très bien ! Lucy-chan sauve la mise, encore une fois !

Son sourire se fit malicieux.

— Puisque tu es si volontaire… pourquoi ne pas embrasser Tokito sur la joue ?

Lucy leva les yeux au ciel, mais son cœur fit un bond violent dans sa poitrine.

Évidemment.

Elle sentit la chaleur lui monter jusqu’aux oreilles, et malgré elle, un petit rire nerveux lui échappa.

C’était le jeu, après tout. Et elle venait d’épargner Obanaï — pas question de reculer maintenant.

Elle inspira doucement, sentit ses doigts trembler sur le tissu de l’uniforme de Muichiro.

Puis, sans dire un mot, elle glissa sa main libre sous son menton, le fit relever la tête…

Son geste était doux, presque hésitant. Les cils de Muichiro frémirent sous la lumière, et pendant une fraction de seconde, Lucy vit dans ses yeux une pure innocence qui la désarma.

Elle se pencha, son souffle frôlant sa peau.

Un léger parfum d’encens, de pluie et de menthe montait de lui.

Son cœur battait si fort qu’elle eut peur que tout le monde l’entende.

Puis ses lèvres effleurèrent sa joue — un contact rapide, à peine réel.

Mais suffisant pour lui couper le souffle.

Muichiro se figea comme frappé par la foudre. Ses yeux s’écarquillèrent, sa respiration se bloqua.

Lucy, elle, sentit un frisson courir le long de ses bras. Elle se redressa lentement, consciente du silence tendu qui venait de retomber sur la table.

Une demi-seconde plus tard, la salle explosa.

Tengen éclata de rire, posant son bol sur la table avec fracas.

— MAGNIFIQUE ! cria-t-il, hilare.

Mitsuri poussa un cri de joie, les mains plaquées sur la bouche, les joues écarlates.

Même Giyu laissa échapper un discret « hmm » — ce qui, venant de lui, valait presque une ovation.

Sanemi, lui, fixait la scène avec un mélange de dégoût et d’incrédulité.

Quant à Obanaï, difficile de savoir s’il était contrarié ou amusé, mais un léger tressaillement fit vibrer le coin de ses yeux.

Muichiro, lui, était un désastre absolu.

Ses joues avaient viré au rouge sombre, sa respiration courte, son regard fixé sur Lucy avec une intensité confuse — entre la surprise, la gêne et… autre chose qu’il n’osait pas nommer.

Lucy sentit ses propres joues brûler. Elle détourna un instant les yeux, un sourire tremblant aux lèvres.

Elle ne savait pas pourquoi son cœur battait encore si fort. Ce n’était qu’un jeu, pourtant. Rien de plus.

Il lui fallut plusieurs secondes avant de retrouver sa voix.

— …Pourquoi ? murmura-t-il enfin, le ton un peu brisé. Pourquoi as-tu fait ça ?

Elle pencha la tête, cherchant ses mots, un peu troublée par le sérieux de sa question.

— C’est le jeu, auriez-vous oublié ? répondit-elle doucement, la voix un peu trop basse.

Il voulut répliquer, hésita, puis détourna le regard.

— …Je sais, marmonna-t-il, les joues encore brûlantes.

Autour d’eux, les Hashira tentaient tant bien que mal d’étouffer leurs rires.

Même Obanaï, derrière son masque maudit, ne réussit pas à dissimuler un très léger sourire.

Lucy, elle, sentit un rire lui monter aux lèvres, un rire nerveux, mais sincère — celui qui suit les moments où le cœur bat trop fort.

 

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La soirée touchait à sa fin.

Les Hashira se dispersaient dans la cour, portés par des éclats de rire et des discussions encore vibrantes.

Les lanternes diffusaient une lueur chaude sur les pavés, et l’air sentait le thé et la pluie.

Muichiro avait disparu dès qu’il en avait eu l’occasion.

Lucy, elle, n’arrivait pas à chasser de son esprit la scène avec Obanaï.

Ce n’était pas seulement de la gêne — quelque chose, dans sa réaction, l’avait troublée.

Une blessure ancienne, dissimulée derrière ce masque et ce ton sec, qu’elle n’avait pas su ignorer.

Alors, lorsqu’elle l’aperçut dans la ruelle attenante au quartier général, Kaburamaru lové autour de ses épaules, elle sentit son cœur se serrer.

Sans trop réfléchir, elle accéléra le pas.

— Iguro-san !

Le Hashira du serpent se figea aussitôt.

Il tourna la tête, la fixant par-dessus son épaule d’un regard méfiant.

Sous la lueur des lanternes, ses yeux hétérochromes — l’un bleu pâle, l’autre doré — scintillèrent brièvement, presque irréels.

— Quoi ?

Sa voix était sèche, coupante. Kaburamaru, lui, la considérait calmement, ses yeux d’ambre clignant paresseusement.

Lucy ralentit, un peu intimidée, mais ne recula pas.

— Est-ce que… ça va ? demanda-t-elle doucement.

Obanaï garda le silence quelques secondes. Son regard se perdit un instant sur le sol, puis il soupira.

— …Je vais bien.

Le ton était laconique, presque étouffé, comme s’il voulait que la conversation s’arrête là.

Lucy sentit pourtant qu’il mentait. Il se tenait trop droit, trop rigide.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé, là-bas ? C’était juste un jeu…

À ces mots, son visage s’assombrit.

Il serra les poings, la mâchoire contractée, et un éclair de colère traversa ses yeux — deux couleurs contraires, deux éclats discordants.

— Oui. Un jeu stupide, grogna-t-il.

Et pourtant, tout ce qui les intéressait, c’était de savoir si j’allais enlever ce masque.

Sa voix vibrait d’amertume.

Lucy baissa légèrement la tête, touchée par la sincérité blessée qu’il essayait de masquer.

— Qu’est-ce qu’il a, ton visage ? demanda-t-elle, presque sans réfléchir.

La question le fit tressaillir.

Une frustration presque douloureuse déforma brièvement ses traits.

— Ça ne te regarde pas, lâcha-t-il sèchement. Mon visage ne te concerne pas. Et je n’ai pas besoin de ta pitié.

Le ton était mordant, mais Lucy sentit qu’il tremblait légèrement.

Sous la colère, il y avait autre chose — pas seulement de la honte, mais une peur ancienne, ancrée.

— Ce n’est pas de la pitié, répondit-elle calmement. Je veux juste comprendre.

Il se figea.

Sa main se referma sur la garde de son katana, puis retomba lentement.

Une ombre passa dans son regard, fugace, avant qu’il ne détourne les yeux.

— Il n’y a rien à comprendre. Laisse tomber.

Lucy sentit une boule dans sa gorge.

Elle aurait voulu lui dire qu’elle comprenait ce besoin de se cacher, cette peur du regard des autres — mais les mots restèrent coincés.

— Je suis désolée, Iguro-san, murmura-t-elle. Je ne savais pas que c’était si personnel.

Il resta silencieux un moment. Le vent fit frémir le haori rayé de son uniforme.

Puis, lentement, sa posture se relâcha.

— Tu…

Il s’interrompit, hésitant. Sa voix, quand il reprit, s’était adoucie.

— Tu ne peux pas comprendre.

Lucy leva les yeux vers lui, sincère.

— Alors expliquez-moi, si vous le souhaitez.

Il resta immobile, troublé. Ses doigts se desserrèrent, son regard vacilla entre méfiance et lassitude.

Elle remarqua, sans savoir pourquoi, la façon dont il se raidissait légèrement — comme si parler à une femme lui coûtait.

Il n’était pas à l’aise. Pas avec elle. Pas avec la proximité.

Mais étrangement, son malaise n’était pas du rejet : plutôt une peur retenue, presque respectueuse.

Elle se demanda, sans oser le dire, si Mitsuri était la seule à franchir ce mur sans qu’il se referme.

Un instant, Lucy crut qu’il allait partir sans un mot — mais au lieu de ça, il détourna la tête, comme résigné.

— Tu veux vraiment savoir ? demanda-t-il dans un souffle.

Elle hocha la tête, le cœur serré mais ferme.

Un autre soupir lui échappa, lourd, presque las.

Il ferma les yeux quelques secondes, puis finit par dire d’une voix plus calme :

— Très bien. Mais pas ici. Suis-moi.

Il fit un signe de tête et tourna les talons.

Kaburamaru, lové autour de son cou, tourna lentement la tête vers Lucy.

Ses yeux ambrés la fixèrent longuement — une sorte d’avertissement silencieux, ou peut-être une évaluation.

Puis le serpent s’enroula un peu plus contre son maître, et tous deux s’enfoncèrent dans la ruelle.

Lucy resta figée un instant, la gorge serrée.

Puis elle inspira profondément et les suivit, ses pas résonnant faiblement sur la pierre humide.

Sous la lumière des lanternes, elle eut un bref frisson : celui d’une vérité prête à être dévoilée.

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