JE SUIS VIVANT

Chapitre 27 : Famille

4558 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 01/01/2024 22:47

Famille



L'alarme interne extirpa Connor de son mode repos à sept heures et demie du matin. À cause de son manque de thirium, l'androïde émergea difficilement de son état léthargique et mit un moment pour se mouvoir hors des draps. Lentement, ses yeux fatigués se tournèrent vers Sumo allongé au pied de son lit. Le chien se releva péniblement, prenant le temps de s'étirer, puis se rapprocha de son visage.


« ...Salut, mon grand. J'espère que ta nuit a été meilleure que la mienne. »


Le déviant caressa légèrement la tête du Saint-Bernard avant de prendre une profonde inspiration et de s'obliger à se lever pour s'habiller.


Debout devant son grand miroir, il boutonna les manches de sa chemise blanche et réajusta soigneusement sa cravate, faisant face au reflet de son visage fermé qui trahissait une colère et une déception toujours présentes depuis la veille.


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Poursuivant sa propre routine matinale, Hank prit une douche rapide et entendit Connor se déplacer comme un fantôme dans la maison tandis qu'il se préparait lui même pour le travail.


L'androïde à l'humeur sombre, entra dans la cuisine, ouvrit le frigo pour récupérer une grande bouteille de thirium frais et passa devant son partenaire sans lui adresser le moindre mot ou regard.


Visiblement Connor n'était pas disposé à se montrer de bonne compagnie aujourd'hui.


Le deviant sortit silencieusement dans le jardin avec Sumo et se tint sur le petit perron, attendant que l'énorme chien finisse de faire le tour de la cour pour sa promenade matinale.


Presque immédiatement, Hank vint le rejoindre avec sa tasse de café encore fumante dans la main. Écrasé par la tension palpable, Il resta prudemment dans l'embrasure de la porte, à bonne distance du déviant renfrogné.


« Comment tu te sens, gamin ? » Demanda t'il en regardant Connor boire le liquide bleu. « Tu as l'air mieux. »


« Je fonctionne correctement. » Répondit sèchement le jeune homme sans jamais quitter le chien des yeux.


« C'est... euh... bon à entendre. » Hank détestait la façon dont Connor se référait à lui-même avec des termes aussi froids et machinaux. Voir sa LED teintée en jaune n'aida pas non plus à le rassurer. « Si tu veux un autre jour pour récupérer, tu peux demander à Fowler de... »


« Non. » Coupa le déviant d'une voix dénuée d'émotions. « Ça ne sera pas nécessaire. »


« D'accord, si tu le dis. » Répondit froidement le lieutenant, agacé par la mauvaise attitude de son partenaire. Il sirota encore quelques gorgées de son café puis retourna à l'intérieur de la cuisine pour y déposer sa tasse. « Bien. Termine avec Sumo. Je t'attends dans la voiture. »


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Au commissariat, tout n'était qu'un fouillis de paperasses et de voix grogneuses alors que les agents dévoués procédaient au classement de leurs documents et s'occupaient d'une abondance de trafics de drogue liées à l'afflux massif de RED ICE dans les rues de Détroit.


Assis devant son terminal, la LED de Connor clignotait sans cesse en jaune tandis qu'il classait cybernétiquement des documents confiés pour sa nouvelle affaire.


Dansant nerveusement sa pièce sur les jointures de sa main gauche, le déviant jetait de temps à autre de discrets coups d'oeil en direction du bureau vitré de Fowler pour y observer Hank à l'intérieur en train de présenter les comptes-rendus des interrogatoires de la veille. Les deux hommes discutaient des éléments recueillis lors de l'opération sur les quais et échangeaient leurs résultats et théories. À un moment, le lieutenant sentit le regard de l'androïde peser sur eux et en retour il l'observa, obligeant celui-ci à détourner les yeux pour se concentrer à nouveau sur son terminal.


Finalement, après trente minutes d'entretien, le détective revint à son bureau.


« Je vois que tu as déjà presque fini l'enregistrement des preuves. » Commenta Hank en tentant de briser le silence tendu entre lui et son partenaire. « Tu n'as pas pris une seule pause. Tu es sûr que ça va ? »


Grand silence.


« S'il te plaît, dis quelque chose. »


La LED jaune de l'androïde passa subitement au rouge.


« Que dois-je dire, lieutenant ? » Répondit-il amèrement.


« Eh ! Ne fais pas ton petit malin avec moi, Connor. Si tu dois parler, parle ! »


« Je n'ai rien à dire. »


Perdant rapidement patience, Hank dut se battre pour s'empêcher de s'en prendre au déviant. « Tu vas rester longtemps en colère contre moi ? J'avais mes raisons de te retirer de l'affaire. »


« J'aimerais bien les connaître. » Cracha Connor en fixant froidement son partenaire.


« Je n'ai pas à me justifier auprès de toi, Connor. Je reste ton supérieur. Si je te donne un ordre, tu obéis. C'est tout ! »


Le silence fut la seule réponse du déviant tandis qu'il continuait à jongler de plus en plus vite avec la pièce.


« Peut-être que tu devrais sortir un moment pour te vider la tête. »


Imperturbable dans son jonglage, l'androïde en colère resta mutique, son petit cercle de métal naviguant incessamment sur ses phalanges.


« Putain ! Mais arrête de jouer avec cette foutue pièce, ça m'énerve. » La voix du détective résonna avec sévérité.


« A vos ordres, Lieutenant. » Répondit le jeune homme en accentuant volontairement sur le grade pour signifier sa volonté de mettre de la distance. Il arrêta immédiatement de s'occuper de la pièce et la garda dans un poing serré.


Agacé par l'attitude glaciale de son partenaire, Hank fulmina.


« Ça suffit, Connor. J'en ai assez de te voir faire ta putain de machine avec moi ! »


Les mots du détective firent l'effet d'une véritable bombe, tétanisant sur place l'androïde blessé par le commentaire inattendu.


Il garda le silence et lança à Hank un regard offensé tandis que sa LED clignotait en rouge avec une douleur et une colère tacites.


« ...Gamin, je suis vraiment désolé. Je ne voulais pas dire ça... » La honte et la culpabilité étaient épaisses dans la voix de Hank mais il semblait qu'aucune excuse ne pouvait réparer les dégâts. « J'essaie juste de... »


Se levant précipitamment de sa chaise, Connor laissa tomber rageusement sa pièce sur son bureau et s'éloigna de son terminal pour se diriger vers les portes d'entrée du commissariat.


Le détective passa anxieusement sa main dans ses cheveux argentés. Ce qu'il avait proféré était l'une des pires choses à dire au déviant. D'un soupir las, il ramassa la pièce tombée sur le bureau et la regarda avec regret dans la paume de sa main.


« ... Et merde. »


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Se sentant comme un connard fini, Hank reprit sa paperasse, ses yeux tournés de temps à autre vers l'horloge numérique de son terminal pour compter les minutes depuis le départ de Connor. 


Ce ne fut qu'après une heure sans nouvelles que l'homme commença à vraiment s'inquiéter.


Jetant un coup d'œil autour de l'enceinte, ses yeux tombèrent sur le premier visage amical près de lui.


« Hé, Chris ? » Héla le Lieutenant en se tournant vers le bureau de l'officier. « As-tu vu Connor ? »


« Non. Pas depuis qu'il est parti tout à l'heure. » Répondit son collègue en faisant défiler un texte sur une tablette. « Quelque chose ne va pas, Lieutenant ? »


« Non, tout va bien. Il est allé se promener. Il a dû faire un plus long détour... » Mentit rapidement le détective pour couvrir la curieuse absence de son partenaire. Discrètement, il envoya un texto au déviant, sachant d'avance qu'il n'obtiendrait aucune réponse de sa part.


Connor, où es-tu ?


Hank appuya sur "envoyer", puis remit son téléphone dans sa poche d'un soupir las.


« ...Ou alors, il est rentré directement à la maison. » Continua d'expliquer calmement le Lieutenant à Chris. « Il n'avait pas vraiment la forme. »


« Oh. C'est vrai qu'il a méchamment subi hier. J'espère qu'il se sentira vite mieux. »


«...Ouais. » Hank vérifia discrètement l'écran de son téléphone avant de reporter son attention sur son terminal. « ...Moi aussi. »


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Refusant d'arrêter de marcher et de répondre au message qui était apparu dans ses processeurs visuels, Connor, perdu dans ses pensées, poursuivit son voyage à travers les rues interminables de Détroit. 


Il se retrouva près du parc de jeux pour enfants, là où Hank et lui s'étaient parlés la nuit après le meurtre à l'Eden Club. Une soudaine vague de sombres souvenirs frappa Connor et le fit frissonner. Il revit le détective éméché pointer son arme vers lui. Ce fut sans nul doute l'un des moments les plus terribles de sa courte vie. Cette menace de mettre fin à ses jours l'avait amené à éprouver pour la première fois un sentiment de mortalité.


Regardant le fleuve en contrebas, Connor fixa son reflet sur la surface sombre de l'eau et observa la lueur rouge de sa LED dans sa tempe droite.


« Une machine... » Murmura amèrement le déviant pour lui-même. « Une putain de machine... »


Il continua à marcher plus loin, sans but ni destination précise. Au bout d'un moment, l'androïde se retrouva le long de la rive entre la ville et la frontière canadienne. Assis au bord de l'eau, sur la berge enneigée, il regarda l'autre pays à quelques mètres seulement de l'endroit où il se reposait.


Perdu dans sa contemplation, Connor ramena ses genoux jusqu'à sa poitrine, puis enroula ses bras autour de ses jambes pour se protéger du froid.


Soudain, sa LED rouge passa brièvement au jaune à la réception d'un appel cybernétique de Markus.


« Connor, tu vas bien ? » Le chef des déviants semblait sincèrement inquiet pour la sécurité de son ami. « Hank m'a appelé. Il te cherche partout. »


Dans un premier temps, le jeune homme voulut ignorer l'appel mais il savait pertinemment que s'il le faisait, Markus continuerait à lui envoyer des messages ou pire, il informerait Hank du manque de réponse, inquiétant davantage le détective qui serait bien capable de déclencher tous les services de police disponibles pour le retrouver.


« Je souhaite être seul. » Répondit platement Connor. « J'ai besoin de réfléchir. »


« Où es-tu ? »


« Je veux être seul. » Répéta t'il quelque peu découragé.


« Peux-tu au moins venir à la tour ? Je ne dirai pas à Hank où tu es, promis. »


Il y eut une pause avant que Connor ne décline l'invitation. « Non. Je ne me suis jamais senti à l'aise à la tour. Je préférerais rester à l'écart pour le bien de tout le monde. »


Cette fois, ce fut Markus qui fit une pause, surpris par la réticence de son allié de venir à New Jericho. Il n'imaginait pas que Connor puisse ressentir un tel inconfort au refuge des déviants.


« Alors s'il te plaît, viens au manoir. Je ne veux pas que tu restes dehors toute la nuit. »


« Je ne veux pas déranger. »


« Ce n'est pas une intrusion si tu es invité. Je t'en prie, pour ma tranquillité d'esprit, viens chez moi. Sors de la rue. »


Le jeune homme laissa planer un long silence, incertain de devoir accepter. L'envie de rester seul était trop forte pour qu'il puisse y résister.


« Connor... » Insista Markus « Tu es mon ami, la personne la plus proche d'un frère. Je veux juste t'aider. »


"Frère..." Le déviant savait que Markus utilisait délibérément ce terme pour l'inciter à céder et à baisser sa garde. Soufflant de défaite, Connor accepta finalement de rencontrer Markus et North chez eux et de laisser derrière lui la nuit noire au bord de la rivière.


« ...Très bien. Mais seulement pour quelques minutes. »


« C'est tout ce que je demande. Merci mon ami. »


Se levant lentement de la rive, Connor épousseta la neige de ses vêtements et jeta un dernier regard pensif à la surface calme et froide de l'eau avant de tourner le dos à son propre reflet pour retourner en ville.


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La sombre journée touchait à sa fin et Hank masquait son inquiétude derrière une façade stoïque tandis qu'il empruntait son itinéraire habituel pour rentrer chez lui. Tout en roulant, il garda un œil sur les alentours pour éventuellement repérer la présence du déviant fugueur. 


Quelque peu soulagé de ne pas le voir errer seul dans les rues, il restait néanmoins perturbé par son manque de réponse. Une fois de plus, Hank vérifia son téléphone et soupira.


Aucune notification de message de Connor ou de Markus.


« Merde, gamin. Où es-tu ? »


Arrivé dans l'allée de la maison, le lieutenant fut découragé de constater l'intérieur toujours sombre. 


Sumo laissa échapper un seul aboiement sourd à l'entrée de son maître tandis qu'il traversait la cuisine et sortait impatiemment par la porte arrière après avoir été enfermé toute la journée.


Hank se rendit ensuite dans la chambre de Connor et appuya sur l'interrupteur pour l'allumer. Il regarda les guirlandes multicolores serpenter autour des nombreuses affiches accrochées aux murs.


Kiss, Iron Maiden, AC/DC, Metallica, Led Zeppelin, Korn, Black Sabbath, Knights of the black death...


Tous les groupes préférés de Connor étaient présents.


Le détective s'attarda ensuite sur les dizaines de photos collées au dessus de son lit et gloussa un peu en remarquant un cliché de lui et de l'androïde pris lors du fameux weekend à la cabane. Le gamin tenait le smartphone à bout de bras et souriait de toutes ses dents tandis que les deux comparses signaient avec leurs doigts le symbole des "Métalleux", levant, tels deux rockeurs, leur index et auriculaire devant l'objectif.


Une autre photo attira l'attention du quinquagénaire. Celle où le déviant immortalisait sa reprise du sport. L'homme dégoulinant de sueur, semblait fier de sa performance et fanfaronnait avec orgueil aux côtés d'un Connor particulièrement amusé.


Et encore celle-ci... Un selfie du visage moqueur de Hank qui pointait du doigt le déviant portant facilement dans ses bras un encombrant Sumo de quatre-vingt kilos.


Un par un, le policier parcourut les moments de vie de Connor, remarquant toujours son large sourire à chaque instant immortalisé en sa compagnie.


Était ce peut-être cela que Hank cherchait inconsciemment à préserver ? cette humanité grandissante qui le rendait plus vulnérable au monde qui l'entourait.


Ou était-ce seulement lui-même qu'il essayait de protéger ? À cause de cette peur indicible enracinée dans son cœur trop souvent meurtri.


Celle de perdre à nouveau un membre de sa famille...


« De toutes les choses que j'aurais pu lui dire, il a fallu que ce soit 'machine'. Je suis qu'un putain de connard... »


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Rongé par l'inquiétude, Markus faisait les cent pas dans le manoir illuminé de Carl.


Après la mort de l'artiste, la magnifique demeure lui fut léguée et désormais il l'habitait avec North. Léo de son côté, avait récupéré une importante somme d'argent de son père. Un héritage immédiatement investi dans la construction d'un centre de désintoxication à Détroit afin d'aider de jeunes toxicomanes, comme lui, à décrocher de la RED ICE.


Le chef des déviants était sur le point d'envoyer un autre message à son allié errant lorsqu'il entendit des pas en approche dans l'allée principale. Ouvrant la porte avant que le RK800 ne frappe, Markus l'accueillit avec un réel soulagement.


« Merci d'être venu. » Salua t'il d'un sourire crispé. « Est-ce que tu vas bien ? »


Il était évident que Connor en avait assez d'entendre cette question et le regard dur qu'il renvoya à Markus s'exprima pour lui.


Le déviant n'insista pas et l'invita à rejoindre l'intérieur de la maison, le menant jusqu'au salon principal où étaient installés le piano, la bibliothèque, l'échiquier, le canapé et la grande table. 


Laissant échapper un soupir las, Connor regarda un instant la magnifique maison puis reporta son attention sur Markus en approche vers lui.


« Je suis content que tu sois venu au manoir, mon ami... Mais pourquoi après tout ce temps, continues-tu de penser que tu n'es pas le bienvenu à New Jericho ? »


« Parce que je n'y ai pas ma place. » La réponse de Connor fut sèche et catégorique. « Pas depuis que j'ai fait localiser l'ancien refuge au FBI. »


« Tu n'es plus la même personne, Connor. Nous le savons tous. » Markus lui lanca un regard compatissant. « Mais si c'est ce que tu ressens vraiment, alors je ne te pousserai pas dans une direction où tu ne veux pas aller. Sache juste que tu n'es pas obligé de te cacher de ton peuple... Tu feras toujours parti des dirigeants de New Jericho. »


« Je suis beaucoup de choses, Markus mais je ne suis pas un leader. Ma programmation se limite à être un détective. » Rétorqua le déviant dont la LED rouge sombre continuait à clignoter frénétiquement. « C'est tout ce dont je suis capable. »


« Non, c'est faux. Connor, j'ai été programmé pour être le gardien de Carl. Est-ce que cela ressemble à quelqu'un qui mènerait une révolution ? »


« J'ai été programmé pour chasser les déviants. Est-ce que cela ressemble à quelqu'un qui devrait les diriger ? »


Markus pouvait percevoir l'immense douleur dans les yeux de son ami.


« Qu'est-ce qui ne va pas, Connor ? » Lui demanda t'il d'un regard attristé. « Je veux dire... qu'est-ce qui ne va VRAIMENT pas ? Tu as l'air tellement... perdu. »


« ...Tout. » Admit finalement le jeune homme en lui tournant le dos. « Je ne suis pas... Je ne suis pas censé faire ça. Je ne suis même pas censé exister ! Je suis un prototype, Markus. Tout en moi est temporaire ; en tant qu'officier et en tant qu'être ! Je suis perçu comme cela et serai toujours défini comme une machine quoi que je fasse... »


« Tu parles ainsi à cause de ce que t'a dit Hank, n'est ce pas ? »


Le jeune homme se figea un moment, réalisant que le détective lui avait parlé de leur dispute.


« Je suis un fardeau pour lui. » Confia t'il d'un souffle irrité.


« Tu as tort. »


« Vraiment ? » Gronda rageusement le déviant. « J'ai été piraté, submergé d'erreurs, de dysfonctionnements... Pire encore, j'ai été kidnappé à cause de ma conception rare ! Des personnes ont été mises en danger par ma faute. » Les yeux frustrés de Connor commencèrent à briller de larmes alors qu'il s'exprimait sans détour sur ce qu'il ressentait. « Tout le monde serait bien mieux sans moi. Je ne fais que créer des problèmes. Hank le sait, c'est pour ça qu'il a décidé de m'éloigner de lui... »


Markus se dirigea vers son ami et ancra ses deux mains sur ses épaules affaissées.


« Connor, tu ne comprends pas. » Sourit doucement le déviant. « Carl agissait de la même manière avec moi. Il me protégeait sans cesse du monde extérieur... » Il marqua une pause et fit face au regard brillant de son ami. « ...Parce j'étais important à ses yeux et qu'il avait peur de me perdre. »


Connor ne répondit rien et baissa à nouveau la tête vers le sol.


« Hank est comme un père pour toi, je me trompe ? » Poursuivit Markus en étudiant attentivement l'état émotionnel de l'androïde. « Il est évident que votre relation va au delà d'un simple partenariat. Je sais de quoi je parle, je l'ai vécu avec Carl. »


Les mots de Markus ébranlèrent un peu plus le jeune homme qui ne put dissimuler son expression emplie de tristesse.


« Il l'est. C'est vrai. » Avoua t'il en pressant douloureusement ses paupières. « Mais je n'ai jamais demandé à ce que Hank me traite différemment... » Il s'assit lourdement sur le canapé en cuir et prit sa tête en étau entre ses mains. « Je ne veux pas devenir une source d'inquiétude pour lui. Il n'a pas besoin de ça. »


« Connor, tu ne peux pas lui demander de faire comme si tu n'étais rien pour lui. Que tu le veuilles ou non, il sera toujours inquiet pour toi... » Markus se posa à son tour à côté de son ami. « ...Comme tu le seras toujours pour lui. Vous êtes devenus une famille et dans une famille, on veille les uns sur les autres. »


« Famille... » Répéta le RK800 d'un faible murmure. C'était étrange comment ce simple mot pouvait procurer en lui tout un panache de sentiments complexes.


« Le temps est si précieux. » Reprit Markus. « Ne le gaspille pas en restant en colère contre Hank. Tu ne sais pas de quoi sera fait demain. » Il posa sa main sur l'épaule de son ami et se pencha légèrement pour faire face à son visage torturé de doutes. « Connor, je donnerai n'importe quoi pour revoir Carl, ne serait-ce que quelques instants. Je n'ai jamais pu lui dire au revoir. Ne vis pas avec les mêmes regrets que moi. Parle avec Hank et dis lui ce que tu ressens. »


Réceptif aux paroles pleines de sagesse, le jeune homme releva finalement ses yeux brillants vers ceux dépareillés de son ami et approuva d'un léger hochement de tête.


« Tu as raison. Je dois lui dire. » En retour, le chef des déviants lui offrit un sourire approbateur. « Merci Markus... Merci de m'avoir écouté. »


« Je t'en prie. C'est à cela que sert un ami. »


« Pas seulement un ami... » Corrigea Connor. « Un frère. »


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Avec la tête de Sumo posée sur ses genoux, Hank attendit sur le canapé du salon le retour du déviant. Le téléphone resta extrêmement silencieux. Aucune nouvelle ne lui était parvenue depuis le dernier message texte de Markus indiquant sans plus de précisions que Connor allait bien.


Ne voulant pas quitter la maison au cas où il reviendrait, Hank resta simplement assis, le regard perdu dans le vague, se réprimandant intérieurement pour les malheureuses paroles proférées à l'androïde.


Soudain, Sumo releva brusquement la tête des jambes de son maître et se dirigea avec excitation vers la porte d'entrée. Hank se leva à son tour et fixa cette dernière avec espoir.


Connor apparut enfin dans l'embrasure, de suite accueilli par l'adorable Saint Bernard.


Le jeune homme le caressa d'un sourire chaleureux, avant de rapidement retrouver son expression neutre à la présence de Hank.


« Gamin, je suis content que tu sois enfin rentré... » Déclara prudemment le détective en regardant le déviant passer indifféremment devant lui pour se diriger sans un mot dans sa chambre. « Écoute, je sais que tu es en colère... Mais ce que je t'ai dit tout à l'heure... Ce n'est pas... Enfin... Tu vois... Je tenais à m'excuser... »


Toujours mutique, Connor entra dans la pièce avec Hank sur ses talons. Il se dirigea rapidement vers la porte de son placard et l'ouvrit.


En le voyant fouiller à l'intérieur, le quinquagénaire fut saisi par une soudaine panique.


« Attends ! tu ne vas quand même pas prendre tes affaires et partir ? On peut en parler Connor. S'il te plaît, laisse moi juste le temps de t'expliquer ce que... »


« C'est pour vous. » Coupa précipitamment le déviant en se retournant vers l'homme anxieux.


Surpris, Hank regarda Connor lui présenter un objet emballé. Ne sachant trop comment répondre, il baissa simplement les yeux sur le cadeau inattendu.


Alors que le couvercle de la boîte était doucement soulevé, le déviant commença à parler comme s'il avait besoin de se justifier.


« Je prévoyais de vous le donner à Noël mais je pense qu'il est préférable que vous l'ouvriez maintenant. Vous allez comprendre pourquoi... »


« Connor... » Le cadeau offert fit briller d'incrédulité les yeux bleus de Hank. « C'est magnifique. »


L'objet dans la boîte était une sculpture en étain, conçue sur mesure auprès d'un talentueux artiste du centre ville. L'œuvre réalisée selon les indications précises de Connor, mesurait près de vingt centimètres de hauteur et représentait un ancien rouleau de papyrus déroulé. Ce dernier était maintenu par de somptueux supports en chêne poli.


En haut à gauche était gravé avec détails une vieille boussole nautique. Le N pour le Nord était le plus prononcé tandis que les E , W et S pour l'Est, l'Ouest et le Sud se faisaient plus discrets. Dans le coin supérieur droit de la sculpture, se trouvait l'empreinte en relief d'un encrier ainsi qu'une plume d'oie qui calligraphiait un mot : « Stabilitas ».


« J'ai choisi un parchemin car dans de nombreuses cultures humaines, il représente la connaissance et la sagesse, ce que vous avez partagé avec moi pour m'aider à grandir en tant que personne. » Connor se positionna à côté du Lieutenant pour montrer le deuxième symbole. « La boussole représente l'orientation, la sécurité et la protection. Encore une fois, des choses que j'ai vécues seulement après avoir été accueilli chez vous. »


Hank était à court de mots face au cadeau incroyablement attentionné.


« La plume signifie la liberté et l'ascension, tandis que l'encrier méthaphorise l'apprentissage. Si j'en sais autant sur la vie, c'est grâce à vous. »


Connor continua ses explications et descendit son doigt sur l'inscription.


« Stabilitas, c'est du latin. Ça signifie stabilité, ce que vous m'avez aussi procuré pendant que je me découvrais. »


Un autre détail sur le parchemin fut porté à l'attention de Hank. Une belle citation qui résonna au plus profond de son cœur.


« Quant à ça... » Connor désigna la phrase imprimée en cursive au centre de la sculpture. « Je voulais honorer votre relation avec Cole et essayer de vous offrir des mots de réconfort. J'espère que ce n'est pas déplacé... »


Prenant une profonde inspiration, Hank stabilisa sa voix et la lut à haute voix. 


« Ce n'est pas la chair et le sang, mais le cœur qui fait de nous des pères et des fils. Par Johann Friedrich Von Schiller. »


Connor vit les larmes couler des yeux de l'homme.


« Je suis... je suis désolé, fiston. Mes intentions étaient de te protéger, pas de te blesser. J'ai eu tort de t'éloigner... » Se sentant soudain submergé par l'émotion, le détective passa son bras autour du cou et des épaules de Connor et le ramena contre lui. Posant la sculpture sur la table de nuit, il libéra enfin ses deux bras pour pouvoir tourner son corps et le serrer de toutes ses forces. « Tu ne seras jamais une machine à mes yeux, Connor. Jamais. »


« Je le sais, Hank... » Connor ferma ses yeux de soulagement et se laissa emporter par la chaleureuse et réconfortante étreinte tandis qu'un doux sourire apaisé apparaissait sur son visage. « ...Oui, maintenant je le sais. »



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