Ariane et le Minotaure Alien
Chapitre 4 : La Labyrinthe - L'antre du Monstre.
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Dernière mise à jour 08/11/2016 07:07
~~PARTIE QUATRE : Le Labyrinthe, l’antre du Monstre.
Nous étions donc à l’intérieur. Et le Docteur avait raison : c’était de la haute technologie. Les murs étaient en métal et non pas en pierre ou en lierre. Enfin, je ne savais pas très bien à quoi je devais m’attendre. Mais en tout cas, je ne m’attendais pas à ça !
« On est où ? Demandais-je.- Plus très loin du Minotaure. Enfin, je pense. Je ne sais pas très bien à quel point cet endroit est grand. On ne peut que se l’imaginer… Qui sait ? C’est peut-être même infini !- Génial, marmonnai-je, un labyrinthe sans fin. J’aurais peut-être vraiment dû prendre une bobine de fil avec moi… »
Car c’était un vrai labyrinthe. Enfin quelque chose de cohérent avec le mythe ! Malheureusement pour nous, cela dit : à peine avions-nous fait trois pas à l’intérieur du « vaisseau » ou autre « truc de l’espace » que nous avions déjà face à nous un premier croisement de trois chemins. Nous étions trois. Devait-on se séparer ? Dans un petit labyrinthe comme celui à Disneyland, ça n’aurait pas été si grave. Mais là, alors que le dédale pouvait se révéler infini, la tactique semblait tout de suite bien plus risquée…
Thésée et le Docteur restaient là, à observer les trois premiers couloirs du Dédale. Si jamais c’était par la sortie que nous venions d’entrer les deux autres couloirs allaient nous mener à un cul-de-sac. Qui sait dans combien d’années on allait découvrir que nous avions pris le mauvais chemin ? Allait-on même le découvrir un jour si le labyrinthe était vraiment infini ? Et puis comment donc un labyrinthe pouvait ne pas avoir de fin ?
« Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Demandais-je. Quel chemin on prend ?- Nous ne pouvons qu’y aller à l’aveugle, répondit Thésée à ma question, à moins que l’une de vos visions nous vienne en aide, Ariane. »
A l’évocation de mes « visions », je vis le Docteur me regardait bizarrement et je ne sus pas dire s’il approuvait ma démarche ou au contraire la trouvait stupide. De toute façon, je n’en avais pas et seul le Docteur aurait peut-être pu nous aider. Mais il semblait n’avoir aucun plan lui non plus. Je fus donc forcée de secouer négativement la tête ; le prince athénien soupira puis proposa de commencer par emprunter le premier couloir, celui de gauche. Personne ne le contredit sur ce point et nous, le Seigneur du Temps et moi, le suivîmes à l’intérieur du dédale dans lequel Thésée s’enfonçait déjà. Si je cherchais à me souvenir du chemin que nous prenions au cas où nous aurions à faire demi-tour, je remarquais que le Docteur sondait l’air avec son tournevis machin chose. A quoi diable cela allait-il bien pouvoir nous servir ? Je n’en avais aucune idée mais lui devait en avoir une derrière la tête et peut-être même un plan finalement car il annonça, un peu en jubilant, que nous étions bien sur le bon chemin. Il expliqua quand je lui demandais ce qui lui faisait dire ça que son tournevis sonique avait détecté la présence d’un individu d’origine extraterrestre. Et ils se dirigeaient droit vers elle.Un individu ? N’étions-nous pas censés être à la recherche d’un monstre ? Le Docteur dut pourtant vite se corriger : il n’y avait pas seulement une entité…
« Non, pas une seule mais deux. Attendez, non, quatre déjà. Et encore plus maintenant. Mais d’où peuvent-ils bien venir ?- Il y a peut-être bel et bien deux entrées à ce labyrinthe, suggéra Thésée.- Les labyrinthes ont souvent une entrée et une sortie, remarquais-je.- Exact, dit le Docteur, et de toute évidence, ils ont pris la sortie pour entrer… Ce qui veut dire… Courez ! »
Quoi ? Pourquoi devait-on encore courir ? On allait encore plus vite s’épuiser ! Mais mes jambes suivaient déjà l’ordre du Seigneur du Temps. C’était comme si elles avaient leur propre volonté sur laquelle je ne pouvais rien. Ou plus vraisemblable encore comme si le charisme de la voix du Docteur était trop puissant pour que celle-ci ne soit pas écoutée. Et que l’on n’obtempère pas aux moindres ordres qu’il avait émis. En tout cas, nous courions. Et le Docteur en tête de notre petit groupe nous ouvrait le chemin sans hésiter quand il devait choisir l’un des corridors qui se présentaient. Son tournevis sonique était toujours pointé vers le rien du tout qui était devant lui. Un peu comme une baguette de sorciers d’eau finalement. Seulement, si ça marchait vraiment son truc, ça n’allait pas nous faire découvrir une source de façon miraculeuse mais nous jeter nez à nez avec l’un monstres les plus puissants de la mythologie grecque…
Malheureusement, la façon miracle du Docteur aboutit à ce que je redoutais le plus : une confrontation avec un alien pas du tout amical. Seulement ce n’était pas un Minotaure. Ou alors le mythe avait vraiment modifié l’histoire… Non, c’était encore un rhinocéros, un Judoon, je veux dire. Et son fusil laser était pointé sur nous. Un glaive et un tournevis sonique n’allaient pas nous être d’un grand secours, là…
« Ho go tcho vo, fit-il d’un air particulièrement menaçant.- Tcho ho vo tcho ! Lui répondit le Docteur sur le même ton. »
Le Judoon tira, sur moi. Mais le Docteur m’avait déjà poussée vers le mur pour m’éviter le rayon, sûrement mortel. L’extraterrestre qui venait de me sauver la vie utilisa ensuite son tournevis sonique, qui se mit à émettre un son bizarre qui me fit me boucher les oreilles tout comme à Thésée, sur l’arme du Judoon. Elle n’explosa pas, ni le Judoon. Par contre elle dut s’enrayer parce qu’il ne put plus tirer avec. Le Docteur en parut satisfait et le Judoon s’enfuit. Après ça, le Seigneur du Temps secoua son tournevis et s’exclama avec déception qu’il avait perdu le signal. Et ensuite qu’il espérait que les Judoons n’aient pas eu plus de chance que nous. Et il reprit sa course effrénée avec Thésée et moi sur ses talons, enfin sur les traces de son ombre plutôt parce qu’il avait une légère tendance à nous semer. Enfin, nous arrivâmes devant la bête. On était au cœur du Labyrinthe de Crète…
Le Minotaure qui se dressait devant nous était, cette fois, exactement comme je me l’étais imaginé : un monstre hideux à corps humanoïde poilu et gigantesque avec une tête de bœuf et des cornes épaisses. Une vraie vision du Diable des chrétiens sans le trident de Poséidon… La bête sembla vouloir charger le héros grec qui lui présentait déjà son glaive, prêt à lutter à mort pour le destin de sa cité, mais le Docteur s’interposa : il se plaça juste devant l’Athénien et montra ses mains vides à la créature de cauchemar devant nous. Il ne parla pas tout de suite mais sembla observer ses yeux. Il s’approcha ensuite de son torse poilu et le Minotaure gémit de douleur. Il souffrait et le Docteur l’avait compris. C’était bien un docteur après tout…
« Oh mon pauvre, dit-il, je suis désolé, tellement désolé. Tu es magnifique et regarde ce qu’ils t’ont fait ! »
Tout en parlant, le Seigneur du Temps pointa son tournevis vers une plaie invisible à nos yeux humains mais qui devait l’être parfaitement pour un Seigneur du Temps. Le Minotaure grogna encore mais il semblait remercier l’aide du Docteur. A cet instant, l’alien me fit plus penser à un Wookie qu’à une créature mythologique. Le mythe s’effaçait vraiment de plus en plus dans ce lieu si mystérieux. Et ça commençait à me donner la chair de poule.
« Bon, il faut que l’on retrouve ces Judoons, ainsi que la sortie. C’est notre seule chance de lui venir en aide.- Venir en aide au Minotaure ? Il a tué des Athéniens et je suis là pour le tuer ! Je n’aurais jamais dû vous faire confiance à vous et à vos visions, vous travaillez pour le Roi Minos !- Non, vous vous trompez, Thésée, ce Minotaure n’appartient pas non plus à Minos, d’ailleurs. Il est extraterrestre.- Extraterrestre ? Mais bien sûr… Prenez-moi pour un naïf. Ou un fou. Vous ne sortirez pas vivants de ce Labyrinthe, Ariane. Et vous non plus, Docteur.- Et vous non plus, prince. Vous avez besoin de moi, de nous, pour sortir un jour du Labyrinthe. Epargnez le Minotaure et je vous libérerai des entrailles de cette prison.- Une prison ? Hoquetais-je.- Oui, c’est une prison, enfin une capsule de sauvetage d’un vaisseau-prison bidouillé par je ne sais qui avec de toute évidence toutes les compétences requises en matière de transcendance dimensionnelle, comme un Seigneur du Temps. Mais de toute évidence pas avec de bonnes intentions…- Mais pourquoi est-ce que ce Minotaure était emprisonné au départ ?- Sûrement pour la simple raison de son existence : les Minotaures sont très rares dans l’univers et sont souvent des bêtes de foire de luxe ou alors peut-être était-il juste considéré comme trop dangereux sur sa planète d’origine. En tout cas, s’il a fait du mal à des innocents, il ne l’a pas fait par choix. Il reste une bête sauvage et ces humains étaient sa nourriture. »
Je frémissais à cette idée puis je me pris à espérer qu’aujourd’hui, le monstre avait déjà mangé. Sinon on allait devoir courir, vite. Encore… Heureusement, il ne montrait aucun signe de vouloir nous attaquer. Une première bonne nouvelle. Mais qu’allait-on faire maintenant qu’on n’avait trouvé le Minotaure et que le Docteur l’avait soigné ? On allait devoir le faire sortir d’ici ?
« Bon et que fait-on si on ne le tue pas ce Minotaure ? Athènes ne doit plus envoyer à la mort ses jeunes, Docteur.- Et elle ne le fera plus, promit le Seigneur du Temps, mais ce n’est pas ce Minotaure qui est responsable de cette tragédie ; Il nous faut chercher les vrais coupables.- Et qui sont-ils ? Demanda Thésée.- Minos, répondis-je, les Crétois. D’une façon ou d’une autre ils doivent exploiter ce monstre mythol, euh ce monstre.- Oui, et je crois qu’il serait temps qu’on le retrouve ; et même très vite : c’est-à-dire, avant les Judoons. Allons-y ! »
Encore cette expression ? Et pourquoi disait-il cela avec un tel engouement ? Chasser du rhinocéros extraterrestre l’excitait bien plus que je ne l’étais moi-même ou Thésée. Il avait un plan au moins, cette fois ? J’en doutai fortement…
…
Qu’allait-on découvrir à la fin de ce labyrinthe ? J’avais l’impression qu’on n’en était pas encore arrivé au bout. On avait certes déjà vu le cœur de ce labyrinthe, il nous fallait maintenant en trouver la sortie. Et le Docteur, avec son tournevis sonique toujours en main, semblait nous guider vers cette dernière, toujours au pas de course.
Nous arrivâmes enfin à cette sortie au bout d’une dizaine de minutes. Bon s’il y avait bien une sortie, ce labyrinthe n’était pas tellement infini… Une bonne chose. Le Docteur nous avait expliqué – tout en courant – ce qu’était exactement la sortie que nous cherchions : la sortie de secours de la capsule de sauvetage. Comme dans un vrai vaisseau.
Arrivés à l’entrée, nous fîmes face à d’autres Judoons, tous armés jusqu’au poing. Mais ils nous tournaient tous le dos. Ils avaient déjà leur victime. Et c’était le roi Minos de Crète.
« Restez à l’écart, nous dit-il avant de s’avancer vers les policiers aliens. »
Je n’essayai même pas de discuter mais je tendis tout de même l’oreille derrière un mur opaque du labyrinthe. Le Docteur rejoignit les Judoons et leur prisonnier.
« To to go to tcho! Dit le Seigneur du temps.- Bo go ko tcho do.- To go go!- Vo go do to tcho do to. »
Je ne comprenais évidemment rien mais je vis les Judoons lâcher le roi crétois à la fin de la négociation. Minos reprit son souffle puis il remercia sèchement le Seigneur du Temps.
« Bien, Minos, si vous me disiez maintenant comment vous avez découvert ce Minotaure ? Et surtout pourquoi vous l’avez utilisé aussi traitreusement en lui jetant des « tributs » des cités voisines à manger ?- Vous racontez n’importe quoi ! Laissez-moi tranquille !- Oh arrêtez avec ça, Minos ! Pasiphaé, le Taureau blanc… Vous nous contez une belle histoire mais ce que je veux c’est la vérité. Vous voyez ces rhinocéros ? Ce sont des extraterrestres, comme moi. Mais contrairement à moi, ils veulent vous tuer. Donc soyez gentil et répondez à mes questions si vous ne voulez pas que je les laisse s’occuper de vous, à leur manière. Bien alors allons-y, première question : comment vous avez découvert ce labyrinthe ?- Je ne l’ai pas fait. C’est Dédale en flânant avec son fils dans la campagne.- D’accord. Mais pourquoi lui donner des Athéniens à manger ?- Les Athéniens sont nos ennemis, et nous les avons défaits.- Et vous pensez que les aliens qui tombent du ciel sont faits pour ça ?- Pourquoi pas, si les dieux nous l’ont envoyé ?- Oui, bien sûr… Les dieux… Vous voyez ces Rhinocéros ? Ce sont des Judoons, et ce Minotaure leur appartient, ce sont donc eux les « dieux » qui vous l’ont envoyés. Alors vous allez nous conduire à ce monstre que vous gardez enfermé ici et vous allez gentiment laisser ces Judoons le ramener avec eux. »
Je n’en entendis pas plus : Thésée me tira par le bras et m’éloigna de Minos et des extraterrestres. Il me montra le tournevis sonique qu’il avait dans ses mains. Comment avait-il donc pu le dérober au Docteur ? De toute évidence il l’avait fait. Dans son passé, il avait combattu des brigands, il avait dû apprendre quelques tours en même temps. Il ne voulait pas seulement me montrer son recel, il voulait que je me serve de cette « baguette de sorciers ». Pour retrouver le Minotaure… Il me dit qu’il ne croyait pas le Docteur digne de confiance, après tout il avait dit que c’était un extraterrestre lui aussi et il négociait maintenant avec d’autres extraterrestres, des Judoons, et encore plus le roi de Crète, son pire ennemi. Il me convainc en me parlant des pauvres Athéniens qui allaient être bientôt jetés en pâture au Minotaure et qu’il fallait arrêter ce massacre, maintenant. J’avouai que je connaissais ce Docteur depuis très peu de temps et que je n’avais pas non plus très confiance en lui. Je ne savais pas vraiment si je pouvais croire tout ce qu’il me disait, et je ne voulais pas être derrière le massacre des Athéniens. Le Docteur avait peut-être raison : j’allais peut-être changer l’histoire si je ne faisais rien. Et ce n’était pas ce qu’il voulait.
J’acceptais donc de l’aider et prenais le tournevis du Docteur dans mes mains. Seulement je n’avais aucune idée de comment l’utiliser, son machin. Je le retournais dans tous les sens en cherchant à comprendre son fonctionnement, mais je n’en avais toujours aucune idée et je voyais le regard rivé de Thésée sur mon embarras. Soudain, je songeais que je n’en avais pas besoin. Même si on avait couru comme des dingues, je me souvenais encore assez bien du chemin. Et je fis alors semblant d’utiliser le tournevis sonique du Seigneur du Temps et le déplaçant comme une sonde, je nous guidai vers le cœur du Labyrinthe où nous nous apprêtions à retrouver et confronter de nouveau le Minotaure de Crète, pas vraiment de Crète…
Quand nous arrivâmes devant le Minotaure alien, je le découvrais faible et aussi reconnaissant. Je fus prise de pitié par son état désolé. Il s’approcha de nous, il devait se souvenir que nous venions de l’aider. Un alien, pas un monstre mythologique. Et intelligent de surcroît ; le mythe se déconstruisait de plus en plus.
Je levai la main vers son torse comme le Docteur l’avait fait plus tôt ; Thésée m’avait fait douter mais je croyais toujours en sa bonne foi. Il m’avait aidé avec mon téléphone, m’avait emmenée dans la Grèce Antique, même s’il avait fait une petite erreur à ce sujet. Et ce que je vivais ici, c’était juste incroyable, terrifiant la plupart du temps mais tellement incroyable quand même. Oui, voyager avec le Docteur n’était pas si désagréable que je me l’étais imaginée. Et aider ce Minotaure de l’espace, réécrire mon mythe préféré, c’était à la fois très étrange et très auto-satisfaisant. Je me sentais utile et importante. Je me sentais bien.
Et le rêve que je vivais vira au cauchemar. La réalité reprit ses droits. L’Histoire reprit son cours. Le glaive de Thésée transperça le torse poilu de l’extraterrestre, le sang commença à couler sur mes doigts. Je retirais ma main et me reculai pour découvrir l’horrible vérité : Thésée venait d’assassiner le Minotaure. Et moi, Ariane, je l’avais guidé jusqu’à sa victime.Mon cri de stupeur alerta peut-être le Docteur mais s’il n’avait pas déjà été en chemin et très proche, le feu nourri des Judoons n’aurait pas été aussi rapide. Encore choquée par l’action du « héros » grec, je ne pensais pas à me baisser pour éviter leurs tirs… Et je sentis ma main être empoignée par celle de Thésée. Et il m’entraine dans sa course sous le feu nourri Judoon de plus en plus violent et les insultes fusant de la part de Minos en crétois et de la part des Judoons dans leur langue si étrange. Et les tirs, qui heureusement ne nous atteignirent pas, creusèrent un trou fumant dans la membrane externe de l’épave de la capsule de sauvetage spatiale. Et l’air frais s’engouffra vers nous ainsi que la lumière du soleil, qui bien évidemment m’éblouit. Je fermai les yeux. Et je ne revis plus la lumière du soleil avant un long bout de temps. Le coup de glaive que je reçus sur la tête me fit vite tomber dans les pommes, et j’entendis les derniers mots de Thésée qui me traitait de « sale princesse crétoise »…