Ce qu'il reste de moi
Chapitre 3 : C3 : Steak tartare et batterie faible
4499 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 09/11/2016 15:18
CHAPITRE III
Steak tartare et batterie faible
RIVER SONG
Contrariée, River était sortie dans la ruelle latérale sur laquelle donnait le club, non sans être retournée auprès de Quentin pour lui emprunter son téléphone. Après un bref échange durant lequel elle lui avait expliqué qu'Amy était partie furieuse, à la fois après Matthew et après elle, mais pour des raisons différentes, elle souhaitait joindre Jack. Elle espérait qu'il soit bien rentré directement chez eux et voulait lui recommander d'être extrêmement prudent avec Amy-Leigh, étant donné la déception vive qu'affichait la jeune fille. Quentin lui avait donné son téléphone sans discuter.
Elle pianota de mémoire le numéro de Jack et fut surprise d'entendre une sonnerie qui semblait correspondre à son appel non loin d'elle. Elle coupa la communication et la sonnerie se tut. En rappelant immédiatement, elle eut confirmation que le téléphone de Jack était bien dans le coin. C'était très mauvais signe qu'il ne décroche pas…
La ruelle était noire, assez mal éclairée par un seul réverbère. Elle se guida au son. Cachés derrière une benne à ordures, elle vit ce qui semblait être deux hommes accroupis sur un troisième inanimé au sol.
— Hey ! fit-elle bravement. Vous voulez que je vous aide ?
Les deux hommes surpris en pleine action se retournèrent et elle s'aperçut avec horreur qu'ils étaient en train de dévorer celui qui était par terre. Voyant leurs bouches ensanglantées, elle remercia le ciel de n'avoir actuellement aucun nerf vagal pour pâlir, transpirer et vomir, ni aucun cœur pour battre trop fort dans sa poitrine à ce spectacle dégoûtant, car l'homme dévoré par terre était Jack.
— Il était déjà mort quand on l'a trouvé ! se défendit l'un deux. Il vient de se faire buter par des Kektèques ! Personne ne peut plus rien pour lui maintenant ! Et on a faim !
Elle s'approcha prudemment.
— Comment se fait-il que les brochures touristiques de Velquesh n'évoquent jamais ses autochtones cannibales… ?
— On n'est pas d'ici. On a juste suivi les Kektèques.
— Vous êtes quoi au juste ?
— Ben, l'équipe de nettoyage ! On nous paye pour manger les cadavres, comme ça il n'y a pas de traces. Et vous vous êtes quoi ? Vous ne sentez rien… Vous avez l'air partiellement lizonienne ? Vous êtes de Ramptilis ?
— Reculez. Vous ne devez pas manger cet homme.
— Alors là, ma petite dame, je dois vous dire que c'est hors de question… On ne veut pas de problème avec les Parrains. On nous paie pour faire un boulot, et on le fait. Bon même si celui-là a un drôle de goût, on ne peut pas se permettre d'être très regardants…
— Je crois que vous risquez de le trouver très indigeste…
— On est résistants aux maladies ! Pas de souci. On est désolés si vous le connaissiez mais il vaut mieux que vous partiez maintenant.
— Je ne peux pas faire ça. Il a besoin de moi. Et en plus, vous avez dit que vous ne mangiez que des cadavres ?
— Évidemment ! C'est interdit de manger des gens vivants ! Pour qui vous nous prenez ?
— Pour des types qui vont passer un sale quart d'heure quand il va se réveiller…
— Mais puisqu'on vous dit qu'il est mort ! On connaît quand même notre métier !
— Oh, pour lui comme pour moi, la notion est un peu vague…
L'un des nettoyeurs, celui qui était resté silencieux jusque-là, se releva et adopta une posture plus menaçante.
— Écoutez, partez ou vous pourriez trouver très vite la trouver plus claire !
Elle soupira.
— Menace déclarée, hein ?…
En réponse, elle leva sa jambe bottée et porta un coup puissant à la poitrine de celui qui était le plus près d'elle, quand il fut à genoux, cassé en deux à chercher vainement son souffle, elle abattit son avant-bras de métal sur sa nuque et il s'effondra très obligeamment. Elle s'adressa au second qui venait de se relever aussi.
— Vous constaterez que nous avons un conflit d'intérêt. Prenez votre camarade et ne revenez pas, sinon je m'occupe de vous de la même manière.
Le second homme ouvrit ce qui s'avéra être une gueule pleine de vilaines petites dents très fines et pointues, et se jeta sur elle en tenant de la mordre au bras dont elle se protégeait le visage par instinct. Ses crocs ripèrent avec un crissement très désagréable en entamant le fin épiderme synthétique de River.
— Oh non ! fit-elle en allumant ses yeux jaunes d'une lueur électrique. Mon beau bras tout neuf !
— Mais qu'est-ce que vous êtes ? s'écria le nettoyeur.
Elle eut un rire machiavélique bizarre.
— Essayons pour voir : ton pire cauchemar ?
River frappa dans ses deux mains et les frotta l'une contre l'autre, puisant dans sa batterie pour créer un effet pyrotechnique plein d'étincelles, assez impressionnant pour mettre en fuite son agresseur. Il embarqua son collègue évanoui par la jambe pour s'en aller sans demander son reste.
Derrière elle, elle entendit un très profond soupir : la longue inspiration de Jack qui revenait à la vie. L'instant d'après, il gémit pitoyablement de douleur en retrouvant des sensations.
.°.
JACK HARKNESS
En ouvrant les paupières, il constata qu'il était tombé sur un sol bétonné désagréablement froid. Pourtant lorsqu'il leva les yeux face à lui, il vit une paire de jambes divines, moulées dans des bottes de cuir blanc hautes qui laissaient à nu le tout haut des cuisses sous une robe blanche… oh merveilleusement courte ! Les longs cheveux noirs lisses et épais de sa propriétaire étaient retenus par plusieurs anneaux et serpentaient jusqu'au creux de ses reins.
Elle regardait quelqu'un partir, mais se tourna vers lui en l'entendant grogner de souffrance, braquant sur lui deux invraisemblables yeux jaunes qui luisaient comme deux lampes allumées de l'intérieur.
— Jack !
Elle s'agenouilla pour essayer de le redresser.
— Ne bouge pas… Tu dois souffrir affreusement, ils ont commencé à te manger…
Jack ferma les yeux, haletant un peu, avec des larmes qui ruisselaient de ses yeux sans qu'il puisse les retenir.
— Est-ce qu'on… se connaît ? Je suis le Capitaine Jack Harkness et vous venez de me sauver la vie, dit-il en essayant de sourire de toutes ses dents blanches, malgré la douleur.
— Oh, pas la peine de me faire ton grand numéro, va… Je sais très bien qui tu es. Arrête de faire le malin et essaie de ne pas trop bouger pendant que tes tissus cicatrisent…
— Je suis sûr que je vous ai déjà vue… souffla-t-il à peine audiblement.
— Chez Transmat, acquiesça-t-elle.
Il resta un moment tranquille avant de s'agiter.
— Oh, j'y suis ! Transmat ! Vous êtes celle qui était au portique… !
— Shhh !
Par jeu, River posa un doigt sur ses lèvres et il essaya d'attraper sa main.
— Vous êtes toute froide, remarqua-t-il avec surprise en pressant légèrement ses doigts.
— C'est parce que ce n'est pas un corps humain. Tais-toi donc cinq minutes.
— Pourquoi ?
Elle leva une paume au-dessus de sa blessure sur le haut du bras gauche, de l'épaule et jusqu'à la carotide. Soudain, il sentit une merveilleuse chaleur l'envahir sur tout le côté gauche et sa douleur s'atténuer considérablement.
River avait réussi à extraire uniquement son bras fantomatique de la gangue de métal. De sa main, elle avait touché la tempe de son ami pour donner l'ordre au cerveau de retenir la connexion à ses terminaisons nerveuses. Elle était bien surprise que ça puisse marcher. Avec un peu de malchance, le résultat aurait pu être très différent et Jack finir comme un légume…
— Qu'est-ce que vous avez fait ? Je ne sens presque plus rien… Mon bras est fichu ?
— Si je te connais bien, il va se remettre sous peu.
Jack inclina difficilement la tête pour jeter un œil sur ce qu'il pouvait voir de ses blessures et arbora une grimace dubitative.
— C'est pas joli à voir… ça va mettre un peu de temps à guérir mais… je veux bien que vous soyez mon infirmière personnelle !
Elle rit.
— Ah, j'y crois pas ! Il est à moitié mort et il continue à me faire du gringue… Ta réputation n'est pas usurpée…
Elle se releva. Sous l'œil intéressé du Capitaine à moitié shooté aux endorphines, elle sortit le téléphone qu'elle avait glissé dans sa cuissarde pour ne pas le faire tomber dans la lutte. Elle fit défiler la liste de contacts pour trouver Matthew qu'elle appela aussitôt.
— Que faites-vous ? demanda-t-il.
— J'appelle la cavalerie, résuma-t-elle brièvement. Matthew ? C'est River. Je suis dans la ruelle à l'arrière. J'ai deux mauvaises nouvelles. La première que Quentin a dû vous dire, Amy a quitté le club très en colère contre moi et a décidé de rentrer toute seule. La seconde, c'est que la seule chose qui m'ait empêché de la poursuivre, c'est que j'ai trouvé Jack grièvement blessé et qu'il a besoin d'aide… Non, les deux événements ne me paraissent pas reliés. Pourquoi ?... Mhh, je vois, dit-elle en toisant Jack d'un air mécontent. Pouvez-vous me passer Quentin ?
— Comment ça « River » ?! avait relevé Jack en tentant de se redresser.
Mais le dos tourné, elle ne l'écoutait pas.
— Quentin, je suis navrée de te demander encore un service… J'aurais besoin d'une ambulance discrète ou d'un genre de taxi pour ramener Jack. Il a été attaqué et il est blessé. C'est très impressionnant mais disons qu'il a une robuste constitution et qu'il n'a pas besoin que des médecins trop curieux se posent des questions sur elle… Ok. Je reste avec lui parce qu'il est mal en point. Je t'attends…
Elle ferma le téléphone et surprit le regard fiévreux de Jack qui la détaillait minutieusement des pieds à la tête avec assez d'impudeur et d'incrédulité.
— River ? Oh, viens là tout de suite, mauvaise fille… Pourquoi m'avoir caché que tu étais… en vie ?
— Parce qu'il aurait été trop optimiste de l'affirmer jusqu'à ce que Quentin réussisse à me stabiliser là-dedans… Les sécurités des androïdes avancés me font à peu près autant de bien que ce que tu dois endurer en ce moment…
— Mais nom d'un chien ! Est-ce que tu imagines ce que ça nous a fait de te croire perdue ?
— Non, sans doute, répondit-elle avec un coup d'œil nerveux vers la porte d'où elle s'attendait à voir débarquer Quentin. Mais il n'est pas très certain que je sois vraiment sauvée. Ma situation est redevenue franchement hasardeuse... Apparemment, ma présence est trop imposante pour les processeurs de cette machine. Pour une raison que j'ignore, je ne peux pas retourner dans CAL. Si on ne trouve pas une autre solution rapidement, je suis fichue…
Il la contempla de ses beaux yeux douloureux, ou furieux, elle ne savait pas vraiment. Elle n'avait pas envie de le savoir trop précisément à dire vrai… Elle avait assez de problèmes comme ça en ce moment. Mais avec une remarquable intuition, Jack l'empêcha d'évacuer la question aussi vite qu'elle l'aurait souhaité :
— Tu sais qu'il y a un autre moyen, je te l'ai d'ailleurs déjà proposé.
Elle se frotta vigoureusement les bras, semblant soudain prendre conscience du froid ambiant et de la légèreté de sa mise.
— Jack, voyons ! Il n'en est pas question ! Tu ne comprends pas que ce que tu me proposes-là est largement plus intime et plus dingue qu'un mariage… Une relation déséquilibrée où j'aurais tout pouvoir sur toi, où tu n'auras aucun moyen de me faire taire, même quand je t'énerverais… souligna-t-elle en marchant de long en large. Au bout d'un mois, tu aurais envie de me tuer… et tu ne pourrais même pas !
— Aurais-tu peur de ce que tu pourrais découvrir d'autre sur moi en étant… littéralement dans ma peau ?
— Ha, la face obscure du soi-disant Jack Harkness, commenta-t-elle en jetant des regards impatients vers la porte métallique d'où Quentin ne sortait toujours pas.
Il resta silencieux un instant toujours un peu groggy malgré la désensibilisation qu'elle avait opérée.
— John m'a dit que tu avais regardé jusqu'aux tréfonds de son âme et que, malgré cela, tu avais accepté qu'il te touche… Compte tenu de ce que je sais de lui, je n'imaginais pas que tu pouvais te méfier de moi !
— Un vrai poète ce John, maugréa-t-elle. Mais j'aimerais qu'il soit capable de se taire.
Elle claquait des dents.
— Qu'est-ce qui ne va pas ? s'inquiéta-t-il.
— Batterie faible, répondit-elle avec une grimace.
.°.
LE DOCTEUR
Le Docteur se présenta une nouvelle fois à l'agence et trouva porte close. Il remonta dans le Tardis, revint le lendemain : même chose. Par malchance, il se rappelait qu'il n'avait jamais demandé où habitaient Jack et River. D'ordinaire, il y avait toujours quelqu'un pour lui répondre sur ces petits détails insignifiants. Enfin pas « quelqu'un » : mais Clara plutôt ! Là, ça lui était complètement sorti de la tête.
Faute de savoir à qui demander, il se présenta chez Cormack Industries et demanda à voir Quentin. Une secrétaire l'informa qu'il avait pris sa journée pour motif personnel et qu'elle lui déconseillait de lui demander d'essayer de le joindre quand même, si ce n'était pas extrêmement important. En son for intérieur, le Docteur voulut bien reconnaître que connaître l'adresse de Jack n'était pas une question de vie ou de mort.
En désespoir de cause et mortifié de constater qu'il allait devoir lui demander de consulter l'annuaire, il demanda s'il pouvait saluer quelqu'un dans l'équipe de recherche. Lorsque la secrétaire demanda un nom, le Docteur en eut des sueurs froides… C'était donc vrai qu'il se fichait complètement des gens ? Avec un peu de chance, il pourrait feindre une mémoire défaillante due à l'âge. La première fois depuis longtemps que son physique lui permettait de tricher de cette façon…
Comment s'appelaient donc les types de l'équipe de recherche ? Dave Tenner, Chris Exxton, Paul Malgan. Oui ! Oh merveilleuse mémoire extensive. Qui disait ça ?
Dave le reçut quelques instants et le Docteur le reconnut enfin comme le programmeur de génie qui s'occupait du module de communication d'Otto. Il en profita pour lui demander si ce dernier était bien rentré immédiatement après leur arrivée, expliquant brièvement comment il l'avait trouvé et ramené en pensant qu'ils seraient plus que soulagés.
— Qu'est-ce qui vous amenait ? demanda Dave en fermant une fenêtre de son ordinateur où il venait de commencer un courrier.
— Je pensais que peut-être Quentin aurait l'adresse personnelle de l'associé de River. J'essaie de le joindre sur son lieu de travail mais on dirait qu'il n'y a personne, et Quentin n'est pas disponible non plus… L'auriez-vous par hasard ?
— Oui, je peux vous trouver cela, mais il est vraisemblable qu'Harkness ne puisse pas vous parler.
— Serait-il en congés ? s'enquit poliment le Docteur.
— Rien d'aussi plaisant. En convalescence plutôt…
Dave avait lancé un programme et tapé le nom de Jack dans une base de recherche de la ville. Il nota l'adresse sur un papier et le tendit au Docteur qui le prit en le remerciant. Sa main trembla légèrement en prenant la feuille. Le geste lui était familier. Il avait envie de la serrer précieusement entre ses doigts. C'était idiot…
En regardant le Docteur partir, Dave soupira. Il n'avait pas osé demander si Miss Oswin était en ville avec lui.
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Il sonna à la porte. Au bout de quelques instants, une grande brune vint lui ouvrir. Une métisse de lizorienne très certainement s'il en jugeait par ses yeux dont la couleur, la forme et la… fixité étaient plutôt reptiliens. Les autres caractéristiques typiques de ce génome étaient discrètes à première vue. Peut-être avait-elle seulement un aïeul de cette espèce ? A moins qu'elle ne portât simplement des lentilles de contact purement décoratives…
— Oui ? demanda-t-elle au bout de plusieurs minutes durant lesquelles ni l'un ni l'autre n'avaient rien dit.
— Est-ce bien ici qu'habite Jack Harkness ? Je souhaitais le voir…
— M. Harkness n'est pas en état de recevoir des visites. Peut-être dans un jour ou deux.
— Est-il souffrant ?
— Oui.
— Il s'avère que j'ai quelques connaissances médicales qui pourraient lui être utiles… Pourriez-vous lui dire que je suis là ?
— Et qui êtes-vous ?
— Je suis le Docteur.
— Le docteur quoi ?
— C'est mon nom de code… répliqua-t-il inexplicablement agacé par la résistance quelle offrait. Pouvez-vous allez lui dire, s'il vous plait, c'est très important…
— Attendez là, je vais voir s'il est réveillé.
Elle le fit entrer puis le planta là, en le laissant admirer l'exiguïté de l'entrée aux murs gris vert rehaussés d'un soubassement blanc. Il s'approcha d'une paroi où il eut la surprise de voir quelques photos encadrées qui représentaient toutes Jack, River et Amy-Leigh, souriant à l'objectif. Il avait le sentiment étrange en les regardant qu'ils avaient l'air très heureux ensemble.
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RIVER SONG ET JACK HARKNESS
River s'approcha du lit où un Jack réveillé consultait un dossier.
— Tu ne dors plus ?
Il eut un sourire d'excuse et secoua la tête, non sans la regarder fixement.
— Non. C'est très ennuyeux que je sois arrêté, il faudrait que je travaille… Il y a quelque chose dont je n'ai pas eu le temps de te parler encore. Avant d'être agressé l'autre soir au club, j'ai vu Fielding au bar… Il voulait un service.
— Quel genre ?
— Il a un neveu qui doit faire un stage et qui rêverait de le faire chez nous…
— Un stagiaire ? Mais quel âge a-t-il ?
— Je crois qu'il a dix-sept ou dix-huit ans.
— Est-ce qu'il est joli garçon ?
— Je ne sais pas. Étant donné que nous manquons cruellement de personnel, je me suis dit que nous pourrions accepter et lui donner des petites choses très simples. J'étais en train de regarder ça. En plus, on n'aurait pas besoin de le payer beaucoup vu que c'est un genre de convention signée avec son école. Un truc de découverte du monde du travail…
— Et si c'était un petit espion que Fielding te fourrait dans les pattes pour continuer à t'avoir à l'œil, de l'intérieur ? As-tu pensé à ça ?
— J'ai surtout pensé qu'on était dans le rouge très bientôt et que les clients allaient retourner voir nos concurrents… Toi tu ne peux pas encore travailler et, même sans ça, il me semble que sous couvert d'améliorer ton autonomie, Cormack ne va pas te lâcher comme ça… Moi je ne suis pas franchement au top… Du coup, le stagiaire gratuit me semble une bonne option… juste le temps que je me remette un peu.
— Je pourrais essayer de te réparer, proposa-t-elle.
— Et tu viderais ta batterie en un quart d'heure… je ne préfère pas. John devrait rentrer bientôt. Je l'ai prévenu que tu étais de retour, il ne va certainement pas traîner en route. Il pourrait m'être assez secourable si les Kektèques revenaient pour finir le boulot.
— Je t'avais dit de ne rien lui dire.
— Pourquoi ? Il sera très heureux de te revoir.
— C'est ce qui m'inquiète. Il sera aussi très déçu, très rapidement.
— Mais non !
Elle sourit avec patience en ayant l'air de penser tout le contraire.
— Cette enveloppe n'est pas vraiment compatible avec les fantasmes qu'il peut avoir.
— Qu'est-ce que tu essaies de dire de façon aussi mystérieuse ?
— Hem. Que "Pryss Avalokiteshvara" était un automate d'entreprise aux fonctions limitées. Un utilitaire uniquement voué à l'accueil et au renseignement des visiteurs… Tiens, ça me fait penser qu'on fait poireauter le Docteur dans l'entrée depuis dix minutes…
— Quoi ? Le Docteur est là ?
— Oui, c'était ce que j'étais venue te dire. Il veut te voir.
— Ah c'est vrai, il avait prévenu qu'il reviendrait… Il veut me parler d'un truc qui s'est passé il y a des années.
— Ouf, pendant un instant, j'ai cru qu'il se serait inquiété pour nous…
— Oh, non, fit-il en lui adressant un sourire charmeur qui montrait qu'il était tout à fait d'accord avec sa remarque. Il a fait le déplacement pour me montrer une vieille lettre que j'aurais prétendument écrite à son intention pour l'avertir qu'il se serait fait de nouveaux ennemis très puissants et plus manipulateurs que nous ne le serons jamais… Franchement, avec ceux que j'ai déjà, je pourrais difficilement en prendre plus…
— On n'a jamais vraiment parlé de toute cette quantité d'ennemis que tu as, d'ailleurs… releva-t-elle.
— Je croyais que tu n'étais pas tentée par l'exploration de mes zones d'ombre… rétorqua-t-il tendrement.
Elle lui tira un très inattendu petit bout de langue fourchue noire qui le laissa surpris et s'en fut chercher son visiteur. Et pour la toute première fois de sa vie, il devait considérer qu'il n'était pas très impatient de le revoir.
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