Ce qu'il reste de moi

Chapitre 4 : C4 : Papa don't preach

5195 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 15:18

CHAPITRE IV

Papa, don't preach

LE DOCTEUR ET JACK HARKNESS

Après une brève salutation, le Docteur avait sorti son tournevis sonique et avait confirmé à Jack ce qu'il savait déjà : ses blessures (qui le démangeaient affreusement) étaient en train de cicatriser. Il en aurait encore pour un jour ou deux. Ça n'était pas cher payé, même si c'était un plus long que d'habitude. En général, il guérissait presque instantanément.

Puis il prit une chaise pour le questionner et savoir si c'était lié à son travail actuel ou aux problèmes qu'il avait déjà évoqués devant lui la toute première fois, lorsqu'il avait expliqué que tous les extraterrestres avides de survie cherchaient à comprendre les raisons de son immortalité. Jack infirma en expliquant que ceci datait probablement d'une époque plus ancienne, quand il était Agent du Temps, où il avait eu quelques « indélicatesses » envers la Mafia kektèque. Mais il reconnut que depuis qu'il était dans le système de Portabaal, il était relativement tranquille. Le Docteur avait hoché la tête comme s'il avait l'air de trouver cela intéressant.

— Avez-vous repensé à l'attaque de Cardiff° par le monstre dont vous m'avez parlé ?

— Abaddon ? Il était sous la Faille qu'un certain Bilis Mangër avait ouverte pour le déchaîner sur nous. Mangër semblait pouvoir voyager dans le temps sans l'assistance d'aucune technologie…

— Pourquoi ouvrir la Faille ?

— Je ne sais pas quel était son véritable but. Il en avait besoin et nous a manipulés habilement pour ça. Mais je ne sais pas si la libération d'Abaddon était son objectif ou un effet collatéral de l'ouverture de la Faille, parce qu'il avait l'air de le vénérer comme un dieu.

— Est-ce qu'il y avait moyen de négocier avec cet Abaddon ?

— Absolument pas. Pour être honnête, j'ai eu l'impression qu'il était comme une bête brute qui ne se contrôlait pas vraiment. Est-ce qu'on négocie avec un ouragan ?

Le Docteur réfléchit quelques instants.

— J'ai rencontré autrefois une créature très ancienne qui se faisait appeler la Bête*. Elle était enchaînée dans une sorte de prison astronomique parfaite, au fond d'un puits vertigineux sur un satellite où normalement personne de sensé n'aurait mis les pieds car il était pris dans l'attraction d'un trou noir… Cette créature était intelligente.

— Mhhf, comme d'habitude, à moi les brutes épaisses et à vous les grosses têtes ? Vous vous en êtes débarrassé ?

— Pas exactement moi. C'est Rose qui l'a fait.

— Rose ?

— Et oui, Rose… Nous avions été séparés mais elle a encore réagi brillamment.

— Pourquoi n'étiez-vous pas avec elle ?

Le Docteur soupira.

— Le Tardis était tombé dans une crevasse et inaccessible. Cette perte devait affecter mon jugement… Je m'étais mis en tête qu'il fallait que j'aille affronter cette créature tout seul, et je ne me voyais pas en revenir... La Bête était trop dangereuse pour que je la laisse s'échapper. Je voulais sceller le puits, détruire sa prison, ou trouver n'importe quel moyen pour l'arrêter. A tout prix. Je n'allais pas laisser Rose mourir avec moi.

— Pourquoi ça vous préoccupe encore aujourd'hui ?

— Ce qui me « préoccupe », c'est justement que je ne devrais plus penser à tout cela. Or depuis que j'ai trouvé cette lettre qui parle pourtant de tout autre chose, je suis incapable de me sortir ça de la tête. J'ai des sensations de déjà-vu récurrentes, ce qui me laisse la nausée et mal au crâne. Tenez, rien que de penser le mot « crâne », je me sens bizarre. Ce que je crois c'est une réaction subconsciente à quelque chose qui aurait été peut-être effacé de ma mémoire. Or pour effacer la mémoire, il n'y a pas cinquante moyens. Il y a les vers de mémoire, il y a les Silences, il y a…

— Il y a le Retcon et une bonne cuite aussi… d'autant que je ne connais pas les deux autres… Avez-vous été exposé à une toxine ou une drogue récemment ?

— Un truc dans le genre, mais j'étais persuadé que ça n'avait pas d'effet sur moi…

Jack se mit à rire doucement.

— Evidemment Monsieur le Seigneur du Temps est bien au-dessus de tout ça…

— Non, c'était un organisme vivant. Comme un banc composé de millions de microscopiques créatures rouges affamées qui se nourrissaient de… d'énergie.

— D'énergie ?

— Sexuelle, principalement.

Les yeux de Jack s'agrandirent d'une joie enfantine.

— Oh mon Dieu ! Vous êtes tombé sur le Sex Gas°° ?! J'aurais bien aimé voir ça !

— Dois-je comprendre que vous avez rencontré ces choses ? éluda le Docteur.

— Oui ! Sur Terre ! Il y a un bail ! Et vous dites que vous êtes immunisé ? C'est une blague !…

— Non, je dis que je peux ne pas respirer de temps en temps et que c'est bien pratique… Revenons à votre mémoire. Vous n'avez jamais trouvé la moindre information sur ce que l'Agence du Temps vous a oblitéré ?

— Non. Quand elle a été dissoute, c'est devenu peine perdue.

— Jamais tenté d'aller lire vos souvenirs subconscients ?

— Je n'ai pas d'inconscient comme vous savez, j'exprime tout assez librement, s'amusa Jack. Mais vous, pourquoi n'avez-vous pas fait ça ? Sonder le vôtre ?

— Il me faudrait un télépathe très entrainé et passablement courageux pour aller trainer à ses risques et périls dans un endroit aussi mal famé… rétorqua le Docteur avec l'ombre d'un sourire frisant enfin sa moustache. Et je n'en connais pas. Enfin, pas en qui j'aurais confiance.

— Sans blague, fit Jack avec un irrésistible sourire. Vous allez la mettre très en colère si vous continuez comme ça.

.°.

 

JOHN HART

Enfin rentré d'un harassant voyage de deux semaines aux confins du système, il s'apprêtait à passer à son hôtel, poser son bagage et dormir douze heures d'affilée, quand elle le coinça près de la grande porte d'entrée. Au premier coup d'œil, il flaira la femme au bord de la crise de nerfs. Amy avait l'air de ne pas avoir dormi depuis des jours, avec de grands cernes sous les yeux. Mais c'était peut-être juste parce que son maquillage avait coulé quand elle avait pleuré.

— John, est-ce qu'on peut parler ?

Il acquiesça. Dans cette robe, elle pouvait lui demander n'importe quoi.

— On se retrouve au bar ? J'ai besoin de prendre une douche et de me changer avant.

Le côté bizarre et brusque de sa demande eut l'air de l'atteindre enfin.

— Oui, soupira-t-elle un peu déçue de devoir attendre.

— Ça va ? Tu as l'air complètement paumée. Qu'est-ce qui se passe ?

— River m'a dit ce qu'elle m'avait fait.

— Mhh, intéressant. Et donc maintenant tu veux nous faire la peau à tous les deux, c'est ça ? répondit-il en reprenant sa marche, son sac à l'épaule.

— Euh, non. Je t'ai dit que j'avais besoin d'en parler avec toi. C'est ton bébé aussi.

— Oh je n'aime pas comment ça démarre… Qu'est-ce que tu as en tête ?

— Ecoute… J'en ai assez de cette planète, j'en ai assez de tous ceux qui se disent mes amis et qui n'ont fait que me mentir. J'ai l'intention de partir et je voulais juste savoir si quand le bébé sera né, ça t'intéresserait de le voir, au moins une fois, parce que je ne vais pas le garder. Ça sera bien mieux pour lui si je le fais adopter, et pour moi aussi car je tirerai un trait une bonne fois pour toutes sur cette affaire…

La tête relevée, il la considéra intensément, plissant les yeux comme s'il cherchait à analyser si elle était sincère.

— Viens avec moi, lui intima-t-il.

Elle hésita, soudain intimidée par ses façons autoritaires. En règle générale, elle limitait ses contacts avec lui. Elle ne le comprenait pas, le trouvait méchant et toujours à se moquer.

— Il suffirait que tu me donnes ta réponse de principe maintenant…

— Non, non, non. Tu l'as dit : il faut qu'on parle de ça. Je ne sais pas ce qui s'est passé ici en mon absence, alors tu viens et tu m'expliques tout. J'aimerais comprendre pourquoi tu veux soudain abandonner cet enfant alors que ce n'était pas du tout le plan. Ramène-toi.

Elle le suivit à contrecœur.

.°.

La pièce était sobre, avec des murs gris clairs, des meubles blancs quelques objets noirs. Par rapport à toutes les chambres d'hôtel qu'elle avait pu voir en faisant ses tournées, c'était moins hideux que d'habitude dans le genre bon marché… ll ressortit de la salle de bains quelques minutes plus tard, les cheveux encore mouillés et revêtu d'une serviette, juste le temps de venir prendre un rechange dans son sac.

Rendue nerveuse par sa présence, elle se recroquevilla de son mieux dans un coin de chaise mais avec son gros ventre ça n'avait rien de facile. Il réapparut peu après. Fouillant à nouveau dans son bagage, il y prit des cigarettes et en en alluma une en tirant sur sa bouffée avec un plaisir évident. Après deux ou trois autres bouffées, il l'écrasa dans un cendrier noir.

— Bon. Est-ce que tu peux me dire pourquoi tu es habillée comme une callgirl alors que tu es enceinte jusqu'aux yeux ?

— Je voulais attirer l'attention sur moi.

— L'attention de qui ?

— Peu importe. Tout le monde et personne en particulier.

— OK alors, déjà, on ne va pas faire comme ça. Tu vas commencer par ne pas me raconter de salades. C'est sûrement pas pour ton trop riche et trop gentil petit-ami. J'ai tort ?

— On s'en fiche de savoir qui. Ce n'est pas important.

— OK… Comme tu veux. Mais là, tu n'es pas avec lui, mais avec moi que tu détestes. J'ai un peu le sentiment que les trucs ne sont pas dans le bon ordre… Pas toi ?

Elle soupira.

— Je me suis disputée à peu près avec tout le monde l'autre soir. Avec Matt d'abord à propos de Jack qu'il trouve bien trop affectueux envers moi, pour commencer et avec River ensuite. Parce qu'elle est revenue, si l'on peut dire, et que je l'ai obligée à me dire pourquoi je me retrouve enceinte. Du coup, comme je suis en colère après elle, je ne veux pas retourner chez moi parce qu'elle y vit, et comme je me suis disputée avec Matt et bien je ne veux pas aller chez lui non plus.

— Ma pauvre ! se moqua John. Et il ne te reste donc que moi ? Sale journée, hein ?

— Si tu continues, je m'en vais.

— Où ?

— J'en sais rien et je m'en fiche !

— Tu n'es qu'une gamine égoïste qui fait un caprice parce que les choses ne se passent pas comme elle veut. Grandis un peu !

— Bon, bon, bon, dit-elle aussitôt en s'extirpant péniblement de sa chaise. Et bien, je vais peut-être y aller moi… hein ? Salut John. Je ne te dis pas à bientôt.

Il se leva souplement et se posta devant elle pour l'empêcher de passer.

— Hey… fit-il soudain alarmé. Une gamine égoïste et stupide mais… qui n'a pas d'endroit où aller. Je sais ce que ça fait, ça m'est arrivé trop souvent. Ecoute, reste ici cette nuit, au moins.

— Avec toi ? fit-elle en fronçant les sourcils.

— Non ! Moi j'irai dormir ailleurs…

— Non, refusa-t-elle. C'est chez toi, je ne vais pas te chasser, ce serait bizarre.

— Mais je viens de te le proposer ! Accepte et c'est tout. Je préfère que tu restes plutôt que de traîner dehors dans cette tenue… Je me demande ce que tu as dans le crâne… Tu pourrais te faire tuer ou violer, pas forcément dans cet ordre du reste… Ah non ! Ne commence pas à pleurer ! prévint-il en voyant ses yeux s'humidifier.

— Voilà très exactement pourquoi j'ai envie de partir. Tout le monde se fiche totalement de moi et de ce que je ressens… Laisse-moi passer.

— Non.

— Tu veux me retenir ici ?

— S'il le faut. Si je te laisse partir et qu'il t'arrive quelque chose, Jack va me le faire payer sauvagement…

— Et d'habitude, tu n'aimes pas ça ? rétorqua-t-elle frondeusement.

John siffla comiquement et rit sous la surprise.

— Ouh, mais elle grifferait si elle pouvait ! Et bien si tu veux tout savoir : pas tout le temps. Comme tu le sais peut-être à force de vivre avec, il peut être vraiment très « affectueux » quand il s'y met… et c'est une chose à laquelle on s'habitue vite…

Elle pencha la tête en avant car elle sentait ses joues lui cuire.Il sourit en se disant que c'était trop facile avec elle… Cette roseur coupable était révélatrice.

— Regarde-moi. C'est Jack, n'est-ce pas ? Il n'a pas pu s'empêcher de te fourrer dans son lit ?

— Tais-toi ! Tu es dégoûtant de penser des choses comme celles-là !

— A voir la couleur de tes joues, je ne suis pas le seul à y penser… Vilaine petite fille, tu veux que je t'apprenne à vouloir séduire mon mec pendant que j'ai le dos tourné ?!

— Laisse-moi ou je me jette par cette fenêtre ! cria-elle entre ses larmes.

Il soupira, déjà fin agacé par ses manifestations d'hystérie.

— C'est que tu as l'air sérieuse en plus ! Tu n'as aucun sens de l'humour. Calme-toi un peu, maintenant. Je plaisantais. Jack et moi nous ne sommes pas mariés et en général pas jaloux. S'il veut coucher avec toi, il n'a pas de compte à me rendre.

— Si ça ne te fait rien, c'est que vous ne vous aimez pas vraiment !

— « Dit-elle du haut de sa vaste expérience » ! Mais on progresse. Donc Jack t'a fait son numéro et tu t'es laissée prendre… Et puis, ton petit ami l'a découvert et je suppose qu'il ne l'a pas bien pris vu les mœurs locales. A-t-il rompu vos fiançailles ? ça se faisait dans le vieux temps, ce genre de truc… Et pour finir, la nouvelle la plus stupéfiante de toutes : River est revenue ?

— Oui. C'est un robot maintenant.

— Quoi ?

Maussade, elle haussa les épaules.

— Je ne sais pas comment c'est possible, je n'y connais rien. Mais les autres font comme si de rien n'était. En tous cas, elle sait des choses que savait River. Et je la déteste.

— Bien. Donc si je résume, en deux secondes tu t'es mis à détester tout le monde jusqu'à ce bébé qui ne t'a rien fait et que maintenant tu veux abandonner ?

— Je ne sais même pas si je pourrai le porter à terme. Mon ventre est trop gros, ce n'est pas normal.

Il arqua un sourcil.

— Je peux voir ? demanda-t-il en s'approchant d'elle.

— Parce que cette robe n'est pas assez moulante peut-être ? Tu en vois bien assez comme ça !

— Stupide petite fille timide, murmura-t-il entre ses dents d'un ton qu'elle perçut à tort comme une menace. Figure-toi que j'ai caressé et embrassé chaque centimètre carré de ton corps pendant des heures : je le connais par cœur… Tu ne vois pas un médecin régulièrement ? Que dit-il de ça ?

Elle baissa la tête, confuse, à la fois parce qu'il lui rappelait qu'il l'avait vue nue et de devoir avouer qu'elle était fauchée. Cette fois, il vint près d'elle. Il lui releva le menton et essuya ses larmes du pouce.

— Quoi encore ?

Elle regarda ailleurs. Il posa sa main sur son ventre rond presque de la même façon que Jack l'avait fait. Le bébé, probablement content d'avoir de la visite, lui donna un coup.

— Hey ! fit-il en retirant sa main. Lui non plus ne m'aime pas, il me file des coups de pieds. Reste donc pas planqué sous les jupes de ta mère, sors de là et viens te battre si t'es un homme ! plaisanta-t-il.

Elle sourit un instant puis dit seulement :

— Il faut que je m'asseye une minute, ça me fait mal…

Il la mena jusqu'au lit où elle s'assit, en expirant lentement.

— Qu'est-ce que je peux faire ? demanda-t-il.

— Donne-moi un oreiller. Merci.

Elle le prit pour le caler sous ses reins.

— Ça t'arrive souvent ?

— Oui. Ça va passer. Je crois que… je vais accepter ton offre finalement. Je ne vais pas bouger de là. Du coup, il y a une chambre de libre chez moi, si tu veux.

— Je vais attendre un peu ici le temps que tu ailles mieux.

— J'irai mieux dans trois mois. Je ne suis pas sûre que tu aies autant de temps libre…

— Tu as plus d'humour quand tu souffres… Sur la station orbitale, tu avais réclamé un nouvel œsophage après avoir vomi tripes et boyaux… Pourquoi ne vois-tu plus de médecin ?

— Nous avons moins d'argent.

— A ce point ?

— Jack ne veut pas t'en parler parce qu'il a peur que tu cambrioles une banque ou un truc dans le genre, dit-elle en haletant légèrement sous la douleur.

— Vous auriez dû me le dire, il m'en reste sur la récompense pour avoir rapporté l'androïde…

Elle ferma les yeux et dit dans un souffle.

— Ok, il sera soulagé de l'apprendre…

— Amy ?

Elle ne répondit pas car elle venait de sombrer dans l'inconscience.

.°.

 

RIVER SONG ET LE DOCTEUR

Le Docteur était retourné dans le salon de la maison de Jack où il avait trouvé la femme brune, assise immobile sur le canapé rouge, le regard fixe. Ici aussi les murs étaient d'un vert sombre, mais de grandes fenêtres éclairaient bien la pièce. Comme elle n'avait pas l'air de réagir à son approche, il claqua des doigts devant ses yeux et elle sursauta, clignant des paupières.

— Mais ça ne marche que sur le Tardis, mon chéri ! dit-elle en posant très suggestivement ses deux mains sur ses genoux qu'elle tint serrés.

— Et encore pas toujours ! répondit-il en faisant briller ses yeux. Pourquoi ne t'es-tu pas fait reconnaître ? demanda-t-il en lui tendant la main pour qu'elle se lève.

Elle l'accepta et il examina sa main sous toutes ses facettes en la retournant avec précaution comme s'il s'agissait d'un objet précieux.

— Pour voir si tu me reconnaîtrais là-dedans.

— Je dois admettre que… pas du tout ! Je me demande si les enveloppes cybernétiques ne font pas barrage… J'ai vraiment l'impression de tenir un objet… Rien ne filtre. D'où vient ce modèle assez abouti ?

— Employée synthétique de chez Transmat Systems. C'est tout ce que j'avais à portée quand le clone a été désintégré par leur téléporteur…

— Désintégré ? Oups ! fit le Docteur en se frottant le menton. Ça n'était pas prévu… La technologie de la Chair passe les portiques normalement... Ou alors c'est que le modèle que j'ai emprunté était trop ancien, ce qui a peut-être fait dérailler le transmat... Je n'imaginais pas que Portabaal en était déjà là. Je le tenais sur pour un système peu avancé…

— Oui, je te remercie de le demander, ça été très douloureux, répondit-elle à côté pour lui faire prendre conscience de son manque d'empathie.

— Tu m'en veux ?

— Considérablement.

— Zut, j'avais besoin de ton aide et maintenant tu vas m'envoyer paître, comme Jack.

— Peut-être que je vais le faire un peu différemment de lui alors…

— Donc, tu ne viendrais pas à bord du Tardis pour m'aider à faire le tri dans mes souvenirs ?

— Pourquoi pas ici ?

— Je n'aime pas cette maison, il y a trop de… vert !

Elle leva les yeux au ciel comiquement.

— Toujours aussi charmant !… Quoi qu'il en soit, je ne peux pas te suivre. J'ai deux heures et demie d'autonomie, ou trois si je ne fais rien et je suis presque au bout. J'attends Quentin qui va passer me rechercher avec un rack de piles neuves.

— Donc tu refuses ?

— Concentre-toi Docteur, je viens de te dire que je suis sur le point de m'éteindre.

— Je serais donc le seul avec lequel tu refuserais de fusionner ? hasarda-t-il avec un peu de hauteur.

Cette femme qui n'avait pas l'air de River, mais qui était bien capable de faire des remarques dans le même genre, le regarda d'un air furieux tout-à-fait convaincant.

— Tu sais que si je te frappe avec cette main-là, tu risques de te régénérer deux fois ? le menaça-t-elle d'une voix sourde.

— Tente ta chance, mes nouvelles incarnations auront peut-être l'heur de te plaire…

Il arrêta sa gifle en bloquant son poignet, avant de l'effleurer d'un baiser.

— Jack a dit que tu serais furieuse si je ne te demandais pas de m'aider, reprit-il. Il se trompait ? J'ai besoin d'un télépathe pour lire certains de mes souvenirs récents. J'ai la certitude qu'ils sont trafiqués. Mais je ne sais pas depuis combien de temps. Tu connais une partie de ma vie pour l'avoir vécue avec moi. Tu sauras aussitôt si quelque chose a été changé…

— Est-ce que c'est la même chose pour Clara ? questionna-t-elle avec un nouvel intérêt.

— J'en ai peur.

— C'est pour ça qu'elle n'est pas là ?

— Oui, répondit-il en baissant les yeux. Je ne sais pas si c'est la proximité du Vortex qui a modifié les cellules de son cerveau, votre fusion, ou encore bien autre chose… J'ai la sourde inquiétude qu'elle ne soit affectée aussi.

— Bon. OK, mais on attend Quentin.

— Inutile. Je peux recharger tes batteries avec le Tardis, et je parie qu'elles dureront un peu plus longtemps si on me laisse deux minutes pour régler ce problème d'autonomie…

— Je sais cela, Docteur. On attend Quentin.

— On n'a pas besoin de lui ! C'est une affaire purement privée, entre toi et moi…

— Tout ce qui me concerne le concerne.

Le Docteur haussa un sourcil et River eut pour la toute première fois l'impression qu'il était vraiment touché. En colère peut-être. Souffrait-il ? Il se racla la gorge, les mots sortirent avec peine.

— Essaies-tu de me dire que vous êtes devenus… proches ?

Elle planta ses yeux jaunes à la pupille fendue, droit dans les siens.

— Oui, nous autres, nous avons besoin de cela. Nous sentir proche de quelqu'un qui nous aime. Même moi qui ne suis plus vraiment humaine maintenant. Et je dirais même, encore plus, depuis que je ne le suis plus.

— Est-ce que tu l'aimes ?

— C'est si triste que tu en sois surpris… Pourquoi ne l'aimerais-je pas ? Il fait tout ce qu'il peut pour m'aider depuis la seconde où je le lui ai demandé. Il me donne tout sans compter. Il est là pour moi. Si j'ai survécu, c'est uniquement grâce à lui. Je suis beaucoup de choses mais pas ingrate !

— Moi je t'ai donné au départ un magnifique nouveau corps fonctionnel qui te ressemblait. Pas cette machine froide et limitée. Est-ce que ça ne compte pas ?

— Mais… je n'avais pas du tout l'intention de me montrer ingrate non plus avec toi… Loin de là ! Je comptais même au contraire me montrer extrêmement reconnaissante. Pourtant, deux minutes chrono après m'avoir rapporté ce clone et t'être assuré que tout fonctionnait normalement, tu es parti en nous laissant Jack et moi à la garde l'un de l'autre… Hein ? Les deux enquiquineurs qui testaient un peu trop tes limites. Les deux qui te rappelaient sans arrêt que tu étais plus aimant avant. Oh, comme tu as dû te sentir brillant et soulagé en rééditant le coup de Martha et Mickey ! Allons-y, prenons deux vieux compagnons pots-de-colle et frustrés, mettons-les en présence et voyons s'ils ne me flanquent pas un peu la paix tant qu'ils seront occupés l'un avec l'autre…

Ses yeux bleu-vert furent soudain emplis d'une grande tendresse malgré son sourire triste. Il acquiesça et dit seulement :

— Je comprends. Voilà qui… enfonce le clou.

Il passa devant elle en direction du couloir menant aux chambres.

— Mais où vas-tu ? On n'a pas fini !…

— Je crois que si. Je vais saluer Jack et je vous laisse.

Il lui jeta un regard qui lui fit mal et froid dans le dos à la fois. Un de ces regards de Seigneur du Temps qui en ont trop vu, un de ces regards qui faisait remonter si naturellement à la surface combien ils appartenaient à des espèces finalement différentes, et peut-être en définitive, inconciliables…

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° Torchwood - TV : Saison 1, Épisode 13 « La fin des temps » / °° Saison 1, Épisode 2 "Premier jour"

* Doctor Who - TV : Saison 2, Épisodes « La Planète du Diable I et II »

 

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