Inquisition

Chapitre 1 : Le courroux des cieux

11177 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/06/2025 21:37

-    Est-elle réveillée ?

-    Oui noble dame, depuis peu. Nous vous avons fait venir le plus vite possible, comme vous l’aviez demandé.

-    Bien, allons-y.

Le soldat ouvrit la porte à deux femmes qui entrèrent dans une salle où se trouvait, en son centre, la prisonnière aux cheveux couleur de feu, les mains entravées par de lourdes chaînes et cernée de quatre autres soldats, épée tirée et pointée dans sa direction.

L’esprit encore dans le vague, tiraillée par une douleur inconnue, Lédara ne distinguait que partiellement le visage des deux femmes, la lueur des torches ne suffisant pas à dissiper la pénombre du lieu. L’une avait l’air d’être une guerrière aguerrie, vêtue d’une armure de plate complète, un œil d’or rayonnant inscrit sur son plastron. L’autre était encapuchonnée, ce qui empêchait de ce fait de distinguer les traits de son visage et, bien que sa fonction lui fût impossible à deviner, elle disait vaguement quelque chose à Lédara. Elle se posta en retrait, s’appuyant contre un pilier de pierre, tandis que la guerrière s’approchait de la jeune femme entravée pour la jauger.

La prisonnière était modestement vêtue d’un manteau de cuir sombre souple serré à la taille par une ceinture à laquelle plusieurs petites sacoches étaient accrochées. Une tunique de lin grossièrement tissée et déchirée sur le côté droit se laissait voir en-dessous. Une large écharpe beige déchirée en certains endroits couvrait ses épaules et sa poitrine et faisait ressortir les reflets flamboyants de ses cheveux qui avaient été attachés par une tresse presque entièrement défaite, laissant de nombreuses mèches retomber sur son visage et ses épaules. Ses manches et le pantalon qu’elle portait étaient déchirés en de nombreux endroits, ne la protégeant plus du froid : elle était parcourue de frissons qu’elle retenait péniblement.

-  Donnez-moi une raison de ne pas vous tuer sur-le-champ, lui dit la guerrière sur un ton menaçant. Le Conclave est détruit, tous ceux qui étaient présents sont morts.

Elle fit une pause pour toiser la prisonnière à la recherche du moindre signe de culpabilité dans son attitude ou son regard.

-    Tout le monde, sauf vous, continua-t-elle, se tenant maintenant en face de la jeune femme pour la scruter d’un regard perçant, plein de haine.

La prisonnière en resta pétrifiée, elle ne comprenait pas ce qu’il se passait et ce que la guerrière lui disait. Elle ne savait pas comment elle en était arrivée là, enchaînée dans cette salle qui lui servait de geôle. La dernière chose dont elle se souvenait, c’était qu’elle se dirigeait vers les appartements de la Divine qui lui avait accordé une entrevue.

-    Vous vous êtes immiscée dans l’enceinte du temple sous le blason des Trevelyan, reprit la guerrière d’une voix accablante tout en se penchant au-dessus de la prisonnière, mais êtes-vous seulement une Trevelyan, sale petite usurpatrice… Quel est votre véritable nom ?

-    Je… non ! s’écria Lédara paniquée. Je suis Lédara Trevelyan…

La guerrière se redressa, dubitative.

-    C’est ce que nous vérifierons en contactant votre famille, dit-elle enfin.

-    Non ! la supplia la prisonnière avec effroi. Ne faites pas cela, je vous en prie !

-    Alors quoi, vous mentez sur votre identité en plus d’introduire une arme dans le Saint temple ! l’accabla encore la guerrière. Ce couteau que vous aviez, il a servi à un rituel, n’est-ce pas ?

-    Je… non, pas du tout ! s’écria encore la jeune prisonnière dont les larmes inondaient les joues.

Tout à coup, des étincelles de magie apparurent par à-coups violents, provenant de la main gauche de la prisonnière qui poussa un cri déchirant de douleur.

-    Expliquez donc cela, tonna la guerrière en saisissant la main crépitante de magie de la jeune femme.

La main de la prisonnière, que la guerrière brandissait, luisait d’une lumière étrange émanant de sa paume. Une marque faite de cicatrices filandreuses générait ces éclats, et crépitait de petites étincelles et éclairs magiques. C’était cette marque qui avait réveillé la jeune Lédara Trevelyan par la sensation douloureuse qui en provenait.

-  Je ne peux pas, répondit-elle, désemparée une fois la crise passée, et effrayée par la chose logée dans sa propre main.

-  Comment cela, vous ne pouvez pas ?

-    Je… je ne sais pas ce que c’est, ni d’où cela vient, murmura Lédara dont les larmes brouillaient la vue.

On pouvait facilement déceler la peur et l’incompréhension dans la voix de la jeune femme ; elle voulait comprendre, tout comme les deux femmes qui l’interrogeaient, mais elle ne savait rien.

-  Vous mentez encore !

La guerrière agrippa la prisonnière par le col et la souleva avec l’intention de la frapper au visage lorsque l’autre femme intervint pour la première fois :

-  On a besoin d’elle, Cassandra.

Elle l’éloigna de la prisonnière et lui fit face. Lédara retomba à genoux les yeux fixés sur la paume de sa main qui crépitait de magie.

-  Tous ces gens… sont morts ? balbutia cette dernière, effarée.

La jeune prisonnière essayait tant bien que mal de comprendre, de se souvenir, mais la nouvelle était trop difficile à saisir d’un seul coup. La mystérieuse femme reprit sur un ton plus apaisant que son acolyte :

-    Vous vous souvenez de ce qu’il s’est passé ? Comment cela a commencé ?

-    Je me souviens d’avoir fui, réfléchit Lédara, quelque chose me courait après, et puis… une femme.

-    Une femme ? insista la mystérieuse femme, avide d’informations.

-    Elle m’a tendu la main, mais…

Lédara fit tout son possible pour se souvenir, mais rien d’autre ne lui revenait, c’était le néant absolu jusqu’à son réveil dans cette geôle. La dénommée Cassandra s’adressa à celle qui l’accompagnait :

-    Allez au campement avancé, Léliana. Je l’emmène à la faille.

Léliana sortit, laissant sa collègue auprès de Lédara. Cassandra s’approcha de celle-ci en fouillant l’une de ses poches d’où elle sortit une clef et de la corde : elle ouvrit les lourdes entraves qui la retenaient au centre de la pièce pour lui lier les mains avec le cordage afin de l’emmener hors de sa prison en toute sécurité.

-    Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda Lédara en cherchant le regard de la guerrière.

Celle-ci l’aida à se relever et lui répondit, navrée :

-    Ce sera plus simple de vous le montrer.

Cassandra l’escorta hors de ce cachot qui se révéla être les sous-sols de la Chantrie de Darse. Lorsque Lédara passa les portes, la lumière du jour fut si vive qu’elle dut s’abriter les yeux de ses mains le temps de s’habituer à cette clarté. La neige recouvrait les toits et le sol réverbérait les rayons du soleil, éblouissant tout aux alentours. Après quelques secondes, Lédara l’aperçut.

Il était impossible de ne pas la voir, elle fendait le ciel et créait un trou béant dans les cieux et menait on ne savait où. Des éclairs, tel un orage, en sortaient ainsi qu’une pluie de ce qui semblait être des petits météores retombait aux quatre coins de la région et même peut-être au-delà. Cela paraissait aspirer les nuages dans un tourbillon lent et persistant, alors que des faisceaux de lumière en émanaient et plongeaient au sein des montagnes : c'était une vision apocalyptique qui s'offrait à la vue de tous, et Lédara la découvrit, horrifiée.

-    On l'appelle "la Brèche", dit Cassandra en répondant au regard éperdu de sa prisonnière. C'est une faille gigantesque ouverte sur le monde des démons et qui s'élargit d'heure en heure. Ce n'est pas la seule faille qui existe, mais c'est la plus grande. Elles ont toutes été causées par l'explosion du Conclave.

-    Une explosion peut faire cela ? souffla la prisonnière, interdite.

-    Celle-là, oui. Si on ne fait rien, la Brèche pourrait s'élargir jusqu'à engloutir notre monde.

A ce moment, un éclair plus puissant que les autres jaillit de la Brèche et émit un grondement assourdissant. Au même instant la marque lumineuse de la prisonnière s'éveilla pour crépiter au même rythme que la Brèche, causant alors une vive douleur à sa porteuse. Lédara s'effondra sous le coup et tenta vainement de maîtriser sa main vibrante de magie. La guerrière s'approcha d'elle.

-    Plus la Brèche s'agrandit, plus votre marque s'étend... jusqu'à vous consumer entièrement, dit-elle en regardant Lédara droit dans les yeux. C'est peut-être la clef du problème, mais le temps presse.

-    Croyez-vous vraiment que je me serais infligée cela ? s'écria Lédara haletante.

-    Pas intentionnellement, répondit lentement la guerrière, mais vous êtes la seule qui ayez survécu à l'explosion. Avouez que c'est suspect.

Lédara prit une lente inspiration afin d’apaiser son cœur qui faisait des bonds dans sa poitrine et de maîtriser la vive douleur qui parcourait tout son bras gauche.

-    Vous dites que c'est peut-être la clef, réfléchit la jeune femme qui se calmait enfin, mais savez-vous seulement à quoi elle peut servir ?

-    Vous avez bien vu comment votre marque réagit à la Brèche, asséna Cassandra d’un ton cassant. En effet, nous ne sommes pas sûrs qu'elle puisse la refermer, mais c'est notre seule chance, à nous comme à vous.

Lédara posa son regard sur la paume de sa main gauche, la regardant comme une chose étrangère à son corps, puis soupira, à la fois résignée et pleine de lucidité :

-    Je comprends. Je ferai ce que je pourrai, ce qu’il faudra.

Une lueur d’espoir traversa le regard de Cassandra. Elle l’aida à se relever et la conduisit au travers du village de Darse. Celui-ci avait bien changé : le souvenir qu’en avait gardé Lédara était celui d’une petite bourgade simple avec quelques habitations, la Chantrie trônant sur la colline la plus haute ; une petite muraille ceignait le village jusqu’au bord du lac qui était gelé depuis le début de l’automne. A présent, le village s’était transformé en un petit bastion fortifié, grouillant de soldats et de réfugiés qui logeaient dans de simples tentes. Sur leur passage, tous se retournaient pour jeter un regard noir empli de haine à la prisonnière.

-    Ils ont besoin d’un coupable, expliqua la guerrière tout en continuant sa route, et c’est vous. Les habitants de Darse pleurent sa Sainteté, la Divine Justinia, dirigeante de la Chantrie. C’était son Conclave. C’était l’occasion de rétablir la paix entre les mages et les templiers. Elle avait rassemblé leurs chefs, et les voilà morts.

Sous ses airs autoritaire et impitoyable, la guerrière paraissait profondément affectée par la mort de la Divine.

Les deux femmes arrivèrent à la porte ouest du village, devant le premier pont qui traversait une rivière gelée longeant le chemin du pèlerinage pour le Saint temple cinéraire. La lourde porte gardant l’entrée de l’enceinte du village s’ouvrit et leur laissa la voie libre. Elles prirent alors la longue route pour le temple. A mi-chemin sur le pont, la guerrière s’arrêta et fit face à sa prisonnière tout en sortant un couteau de sa ceinture.

-    Vous aurez droit à un procès, je ne peux rien promettre de plus, dit-elle en coupant les liens qui retenaient encore les mains de la jeune femme. Venez, ce n’est pas loin.

-    Où est-ce que vous m’emmenez ?

-    Votre marque doit d’abord être testée sur quelque chose de plus petit que la Brèche, lui répondit simplement la guerrière.

Les deux femmes reprirent rapidement leur route. Le paysage autour d’elles était celui d’une guerre imminente. Des soldats étaient postés à plusieurs endroits fortifiés de manière rudimentaire, d’autres allaient et venaient sur la route du Saint temple, prêts à combattre ou ayant déjà rudement combattu. Les éclairs et les météores continuaient à tomber de la Brèche, faisant trembler la terre à leur impact au sol. 

Un nouveau soubresaut traversa la marque de Lédara, ce qui lui arracha un cri de douleur ; elle s’écroula au sol, n’arrivant plus à avancer. Cassandra s’agenouilla auprès d’elle pour l’aider à nouveau.

-    Les crises sont de plus en plus fréquentes, constata-elle ce qui ne rassura aucune d’entre elles.

Une fois la prisonnière remise de ce pic de douleur, toutes deux continuèrent leur chemin de plus belle.

-    Plus la Brèche s’agrandit, plus il y a de failles qui apparaissent et de démons à affronter, continua la guerrière pour exposer brièvement la situation à sa prisonnière.

-    Des démons ? s’exclama la jeune femme, interloquée.

-    Des démons sortent de l’Immatériel et tombent sur terre, envahissant la région, et au-delà. Il en sort également des failles qui s’ouvrent un peu partout.

Ce que la prisonnière avait pris pour des météores n’était autre que des démons expulsés par-delà le Voile. Cette réflexion la fit frissonner de plus belle et augmenta le degré d’incompréhension dans lequel elle se trouvait.

-    Comment ai-je survécu à l’explosion ? demanda alors Lédara, dont la question brûlait les lèvres depuis qu’on lui avait appris la fin tragique du Conclave.

-    Ils disent que vous êtes sortie d’une faille et que vous avez perdu connaissance, répondit Cassandra, hésitante. Il paraît qu’il y avait une femme derrière vous, dans la faille. Personne ne sait qui c’était. Tout le reste de la vallée a été dévasté, y compris le Saint temple cinéraire. Vous le verrez par vous-même d’ici peu.

Cassandra et Lédara étaient arrivées à un nouveau pont retraversant la rivière gelée quand soudain un éclair surgit devant elles et frappa le pont en son milieu. La structure se mit à trembler et céda sous la force de l’impact, emportant les deux femmes dans sa chute. Heureusement, la glace épaisse résista à l’effondrement du pont. Elles dégringolèrent avec les gravats, atterrissant à moindre mal sur la glace. Mais lorsqu’elles se relevèrent, un démon leur faisait face. Cassandra dégaina son épée avec une rapidité inouïe et brandit son bouclier devant elle, prête à parer au besoin. Elle cria à sa prisonnière de rester en arrière pendant qu’elle s’occupait de ce monstre. Celui-ci semblait être entièrement constitué d’un nuage ombreux se modulant constamment, comme s’il cherchait une forme adéquate au monde qu’il foulait. Il imita alors une forme humaine, bien que celle-ci fût loin de la réalité : son dos était voûté, soutenant une cage thoracique trop large et d’où sortaient deux membres aux longs doigts effilés, puis une tête dont une seule orbite brillait. Ses jambes étaient quasi inexistantes et il semblait se déplacer en lévitation au-dessus du sol, rampant presque. Cassandra le chargea pour le désarçonner, mais le démon réussit à l’éviter et asséna un violent coup de l’un de ses bras décharnés qu’il mua en une masse sombre. La guerrière bloqua de son bouclier, le bras de l’ombre se désagrégeant à l’impact, et n’attendit pas pour répondre avec force de son épée contre la créature.

Pendant que Cassandra combattait, la prisonnière avait suivi ses ordres et était restée en retrait, ne possédant aucune arme. Elle eut malgré tout le réflexe d’agripper son couteau à l’arrière de sa ceinture, mais se retrouva les mains vides, évidemment. Elle observait avec anxiété le combat lorsqu’elle aperçut sur le côté une masse sombre bouillonner à même le sol. Ne sachant pas ce que cela présageait, elle regarda tout autour d’elle à la recherche d’une arme ou d’un objet pouvant en faire office et tomba, à son plus grand soulagement, sur un arc rudimentaire avec un carquois vide, les flèches éparpillées dans les gravats du pont. Les bouillonnements se faisaient plus grands et plus noirs et elle distingua des griffes qui tentaient de se rattacher au sol : un deuxième démon, tout comme le premier, apparut rapidement devant elle. D’un bond, elle attrapa l’arc et saisit une flèche qu’elle encocha à la vitesse de l’éclair. Elle eut à peine le temps de viser qu’elle décocha, toutefois son trait atteignit sa cible en plein cœur. Le démon poussa un cri strident avant de s’effondrer sur le sol tel un nuage de poussière, réduit à néant. Elle ramassa les autres flèches intactes et les fourra dans le carquois qu’elle accrocha à sa ceinture.

-    C’est terminé, lança Lédara en regardant autour d’elle.

La guerrière avait donné son dernier coup d’épée, achevant de ce fait son ennemi, et s’était retournée pour rejoindre sa prisonnière. Quand elle vit que celle-ci était armée, elle pointa son épée contre elle.

-    Lâchez votre arme, tout de suite ! ordonna Cassandra.

-    Si vous voulez m’emmener dans une vallée infestée de démons, vous allez devoir me faire confiance, répondit la prisonnière avec détermination, mais dont les mains tremblaient malgré tout face à l’hostilité de sa geôlière.

-    Donnez-moi une seule bonne raison de vous faire confiance, grinça lentement des dents Cassandra.

-    Parce que, d’après ce que j’ai compris, c’est ma vie qui est en jeu, répondit Lédara toujours sur la défensive.

Cassandra la regarda droit dans les yeux, comme si elle pouvait lire au fond d’elle comme à livre ouvert. Mais Lédara avait été convaincante car la guerrière rengaina son arme et, après un moment de réflexion, lui répondit :

-    Vous avez raison. Je ne peux pas vous protéger, et je ne peux pas vous laisser sans défense non plus.

Elle fit quelques pas pour rejoindre la route, puis ajouta :

-    Je devrais me rappeler que vous avez décidé de me suivre de votre plein gré.

Les deux femmes se regardèrent, la prisonnière remerciant sa gardienne d’un bref signe de tête de la confiance qu’elle venait de lui octroyer. Elles reprirent ainsi leur route à vive allure, cette mésaventure leur ayant fait perdre un temps précieux.

Cassandra avait fait le bon choix : d’autres démons s’interposèrent sur leur route, tombant littéralement du ciel. C’est après une longue course effrénée qu’elles arrivèrent à flanc de montagne sur la route en ruine du Saint temple.

-    On s’approche d’une faille, on entend des combats ! lança la guerrière.

Lédara ressentait depuis quelques temps des tiraillements de plus en plus douloureux dans son bras gauche qui provenaient de la marque. Elles arrivèrent enfin sur ce qui était devenu un champ de bataille, et qui était autrefois un relais routier : des cadavres de soldats jonchaient le sol encore pavé à certains endroits, et d’autres combattaient plusieurs démons. Au centre de l’ancienne bâtisse dont seules les fondations avaient survécu, ce que Cassandra appelait « une faille » faisait pleuvoir des démons, crépitant et générant de plus petits éclairs tout autour d’une déchirure en lévitation. Une lumière verte aux éclats blancs similaire à la marque de la prisonnière en émanait, donnant un aspect irréel à la scène. Lédara observa abasourdie la faille tout en retenant sa main gauche d’où une douleur déchirante pulsait.

Puis son regard fut attiré par le chaos qui régnait tout autour : les démons, qui semblaient désorientés, se ruaient sur tout être qui était à leur portée ; parmi les quelques personnes présentes qui les combattaient, deux d’entre eux sortaient de l’ordinaire. Le premier était un elfe qui usait de magie contre les démons. Cependant, il ne semblait faire partie d’aucun Cercle où les mages officiels résidaient, ni de ce peuple d’elfes dalatiens qui vivait en dehors de la société, refermé sur lui-même et perpétuant les us et coutumes des elfes de jadis. Les elfes dalatiens étaient facilement reconnaissables de par les tatouages qu’ils arboraient sur leur corps et leur visage, hommage à leurs dieux, et celui que Lédara avait aperçu dans la mêlée n’en portait aucun. Le deuxième individu qui combattait aux côtés de cet elfe était un nain trapu, les cheveux blonds retenus en une demi-queue et arborait une mine renfrognée à cause d’un nez cassé plus d’une fois. Il possédait une étrange arbalète, mais qui semblait redoutable au combat. Tous deux se débrouillaient plutôt bien dans la bataille, luttant contre les Ombres de la faille.

Les deux femmes les rejoignirent : Lédara, sortant enfin de sa stupéfaction, prit position sur un muret en ruine pour dominer le champ de bataille, alors que Cassandra avait déjà rejoint la mêlée pour désarçonner le plus d’ennemis possible. Les soldats furent soulagés de les voir leur porter secours car la fatigue et la peur les avaient gagnés depuis longtemps. Les Ombres restantes furent enfin achevées grâce à ce soutien inespéré. Ils se réunirent tous rapidement autour de la faille. Lédara observa à nouveau le phénomène qui était nouveau pour elle, quand soudain l’elfe lui saisit la main gauche par le poignet et la brandit en direction de la faille :

-    Vite ! avant que d’autres n’arrivent ! cria-t-il, forçant le bras de la prisonnière.

A ce moment, un lien se créa entre la faille et la marque, causant une sensation de tiraillement douloureux dans l’ensemble du bras de Lédara. Elle sentait une énergie magique s’échapper de sa main et aller en direction de la faille et la refermer miraculeusement. Sentant la douleur devenir insoutenable, elle retira violemment sa main en arrière pour rompre le lien, et la faille se ferma tout à fait. Ce simple geste lui avait pris beaucoup d'énergie, elle était épuisée, comme vidée d'une partie de sa force vitale.

-    Qu'est-ce que vous avez fait ? demanda-t-elle à l'elfe qui lui avait imposé ce phénomène.

-    Moi, je n'ai rien fait, répondit-il simplement d’une voix grave et calme, ce n'est que vous.

L’elfe désigna des yeux la main gauche de Lédara qui observa alors la marque nichée au creux de sa main. Elle était redevenue calme et crépitait bien moins qu'à l'approche de la faille.

-    La force qui a ouvert la Brèche dans le ciel a aussi placé cette marque sur votre main, lui expliqua l’elfe. Je la soupçonnais d'avoir le pouvoir de refermer les failles apparues à la suite de la Brèche... Ma théorie semble s'être avérée.

Cassandra s'approcha d'eux, à la fois ébranlée par ce qu'elle venait de voir et espérant à nouveau que le cataclysme pourrait être résorbé.

-    Ce qui voudrait dire qu'elle pourrait également refermer la Brèche, dit-elle, avec cette lueur d'espoir dans les yeux.

-    C'est possible, répondit l'elfe, il me semble que vous déteniez la clef de notre salut à tous.

Il fit un signe de tête encourageant à la prisonnière.

-    C'est bon à savoir, lança tout à coup le nain qui époussetait son arbalète. Moi qui pensais bouffer du démon jusqu'à la fin de mes jours... Varric Téthras : aventurier, conteur et, à l'occasion, colleur de basques, se présenta-t-il tout en faisant un clin d’œil à Cassandra qui grogna de dégoût en se détournant de lui pour seule réponse.

Il avait le teint légèrement rosé, des vêtements fringants, la chemise entr'ouverte sur son torse velu. Son visage démontrait une douceur paternelle malgré ses traits marqués et son nez cassé à de nombreuses reprises où une bosse striée de cicatrices surmontait son arête. Il avait de petits yeux gris bleu aux paupières tombantes et arborait un petit sourire en coin, semblant se moquer de tout.

-    Vous appartenez à la Chantrie, ou... demanda Lédara, ne sachant pas trop d'où il pouvait venir.

-    Elle est bonne celle-là, ricana l'elfe.

-    Techniquement, je suis un prisonnier, comme vous, lui répondit Varric, réajustant maintenant ses gants de cuir.

-    Je vous avais fait venir pour que vous racontiez votre histoire à la Divine, intervint Cassandra avec énervement, de toute évidence ce n'est plus nécessaire.

-    Et pourtant, me voilà, rétorqua le nain, heureusement pour vous, étant donné les événements récents.

Lédara sentit une tension entre Varric et Cassandra ; apparemment, elle n'était pas la seule à avoir été jugée avant le procès. Elle décida de changer de sujet :

-    C'est une jolie arbalète que vous avez là.

-    N'est-ce pas ! répondit le nain avec entrain, Bianca et moi, on en a vécu des choses.

-    Vous avez appelé votre arbalète "Bianca" ? demanda Lédara à moitié amusée.

-    Bien sûr, et elle sera d'excellente compagnie dans la vallée.

-    Hors de question ! lança Cassandra au nain, j'apprécie votre aide, Varric, mais...

-    Vous êtes allée dans la vallée récemment, Chercheuse ? Vos soldats ne gèrent plus rien, vous avez besoin de moi.

Cassandra se détourna de lui en poussant un grognement de dégoût. La guerrière faisait donc partie de l’Ordre des Chercheurs de la Vérité, supérieurs hiérarchiques des templiers, mais non soumis à la Chantrie comme ces derniers. Lédara ne connaissait pas très bien le véritable rôle de cet Ordre, mis à part qu’il évitait les débordements et abus de pouvoir au sein de l’Ordre des Templiers, et que beaucoup de gens les craignaient pour leurs dons quelque peu surnaturels ; ce qui était étrange, c’était que ces dons ne provenaient pas du lyrium, comme pour les templiers. Il est vrai que Cassandra arborait une armure ressemblant à la leur : une armure de plates couvrant son torse, ses épaules et ses cuisses, drapée d’une ceinture noire portant l’emblème de son Ordre, à savoir un œil d’or rayonnant. Cependant, son bouclier était plus fin que celui des templiers et en forme de goutte d’eau. Le symbole qui y était gravé n’était ni celui des templiers, l’épée enflammée, ni celui de la Chantrie, un soleil d’or, ni même celui des Chercheurs, mais un mélange des trois : un œil d’or rayonnant transpercé par une épée. Lédara ne savait pas ce que pouvait représenter ce signe, le voyant pour la première fois.

C’était une apparente évidence, le nain et la guerrière ne pouvaient pas se supporter l'un l'autre et Varric semblait jouer de la situation comme un chat qui jouerait avec sa proie : avec délectation.

-    Si je puis me présenter, je m'appelle Solas, dit l'elfe en se tournant vers la prisonnière, ravi de vous voir encore en vie.

-    Ce qu'il veut dire, intervint Varric, c'est qu'il a empêché votre marque de vous tuer pendant votre sommeil.

-    Vous avez l'air de savoir beaucoup de choses, dit Lédara en s'adressant à l'elfe.

-    Solas est un apostat, déclara Cassandra d'un ton tranchant, très versé dans ce domaine.

-    Techniquement, tous les mages sont maintenant apostats, Cassandra, lui répondit Solas posément. Mes voyages m'ont permis d'en apprendre beaucoup sur l'Immatériel, bien au-delà des connaissances d'un mage du Cercle. Je suis venu offrir mon aide face à cette Brèche. Si nous ne parvenons pas à la refermer, nous sommes tous condamnés, quelle que soit notre origine.

L'elfe parlait avec sagesse et pragmatisme ce qui plut à Lédara. Il avait une silhouette élancée, peu athlétique mais compensait le manque de force physique par son savoir et sa magie. Il ne possédait pas de cheveux, dévoilant un crâne sans imperfection ; son front était court, il avait des petits yeux froids allongés retombant sur les coins extérieurs, d’un bleu acier. Son visage se terminait par un menton en pointe marqué d’une fossette. Il portait des vêtements de voyage simples et marchait pieds nus, comme la plupart des elfes, qu’ils soient de la ville ou dalatiens dans les forêts. Il ne mâchait pas ses mots tout en étant d'une civilité à toute épreuve.

-    Et qu'est-ce que vous ferez quand tout cela sera terminé ? lui demanda Lédara sur un ton enjoué.

-    J'ose espérer que nos dirigeants sauront se souvenir de ceux qui ont apporté leur aide, lui répondit Solas sur le même ton. Cassandra, dit-il en se tournant vers la Chercheuse, je préfère vous le dire, je n'ai jamais vu de telle magie. Votre prisonnière n'est pas une mage. A vrai dire, j'aurais peine à croire qu'une mage puisse être aussi puissante.

-    Je vois, répondit-elle. Il faut vite qu'on gagne le campement avancé.

Cela dit, elle passa devant le groupe, donna quelques ordres aux soldats restants afin qu'ils retournent à Darse, et reprit la route.

-    Bianca se réjouit d'avance ! lança Varric en suivant la guerrière.

Lédara ne sut pas s'il plaisantait, s'il était ironique ou s'il était tout à fait sérieux. Mais il n'y avait pas de temps à perdre et elle le suivit. Les deux hommes se joignirent alors au duo féminin, leur aide s'avérant propice pour ce qui allait les attendre plus tard.

-    Par ici, le long de la rive. La route est bloquée un peu plus loin, dit la Chercheuse en quittant le chemin dallé pour descendre au niveau de la rivière gelée.

Le chemin devint plus difficile, recouvert de neige et escarpé à certains endroits, mais le groupe hétéroclite, un nain, un elfe, une Chercheuse et sa prisonnière, avançait malgré tout rapidement, l'urgence de la situation faisant qu'aucun obstacle ne devait être une raison de ralentir le rythme. Ils arrivèrent sur un petit lac où deux habitations gisaient abandonnées sur l’une de ses rives : c’était là que reprenait la route principale pour le Saint temple cinéraire.

Le groupe avançait en direction de l'autre rive lorsqu’un éclair percuta le sol gelé devant eux et fit apparaître plusieurs démons. Varric fit un bond en arrière et arma son arbalète, alors que Cassandra sortit son bouclier et son épée et se campa sur sa position. Solas frappa le sol de son bâton de mage et des étincelles de magie surgirent de son extrémité. Il s'attaqua alors à une nouvelle sorte de démon que Lédara n'avait pas encore rencontré : cela ressemblait plus à un esprit, éphémère et tout en transparence qui se défendait en produisant des boules d’énergies tirées de son essence. La prisonnière, quant à elle, banda son arc et décocha sur une Ombre particulièrement coriace qui s'attaquait à Cassandra par le flanc.

-    Alors, Chercheuse, contente de m'avoir avec vous maintenant ? s'écria Varric à l'adresse de Cassandra, assaillie de toutes parts.

Celle-ci grogna à nouveau à l'encontre du nain et se battit de plus belle contre ses assaillants. Elle asséna un coup d'épée et trancha le bras de son adversaire tout en parant un coup de griffes d'un autre. Elle entendit un sifflement près de son bras droit et vit une flèche se planter dans la tête de l'Ombre à ses flancs. Elle acheva son adversaire et se retourna, pour remercier d'un hochement de tête sa prisonnière. Lédara décochait ses flèches de plus en plus rapidement, visant à l'instinct et ne manquant pourtant jamais sa cible. Solas asséna le coup de grâce à son adversaire, qui était le dernier de cette vague.

Aussitôt le combat terminé, ils reprirent leur course sur la route principale qui présentait des escaliers à moitié détruits et ensevelis sous la neige récemment tombée. Le calme étant revenu au sein du groupe, Varric ne put s’empêcher de faire la discussion :

-    Alors comme ça, vous n’êtes pas responsable ? demanda-t-il à la prisonnière.

-    Je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé, répondit-elle avec une sincérité désemparante.

-    Ça ne vous tirera pas d’affaire, vous auriez dû inventer une histoire !

-    C’est ce que vous vous auriez fait, grogna Cassandra, menaçante.

-    C’est plus crédible, rétorqua le nain, et moins susceptible de finir en exécution prématurée.

A ce moment, la marque de Lédara vibra fortement, faisant jaillir quelques étincelles de la paume de sa main. Elle émit un grognement de douleur, mais depuis son réveil, elle commençait à maîtriser la douleur avec plus de facilité. Si cette marque était permanente, il fallait qu’elle s’y habitue le plus rapidement possible.

Ils rencontrèrent encore d’autres démons qui apparaissaient ici et là, tombés de la Brèche et agressant quiconque se trouvait sur leur chemin. Ils grimpèrent encore une colline, la route ayant été à nouveau bloquée par l’explosion, pour arriver devant une lourde porte hermétiquement fermée, deux soldats postés aux aguets devant celle-ci. Cassandra leur ordonna d’ouvrir la porte, le campement avancé dont elle parlait se trouvant juste de l’autre côté. Ils s’exécutèrent sans discuter tout en la saluant avec les convenances dues à une noble. Les portes s’ouvrirent et laissèrent passer le groupe sur le pont où avait élu domicile la résistance contre la Brèche ; de l’autre côté du pont se trouvait un arsenal improvisé situé juste devant l’entrée principale de l’enceinte du temple, du moins ce qu’il en restait. Cela constituait néanmoins de bons remparts contre l’afflux de démons.

La Chercheuse se dirigea vers l’autre extrémité du pont où se trouvait Léliana, la femme encapuchonnée qui avait interrogé avec elle la prisonnière à la Chantrie de Darse. Elle semblait être en plein débat avec un homme de la Chantrie qui réfutait chacune de ses paroles. Leur dispute s’entendait d’ailleurs de loin :

-    Il faut préparer les soldats ! disait Léliana.

-    Il n’en n’est pas question, répondait l’homme.

-    La prisonnière doit se rendre au Saint temple cinéraire, c’est notre seule chance ! insistait-elle.

Lorsque la Chercheuse s’approcha suivie de sa prisonnière et de ses deux acolytes, l’homme qui arborait une longue soutane blanche et rouge aux armoiries de la sainte église leur jeta un regard froid et lança cyniquement :

-    Ah, les voilà.

-    Enfin ! Chancelier Roderick, voici… commença Léliana, mais celui-ci la coupa prestement :

-    Je sais parfaitement qui c’est. En tant que grand chancelier de la Chantrie, je vous ordonne de conduire cette criminelle à Val Royeaux pour qu’elle y soit exécutée.

-    Vous « m’ordonnez » ? répondit Cassandra avec désinvolture et agacement, vous n’êtes qu’un pauvre commis, un bureaucrate !

-    Et vous, vous êtes une crapule soi-disant au service de la Chantrie ! rétorqua de plus belle le Chancelier.

-    Chancelier, intervint Léliana, nous sommes au service de sa Sainteté, vous le savez très bien.

-    Justinia est morte ! hurla le Chancelier qui sortait de ses gonds, nous devons élire une nouvelle Divine, et c’est à ses ordres que nous obéirons.

Entendant cela, Lédara ne put s’empêcher d’intervenir à son tour :

-    La priorité n’est pas de refermer la Brèche ?

-    C’est à vous que nous la devons, cette Brèche ! s’emporta le Chancelier rouge de colère. Sonnez la retraite, Chercheuse, nos efforts ici sont sans espoirs.

-    On peut arrêter cela avant qu’il ne soit trop tard, répondit celle-ci avec détermination.

-    Comment ? vociféra-t-il encore. Vous ne survivrez pas assez longtemps pour atteindre le temple, même avec tous vos soldats.

-    Il faut qu’on gagne le temple, c’est la route la plus courte, insista Cassandra.

-    Mais pas la plus sûre, réfléchit Léliana. Nos forces peuvent faire diversion pendant qu’on passe par les montagnes.

Elle désigna du doigt une arête montagneuse sur laquelle on pouvait distinguer quelques constructions, peut-être des entrées d’un complexe minier abandonné, mais l’accès n’en était pas le plus simple et cela obligeait à faire un certain détour pour accéder au temple.

-    On est toujours sans nouvelles d’une unité toute entière qui a emprunté ce chemin, c’est trop risqué, répondit Cassandra.

-    Ecoutez-moi, abandonnez avant que d’autres n’y laissent leur vie, insista le Chancelier avec lucidité.

Soudain, la marque de la prisonnière se mit à vibrer et généra de petits éclairs étincelants ; elle retint sa main contre elle, la douleur devenant à nouveau insupportable. Elle sentait qu’elle devait contenir une certaine énergie qui s’accumulait dans la marque, et cela lui demandait beaucoup de concentration. Au bout de quelques secondes, les étincelles se résorbèrent et la marque redevint calme, mais au prix de lourds efforts de sa porteuse. Tous s’étaient tournés vers elle pour observer impuissants et terrifiés la marque de la jeune femme et sa lutte pour la contenir. Cassandra lui fit face et lui demanda :

-    Qu’est-ce que vous suggérez ?

Lédara la regarda stupéfaite :

-    Vous me demandez ce que moi je pense ?

-    C’est vous qu’on doit protéger, répliqua Cassandra, et puisqu’on ne parvient pas à s’accorder…

Lédara réfléchit un instant : soit l’on passait par les montagnes, ce qui impliquait beaucoup de pertes humaines sur la route principale pour la diversion, soit l’on passait par le chemin le plus court, mais l’on risquait de ne pas retrouver les éclaireurs partis dans les montagnes. Elle ouvrit sa main qui contenait la marque, l’observa, puis fit le choix qui s’imposait à elle :

-    Prenons le chemin le plus court, par la route principale. Je ne survivrai pas jusqu’à votre procès. Quoi qu’il arrive, ne perdons pas de temps.

Cassandra en tête, le groupe passa le pont et quitta Léliana qui retenait les fureurs du Chancelier Roderick. De l’autre côté, Cassandra fit une halte à l’arsenal, proposant à sa prisonnière un arc plus décent pour combattre. Celle-ci accepta car l’arc rudimentaire qu’elle avait acquis par hasard n’était nullement fait pour des combats de ce genre. Elle en prit un de facture féreldienne dont la corde venait d’être changée et qui décuplerait sa puissance. Elle fit également le plein de flèches, tout comme Varric de carreaux. Après avoir testé la résistance de la corde et la visée, elle fit signe à Cassandra qu’elle était prête, et tous repartirent, passant les remparts de fortune.

Ils entrèrent dans la première enceinte du temple. Lédara ne reconnut point l’entrée où s’était trouvé le prêtre chantriste qui enregistrait les pèlerins, ni la cour qui avait abrité mages et templiers en pourparlers car tout avait été soufflé par l’explosion, ne laissant que morts et ruines. Elle entendit des bruits de combat qui retentissaient en amont du temple. Le groupe pressa le pas et arriva devant une nouvelle faille d’où déferlaient des démons. Ils se mirent en position afin de prêter main forte aux troupes clairsemées qui se trouvaient déjà sur place. La prisonnière se posta en hauteur sur un muret en ruine d’où elle pouvait analyser la situation, et envoya ses flèches, plus rapides et plus précises avec son nouvel arc, semblant déclencher la foudre sur ses ennemis. De son côté, Cassandra repoussait les démons de son bouclier. Près de la faille, un soldat doté d’une armure atypique surmontée d’une large fourrure marron aux reflets roux combattait avec fureur les Ombres qui submergeaient sa position. Lédara abattit d’un unique trait l’un des assaillants qui allait attaquer cet homme dans le dos. Celui-ci se retourna et vit l’archère perchée sur les ruines ; Lédara reconnut l’homme qu’elle avait croisé dans le Saint temple cinéraire et qui accompagnait Léliana. Celui-ci lui fit un bref signe de tête avant de reprendre le combat avec rage.

Alors que les soldats, aidés par les quatre combattants, avaient acculé les démons près de la faille, celle-ci se mit à frémir et plusieurs éclairs en jaillirent. C’est alors que deux démons en sortirent, effrayants par leur grande taille élancée, les membres souples et d’une rapidité incroyable. Ils commencèrent à décimer les quelques soldats qui se trouvaient à leurs côtés à grands coups de griffes.

Lédara, la respiration vive et le cœur battant devant ce spectacle surnaturel, se positionna malgré tout avec clairvoyance pour un tir de précision : elle posa un genou à terre, calma sa respiration, banda son arc et visa l’une des deux créatures à la tête quand soudain celle-ci disparut dans le sol, comme si elle l’avait traversé sans difficulté. Plus que désappointée, l’archère balaya du regard le champ de bataille : la première créature était occupée avec Cassandra, Solas et Varric, mais pas de traces de la deuxième. L’homme en armure était tout aussi étonné et s’était tourné de son côté en lui lançant un regard interrogatif qu’elle lui rendit. Tout à coup, elle sentit le sol onduler sous ses pieds et sans qu’elle puisse comprendre comment, la créature réapparut à ses côtés et lui donna un coup de griffe dans les côtes. L’archère, voulant l’éviter, se leva rapidement, fit quelques pas en arrière et perdit l’équilibre sous le coup. Elle tomba de son promontoire sans pouvoir se rattraper, lâchant son arc dans sa chute. Le démon, alerte, se rua sur la jeune femme ; elle saisit le premier objet qu’elle trouva à sa portée et brandit une épée longue pour parer les coups du monstre. Malheureusement, elle n’était pas entraînée à manier l’épée et ne put que bloquer l’attaque avec la lame trop lourde pour elle, se retrouvant aux prises avec la créature et ne pouvant plus bouger. Elle retenait le tranchant de l’épée qui se rapprochait de plus en plus de sa gorge, les griffes de la créature lui éraflant les joues et la poitrine.

L’homme en armure se précipita pour la secourir : il positionna son bouclier devant lui et chargea de toutes ses forces contre la créature pour la renverser un peu plus loin afin que l’archère puisse se libérer de son étreinte. Lédara se dégagea rapidement et se releva, gardant la lourde épée à la main. Tous deux commencèrent alors à asséner leurs coups contre la créature pour l’affaiblir, espérant créer une ouverture dans sa défense. Lédara, qui maniait avec maladresse sa nouvelle arme, faisait attention à ne pas se retrouver face au monstre car elle n’avait aucune protection, et son équipier de fortune, le sachant fort bien, faisait tout pour attirer l’attention de la créature sur lui. Lorsque l’ouverture se fit enfin, la prisonnière réussit à entailler l’une des jambes de la bête, ce qui permit au soldat de lui donner le coup de grâce. Le deuxième démon fut enfin terrassé.

Sans attendre, Lédara lâcha son épée et courut vers la faille ; elle tendit son bras et le lien se fit entre la marque et la déchirure. Elle sentit sa force vitale se dissiper, mais réussit à la refermer, comme la première. Elle tomba à genoux, reprenant lentement son souffle. Le combat avait été rude et refermer les failles l’affaiblissait inexorablement.

-    Par le Souffle du Créateur, vous avez refermé cette chose ! dit le guerrier d’une voix rauque, stupéfait.

-    Nous pouvons la remercier, Commandant, intervint Cassandra en s’approchant de la prisonnière, elle a été volontaire pour refermer les failles quand nous lui avons exposé la situation.

Le Commandant se tourna vers cette dernière qui était toujours agenouillée là où la faille s’était trouvée auparavant.

-    J’espère que vous arriverez à refermer la Brèche, beaucoup de soldats sont morts pour vous faire venir jusqu’ici, dit le Commandant à la jeune femme d’un ton soudainement froid.

-    Je ferai tout mon possible pour refermer la Brèche, mais je ne peux rien promettre, répondit Lédara en se relevant et se tournant vers lui, à nouveau sur la défensive.

Il était grand et large d’épaules et son visage semblait de prime abord dur et austère. Cependant, une certaine mélancolie émanait de son regard mordoré. Ses cheveux châtain clair étaient coiffés en arrière, quelques mèches revenant sur son front droit. Une légère barbe de trois jours couvrait son menton, la naissance de ses joues et son cou.

-    C’est tout ce que nous pouvons vous demander, répliqua-t-il, son ton s’adoucissant curieusement.

-    Allez aider Léliana, ils ont besoin de vous dans la vallée, lui lança Cassandra.

-    Bien ! Soyez prudents, et que le Créateur vous protège, dit-il en dévisageant la prisonnière avant de s’en détourner rapidement pour repartir du côté du campement avancé et d’aider les quelques soldats qui avaient survécu au combat à se relever et à le suivre.

Le groupe reprit la route avec la Chercheuse Cassandra à leur tête. Ils traversèrent plusieurs champs de ruines, mais Lédara n’arrivait pas à reconnaître les lieux qu’elle avait pourtant parcourus quelques jours plus tôt.

Ils s’approchèrent de ce qui avait été le centre du temple et les traces de l’explosion se présentèrent à eux : des squelettes carbonisés jonchaient le sol parmi les gravats, des bouts d’armure et de cuir éparpillés et noircis reposant tout autour, il ne restait que des pans de mur de ce qui avait été un temple pluri centenaire et quelques arcades tenaient à peine debout.

-    Le Saint temple cinéraire, annonça sinistrement Solas.

-    Ce qu’il en reste, ajouta Varric.

Ils se faufilèrent à travers une ouverture pour pénétrer au cœur du temple et se retrouvèrent face à une gigantesque faille. Bien loin au-dessus, dans le ciel, on pouvait voir la Brèche, menaçante, reliée à la déchirure qui se trouvait devant eux par des faisceaux de lumière ondoyants. Lédara avança lentement pour mieux voir, découvrant le sinistre spectacle laissé par cette explosion dont elle n’avait aucun souvenir.

-    C’est là que nos soldats vous ont trouvée quand vous êtes sortie de l’Immatériel, expliqua la guerrière à Lédara.

-    C’est vrai que cette Brèche n’est pas tout près, dit Varric qui ne plaisantait plus.

« Vous êtes là ! Le Créateur soit loué » s’écria une voix familière. C’était Léliana qui les avait rejoints avec un contingent de soldats essoufflés. Apparemment, le Chancelier Roderick avait dû céder : soit Léliana avait réussi à le persuader, soit l’arrivée du Commandant y était pour quelque chose.

-    Ordonnez à vos hommes de cerner le temple, lui lança Cassandra, contente de voir des renforts. Elle se tourna vers la prisonnière :

-    C’est l’occasion ou jamais de mettre un terme à tout cela. Vous êtes prête ?

-    Autant que faire se peut, répondit Lédara, mais comment l’atteindre ?

Elle regardait toujours la distance qui la séparait de la Brèche dans le ciel.

-    Non, intervint Solas, c’est cette faille qui est apparue en premier.

Il désigna l’immense faille qui leur faisait face un peu plus bas.

-    C’est elle la clef, conclut-il, sûr de lui. Refermez-la et peut-être pourrons-nous refermer la Brèche.

-    Alors allons-y, dit fermement Cassandra, et faites attention.

Le groupe suivit le seul accès existant pour atteindre le cœur du temple, déblayé par les soldats durant ces trois derniers jours pour qu’il soit praticable. Lédara reconnut à peine les couloirs qu’elle avait visités, tout ayant été soufflé par l’explosion. Il ne restait que des gravats, des pans de mur noircis et des corps calcinés qui témoignaient des pertes humaines dans ce sinistre cataclysme. Les quatre compagnons de fortune, suivis par quelques soldats et archers, avançaient précautionneusement car le terrain, grandement fragilisé, pouvait s’effondrer à tout moment.

Soudain, une voix d’outre-tombe résonna dans les ruines :

« L’heure de notre victoire a sonné. Amenez la sacrifiée. »

-    Qu’est-ce qu’on entend ? lança Cassandra qui s’arrêta net.

-    La personne qui a créé la Brèche, j’imagine, répondit Solas, énigmatique.

La voix s’était tue. Plus rien n’avait suivi. Ils reprirent leur chemin, de plus en plus inquiets de ce qui pouvait les attendre devant la faille. Bientôt, contre certains pans de mur, une pierre rouge luminescente fit s’arrêter le nain, puis reculer d’un pas :

-    Vous savez que c’est du lyrium rouge ça, Chercheuse, dit-il à Cassandra.

Il avait l’air de bien connaître ces cristaux.

-    Je le vois, Varric, répondit-elle en soupirant.

-    Mais qu’est-ce que ça fait là ? dit-il, sa voix tremblant légèrement.

-    La magie s’est peut-être nourrie du lyrium sous le temple et l’a corrompu, réfléchit Solas, pragmatique.

-    C’est extrêmement dangereux, surtout, n’y touchez pas, lança Varric à tout le groupe, son visage soudain très sérieux, ce qui étonna même Lédara.

Ils continuèrent, passant à côté des cristaux rouges et faisant bien attention de s’en tenir le plus éloignés possible. Le cœur du temple n’était plus très loin, la main de Lédara la tiraillait d’autant plus qu’ils approchaient de la gigantesque faille.

« Immobilisez le sacrifice. »

Tout le groupe s’arrêta, regardant autour d’eux mais ne voyant pas d’où pouvait provenir cette voix lugubre.

« Au secours ! A l’aide ! »

-    C’est la voix de la Divine Justinia ! s’écria Cassandra qui se mit à courir du côté de la faille qui était à présent visible devant eux.

Ils sautèrent du haut d’un mur pour arriver dans le cratère de l’explosion où se trouvait la déchirure. Celle-ci était à une hauteur plus importante que les petites failles rencontrées jusque-là et était si grande que l’on distinguait l’autre côté, le monde de l’Immatériel. Cependant, elle semblait voilée, comme si quelque chose retenait ce qu’il y avait de l’autre côté. La marque de la prisonnière se mit à crépiter de plus belle, vibrant de magie et expulsant des éclairs de lumière. Lédara la retenait tant bien que mal, la douleur ne lui facilitant pas la tâche, mais elle réussit à la contenir pour le moment.

« Au secours ! A l’aide ! »

« Que se passe-t-il ici ? »

-    C’était votre voix, dit lentement Cassandra qui essayait de comprendre, sa Sainteté a fait appel à vous, mais…

Soudain, la déchirure émit une onde de choc qui entra en résonnance avec la marque, et des silhouettes apparurent dans un brouillard lumineux engendré par la faille. Une immense ombre surgit face à la silhouette de la Divine Justinia, entravée et prête à être sacrifiée. Sur le côté, toujours dans cet étrange brouillard, la silhouette de la prisonnière apparut :

« Que se passe-t-il ici ? »

« Allez chercher de l’aide, vite ! » cria la silhouette de la Divine.

« Nous avons une intruse » dit la voix provenant de la silhouette ombrageuse. Elle pointa un doigt en direction de la prisonnière : « Tuez-la, maintenant. »

La vision prit fin à ce moment, le brouillard se dissipant aussi vite qu’il était apparu.

-    Vous étiez là ! s’écria Cassandra, qui a attaqué ? Et la Divine, est-ce qu’elle est… Est-ce que cette vision était vraie ? Qu’est-ce qu’on voit, là ?

La Chercheuse était dans tous ses états, cette vision soulevait encore plus de questions que de réponses. Elle déversa un flot d’interrogations sur sa prisonnière, cherchant à tout prix des explications.

-    Je ne m’en souviens pas ! rétorqua Lédara, tout aussi ébranlée par ce qu’elle venait de voir, et parce qu’elle ne pouvait répondre à ses interrogations qui étaient aussi les siennes.

-    Des échos de ce qu’il s’est passé ici, réfléchit Solas qui analysait la situation depuis le début, répondant ainsi à la première interrogation de la Chercheuse.

Il continua tout en se parlant à lui-même :

-     L’Immatériel s’infiltre dans cet endroit. La faille n’est pas scellée, mais elle est fermée. Au moins temporairement… Je pense qu’avec la marque, nous devrions pouvoir ouvrir la faille et la refermer correctement.

Cassandra hocha lentement la tête, comprenant l’intention de l’elfe. Toutefois, elle fit déployer les soldats et les archers tout autour de la faille pour prévenir tout risque éventuel. Une fois les troupes en place, elle fit un signe de tête à sa prisonnière lui signifiant qu’elle pouvait activer la faille. Lédara se tourna lentement face à la déchirure, elle regarda la marque dans sa main, et d’un geste assuré la leva haut en direction de la faille. Le lien se matérialisa, plus grand et plus intense que les premières fois ; la jeune femme se concentra alors sur son ouverture et un éclair, telle la foudre, s’abattit devant elle, la déséquilibrant et rompant ainsi le lien magique entre elle et la faille. Elle tomba aux pieds d’un monstre démesurément grand que l’ouverture de la faille avait fait apparaître. Décontenancé et énervé, il poussa un hurlement à faire froid dans le dos et se releva de toute sa hauteur.

A la vue de la créature qui ressemblait à un ogre avec des cornes de dragon, les archers décochèrent leurs flèches ; sa peau était écailleuse, dure comme la pierre et les flèches ricochèrent telles de vulgaires brindilles. Une deuxième salve atteignit le démon et les pointes se plantèrent dans sa nuque et son dos. Toutefois aucune ne sembla le blesser. Les soldats prirent alors leur courage à deux mains et s’attaquèrent à ses pieds, évitant les longues griffes acérées du monstre.

Ces attaques répétées mirent le démon dans une colère noire : il riposta en générant un fouet de foudre pure qu’il abattit sur les soldats à ses pieds. La plupart en furent paralysés un instant, certains résistèrent mais d’autres furent gravement blessés, rampant sur le sol afin d’éviter un coup qui leur serait fatal.

Du fait de sa masse imposante, les mouvements du monstre étaient lents, donnant l’avantage aux archers et aux soldats qui maniaient des épées courtes. Varric se posta dans un endroit stratégique afin de ne pas être atteint par le monstre et arma son arbalète ; ses carreaux s’enchaînaient, de plus en plus précis, sur la tête de l’immense créature. Pendant que les soldats, menés par la Chercheuse Cassandra, offraient une diversion, Lédara se déplaçait tout autour du démon, cherchant le bon angle de tir pour atteindre un point faible qu’elle avait repéré lors des premières salves : le monstre semblait avoir une peau plus fine le long de la colonne vertébrale, entre les deux omoplates. Elle décocha une première flèche qui se planta effectivement à cet endroit, mais pas suffisamment profondément pour atteindre le système nerveux de la bête. Le monstre hurla sous le coup et se retourna brutalement vers elle avant d’abattre avec rage son fouet sur la cause de son mal. Lédara ressentit une vive douleur sur sa jambe droite et trébucha sous le coup, sa jambe se paralysant sous l’effet de la foudre. Elle se releva tant bien que mal et se mit à couvert.

Il y avait suffisamment de soldats pour attirer l’attention du monstre ailleurs, mais un phénomène inattendu se produisit : d’autres démons apparurent de la faille, des Ombres pour la plupart, qui s’attaquèrent aux soldats les plus proches. Cassandra resta concentrée sur le monstre, se donnant pour mission de l’occuper pendant que les autres anéantiraient les nombreux démons qui déferlaient de la faille. Solas concentrait toute son énergie à la survie des soldats et de Cassandra, mettant à profit ses dons magiques de soin et de protection. De loin, Lédara vit Léliana tirer à l’arc comme une furie, abattant ses cibles les unes après les autres. Elle en fit de même, retrouvant petit à petit l’usage de sa jambe.

Tout à coup, Lédara décida de tenter le tout pour le tout et réactiva la faille à l’aide de la marque. Le lien se créa, mais elle se concentrait cette fois-ci sur une unique pensée : refermer la déchirure. Toutefois, elle retira violemment sa main car la douleur était trop vive, ce qui provoqua une onde de choc qui désarçonna les démons, en tuant certains et assommant le plus grand sans pour autant refermer la faille. Malgré tout, le déferlement des démons avait cessé, ne laissant plus que l’immense créature à anéantir.

Tous furent surpris de ce qui venait de se passer, mais cela redonna courage aux combattants et tous luttèrent avec plus de hargne. Lédara, dont les forces s’amenuisaient, décocha à nouveau une flèche entre les deux omoplates du démon, mais la puissance de son arc n’était pas suffisante pour lui infliger le coup de grâce. Elle chercha donc du regard Cassandra et se dirigea vers elle en zigzaguant, évitant les coups de la bête. Arrivée à portée de vue, elle capta l’attention de la Chercheuse et lui fit comprendre par signes où se trouvait le point faible du démon. Celle-ci eut l’air de comprendre, car elle changea immédiatement de posture et ordonna à quelques soldats de distraire l’attention du monstre vers l’avant pendant qu’elle le contournerait. Elle escalada un pan de mur, montant suffisamment haut afin d’arriver à la hauteur des épaules du démon. A ce moment, elle sauta sur son dos et planta son épée au cœur de sa colonne vertébrale qu’elle fissura de ce seul coup. Le monstre mugit et se débattit pour faire tomber la chose qui était montée sur lui, en vain : Cassandra s’accrochait solidement à son épée. Il mit un genou à terre et la guerrière en profita pour faire pivoter son épée dans la plaie ; un craquement sourd retentit. Le monstre tomba raide, laissant la Chercheuse descendre de son dos.

-    Allez-y, maintenant ! cria-t-elle à sa prisonnière.

Lédara se rapprocha de la faille et brandit à nouveau sa main pour la refermer. Le lien se reconstitua, plus puissant et plus dur à contrôler. Elle se concentra, réunissant ses dernières forces pour refermer la Brèche. Ce geste finit par l’achever, toute sa force vitale avait été utilisée dans cet ultime effort. Elle retira brutalement sa main et une onde de choc fit tomber à terre tous les gens présents. Elle fut ressentie jusqu’au village de Darse, où les villageois observaient la Brèche dans le ciel alors qu’ils priaient le Créateur pour un miracle. La dernière chose que Lédara vit fut la lumière aveuglante qui accompagna le souffle de cette explosion.

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