D'humains à cyborgs

Chapitre 5 : Les Rifles

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 21:53

Ils rentraient dans leur quartier, parcourant la route goudronnée bordée de trottoirs aussi gris que les ennuyeux grands ensembles de locations rectangulaires ou hémi-ovoïdes du coin, entourés de pelouses rases en meilleur état et bien plus vertes que les buissons et les arbustes qui les parsemaient. Quelques petits parcs pour enfants, parfois en piteux état, complétaient le décors. Ils arrivèrent près de leur appartement. Hazel rangea le skycar type militaire, qu'il avait voulu essayer en partant de la falaise. Ils avaient décidé de rentrer pour prendre une douche et changer de vêtements, mais ils n'allaient pas rester à la maison. Il n'était encore que huit heures du soir. Le temps s'était rafraîchi. Au moment où ils allaient entrer dans leur immeuble, ils entendirent des voix venant du coin du bâtiment.

 

« Aller, gamin, file-nous le fric qu'on t'a demandé !

- Hé ! Hé ! Pas mal ! Beaucoup plus qu'on ne le croyait !

- Fu ! Fu ! Ça paie d'employer un gosse !

- La prochaine fois, tu nous en prendras encore plus. N'est-ce pas, Soy ?

- Qu… Quoi ? Mais… Mais vous m'aviez dit qu'après cette fois, c'était bon !

- Allons ! Allons ! Tu nous rapporte tellement que ce serait dommage d'arrêter !

- Mais… Mais mes parents vont finir par s'en rendre compte…

- Voyons, Soy, tes parents ne te soupçonneront jamais. Pas toi, le bon petit Soy. Et puis, ils ont un magasin, c'est pas avec le peu de fric que tu leur pique dans la caisse qu'ils vont s'appauvrir.

- Mais… Mais non, ils…

- Ça suffit ! Tu feras ce qu'on te dit ! À moins que tu ne veuille qu'on te brise tous tes petits doigts. Ou qu'on fasse un petit casse dans le magasin de tes parents. Là, c'est sûr, il ne leur restera plus rien…

- Quoi… Mais je… … D'accord…

- C'est bien ! Hu ! Hu ! »

 

Les deux raquetteurs se mirent à rirent et blaguer. Le quartier était devenu très mal fréquenté ces dernières années. Et Mâron et Hazel faisaient partie de ces mauvaises fréquentations. Mais une chose était sure, ils avaient horreur de ce genre de loubards, imbus de leurs forces mais incapables de l'utiliser contre des gens qui puissent riposter. Ils trouvaient particulièrement insupportable leur arrogance, alors qu'ils se comportaient comme les pires des cafards et étaient incapables de faire quoi que ce soit par eux-mêmes. Ils le supportaient d'autant moins que cela se passait dans leur quartier. Et puis ils trouvaient là un autre prétexte pour se battre. Les deux jumeaux allèrent les rejoindre. Et effectivement deux grands costauds, l'un chauve et l'autre avec des cheveux noirs en pics, portant des blousons noirs sur des jeans troués étaient face à un enfant d'une dizaine d'années, un petit rouquin, portant une veste de cuir brun usée et bien trop grande pour lui, par-dessus un t-shirt au nom d'un groupe de musique à la mode et un short kaki. Quand ils les virent, l'un des deux raquetteurs dit :

 

« Oh ! Vous deux… Je vous ai déjà vus. Vous êtes du quartier comme nous. Je sais que vous êtes de vrais durs. Mais il faut être équitable, alors si vous voulez lui soutirer de l'argent, je suis désolé, mais c'est chasse gardée. Mais on peut vous refiler une petite part, vous vous joignez à nous. Qu'en dites-vous ?

- Tu n'as pas d'ordre à nous donner ! » rétorqua Hazel

« Oh ! Oh ! Calme-toi ! Et puis, je suis sûr qu'en cherchant bien, vous trouverez votre propre poule aux œufs d'or. »

Ce disant, le loubard essaya de poser une main amicale sur l'épaule de Hazel, mais celui-ci la lui prit et la tordit violemment.

« Aaaaaaaah ! Mais t'es malade ?! Lâche-moi immédiatement !

- Je t'interdis de nous mettre dans le même panier que des larves telles que vous, gros tas de muscles sans cervelle !

- Hé ! Mais pour qui tu te prends, pour nous traiter de haut comme ça !? Vous ne valez pas mieux que nous ! Vous aussi n'êtes que des vermines ! »

C'en fut trop pour Hazel. Il lui enfonça un genou dans le ventre, et le voyou se plia. Hazel lui enfila son coude sur la nuque, son adversaire s'effondra au sol.

« Je t'avais dit de ne pas nous mettre dans le même panier. »

Son partenaire fonça sur Hazel.

« Tu va voir, sale… »

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que Mâron se trouvait déjà devant lui. Elle laissa le poing de la brute passer dans son dos, tandis qu'elle lui donnait un coup de l'épaule gauche au torse. Elle accrocha sa jambe avec la main gauche et agrippa son t-shirt avec l'autre main, puis se servant de son épaule comme d'un appui, elle le souleva et le jeta au sol. Il tomba la tête la première sur le sol, assommé sur le coup.

« Keuf ! Quels minables ! » siffla Hazel.

 

Le jeune garçon resta un moment bouche bée. Il connaissait les jumeaux de réputation, de sale réputation. Mais non seulement ils venaient de l'aider, mais en plus ils avaient pu mettre à terre ces deux hommes près de deux fois plus massifs qu'eux. Il n'en revenait pas. Le frère et la sœur étaient sur le point de partir, lorsque Soy se décida à ouvrir la bouche.

« Euh… Me… Merci ! »

Hazel se retourna en souriant malicieusement.

« Pas la peine de nous remercier. Nous n'avons pas fait ça pour toi. Nous ne faisons que défendre notre territoire, et nous ne supportons pas ce genre de mecs. Reprends ton fric maintenant, et remets-le dans la caisse de tes parents.

- C'est que… Si je fais ça, ils risquent de m'en faire baver… »

En disant cela, l'enfant regarda les deux voyous. Le frère et la sœur le toisèrent un moment en silence. Puis Mâron revint sur ses pas. L'un des deux raquetteurs était encore à moitié conscient. La jeune femme décida de le réveiller complètement. Elle lui marcha donc sur l'auriculaire de la main gauche de façon à le lui tordre et le briser. Le pauvre diable se mit à hurler.

« Aaaaaaah ! Putain ! Mon doigt ! Mon doigt ! Tu me l'as pété ! Sale garce ! »

Mâron sourit sadiquement.

« Et bien alors ? C'est pourtant bien ce que tu menaçais de faire à ce gosse il n'y a même pas cinq minutes, non ? Incapable de supporter ce que tu te proposes de faire aux autres ? »

 

Son sourire s'effaça pour prendre une expression plus dure. Elle prit par les cheveux l'homme gémissant encore.

« Écoute-moi bien, sale larve ! Je vais être claire, à partir de ce jour, mon frère et moi, on va être sans arrêt sur vos dos à ton pote et toi. Car ici, c'est notre quartier. Alors si jamais votre comportement de petits cafards nous déplaît encore une fois, on ne vous cassera pas que vos "petits doigts". Est-ce que c'est clair ? »

Son regard et sa voix glacials avaient été plus que suffisamment effrayants pour qu'il hoche la tête en signe d'assentiment. Aucun son ne sortait plus de sa bouche.

« Bien ! Donne-moi l'argent que vous lui avez pris. »

Il s'exécuta sur-le-champ.

« Tiens, petit ! Voilà l'argent. Si jamais ils rejouent les idiots, dis-le-nous ! » dit-elle avec un sourire malicieux.

Elle s'adressa encore au voyou en reprenant un air menaçant.

« Si on apprend que vous faites pression sur lui pour qu'il vous couvre… »

La menace était plus que claire. L'homme déglutit. Mâron le lâcha. Il recommença à triturer son auriculaire cassé. Les jumeaux se redirigèrent vers l'entrée de leur immeuble.

 

« Att… Attendez ! »

Les jumeaux se retournèrent. Soy courut vers eux.

« Je m'appelle Soy. Et vous ? »

Les jumeaux ne répondirent pas. Ils continuèrent simplement à marcher vers l'entrée.

« J'ai un peu entendu parler de vous. Mes parents disent que vous vous bagarrez souvent dans le quartier et que vous êtes de la mauvaise graine. Mais je crois qu'ils ont tort. Vous frappez juste les sales types. N'est-ce pas ?

- Il nous prend pour des super héros ou quoi ? » pensa Hazel.

Mâron répondit : « Écoute, gamin. Comme mon frère te l'a dit, on a juste fait ça car ces types nous déplaisaient et parce qu'on aime se battre. Ne te fais pas d'illusion. »

Le petit rouquin lui fit un large sourire plein d'une malice innocente. Apparemment, il ne la croyait pas. Mais finalement elle s'en fichait, il pouvait croire ce qu'il voulait. Tandis qu'ils continuaient à se diriger vers l'immeuble, Soy poursuivait, ses yeux verts pétillant de joie.

« Vous êtes vraiment très forts. J'ai même pas pu bien voir comment vous les avez mis k.o. C'était trop fort ! En quelques secondes vous les avez étalés ! Bam ! Comment vous avez appris à vous battre ? C'était quoi cette technique ? Vous voulez me l'apprendre ? Vous vous appelez comment ? »

Hazel se dit en lui-même : « Mais il va se taire… ? Il commence à me gonfler. »

Mâron, elle, restait stoïque. L'enfant continuait de leur parler et entra en même temps qu'eux dans leur immeuble. Le hall contenait toutes les boites aux lettres, une bonne cinquantaine, les murs étant comme ceux du reste de l'habitation, d'un brun morne.

« Euh… Tu ne vas quand même pas nous suivre jusque chez nous… ? T'as des parents, non ?

- Ben… J'habite ici…

- Je vois… » reprit Hazel sur un ton las.

 

Il continua à les assommer de questions dans le spatieux ascenseur et à essayer de mimer les gestes de leur bref combat, et il put même obtenir leurs noms. Il sortit un étage avant eux.

« Ciao ! À bientôt !

- Oui, c'est ça… J'espère que tu vas déménager… »

Mais l'enfant n'entendit pas Hazel.

« Raaaah ! Ce qu'il a pu me pomper l'air ! On aurait peut-être mieux fait de laisser ces brutes s'occuper de lui… »

En même temps qu'il disait ça, il se tourna vers sa sœur et vit qu'elle souriait doucement. Il se mit aussi à sourire. Quand ils rentrèrent chez eux, leur père les attendait, dans son costard de travail noir, les cheveux attachés.

« Où étiez-vous passé ? Le directeur m'a appelé. Vous avez encore séché les cours ! »

Les jumeaux ne répondirent rien. Il continua.

« Mais qu'est-ce que vous avez à la fin ? Si ça continue, vous allez vous faire virer de votre lycée ! C'est ça que vous voulez ? Soyez un peu responsables ! Vous êtes encore allés vous battre ? Vous ne respectez même plus les principes des arts martiaux ! En plus cela fait trois ans que vous ne venez plus à l'entraînement !

- Et à quoi ça servirait ? Nous t'avons dépassé, » lui répondit froidement Hazel.

- Et ça vous donne le droit de vous comporter en vauriens ?! Vous ne deviendrez jamais des gens respectables si vous continuez ainsi. Ce n'est pas comme ça que vous parviendrez à être heureux.

- Et à quoi ça servirait d'être "respectable" ou "heureux" ? Qu'est-ce que cela peut bien faire, une fois que tout est fini ? »

Mâron avait dit ça sur un ton parfaitement détaché. Nato ne sut quoi répondre. Hazel se dirigea vers la salle de bain pour prendre une douche. Sa sœur alla dans sa chambre et jeta ses achats dans son armoire. La pièce était très simple. Un lit en bois clair avec des draps blancs sous la seule mais grande fenêtre de la chambre, une armoire et un meuble. Aucune décoration ou accessoire ne venait la décorer. Elle essaya plusieurs tenues pour décider ce qu'elle allait mettre ce soir-là et en prit finalement une au hasard. Encore un jeans bleu déchiré avec un pull noir et une veste assortie au pantalon, elle décida de garder sa ceinture, ses gants et les mêmes chaussures. Elle mit le tout sur son lit en attendant d'aller se laver. Puis quand son frère sortit de la douche elle y alla à son tour. Hazel conserva le mêmes vêtements, prenant juste un pull bleu marine et un blouson en cuir noir, enroulant son foulard par dessus. Après avoir mangé le repas que leur père avait préparé, les jumeaux sortirent immédiatement.

 

Nato, assis sur le canapé du salon, face à la télé éteinte, ne tenta même pas de les retenir. Il était fatigué. Il avait tout essayé pour reconstruire une vie familiale. Mais rien n'y faisait, ils ne formaient plus une famille. Ses enfants avaient obstinément rejeté toute tentative de rapprochement de sa part. Non c'était bien pire, ils avaient rejeté l'idée même du bonheur. Et il avait fini par se demander s'ils n'avaient pas raison. Toutes ces années, où il avait essayé de sortir ce qui restait de sa famille de ce désespoir dans lequel il l'avait lui-même plongée. Mais plus il faisait d'efforts, plus il se sentait embourbé dans ce désarroi. Il se sentait comme dans du sable mouvant, plus il se débattait, plus il s'enfonçait et se rapprochait de la noyade. Il avait l'impression que ses enfants, eux, étaient sous toute cette couche de sable depuis longtemps. Il se sentait complètement pathétique et impuissant. Il en vint à regretter l'époque où il s'enfermait dans son insensibilité. Il repensa à sa femme, Dona. Elle était morte à cause de cette insensibilité, à cause de lui. Elle souffrait à présent, bien plus que lui. Il se sentait coupable. Coupable de sa mort. Coupable de leur mort huit ans plutôt. Coupable de l'état actuel de sa "famille". Coupable de n'avoir pu protéger personne, d'avoir été faible… Il se mit à pleurer silencieusement, regardant le vide à travers la fenêtre du balcon à sa droite..

 

----------------------------------------------------------------------------

 

Les jumeaux étaient dans le premier skycar qu'ils avaient volé à la bande du matin. Il faisait nuit à présent et ils étaient sur une grande route suspendue abandonnée, celle-ci allait être reconstruite. Elle était bordée des deux côtes par une barrière de béton. On voyait les lumières de la ville.

 

« … Keuf ! Cette caisse commence à me lasser, il faudrait que j'en prenne une autre.

- Tu vas encore t'en lasser. Tu te lasses toujours de tes nouvelles voitures.

- Et bien ! On a qu'à aller en piquer d'autres. Si on allait au magasin de capsules hoipoi du centre ville ?

- Celui que la Capsule Corp. a dernièrement ouvert à côté du centre commercial ? Il est fermé à cette heure.

- Et alors ? »

Mâron sourit à la réponse de son frère. Mais elle se concentra sur autre chose. Il lui semblait que la route se remplissait bien soudainement de véhicules en tout genre.

« Hazel.

- Oui, j'ai vu. Hé ! Hé ! On dirait qu'on nous cherche. On va bien s'amuser ! »

 

Hazel accéléra. Les véhicules du gang qui les poursuivaient, firent de même. Les deux jumeaux sourirent. Cela allait devenir intéressant. Le garçon augmenta encore sa vitesse, les poursuivants aussi. Une moto arriva à leur hauteur, du côté de Mâron. Le pilote regarda la belle blonde d'un air sadique. Il leva la main qui portait une énorme chaîne et porta un coup. Mais la jeune fille attrapa son arme sans difficulté. Elle tira un coup sec et fit chavirer le motard, son engin alla se crasher contre le béton bordant la route, tandis que le pilote s'accrochait encore à la chaîne dont Mâron s'étonna de la longueur. Son propriétaire l'avait enroulée autour de son corps. Elle faisait bien trois mètres. Finalement il lâcha prise. La blonde se mit alors debout sur son siège, prête à frapper de sa nouvelle arme tout nouvel assaillant. Un motard s'approcha encore de leur skycar, du côté de Hazel. Mâron l'assomma à coup de maillons. Mais elle entendit soudainement une détonation. Elle vit une petite étincelle sur la carrosserie. Elle regarda sa chaîne, puis se tourna vers Hazel.

« Ils nous tirent dessus. Et cette chaîne est bien utile pour se battre contre les motards, mais je ne pense pas qu'elle puisse faire quoi que ce soit aux voitures et aux skycars et encore moins nous défendre des balles. »

 

Quelques balles sifflaient. Mais les jumeaux s'étonnaient eux-mêmes de garder leur calme. Hazel zigzaguait depuis qu'on leur tirait dessus, mais Mâron parvenait à tenir en équilibre.

« Dans ce cas, il est temps pour moi de m'adonner à mon autre passion. »

Il prit une capsule, puis l'activant, un fusil et des munitions en sortirent.

« Tu veux bien prendre le volant ? »

Mâron jeta négligemment sa chaîne qui s'écrasa sur un skycar, en brisant le pare-brise. Le conducteur perdit le contrôle et alla se fracasser sur le bord de la route en emportant deux motos avec lui. La jumelle sauta sur le siège du conducteur en même temps que Hazel se mit en position. Il commença par tirer sur les véhicules transportant des membres armés. D'abord ceux à roues, dont il était plus facile de se débarrasser. Il visa les pneus. Un à un, deux de ces véhicules rétros allèrent s'écraser sur le bord de la route, emportant avec eux deux motos. Une fois le peu de ce type de véhicules maîtrisés, il s'occupa des moteurs des skycars. Encore une fois, il fit des cartons. Bien entendu, plus cela allait, plus les membres du gang poursuivant se sentaient humiliés et fulminaient. Mais il fut vite à court de cartouches. Il avait ainsi pu éliminer deux véhicules rétros, trois skycars et six motos. Mais il restait encore une vingtaine de véhicules au total.

 

« Désolé, Mâron, mais je n'ai plus de cartouches. Et les autres armes que j'ai piquées aux imbéciles de ce matin sont déchargées… Mais j'ai quand même réussi à me débarrasser de la plupart des tireurs. »

À ce moment, une balle vint se loger sur la carrosserie sous ses pieds.

« La plupart…

- Balance-leur les véhicules dans les capsules, crétin !

- Oh ! Excellente idée, sœurette ! »

Il prit alors les deux capsules contenant des véhicules, puis en sortit le contenu en même temps. Les poursuivants cessèrent un instant de fulminer, pour regarder, les yeux exorbités, les deux masses leur tomber dessus. Plusieurs des leurs furent emportés par l'attaque.

« Ha ! Ha ! Ha ! Excellent ! Bien fait pour ces idiots ! »

Une autre balle vint se loger à ses pieds.

« Ils me saoulent… J'ai encore failli me faire toucher…

- Keuf ! Accroche-toi !

- Que comptes-tu faire ? »

Il eut à peine le temps de réagir que sa sœur braqua complètement le véhicule à cent quatre-vingts degrés. Hazel eut du mal à ne pas être éjecté. Il retomba sur les fesses sur le siège du passager, la tête à l'envers. La conductrice profita de l'étonnement général pour foncer entre les véhicules et s'échapper derrière eux.

 

« Voilà ! Classique, mais efficace !

- Ha ! Ha ! Ha ! Tu m'étonneras toujours sœurette !

- Ça suffit ! Arrête de m'appeler comme ça. Et puis ce n'est pas fini. »

Hazel regarda derrière. Passé l'effet de surprise, le gang avait repris la poursuite. Et même si Mâron les avait quelque peu distancés, ils ne tarderaient pas à les rattraper.

« Qu'ils sont collants !

- Et ce n'est pas tout. »

Hazel regarda devant et vit que d'autres voitures se dirigeaient vers eux.

« Qu'est-ce que… ?

- Évidemment. Cela aurait été trop facile ! Ceux que nous avons dépistés tout à l'heure ont simplement sorti d'autres véhicules de leur capsules… »

Hazel regarda sa sœur pendant qu'elle expliquait ça, puis reporta son attention devant.

« Et merde ! Cette fois, on est mal… »

Des gouttes de sueur commencèrent à perler sur les visages des deux jumeaux. Mâron freina soudainement.

« Hé ! Mais qu'est-ce que tu fais ? T'es dingue ! ? On ne pourra jamais tous les vaincre, ils sont trop nombreux !

- On ne pourra jamais les semer non plus. Je vais essayer quelque chose. En espérant que ça marche… »

Hazel eut un air surpris, puis sourit.

« Je te fais confiance. »

 

Ils sortirent tous les deux du skycar. Ils étaient complètement encerclés. Ils jaugèrent ceux qui déjà descendaient de leurs véhicules en ricanant, prêts à en découdre. Dans le tas, ils reconnurent quelques uns des membres du gang qu'ils avaient étalés le matin.

« Je vois. C'est une vengeance… » souffla Hazel.

« Hé ! Hé ! Et oui ! Vous ne vous doutiez pas que nous faisions partie du gang des Rifles, hein ? Vous allez payer cette humiliation. »

Il commençait à s'approcher des jumeaux. Hazel lui jeta un regard qui le fit reculer.

« Grrr ! Tu vas voir si tu gardes toujours cette arrogance après qu'on se soit occupé de vous…

- Bon ! Où est le chef ici ? »

Elle avait dit ça avec une telle autorité que chacun des voyous stoppa ses mouvements. Elle avait une voix ferme, claire, parfaitement audible mais sans crier. Ils n'en revenaient pas. Comment deux personnes aux carrures si banales pouvaient-elles avoir une telle présence ? Mâron attendit quelques secondes, puis vit une voie se dégager parmi les loubards et une femme imposante apparut entre eux. Ses cheveux blonds foncés étaient tressés en une large natte. Elle était tout en cuir noir : veste, pantalon, larges bottes, serre-tête et un maillot qui permettait de voir tous ses abdos. Elle était vraiment bien bâtie, sans être un tas de muscles. Un regard noir et dur, elle avait vraiment du charisme.

 

« C'est moi. Qu'est-ce que tu me veux ? Tu veux me supplier de vous laisser en vie ? Négocier ? Désolé, mais c'est trop tard, il aurait fallu y penser avant de nous provoquer.

- Non, ce n'est pas ça. En fait, mon frère et moi savions parfaitement qui étaient tes sbires que nous avons étalés ce matin.

- Pardon !? Tu vois dans quelle situation vous vous trouvez ? Et tu me provoques encore ? Quelle impertinente ! »

Hazel regardait sa sœur, inquiet. Que cherchait-elle à faire ?

« En fait nous cherchions à te provoquer pour attirer ton attention. Nous voulions te rencontrer.

- Quoi ? Et pourquoi vouliez-vous me rencontrer ?

- Et bien, nous avions entendu parler de ta réputation. Et mon frère et moi cherchons depuis longtemps un adversaire à notre taille. Nous espérions voir à quel point tu es forte en nous battant avec toi chacun son tour. »

La cheffe eut un air très surpris. Quant à Hazel, il était bluffé par la petite improvisation que sa sœur venait de faire. Ils n'avaient jamais entendu parler des Rifles avant. Mais est-ce que cela allait marcher ?

« Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Tu as du cran, petite ! Je ne m'attendais pas à ça. Un bon petit combat ne serait pas de refus !

- Mais, cheffe… » tenta de protester une des victimes féminines de Hazel et Mâron.

« La ferme ! » Elle avait apparemment suffisamment d'autorité pour calmer facilement ses hommes et femmes.

« Mais avant… J'aimerais que tu fasses une chose. … Dis mon nom. »

 

Mâron ne s'attendait pas du tout à une demande pareille. Cette cheffe était plus maligne qu'elle ne le pensait. Elle regardait la jumelle avec un sourire satisfait. Comment allait-elle s'en sortir ? Il fallait qu'elle trouve quelque chose et vite.

« Barett. Tu t'appelles Barett. »

Mâron se tourna vers son frère.

« Je vois que ce n'était pas du bluff… Bien ! J'accepte votre défi ! »

Mâron n'en revenait pas. Comment Hazel avait-il pu savoir son nom ? Son jumeau était satisfait d'avoir deviné juste. La plupart du temps les membres des gangs se choisissaient un nouveau nom en rapport avec celui de leur bande. Le barett M82 étant le fusil1 au plus gros calibre, la cheffe avait donc de fortes chances de choisir ce nom. Sa connaissance des armes venait de leur sauver la vie.

 

« Mais j'aimerais ajouter un petit peu de piment. D'après ce que m'ont raconté mes gars, vous avez l'air assez forts, c'est d'ailleurs pourquoi j'accepte ce défi, car moi aussi j'aime les combats intéressants. Mais pour en venir au fait, si je vous bats tous les deux à la suite, j'aimerais que vous rejoigniez mon gang. Des gens de votre trempe et de votre cran, c'est pas tous les jours qu'on en rencontre. »

Les jumeaux furent très surpris par cette proposition.

« Et si c'est nous qui gagnons ? » demanda Mâron.

- Hé ! Hé ! Je ne pense pas que cela arrivera, mais ok. On va dire que si l'un de vous gagne après que j'ai vaincu l'autre, nous repartirons chacun de notre côté, je reprendrais juste ce que vous nous avez volé. Enfin… Ce qu'il en reste. Mais le plus intéressant pour vous, c'est que si le premier à m'affronter gagne, vous deviendrez les nouveaux chefs du gang. »

 

Tout le monde poussa des exclamations d'étonnement.

« Taisez-vous tous ! Je suis votre cheffe ! Vous n'avez pas confiance ? »

Tous se turent. Les jumeaux, eux, n'en étaient que plus stupéfaits.

« Eh ! C'est intéressant comme proposition ! s'exclama Hazel. Je veux bien te croire, mais je n'ai pas l'impression que tes sbires soient d'accord, vont-ils nous obéir si on gagne ?

- Pour qui tu les prends ? Quand leur chef prend une décision, ils s'y tiennent. Dans notre bande, nous avons un sens de l'honneur et je fais toujours attention à qui j'enrôle. Qu'est-ce que vous en dîtes, vous tous ? »

Une clameur s'éleva pour confirmer.

« Tu vois ? Bien ! Par lequel de vous deux je commence ? »

Hazel s'avança. Mâron lui murmura discrètement.

« Eh ! C'est moi qui ai eu l'idée.

- Justement ! Pourquoi ce serait à toi de tout faire ? »

Elle sourit.

« Commençons ! » proposa Barett.

 

Les deux adversaires se jaugèrent un instant. Ce fut Hazel qui engagea le combat. Il courut vers Barett. Celle-ci resta sans bouger, attendant son attaque. Il lança son poing en direction de son visage, mais au dernier moment il tourna sur lui-même et lui envoya son pied vers la tête. Elle para le coup avec son poignet, mais fut quand même repoussée un peu arrière et grimaça face à la force du coup. Le garçon tenta de reprendre l'attaque, mais la femme lança un coup de paume qu'il décida d'éviter en reculant. Une petite pause se marqua. La cheffe frictionna son poignet endolori de son autre main.

« Eh bien ! Vu ton petit gabarit, je m'attendais à ce que tu te battes surtout en te basant sur ta vitesse. Mais à ce que je vois, tu as aussi des coups puissants.

- Hh ! T'es pas mal non plus. Tu attends le dernier moment pour parer et porter tes coups. »

 

Hazel se précipita encore vers son adversaire, il lança son poing et comme il s'y attendait, Barett l'attrapa au poignet. Elle essaya de porter un coup de sa main sur le visage de son adversaire, mais celui-ci l'ayant prévu, esquiva facilement en se baissant. Puis profitant de son élan et de la baisse de la garde de la cheffe, il lui donna un coup de pied dans le menton. Sa tête fut propulsée en arrière. Sachant que cela ne suffirait pas à la mettre k.o., il lui enfila une manchette sur le sternum. Se redressant pour se tenir la poitrine, elle lâcha le poignet de Hazel. Celui-ci fit un tour sur lui-même et lui donna un coup de coude dans le ventre. Puis, dans le même mouvement, il agrippa son adversaire par un bras et sa ceinture et la propulsa au sol la tête la première. Elle était k.o. Il y eut un gros silence. Personne dans le gang ne comprenait comment leur cheffe avait pu être vaincue aussi facilement. Ils n'eurent pas le temps de réagir qu'ils entendirent les sirènes de la police. Ils montèrent tous dans leurs véhicules et démarrèrent. Sans réfléchir Hazel prit Barett dans le skycar.

« Mais qu'est-ce que tu fais avec elle, idiot ??

- Euh… Je sais pas… »

Il la déposa à l'arrière et Mâron démarra au moment où il monta. La police s'était mise à poursuivre le gang, mais elle était encore assez peu nombreuse et ils avaient peu à en craindre. En principe, ils auraient dû se séparer pour semer la police, mais avec leur cheffe au bord du skycar des jumeaux, ils ne savaient que faire. Quant à Hazel et Mâron, ils pestaient de ne pouvoir se débarrasser des pots-de-colle.

 

« Vous vous êtes choisi des noms ? »

Ils se retournèrent. Barett venait de se réveiller.

« Pardon ?

- Des noms ! Vous êtes les nouveaux chefs du gang des Rifles, non ? Vous devez vous choisir un nom de fusil pour être des Rifles.

- Hein !

- Alors ? »

Hazel réfléchit. « Nous sommes des jumeaux. Nous pourrions prendre un fusil au nom double et se partager chacun un nom… Le mosin-nagant… ? Qu'en penses-tu, Mâron ? Moi, je prends Nagant et toi Mosin ? »

Mâron sourit.

« Pfff ! Quels noms nuls ! Mais ce sont des noms de fusil, on ne pourra pas faire mieux.

- Alors, Barett ? Ces noms ne sont pas pris, j'espère ?

- Keuf ! Si c'était le cas, les propriétaires en changeraient ! »

 

L'ancienne cheffe prit une capsule hoipoi, en sortit un mégaphone, se mit debout regardant en arrière et mis l'appareil devant sa bouche.

« Et alors petits imbéciles ?! C'est comme ça qu'on accueille vos nouveaux chefs !? Il faut montrer à Mosin et Nagant qui sont les Rifles ! »

Au bout de trois secondes, une clameur immense se fit entendre. Nagant et Mosin sourirent.

« Je sens qu'on va enfin s'amuser un peu. »

Sa sœur resta silencieuse, toujours souriante. Barett continuait à chauffer le gang, qui continuait d'accueillir leurs nouveaux chefs avec des clameurs. Au bout de quelques minutes, ils se séparèrent avant que leurs poursuivants ne deviennent trop nombreux et qu'il ne soit impossible de les semer.

1 « Rifles » veut dire fusils en anglais.

Laisser un commentaire ?