D'humains à cyborgs

Chapitre 6 : Les Corn

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 22:32

Au bord d'une falaise donnant vue sur Kita no Miyako, deux hommes se disputaient.

« Non ?! Comment ça, non ?! »

En hurlant ces mots, un vieil homme aux cheveux et à la moustache aussi grisonnants que son costume lançait un regard plein d'une fureur quasi démente à un jeune homme presque deux fois plus grand que lui. Ce dernier, malgré son aspect massif et peu avenant, avait une expression douce, bien qu'impassible. Il avait des yeux bleu ciel et une iroquoise rousse pour coiffure, il portait une sorte d'armure verte sur une combinaison noire.

 

« … Je refuse. Si je fais ça, beaucoup d'innocents vont mourir.

- Des innocents ? ! Qu'est-ce que ça peut te faire ? ! Tu n'es qu'un androïde ! Une machine ! Je suis ton maître ! C'est moi qui décide de ce qui est bien ou mal ! Tu dois suivre mes ordres ! Et je t'ai ordonné de détruire cette satanée ville ! Je n'ai cure de ses habitants !

- … J'ai été conçu pour tuer Son Gokû. Je ne veux faire de mal à personne d'autre.

- Tu ne me sers à rien si tu ne m'obéis pas. Il faut qu'on finisse les tests ! Tu as prouvé ta supériorité en tout point sur mes précédents androïdes en les battants tous en même temps. Ton autonomie dépasse toutes mes espérances. Mais il faut à présent que je mesure ta puissance brute et que je vérifie que tu ne perds pas d'énergie. Il faut que je sois sûr que tu pourras vaincre facilement Gokû et ses amis. Je veux l'humilier comme il m'a humilié et le faire souffrir le plus possible. C'est un ordre, N°16 ! Détruis Kita no Miyako !

- … Je… Je peux facilement vaincre Son Gokû. Mais je ne tuerai pas ses amis, je n'ai pas été programmé pour ça. Dr Gero, vos tests sont inutiles, je sais que je suis suffisamment fort.

- S… Sale tas de ferraille… Comment oses-tu désobéir à ton maître… ? … Puisque c'est comme ça… Ramène-nous au labo ! »

 

N°16 prit le Dr Gero par les aisselles et s'envola. Ils ratterrirent quelques kilomètres plus loin, près d'une grotte dont l'entrée était fermée par une énorme porte en titane massif. Il y avait un clavier devant l'entrée. Le vieil homme tapa quelques chiffres et la lourde porte s'ouvrit. Ils entrèrent dans le laboratoire. Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer d'un laboratoire aménagé dans une grotte, les lieux étaient incroyablement bien rangés. Seuls les murs laissés à l'état de roche brute permettaient d'identifier les lieux comme cavernicoles. L'endroit était bien éclairé. De nombreux fils électriques, câbles et machines longeaient les murs. Plusieurs plans et petits appareils étaient éparpillés sur quelques bureaux qui étaient disposés dans la pièce et au centre se trouvait ce qui ressemblait à une table d'opération, cependant des installations électriques complexes montraient que cela ne devait pas être tout à fait une table d'opération. Mais ce qui attirait le plus l'attention dans la salle étaient des sortes de sarcophages métalliques munis chacun d'un hublot et numérotés de 9 à 16. Ils étaient tous adossés sur un mur, posés à la verticale sur des socles et des gros tuyaux en sortaient depuis leur sommet. Le dernier sarcophage, le numéro 16, était ouvert. Le Dr Gero pointa du doigt celui-ci.

« Retournes-y ! Tu ne me sers à rien. Je vais te désactiver. »

L'androïde regarda un instant son créateur en silence, puis il obtempéra. Une fois N°16 installé, Gero prit une sorte de télécommande qui se trouvait sur l'un des bureaux, s'approchant de sa créature, appuya sur le seul bouton. Instantanément, N°16 ferma les yeux et sombra dans l'inconscience. Le savant se dirigea alors vers le sarcophage et en referma le couvercle en pesant sur une touche sur son bord. Il s'éloigna alors et reposa la télécommande sur le bureau. Il resta un instant debout, en silence. Tout à coup, il renversa violemment plusieurs choses posées sur son bureau et frappa dessus.

 

« Et zut ! … Est-ce que je n'y arriverai donc jamais… ? … … Quand j'y pense, j'aurais parfaitement pu tuer Gokû depuis longtemps… Même si mes créations précédentes ont peu d'autonomie, c'est largement suffisant pour le détruire pour de bon. N°10 avait déjà suffisamment de force pour le vaincre lui et ses pathétiques amis… Et N°16 peut parfaitement éliminer Son Gokû. D'ailleurs, c'est seulement de lui dont je veux me venger. J'ai largement ce qu'il faut pour me débarrasser de lui, une fois qu'il sera ressuscité. Mais, ça ne me suffit pas ! Non, je veux l'humilier, lui enlever tout espoir, détruire tout ce qu'il a de plus cher ! Ses proches ! Ses rêves ! Je ne veux lui laisser aucune chance ! Lui faire comprendre son impuissance totale ! Lui faire subir ce qu'il m'a fait subir. Des androïdes imparfaits ne me suffisent pas ! … Bon sang ! J'ai passé ces onze dernières années à espionner Gokû et ses amis, à récolter des données sur eux, pour déterminer leurs points faibles, comprendre l'origine de leurs forces. J'ai même récolté leurs données génétiques. Et je n'ai toujours pas ce qui pourra me faire savourer ma vengeance ! … Attends… Leurs données génétiques… Ça me donne une idée, ça… »

 

L'homme se mit à sourire maléfiquement, puis il se précipita vers le fond de la pièce et descendit par une échelle métallique. La pièce en-dessous était principalement occupée par une grosse machine très complexe. Une installation électrique très compliquée jonchait le sol, et à nouveau d'autres machines et bureaux remplis de divers appareils et plans se trouvaient dans le sous-sol, toujours aussi bien éclairé qu'au-dessus. Gero se dirigea vers le gros appareil central et tapa quelque chose sur son clavier. Des données apparurent sur un écran. L'homme sourit encore machiavéliquement.

« Hé ! Hé ! Hé ! Je crois que je viens de trouver ce qui sera ma future créature parfaite. Tués par leur frère, ce sera pas mal… »

 

----------------------------------------------------------------------------

 

Cela faisait maintenant deux mois que Hazel et Mâron, alias Nagant et Mosin, étaient chefs du gang des Rifles. Ils avaient quitté la maison de leur père et arrêté le lycée. Ils vivaient maintenant dans le hangar abandonné qui servait de quartier général à la bande. Leur père avait malgré tout réussi à retrouver leur trace en moins d'une semaine, et depuis il ne cessait de venir leur parler pour les convaincre de revenir chez lui. Mais cela était vain. Leur décision était prise, ils ne reprendraient jamais une vie normale, qu'ils savaient n'aboutir à rien. Ils préféraient rendre le déroulement de leur vie conforme à sa finalité.

 

Ils espéraient qu'en entrant dans ce gang, ils pourraient tromper leur désintérêt pour la vie. Mais ce ne fut pas le cas. Les seuls moments où ils ressentaient ça, étaient quand ils se battaient contre d'autres gangs. Mais ils se rendirent vite compte que ces occasions étaient assez rares et les activités principales du gang consistaient en divers vols, braquages et le recel de capsules hoipoi de toutes sortes. En tant que nouveaux chefs, Mosin et Nagant avaient à présent interdit aux membres de tuer qui que ce soit, car jusque-là, ils n'hésitaient pas à le faire dans leurs activités. Ils avaient tous deux une trop bonne idée de ce qu'était la mort pour accepter qu'on la donne ainsi. C'était une règle absolue qu'ils avaient instaurée. Ils avaient aussi stoppé le trafic de drogues dures auquel s'adonnaient les Rifles avant leur arrivée.

 

Il était environ dix-neuf heures, il faisait presque nuit et ils se trouvaient à présent devant un magasin de capsules hoipoi, le Capsule Corn, prêts à commettre l'un de leurs braquages. En réalité, en tant que chefs, les jumeaux ne participaient guère à ce genre de délit, c'était ceux qui se trouvaient le plus bas dans la hiérarchie qui s'en occupaient. Mais cela faisait longtemps qu'il n'y avait pas eu de bagarre avec un gang rival, et ils s'ennuyaient ferme. Profitant de l'occasion, ils décidèrent de partir avec trois sous-fifres, espérant que la police arriverait et qu'ils pourraient ainsi se lancer dans une course poursuite.

 

C'était un quartier assez pauvre. Les bâtiments, bien que semblant habitables, avaient quand même un air délabré et ancien. Les ruelles étaient assez étroites et mal éclairées. Le magasin, bien qu'ayant l'air en meilleur état que la plupart des bâtiments, paraissait bien piteux pour un magasin de capsules hoipoi. Il n'était pas un affilié de la Capsule Corp., c'était certain. Encore une boutique vendant des imitations de la fameuse société, sans doute.

 

« C'est ça, votre coup... ? C'est miteux... » souffla Mosin, d'un air insensiblement contrarié.

« Euh... Oui... C'est vrai que c'est pas avec ça que nous ferons fortunes. Mais croyez-moi, ce genre de capsules se vendent comme des petits pains dans certains quartiers ! » répondit Mauser, un garçon plutôt maigre, chauve et avec une cicatrice sous le menton.

« Le genre de quartier où on les vole... » siffla Nagant.

Il n'obtint pas de réponse.

« Pff ! Vous êtes vraiment minables ! Enfin... Je suppose que l'on va devoir se contenter de ça... »

 

Ils prirent leurs armes. Et sortirent de la voiture, un modèle rétro rouge aux formes assez carrées. Mosin, Nagant, Arisaka et Benelli étaient les seuls à y aller, Mauser restant dans la voiture pour démarrer au plus vite. Arisaka était un homme blond, maigre, mais bizarrement assez imposant. Quant à Benelli, il était noir, les cheveux ras, assez quelconque, du genre à passer inaperçu. Ils portaient tous des vêtements chauds, c'était nécessaire en plein mois de décembre. Mosin et Nagant étaient coiffés de bonnets et avaient tous les deux les cheveux attachés, ceux du garçon étaient plus courts que ceux de sa sœur. Ils s'emmitouflaient tous deus dans leurs doudounes à capuches, toutes deux noires mais coupée plus courte pour celle de la fille. Le chef de gang donna un dernier conseil.

« N'oubliez pas : Les armes sont là pour garantie. Vous ne devez tuer personne. Sauf s'il s'agit de protéger vos vies. Mais s'il est nécessaire de maîtriser quelqu'un, blessez-le plutôt, si c'est possible, mais pas mortellement. »

Il reçut un sourd grognement pour toute réponse. Les deux chefs savaient que la nouvelle règle était loin de faire l'unanimité, mais ça leur était égal. Ils lancèrent tous deux un regard dur à leurs hommes. Ceux-ci déglutirent, détournèrent les yeux et se turent. Ils avaient compris. Leurs chefs ne les tueraient pas, mais ils pouvaient leur faire bien d'autres choses, ils le savaient pertinemment et préféraient donc obéir.

 

Après avoir dissimulé leurs armes dans leurs vêtements, ils pénétrèrent dans le magasin. À première vue, c'était un magasin de capsules comme un autre. Il y avait quelques allées où de nombreuses vitrines présentaient différents modèles de capsules : des capsules maison, des capsules autos, des capsules avion, etc. Il y a avait plusieurs exemplaires de chaque modèle et une fiche technique détaillant leur contenu se trouvait à coté de chacun d'eux. Mais la différence avec une boutique de capsules lambda était que ce n'étaient que des imitations, comme ils s'y attendaient, mais également des vieux modèles. Nagant prit un air méprisant. Ils allaient se contenter de ce qu'il y avait, ils n'étaient pas vraiment dans un quartier huppé.

 

Ils se dirigèrent vers le comptoir, déjà la propriétaire les accueillait avec un sourire un peu inquiet et un "bonjour" un peu forcé, pendant que son mari regardait par-dessus son épaule méfiant. Mosin et Nagant eurent l'impression que les deux propriétaires les reconnaissaient, et à vrai dire, leurs visages leur étaient aussi familiers. La femme avait des cheveux roux parsemés de mèches grisonnantes, attachés en chignon. L'homme avait des cheveux parfaitement noirs. Ils devaient avoir entre la quarantaine et la cinquantaine et portaient des chemises bleues de travail. À leur regard inquiet, les jumeaux surent qu'ils se doutaient de ce qui allait se passer, mais qu'ils devaient espérer qu'ils se trompaient. Mosin comprit que la femme était déjà prête à appuyer sur l'alarme. Cela ne servirait à rien, ils auraient largement le temps de prendre ce qu'ils voulaient, et même si la police arrivait, cela n'en ravirait que plus les deux chefs de gang. Ils allaient sortir leurs armes, lorsqu'ils entendirent une voix enfantine et joyeuse derrière eux.

« Mâron ! Hazel ! Qu'est-ce que vous faites là ? »

 

Ils se retournèrent et virent un enfant qui leur courait après, habillé dans un gros pull-over vert et un pantalon noir.

« Soy ?

- Salut ! Vous vous rappelez de moi ? Ça me fait plaisir !

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Eh bien, c'est le magasin de capsules de mes parents. »

Les jumeaux en furent très surpris. Le monde était petit. Ils savaient au moins où ils avaient déjà pu apercevoir les gérants. Leurs deux sbires les regardèrent interrogateurs. La sœur et le frère se ressouvinrent de ce qu'ils étaient venus faire. Ce qui s'était passé avec Soy, deux mois auparavant, leur revint aussi à l'esprit. Ce qu'ils avaient dit à ses agresseurs… Finalement, ces derniers avaient eu raison. Les jumeaux ne valaient pas mieux qu'eux : de la vermine. Ils avaient été sur le point de faire exactement ce qu'ils avaient toujours eu en horreur : s'en prendre à des gens qui étaient incapables de se défendre. Un défi facile, face à des victimes faciles. Et cela, simplement par ennui… Ils se dégoûtaient profondément. Soy remarqua leur trouble, bien qu'il n'en saisit pas la raison, mais il ne dit rien.

 

Les deux chefs firent alors signe à leurs sous-fifres. Ceux-ci comprirent, poussèrent un léger grognement et s'en allèrent. Mosin et Nagant allaient en faire autant, mais Soy les retint, d'un air déçu.

« Vous partez déjà ? »

Qu'est-ce qui lui prenait à ce gosse ? Qu'est-ce qu'il leur voulait ?

« Soy ? Ce sont les deux vo… Enfin… Les deux enfants de M. Nuss. Comment les connais-tu ? »

Le petit garçon déglutit et passa son index sur son oreille.

« Euh… C'est-à-dire que…

- Soy… ! »

Cette fois-ci, sa mère lui faisait des gros yeux, assistée du père. Elle ne faisait plus du tout attention aux deux jumeaux.

« Eh… Eh bien, vous vous souvenez quand vous avez découvert que j'avais pris de l'argent dans la caisse ?

- Quoi ?! Ne me dis pas que ce sont eux, tes deux raquetteurs ? Colza, appelle la police ! »

 

Le père s'apprêtait à prendre le combiné.

« Nooon !! Attends ! Ce ne sont pas mes raquetteurs ! Ce sont eux qui m'ont aidé et rendu l'argent !

- Comment ?! Mais tu ne nous avais pas dit que c'était toi qui le leur avais repris par la "ruse" ?! Explication qui m'avait semblé louche, soit dit entre parenthèses... » intervint le père.

- Euh… Je vous ai menti… Je pensais que vous seriez en colère… Si… Enfin… Vous voyez… »

Il regarda les jumeaux du coin de l'œil, et repassa encore un une fois son doigt sur le lobe de son oreille.

« Mais qu'est-ce que tu racontes ? Au contraire, nous sommes ravis ! Et tu aurais dû nous le dire ! Comme ça, on l'aurait dit à M. Nuss, cela l'aurait rassuré !

- Oh ! Mais je lui ai dit ! Mais je lui ai demandé de ne rien vous dire... »

Ses parents lui jetèrent un regard noir.

 

Mme Corn détourna les yeux en direction des jumeaux, puis s'approcha d'eux et dit : « Je vous remercie infiniment d'avoir aidé mon fils. »

Elle leur prit successivement la main. Les jumeaux étaient un peu perdus et ne savaient pas quoi dire. La femme ajouta avec le sourire : « Je suis heureuse de voir que vous n'êtes pas aussi infréquentables et irrécupérables que vous n'en avez l'air… »

C'était un compliment, ça ?

« Maintenant que je sais ça… »

Elle leur mit soudainement une grande gifle à chacun. Les jumeaux ne l'avaient pas vu venir. Ils en restaient les bras ballants.

« Ba… Barley… » tenta de bredouiller son époux.

« Tais-toi, Colza ! »

Elle se tourna à nouveau vers les jumeaux.

« Non, mais est-ce que vous vous rendez compte de l'inquiétude que vous donnez à votre père ?!? Durant une semaine après votre disparition, il n'a pas arrêté de harceler le quartier pour avoir des renseignements et essayer de vous retrouver !! Le voyant aussi désespéré, j'ai essayé de le soutenir. Mais c'est de vous dont il a besoin ! Et une fois qu'il vous a retrouvés, vous avez osé refuser de le suivre ! Et pourtant, il n'abandonne pas : Il continue de tenter de vous ramener ! Vous avez un père vraiment dévoué ! C'est un homme formidable ! Vous devriez avoir honte de vous ! ... »

Elle continua de les enguirlander un bon moment. Les jumeaux en étaient abasourdis. Chaque fois qu'ils essayaient de répliquer ou de faire mine de partir, elle redoublait ses hurlements. Leur père avait essayé pas mal de choses, mais pas une méthode aussi énergique. Mais le fait était, qu'étrangement, ils ne pensaient plus du tout à leur mère, ni à leur désintérêt pour la vie. La seule chose à laquelle ils pensaient, était partir. Ils auraient pu l'envoyer balader facilement, elle aurait été incapable de se défendre contre eux. Pourtant, elle les tenait en respect, et ils n'osaient rien répliquer. Ils en étaient presque tétanisés. Colza et Soy étaient dans le même état.

 

Quand elle cessa finalement sa leçon de moral, les jumeaux étaient sur le point de partir, hébétés, mais elle les arrêta brusquement.

« Attendez ! »

Hazel se retourna avec un sourire nerveux, tandis que Mâron levait les yeux au ciel.

« Qu... Quoi...? » demanda anxieusement Hazel.

« Vous n'étiez pas venus acheter des capsules ? » leur dit-elle avec le plus large sourire commercial du monde.

Les jumeaux et la famille de la femme en perdirent l'équilibre. Le frère et la sœur prirent quelques capsules au hasard et sortirent. Leurs sbires n'étaient plus là. Ils en avaient certainement eu assez d'attendre. Mosin et Nagant remarquaient que plus ça allait, plus ils avaient du mal à se faire respecter. La cheffe de gang allait sortir une capsule skycar, quand une femme arriva vers le magasin. Quand elle vit les jumeaux, elle resta figée. Elle était brune. Elle les regardait d'une drôle de manière, presque terrorisée, mais pas comme une peur d'un danger, non, autre chose. Hazel avait l'impression de la reconnaître. Mais il ne savait pas d'où... Il allait ouvrir la bouche, quand elle se décida à entrer dans le magasin. Mosin sortit donc le skycar de la capsule qu'elle venait d'acheter, c'était un vieux modèle, bleu marine. Les deux chefs soufflèrent dédaigneusement. Les jumeaux allaient démarrer, quand ils entendirent encore Soy les appeler.

« Attendez ! Est-ce que vous pourriez me ramener à la maison ?

- Et puis quoi, encore ? Tu nous prends pour tes chauffeurs privés ? » cingla Nagant.

« Mais... C'est vous qui m'aviez dit de vous prévenir si jamais on m'embêtait... » dit-il en prenant un air triste.

« Les deux crétins se sont remis à te chercher des noises ? » intervint Mâron.

« Ben... Pas vraiment, mais comme ils ne vous voient plus depuis longtemps, j'ai peur qu'ils recommencent...

- C'est ça ! On ne fait pas dans la prévention, le mioche ! Et puis ce n'est plus notre territoire ! » en disant cela, Nagant commença à démarrer le skycar.

« Mais... » Il leur lança un regard suppliant. En voyant cela, Hazel leva les yeux au ciel.

« Hh ! Je suis trop gentil ! »

Le gamin bondit de joie.

 

« ... Je lui ai dit qu'il avait triché et qu'il était hors-jeu, mais il a dit que non et il a commencé à s'énerver ! Mais heureusement, mon copain Sushi avait tout vu aussi, alors l'autre s'est rendu compte à quel point il avait l'air stupide et il est parti, en grognant. Vous connaissez la série Bioguys ? Elle est géniale ! Je fais la collection des cartes ! Mon amie Yakitori, vous savez celle qui a commencé à faire du kempo du lion il y a deux mois, ben, elle m'a dit que l'acteur qui joue le rôle du Bioguy rouge et l'actrice qui joue la Bioguy verte, ben, ils font leurs propres cascades ! Je lui ai parlé de vous et lui ai dit que vous étiez encore plus forts que les Bioguys, mais elle n'a pas voulu me croire ! Moi, je lui ai dit que... »

Durant le trajet, Hazel et Mâron eurent tout le loisir de comprendre à quel point ils n'avaient eu qu'un échantillon du bavardage du petit garçon lors de leur première rencontre. Il leur racontait tout et n'importe quoi, mais rien que les jumeaux puissent retenir de la conversation à sens unique. Hazel était passablement agacé, quand il regarda sa sœur, il constata que Soy avait encore réussi à la faire sourire, en fait, elle riait presque. Il réalisa soudainement que depuis qu'ils étaient entrés dans le magasin, il n'avait plus du tout ressenti le vide qu'il ressentait habituellement. Il se mit à sourire aussi.

 

Une fois arrivés dans leur ancien quartier, ils en firent lentement le tour, pour donner un signal clair aux voyous du coin. Les HLM et les pelouses parsemées de quelques arbres qui composaient ce lieu leur paraissaient toujours aussi froids. Mosin et Nagant se rendirent compte qu'étrangement, ils ne ressentaient rien de particulier à se balader près de leur ancien appartement. Ils ramenèrent Soy devant le bâtiment où ils habitaient auparavant. Au moment de se séparer, Soy allait partir, puis il se retourna.

« Vous n’allez pas voir votre père ?

- Et pourquoi nous ferions ça ? » répondit Nagant.

« ... Parce que c'est votre père...

- Et alors ? »

Le petit rouquin ne sut que répondre au jumeau. Cela lui paraissait tellement évident. Il prit un regard perdu et se tritura l'oreille.

« Dis-moi, c'est ta mère qui t'as poussé à nous demander de t'accompagner, hein ? Pour qu'on aille voir notre père.

- Hein ! Non ! Non ! Pas du tout ! »

Il dit ça d'une manière précipitée. Mâron le fixa silencieusement. L'enfant baissa les yeux.

« D'accord... C'est vrai... Mais je voulais aussi que vous fassiez peur aux voyous, pour de vrai ! Hein !

- Dis à ta mère de s'occuper de ce qui la regarde, » dit sèchement Nagant.

« Pourquoi tu ne le lui as pas dit toi-même, tout à l'heure ? »

Un court silence s'installa suite à la remarque de Soy.

« ... D'accord. Un point pour toi...

- Depuis que vous êtes partis, ma mère est devenue amie avec votre père. »

Il se tut un petit moment, pensif.

« Ma... Ma grande sœur a disparu, il y a trois ans. Je n'ai pas tout compris à ce qui s'est passé, mais mes parents m'ont dit qu'elle a été mal influencée... C'est tout ce qu'ils m'ont dit. Je pense que c'est à cause de ça que ma mère essaie de vous aider. »

 

Un silence plus lourd s'imposa. Hazel le brisa.

« Entre notre père et nous, c'est plus compliqué que vous ne le croyez...

- Pourtant, il a l'air gentil. Et il a l'air de beaucoup vous aimer.

- Nous le savons... Ce n'est pas ça le problème, » répondit Mâron.

« Alors, c'est quoi ? »

Après un silence, Mosin dit : « Je crois qu'il vaut mieux qu'on parte... Allons-y, Nagant. »

Ils s'installèrent dans le skycar.

« Attendez ! Est-ce qu'on va se revoir ?

- Tu sais, gamin, contrairement à ce que tu crois, nous ne sommes pas des gens fréquentables. Nous faisons partis d'un gang. Il vaut mieux pour toi que tu nous oublies, » lui répondit Nagant.

« Moi, je crois que vous n'êtes pas si méchants que vous le dîtes ! »

L'enfant avait pris une voix assurée. Les jumeaux ne répondirent rien.

« S'il vous plaît ! Je ne vous parlerais plus de votre père. Et puis, et si jamais les deux sales types reviennent me raquetter ?

- Arrête tes bêtises ! » lui cria presque Mosin.

L'enfant se tut et détourna les yeux.

« ... Je crois que nous n'avons pas pris toutes les capsules que l'on voulait. On reviendra au magasin de tes parents. »

Soy fit un large sourire à cette réponse de Hazel. Ils démarrèrent alors.

 

Durant le chemin de retour, Mâron dit à Hazel :

« Comment ce gosse fait-il pour me donner à la fois envie de l'étrangler et d'éclater de rire comme je ne l'ai jamais fait... ? »

Hazel porta son regard sur sa soeur, qui le lui rendit, et les deux éclatèrent de rire ensembles. Le rire se calma. Mâron reprit plus sérieusement :

« On va ordonner à nos hommes de ne plus s'attaquer aux magasins des quartiers pauvres...

- Fu ! Ils n'aiment déjà pas que l'on ait interdit le meurtre et le trafic de drogues dures. Ils ont de moins en moins de respect pour nous. Cette décision n'arrangerait pas les choses. »

Mâron ne répondit rien. Hazel continua :

« ... Nous trouverons bien un moyen pour compenser ça. Et si nous devenions la terreur des autres gangs ? »

Laisser un commentaire ?